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Critiques de Warren Ellis (490)
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Blackcross

Ce tome contient une histoire complète qui peut être lue sans connaissance préalable des personnages. Il contient les 6 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2015, écrits par Warren Ellis, dessinés et encrés par Colton Worley, avec une mise en couleurs réalisée par Morgan Hickman. Les couvertures principales sont l'œuvre de Tula Lotay. Ce tome comprend également les couvertures alternatives réalisées par Jason Howard, Jae Lee, Declan Shalvey (*6), Gabriel Hardman (*6), Colton Worley (*8), Darick Robertson.



Dans l'état de Washington, Gary Preston s'est rendu à proximité du lac Nedor. Il a garé son véhicule sur le chemin qui y mène. Il en est descendu. Il se tient au bord de l'eau et se dénude. Il s'asperge de carburant et sort une fusée de détresse. Il s'immole par le feu et pénètre dans l'eau du lac. La même nuit, l'agent spécial Bart Hill du FBI arrive sur les lieux d'un crime dans la même région. Il y retrouve 2 autres agents. Ensemble ils s'enfoncent dans les bois jusqu'à parvenir au pied du cadavre d'un homme adulte. L'assassin, un tueur en série, a laissé sa marque distinctive sur la victime : une étoile de David (ou un pentagramme) gravée sur son torse dénudé, et 5 lignes horizontales parallèles à côté, toujours sur le torse. Les enquêteurs lui ont donné le surnom d'Esprit de l'Amérique. Pour eux, le tueur se dirige vers une petite ville située au nord, appelée Blackcross. Dans une maison isolée, à proximité de cette ville, Marietta Chesler, une diseuse de bonne aventure, est en train de prendre un verre, et demande à Brett (son amant) de lui lâcher la grappe. En se retournant vers son miroir, elle voit y apparaître la silhouette d'une femme avec une robe rouge et un loup rouge, qui l'appelle Lady Satan et qui lui dit qu'elle doit les laisser entrer. Dans les bois, un homme en feu est en train de marcher.



Rob Benton se réveille d'un bond dans son lit, terrifié. Après être passé aux toilettes se rafraîchir, il consulte son téléphone et y trouve un texto d'un certain bl@ckt3rr0r lui indiquant que leur moment arrive. On frappe à sa porte, il va ouvrir à Chavis, député du shérif, qui vient effectuer son rendez-vous trimestriel pour vérifier que tout va bien, car Benton bénéficie du programme de protection des témoins (witsec). Puis Benton se rend à son boulot dans une supérette. Il accueille Erin qui livre les colis. Il en réceptionne un avec une étiquette indiquant qu'il contient des éthers formiques. Quelque part dans les bois l'agent du FBI Bart Hill a dormi dans sa voiture. Il est tiré de son sommeil par un appel de son supérieur qui lui indique que la situation a évolué à Blackcross et qu'il doit s'y rendre au plus vite.



En 2008, Alex Ross, aidé par Jim Krueger, décide de ramener sur le devant de la scène des superhéros du Golden Age, tombés dans l'oubli depuis. Il s'agit essentiellement de superhéros précédemment publiés par l'éditeur Nedor, et passés dans le domaine public. Il rassemble ces différents personnages (y compris ceux rapatriés d'autres éditeurs) sous le nom de Project Superpowers, ce qui donne lieu à une première minisérie Project Superpowers en 2008, suivie par d'autres consacrées à Black Terror, Death Defying Devil, Masquerade, et même aux supercriminels. Le lecteur voit donc arriver ce nouveau projet un peu étonné que l'éditeur persiste dans la même voie, et il remarque qu'il est écrit par nul autre que Warren Ellis, scénariste iconoclaste, réputé pour ses intrigues ambitieuses, et assez exigeant vis-à-vis des dessinateurs. Effectivement l'entrée à la matière correspond bien à la manière d'écrire d'Ellis, avec un acte horrible et intriguant, un individu qui s'immole par le feu, sous l'influence d'une force qui s'exprime par une voix désincarnée.



Le lecteur comprend rapidement que quelques-uns des habitants de la petite ville de Blackcross entendent des voix ou subissent des apparitions troublantes qui correspondent à des manifestations des superhéros promis par le titre, ceux de l'éditeur Nedor, et plus précisément American Spirit, Black Terror, Death-Defying Devil, The Flame, Green Lama, Lady Satan et Woman in Red. Mais en fait le déroulement du récit est tel qu'il n'est pas besoin d'avoir une connaissance préalable de ces personnages pour pouvoir comprendre et apprécier le récit. En fait le lecteur qui attendrait des révélations sur eux en serait pour ses frais. Par contre, dès la première séquence, le lecteur peut constater que le scénariste ne va pas ménager la peine de l'artiste. Précédemment à ce récit, Worley avait déjà réalisé quelques histoires pour l'éditeur Dynamite, en particulier celles consacrées au personnage du Shadow, par exemple The Shadow now avec un scénario de David Liss. Avec cette première séquence muette de 6 pages, le lecteur découvre un artiste qui dessine de manière réaliste, avec des traits de contour un tout petit peu lâches, une utilisation intéressante des aplats de noir et des zones ombrées pour installer une atmosphère, et une très grande lisibilité de ses planches qui se comprennent du premier coup d'œil.



Par la suite, Warren Ellis conçoit à nouveau régulièrement des séquences muettes comme un accident de la route sur 4 pages, une bagarre à coups de poing de 3 pages, l'apparition d'American Spirit au milieu de la route pour une séquence d'affrontement de 10 pages s'étalant sur 2 épisodes, etc. À chaque fois, Colton Worley construit ses pages pour coller à la nature des événements, pouvant alterner avec un découpage en cases traditionnelles, des cases de la largeur de la page, et même des cases de la hauteur de la page. Le lecteur se projette facilement dans le monde qu'il décrit, car il insère un niveau de détails suffisant, avec une bonne authenticité que ce soit pour les véhicules ou pour les appareils (de cuisine ou de bureau, et même de l'hôpital) du quotidien. Il trouve le point d'équilibre entre la banalité du quotidien, les accessoires génériques et standardisés, et une atmosphère rurale, en particulier par la présence très marquée de la forêt. De même il représente des personnages ordinaires, à la fois dans leurs tenue vestimentaire (que ce soit l'uniforme de policier ou de livreur, ou dans des vêtements civils pratiques) et dans leurs postures qui sont naturelles et celles d'adultes normaux. En outre, il n'y a que lors de l'affrontement final dans le dernier épisode que le nombre d'arrière-plans vides se fait réellement sentir.



Il n'y a pas que dans l'introduction que Warren Ellis ait conçu une scène dérangeante. Colton Worley se retrouve donc à mettre en images d'autres moments où il doit savamment doser ses effets pour obtenir un état entre la réalité et le rêve, laissant planer le doute dans l'esprit du lecteur. La première scène au miroir est mise en scène de manière littérale, car le lecteur comprend bien qu'il ne peut pas s'agir d'une apparition littérale d'un spectre. Par la suite, la question continue de se poser de savoir ce que sont ces manifestations spectrales d'individus costumés qui ne sont perçus que par une poignée de personnes. Les dessins montrent bien que leur présence est incongrue dans un environnement aussi prosaïque. Ils amènent alors le lecteur à supputer sur la réalité de ce qui peut bien être à l'œuvre. Au fil des épisodes, il s'aperçoit que le scénariste joue à un jeu roublard, dans lequel il ne donne pas beaucoup d'informations. En fait il introduit les différents personnages civils (Robert Benton, Bart Hill, Gary Preston, Jeff Dumont, Marietta Chesler, Maggie Allen) et leur situation sociale, mais sans en révéler plus. D'une certaine manière, il fait durer son suspense jusqu'au dernier épisode, où il révèle la clef de l'énigme. Au fil des pages, le lecteur ressent une forte impression de décompression, l'histoire se limitant à montrer la prise de conscience progressive des personnages civils, et quelques apparitions d'American Spirit.



Effectivement, il s'agit d'une œuvre mineure de Warren Ellis dans la mesure où il a bâti une histoire de 6 épisodes, sur une seule idée, celle de ces apparitions mystérieuses des superhéros Nedor qui semblent être connectés aux personnages civils qui ne comprennent rien à ce qui se passe. Ellis joue habilement sur le décalage entre ces 2 groupes pour faire naître une sensation d'horreur. Cela commence dès la première scène avec l'immolation par le feu. Par la suite, un civil décide d'attaquer physiquement un des superhéros en passe de réincarnation, à savoir Black Terror. Ce dernier se défend de toute ses forces, arrachant d'un coup de poing, la mâchoire inférieure de son assaillant, qui vole à travers la pièce. À nouveau, les dessins très prosaïques de Worley transcrivent eux aussi avec force l'horreur de moment. Du coup s'il faut trouver un thème à ce récit, c'est celui de la monstruosité des superhéros disposant d'une force physique qui constitue un danger d'une magnitude incommensurable pour tout être humain normal.



Encore une fois, Warren Ellis revient aux superhéros pour une nouvelle interprétation. Avec les superhéros Nedor, il jouit d'une totale liberté, car l'éditeur Dynamite n'impose aucune forme de continuité. Effectivement, il propose un scénario construit sur une idée maline dont il tire le meilleur parti pour en faire s'exprimer toute l'horreur qui en découle. Colton Worley effectue un travail narratif très professionnel, et bien adapté à la nature du récit. Mais le lecteur ne peut s'empêcher d'observer que le scénariste s'est montré un peu paresseux, ou un peu optimiste en pensant qu'il y avait matière à 6 épisodes. Du coup il décompresse son récit, laissant Worley faire parler la poudre. Ce dernier s'en acquitte bien, mais il ne peut pas masquer que 4 épisodes auraient suffi.
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Doktor Sleepless, tome 2

J'ai décrochée...



Ben oui, j'ai décrochée, et je n'ai pas vraiment lu ce tome, ce qui ne m' a pas empêché de le savourer en un sens. Car les graphismes sont toujours aussi entêtant, obsédant, et magnifique.



Alors est-ce une réussite ou une défaite ? C'est un peu des deux...



Bonne lecture à tous.
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James Bond 07, tome 2 : Eidolon

Ce tome fait suite à Vargr (épisodes 1 à 6) qu'il n'est pas nécessaire d'avoir lu avant. Il comprend les épisodes 7 à 12, initialement parus en 2016, écrits par Warren Ellis, dessinés et encrés par Jason Masters et mis en couleurs par Guy Major. Les couvertures ont été réalisées par Dom Reardon.



Quelque part dans le monde, dans une pièce servant de bureau, un homme est attaché sur sa chaise de travail. Il est interrogé par un individu appelé Beckett Hawkwood, dont la partie gauche du visage est gravement défigurée. Il reproche au prisonnier d'avoir manqué de prudence dans des transactions financières, en le menaçant d'une arme à feu. Il finit par l'exécuter froidement en lui tordant le cou. Dans le quartier de Whitehall à Londres, Stephen Mackmain (du MI5) s'entretient avec un sous-secrétaire d'état pour s'assurer que la règle d'interdiction de port d'arme pour les agents du MI6 reste toujours en vigueur. À l'aéroport de Los Angeles, James Bond fraîchement débarqué de l'avion retrouve Felix Leiter, un agent de la CIA avec lequel il a déjà effectué des missions. Ce dernier lui explique qu'il est là pour lui faciliter la vie en lui remettant des papiers et une arme, un Glock 17.



James Bond est à Los Angeles pour exfiltrer Cadence Birdwhistle, une comptable, qui travaille pour le compte de l'ambassade de la Turquie, sa couverture ayant été compromise. Bond se rend à l'ambassade en voiture, et attend que Birdwhistle sorte pour sa pause déjeuner comme à son habitude. Il la suit pendant quelques dizaines de mètres et l'interpelle. Après qu'il ait montré patte blanche elle accepte de monter dans sa voiture. Bond a repéré qu'ils étaient suivis et il s'engage une course-poursuite très brève, à l'issue de laquelle il sort de la voiture et abat froidement ses adversaires un par un, le dernier à bout portant. Il constate qu'eux aussi utilisent des Glock 17, ce qui laisse supposer qu'ils travaillent pour la CIA. Bond est curieux de savoir comment Leiter expliquera ça.



Il s'agit donc de la deuxième histoire réalisée par Ellis & Masters, et le lecteur sait par avance qu'il va retrouver le savoir-faire du premier tome. Il est donc rassuré, les éléments principaux du mythe sont bien présents. Moneypenny est à son bureau, dans la même version un peu différente de d'habitude, mais sans flirt. M. est bien à son bureau, moins sarcastique sur les exploits et les méthodes très personnelles de l'agent 007, et plus participatif dans l'intrigue. Le lecteur voit passer l'indispensable Q, et même Bill Tanner. Bond se plaint de ne de pas pouvoir travailler avec son pistolet favori, un Walther P99. Il n'y a pas beaucoup de gadgets technologiques, juste les prothèses cybernétiques de Felix Leiter. Il y a bien une femme fatale ou deux, mais les parties de jambes en l'air reste sous-entendues. James Bond est dépeint comme un vrai professionnel, un peu sarcastique, sérieux et efficace. Warren Ellis le présente comme un homme très dur pour qui la fin justifie les moyens, avec des combats brutaux et rapides, et même une séance de torture. Il n'oublie pas le goût du personnage pour le bourbon et lui offre la possibilité de déguster un verre de bourbon whiskey Woodford Reserve double boisé.



Le lecteur retrouve également les dessins assez cliniques de Jason Masters. Il utilise des traits fins pour détourer les formes, induisant une impression de précision technique. Le scénario de Warren Ellis est fortement ancré dans la réalité, à commencer par les lieux. L'artiste les représente avec application et méthode, qu'il s'agisse de la façade d'un bâtiment de Whitehall, des montants d'une fenêtre, des escaliers de l'aéroport de Los Angeles, avec leur rampe, des pavillons le long d'une large rue résidentielle américaine, du hall de réception d'un hôtel, le mobilier impersonnel d'un bureau, les rues de Londres, etc. En fonction de sa sensibilité, le lecteur peut apprécier cette précision très propre, ou trouver qu'il s'agit de dessins se rapprochant trop de ceux réalisés à parti d'un logiciel de modélisation 3D, un peu trop froids. Quoi qu'il en soit, Jason Masters sait composer ses cases de manière à ce qu'elles ne donnent pas l'impression d'être surchargées, tout en contenant des éléments très concrets, tel que le modèle d'une corbeille de rue. Cette approche s'avère très cohérente avec l'esprit du scénario qui insère des références très concrètes, en particulier sur les modèles de voiture. Le lecteur n'éprouve aucune difficulté à reconnaître le modèle Mercedes-Benz Classe S 600.



L'artiste crée des personnages aisément identifiables visuellement. Ils disposent de morphologies normales, sans exagération musculaire, avec des vêtements sobres et réalistes. Lors des scènes de dialogue, il sait concevoir une mise en scène qui évite les enfilades de têtes en train de parler, en montrant les gestes des personnages, ce à quoi ils sont occupés, et il sait également montrer leur environnement en changeant les angles de prise de vue. Les postures et les expressions des visages transmettent une bonne partie de l'état d'esprit des personnages, que ce soit leur concentration totale lors des affrontements physiques, ou la manière dont ils apprécient les petits moments de calme, en souriant. Il sait aussi faire apparaître la tension qui monte entre les personnages. Au début de l'épisode 9, Eve Sharma (une agente du MI5) arrive non annoncée dans le bureau de M, alors que s'y trouvent James Bond de Bill Tanner. L'artiste montre 2 ou 3 personnages dans chaque case, mais leur succession permet au lecteur de comprendre que les phrases prononcées par Sharma font réagir les 2 agents du MI6 qui se déplacent au fur et à mesure pour être prêts à la neutraliser immédiatement si nécessaire, en fonction de la tournure que va prendre la discussion, sans que le scénariste n'ait à l'expliciter dans une cellule de texte.



Comme à son habitude, Warren Ellis écrit des scènes d'action muettes dans chaque épisode, où l'artiste devient le seul artisan de la narration. Cela commence dès le premier épisode, avec la course-poursuite et la confrontation entre James Bond et une équipe de 4 barbouzes souhaitant récupérer Cadence Bridwhistle. Jason Masters se retrouve à dessiner une scène d'action très classique, dans un environnement peu spectaculaire. En s'en tenant à une approche descriptive et réaliste, il s'assure d'être en phase avec les différentes étapes de la séquence, prévues par le scénariste. En intégrant des éléments concrets et factuels et en montrant des impacts réalistes, il parvient à projeter le lecteur aux côtés des personnages. Sa prise de vue s'attache à bien montrer les déplacements des uns par rapports aux autres, ce qui permet au lecteur d'avoir une compréhension du déroulé de l'action. Enfin, il ne cherche pas à esthétiser la violence, la montrant dans toute sa sécheresse, ce qui la rend d'autant plus horrible qu'elle est factuelle et sans concession. Dans l'épisode 9, James Bond procède à une infiltration dans une base ennemie, et à nouveau le lecteur éprouve la sensation de regarder un film, avec toute la tension générée par le rythme de la narration. À l'opposé de scènes d'action artificielles et sans âme, Jason Masters réussit à impliquer le lecteur dans ces affrontements, sans recourir à un spectaculaire hors de proportion, au contraire en restant dans le registre du possible. C'est un double exploit que de se montrer à la hauteur des exigences narratives d'Ellis, et de rendre intéressantes des séquences généralement plus percutantes dans des films d'action.



Warren Ellis met en scène un James Bond très professionnel, évoluant dans un environnement très proche de la réalité. Au fil des dialogues, le lecteur assimile les liens de Bond avec les différentes agences gouvernementales britanniques. Il évite les gadgets technologiques souvent associés aux films de James Bond, pour des armes réelles, comme une carabine Diemaco C8 avec un UGL (Underslung Grenade Launcher), ou une bombe thermobarique. Il évite également les endroits exotiques, préférant des lieux urbains et réels. En évitant les artifices spectaculaires et l'exotisme, il présente James Bond comme un être humain crédible, un professionnel, rapide à réagir, compétent lors des affrontements, capable de réfléchir, et privilégiant l'efficacité, quitte à utiliser des méthodes salissantes comme la torture et l'exécution sommaire. De la même manière, l'enjeu de l'intrigue reste à dimension humaine, reposant sur une guerre interne entre le MI5 et le MI6. Malgré tout, les éléments concrets du scénario permettent d'élever le récit au-dessus des stéréotypes. Ellis convainc le lecteur de la possibilité de cette concurrence entre services (ça s'est déjà vu dans la réalité), en y intégrant une cellule dormante issue de l'organisation criminelle créée par Ernst Stavro Blofeld. Le lecteur se laisse donc emporter dans ces manigances entre espions, rythmées par des affrontements brefs et définitifs, en se demandant quelle tournure va prendre cette enquête sur la cellule dormante.



Ce deuxième tome continue dans la même veine que le premier, avec une version de James Bond humaine et professionnelle. Warren Ellis & Jason Masters maîtrisent leur registre narratif, avec des images et des textes concis et efficients, et une intrigue facile à suivre, tout en utilisant les conventions des récits d'espionnage de manière intelligente et adulte. Le lecteur peut ressentir une forme de manque arrivé à la fin du récit, en se disant qu'il a lu un exercice de style virtuose, mais qui manque d'émotion.
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Planetary, tome 1

Planetary est un monument du comics, enfin édité dans une intégrale correcte.

Alors que Semic avait publié un tome avant de se casser la figure, c'est Soleil qui avait proposé en France la série, dans un format BD Franco-Belge intéressant, mais dont le 1er tome, assez plat, ne me donna pas envie de prolonger l'aventure.



A la lecture de cette première intégrale, je me rends compte de mon erreur.

Certes, Planetary prend son temps pour se mettre en place, mais une fois que l'iceberg commence à se dévoiler, on se rend compte de la force du récit de Warren Ellis.



Cette intégrale parue chez Urban propose les 12 premiers numéros, ainsi que deux crossovers : Authority/Planetary & Planetary/Batman.



A découvrir absolument.
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Transmetropolitan, tome 1 : Le come-back du..

L'âme gentiment perverse et totalement lucide de Warren Ellis s'exprime brillamment par le biais de ce personnage apocalyptiquement non correct qui se fait le témoin d'un avenir déshumanisé où l'humain se désagrège dans une société mercantile et factice. Cruellement drôle.
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Planetary, tome 3 : Adieu vingtième siècle

Ce recueil comprend les épisodes 13 à 18 de la série, parus de 2001 à 2004. Il fait suite à Le quatrième homme (épisodes 7 à 12).



Le premier épisode se déroule en 1919, en Allemagne et Elijah Snow explore le château de Baron Frankenstein pour récupérer la carte secrète du monde, puis il se rend à Baker Street pour discuter avec son célèbre habitant en croisant par là même un certain comte transylvanien.



En 1995, Elijah Snow enquête sur une mystérieuse canne magique qui appelle une arme en forme de marteau lorsqu'elle est frappée contre une surface dure. De retour à l'époque contemporaine, Elijah Snow et Jakita Wagner rendent visite à la veuve d'Ambrose Chase avant de s'attaquer à l'une des bases des quatre en Australie. Toujours à notre époque, Elijah Snow se rend au Japon pour procéder à un recrutement musclé de la descendante des Hark. Retour en arrière en 1933, Elijah Snow découvre une cité et une civilisation perdue au milieu d'une jungle africaine. Et enfin de nos jours, Planetary (Elijah Snow + Jakita Wagner + The Drummer) va récupérer une capsule spatiale de retour d'un voyage stellaire ayant commencé en 1851.



D'une certaine manière, Ellis et Cassaday ont trouvé leur rythme de croisière : chaque épisode comprend plusieurs pages d'action sans texte et le reste en bande dessinée traditionnelle. D'une autre coté, aucun épisode ne ressemble à un autre. À la lecture, il apparaît que Warren Ellis à pensé et structuré son scénario au millimètre près. Chaque épisode lui permet de continuer à évoquer les récits fondateurs ayant participé à la naissance du genre superhéros. Au gré des aventures, le lecteur croise Sherlock Holmes, Dracula, Tarzan et une variation originale sur Mjolnir. Ces aventures rendent également hommage au cinéma d'action asiatique (Zhang Yimou), aux mythes de la création des aborigènes (des séquences d'une beauté exceptionnelle et d'une puissance évocatrice bouleversante) et à Jules Verne.



Warren Ellis continue à construire son récit pour qu'il soit avant tout une suite d'aventures merveilleuses, mais aussi un hommage intelligent aux sources des superhéros, et également une histoire de complot global très bien agencée qui se révèle peu à peu. Elijah Snow a beaucoup plus de ressources que montré initialement et il commence à reprendre l'offensive (même si certains indices laissent à penser qu'il y a anguille sous roche).



Coté illustrations, il faut distinguer 2 types de pages. D'un coté, il y a ces pages sublimes qui sont consacrées à l'action. Le talent de metteur en scène de John Cassaday saute à la figure du lecteur pour le plus grand plaisir des yeux. Ces séquences reposent sur des cinétiques parfaitement huilées, avec de grandes cases cinématiques. Cassaday est au sommet de son art avec une science exceptionnelle du trait juste. D'un autre coté, il y a les scènes de dialogues d'une platitude statique ennuyeuse à mourir. Cassaday se contente de dessiner une tête au milieu d'une case de la largeur de la page, sans aucun décor, en laissant Laura Martin imaginer une mise en couleurs qui remplira le vide de la case. Heureusement ces moments représentent une faible part de chacune des histoires.



Encore une fois Warren Ellis et John Cassaday nous emmène au pays des héros d'aventure pour un voyage qui n'a rien de nostalgique. L'aventure est au coin de la page, la structure narrative est efficace et intelligente, les scènes d'action coupent le souffle du lecteur. Il me tarde de couvrir le fond du complot. L'histoire continue dans Enigmes et répercussions (épisodes 19 à 23) et se termine dans Le dernier mystère (épisodes 24 à 27). Les accros peuvent se procurer une dose supplémentaire dans le recueil d'épisodes annexes : D'un monde à l'autre.
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Transmetropolitan, tome 7 : Spider's Thrash

Ce tome fait suite à Gouge Away ; il contient les épisodes 37 à 42.



Épisodes 37 à 39 - Back to basics - Spider Jerusalem a été contraint de passer dans la clandestinité. Par voie de conséquence il est à nouveau libre d'écrire ce qu'il veut sur les sujets qui lui tiennent à coeur, sans se préoccuper des attitudes timorées des actionnaires du journal pour lequel il travaillait. Il ne lui reste plus qu'à choisir le sujet qui mérite le plus son attention, après avoir échappé à un attentat.



Épisodes 40 à 42 - Il s'agit de 3 épisodes indépendants. Dans le premier, Spider enquête sur la prostitution de mineurs dans la Cité. Le constat est terrifiant, et Spider s'attaque à nouveau aux abus de pouvoirs de certains (ici les parents). Le deuxième épisode est encore plus angoissant et atterrant car il aborde un phénomène déjà existant maintenant : comment notre société prend en charge les individus atteint d'une maladie mentale légère ? Dans le dernier épisode, Spider Jerusalem se lance dans une promenade en ville en s'adressant au lecteur, en rédigeant mentalement sa chronique sur la façon dont notre présent est façonné par le passé.



Warren Ellis continue d'alterner les histoires qui rapproche le lecteur de la confrontation inéluctable entre Spider Jerusalem et le président Gary Callahan, et des points de vue personnels sur des composantes de notre société. Dans la première partie, le lecteur retrouve le Spider Jerusalem proactif, celui qui prépare des sales coups contre ceux qui veulent le faire taire ou le manipuler. Il continue de se servir des gadgets à la James Bond qu'il avait achetés sur le marché noir dans le tome précédent. Et il manipule l'opinion au travers de ses colonnes pour se venger de Fred Christ. Lorsque Spider expose ses projets à ses assistantes (Yelena Rossini et Shanon Yarrow), Ellis en profite pour inclure en arrière plan des événements donnant plus de substance à la Ville et à ses habitants. En accompagnant les personnages dans leurs déambulations, le lecteur assiste médusé au suicide d'un homme avec 3 seins, aux flashs d'infos mettant en évidence l'usage des technologies pour une gratification toujours plus intense et toujours plus immédiate (d'excellents remarques sur l'addiction à l'instantanéité), etc.



Puis dans les 3 derniers épisodes, Spider se remet au boulot, il s'adonne au journalisme d'investigation et il écrit ses chroniques. Ellis augmente l'intensité de plusieurs crans, d'abord avec ces jeunes adolescents vendant leur corps dans une société qui a banalisé cette activité, puis avec le reportage sur les malades psychiatriques et la manière dont la société les gère le plus efficacement possible (surtout d'un point de vue économique). Il n'y a pas à s'y tromper : ce n'est pas Ellis qui alimente la fureur rebelle de Spider, c'est Ellis qui refuse de cautionner ce genre de pratique ici et maintenant. Ce qui commence comme une moquerie grinçante à l'encontre des doux illuminés qui voient des conspirations partout, se termine par une condamnation sans appel d'un gouvernement qui se débarrasse de ses missions sous prétexte de rentabilité économique. Le dernier épisode fait également mouche car Ellis met le doigt sur une évidence de plus en plus prégnante : plus la société et les individus vivent dans le temps présent, moins ils s'intéressent au passé et à leur histoire, et moins ils ont d'avenir.



Darick Robertson et Rodney Ramos continuent d'être les illustrateurs attitrés de la série. Leur point fort le plus évident continue d'être les expressions et les traits des visages. Spider Jerusalem conserve ce visage qui exprime si bien le mépris, la rouerie et d'autres traits de caractère encore moins nobles. Le visage de Yelena Rossini dégage une forte aura d'énervement et d'agressivité rentrée. Mais les efforts des illustrateurs ne se limitent pas aux personnages principaux. Dans une foule, chaque individu a une expression unique. L'épisode sur la prostitution des jeunes est rendu encore plus insoutenable par le fait que chaque jeune paraît son âge, et non un âge indéterminé entre 15 et 25 ans. Et chacun des individus plus ou moins paranoïaques dispose de sa propre apparence qui en dit long sur son milieu social, sa culture et son état de désocialisation plus ou moins avancé. Chaque personnage, même les seconds rôles, est un individu à part entière. Chaque localisation et chaque usage de technologie à des fins de divertissement (ah ! ces danseurs sur la façade) présentent des particularités et des singularités qui rendent l'expérience de lecture d'autant plus riche.



Avec ce tome, Ellis, Robertson et Ramos ne se reposent pas sur leurs lauriers ; ils continuent d'emmener le lecteur toujours plus loin dans les recoins peu reluisants de cette ville, à proximité de ses habitants, vers des perversions d'autant plus révulsantes qu'elles nous ramènent à notre quotidien. Spider poursuit sa croisade dans Dirge (épisodes 43 à 48).
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Hotwire

Ce tome comprend les 4 épisodes de la minisérie, ainsi que le prologue paru initialement en noir et blanc (et mis en couleurs pour l'occasion).



Il y a 50 ans les morts ont arrêté de s'en aller. L'aura de chaque mort subsiste sur terre sous forme d'une énergie bleue. Et parfois l'un des décédés parvient à habiter (de force) le corps d'un vivant. L'histoire commence avec Alice Hotwire (inspectrice exorciste) en plein milieu d'une intervention. Une fillette de 5 ans décédée a pris possession de son père et le pousse à sauter dans le vide pour qu'il se suicide, en tenant la main de sa femme et celles de ses 2 enfants bien en vie. Après ce petit souci de terrain proprement réglé, elle rentre au quartier général de la police pour rendre compte de son action. Elle est accueillie fraîchement par son supérieur qui la soupçonne d'avoir remis sous le manteau à la presse un enregistrement vidéo montrant 2 flics en train de tabasser des jeunes qui en sont morts. Elle passe par le médecin de service pour vérifier que son intervention musclée ne lui a pas laissé de séquelles. Et elle se met à enquêter pour déterminer pourquoi dans le quartier où elle est intervenue les dispositifs de repérage implantés à intervalles réguliers n'ont pas détecté la présence d'une lumière bleue (euphémisme technique désignant les fantômes) et empêché qu'elle ne prenne possession d'un vivant. Cette enquête est rendue difficile par le fait que les citadins organisent des émeutes pour protester contre les violences policières qui passent en boucle aux informations.



Steve Pugh (le scénariste et illustrateur) explique que cette histoire était à la base un scénario écrit pour lui par Warren Ellis et qu'ils n'avaient pas trouvé d'éditeur preneur. Au final et bien des années après, l'éditeur qui avait convaincu Ellis et Pugh de créer ce personnage est revenu chercher Pugh pour qu'il finisse ce récit pour le compte d'une nouvelle maison d'édition (Radical Publishing). C'est ainsi que Pugh a pris en charge la responsabilité de développer le scénario de base et d'écrire les dialogues correspondants, en plus d'illustrer le récit. À la lecture, il est facile de distinguer la fondation établie par Warren Ellis : un futur proche, une inspectrice qui n'a pas froid aux yeux, des médias tout puissant et un phénomène contre nature de morts dont l'esprit ne disparaît pas, avec un petit vernis scientifique pour enrober le tout. Il est même fascinant de voir transparaître une interrogation fondamentale lorsque Hotwire se retrouve coupée du réseau : peut-on survivre sans connexion ? L'implication de criminels endurcis décédés fait froid dans le dos. Autant d'éléments qui font penser à l'inventivité fertile de Warren Ellis.



Puis le lecteur est complètement fasciné par les illustrations; Steve Pugh n'est pas un débutant (même s'il n'est pas facile de trouver ses oeuvres plus anciennes). Voilà un scénario de Warren Ellis qui bénéficie d'un illustrateur de haut niveau. Pugh conjure des images sophistiquées, à la fois en termes de technique de peinture à l'infographie, mais aussi en termes de sophistication et d'intelligence de représentation des individus, des décors et des éléments futuristes. La couverture donne une bonne idée des nuances apportées au personnage d'Alice Hotwire. Steve Pugh évite de la transformer en objet sexuel, il la dépeint comme une femme dans un corps menu, mais avec une détermination farouche. Ensuite les éléments de science fiction ne font ni carton pâte, ni série Z fauchée (il suffit de contempler la magnifique moto d'Alice). Chaque manifestation de lumière bleue a droit à un visuel spécifique et je garde encore en mémoire le SDF en train d'écouter la brume bleue, l'oreille collée au trottoir. Lorsqu'Alice se retrouve face à 3 lumières bleues habitant des corps synthétiques créés pour être offensifs, ils ont chacun des caractéristiques aussi inventives que destructrices. Steve Pugh travaille également beaucoup sur les couleurs pour augmenter l'identité visuelle de chaque individu. Pugh offre au lecteur une vision pensée et construite de ce monde d'anticipation qui provoque à la fois une forte immersion et un grand dépaysement.



Évidemment, il n'est pas possible de déterminer à la lecture quels sont les apports de Steve Pugh au scénario originel de Warren Ellis. Au final, il est très agréable de constater que cette histoire est dense, ramassée et pleine d'éléments qui évoquent l'imagination fertile d'Ellis en terme d'anticipation, mais aussi de détails liés à la personnalité d'Alice Hotwire (et d'autres personnages) qui ressortent à la fois dans les dialogues et dans les illustrations.
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Transmetropolitan, Tome 2 : La nouvelle rac..

Cette série est une grande claque dans ta gueule. Aucun point de notre société n'est épargné : politique, religion, marche de la drogue et de la prostitution etc...



Ce volume a pour fil directeur les élections et bordel, Warren Ellis n'y va pas par quatre chemin. Mention spéciale pour la tribune de Eller avec pour fervent partisan... un sosie de Hitler.



Un must à ne pas rater. Sur ce, je retourne prendre ma dope de Jérusalem !
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Gun Machine

Jim Rosato, c’est le bon flic, celui que tout le monde apprécie et adule. Son coéquipier John Tallow, en revanche, fait figure de vilain bougre, récalcitrant, hors-cadre et has been, qu’on méprise à mots couverts. Or, Jim va se faire malencontreusement buter par un taré lors d’une fusillade dans un immeuble. Son coéquipier, John, toujours prompt à la riposte, le liquide sans scrupule, en arrosant généreusement les murs adjacents. Ce faisant, il transperce un mur, mettant à jour les tréfonds d’un appartement. Après une petite visite des lieux, John Tallow se rend compte qu’il vient de lever un sacré lièvre : l’appartement est rempli d’armes, du sol au plafond, chacune renvoyant à un homicide non élucidé. Le vilain lieutenant va avoir du pain sur la planche pour remonter dans l’estime de ses supérieurs et collègues…



« Gun Machine » est un sympathique polar urbain qui décape à l’envi. Son auteur est Warren Ellis, « scénariste de comics britannique reconnu. Il a participé au renouveau du label Marvel dans les années 1990 et a travaillé sur de nombreuses séries telles que Iron Man, Transmetropolitan, The Authority, Ministry of Space et Planetary. Son premier roman, Artères souterraines, a été publié en 2010. Gun Machine est en cours d’adaptation pour la télévision », ainsi que l’indique la quatrième de couverture.

La dimension Comics transpire à chaque page, donnant à l’intrigue un aspect décapant, corrosif et réjouissant. Pour son enquête, Tallow est flanqué de deux sbires bien déjantés, deux collègues de la police scientifique. Et bien sûr, en dépit des nombreux obstacles qui se dressent sur son chemin, il va parvenir, fragment par fragment, à recoller les morceaux d’une vérité dont il va saisir l’énormité.

L’intrigue de « Gun Machine » prend place dans la jungle urbaine de la New York actuelle et entremêle habilement la modernité architecturale et technique du monde contemporain avec l’histoire de la colonisation de l’Amérique et la place occupée par les Indiens à l’époque. Quand on ajoute un soupçon de folie, New York se transforme vite en un terrain de chasse vibrant où caracolent prédateurs et proies, sans oublier quelques incorruptibles cowboys toujours à l’affût de la justice.



Un polar sans temps mort (et sans mauvais jeu de mots !), original, corrosif et plaisant, même si l’humour peut parfois sembler un peu lourd ou trop appuyé.
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Fell, tome 1 : Snowtown

En 2007, le très prolifique Warren Ellis entame une nouvelle série avec un illustrateur de renom Ben Templesmith ("30 jours de nuit" & "Wormwood"). Ce recueil comporte les 8 premiers épisodes de la série.



Richard Fell est un enquêteur de police qui, suite à une bavure, est muté dans un quartier de la ville baptisé Snowtown auquel on accède par un pont. Les 8 épisodes de 16 pages chacun racontent 7 de ses enquêtes plus une journée de travail. Richard Fell se révèle être un enquêteur vraiment intelligent et perspicace, manipulateur et psychologue hors pair. Il va ainsi être confronté à une histoire d'empoisonnement alcoolique, un meurtre d'une femme enceinte qui a été mutilée pour que le criminel récupère le foetus, un attentat suicide à la bombe, un cadavre ayant séjourné dans l'eau de la rivière, une maltraitance d'enfant... Toutes les enquêtes se déroulent dans Snowtown avec un nombre très réduit de personnages.



Les dessins de Ben Templesmith sont dans la lignée de ce qu'il a fait dans ses précédents comics. Il ressemble à des esquisses peu précises avec une mise en peinture qui s'attache à rendre une impression en jouant sur une gamme de nuances. Le résultat n'est jamais déconcertant. Le lecteur n'est pas agacé par le manque de détails dans les cases, mais tout de suite happé par la sensation à la fois claustrophobique et psychologique qui se dégage de ses illustrations. Ces dernières servent entièrement les scénarios d'Ellis et concrétisent sur la page les états des personnages, ainsi que les tensions existant entre les protagonistes.



Le plus bel exemple de la complémentarité des 2 artistes est l'épisode 5 qui se déroule dans une seule pièce dans laquelle Fell interroge un suspect (peu d'action et situation très peu visuelle). Warren Ellis et Ben Templesmith se sont fixés un défi très risqué : rendre intéressant un interrogatoire qui se déroule à huis clos dans une pièce entre seulement 2 personnages. Ellis concocte une enquête prenante, un duel psyhologique captivant et il montre comment son héros manipule le suspect pour prendre l'ascendant psychologique. De son coté Templesmith sait varier les angles de prises de vue, il réalise des expressions faciales très variées et en pleine adéquation avec les différentes phases de l'interrogatoire et sa mise en couleur rend visible les tensions psychologiques entre les 2 personnages.



Ces histoires sont tout à fait étonnantes et savoureuses dans le sens où les enquêtes sont intéressantes, le malaise de cette ville poisseuse est rendu palpable et les 2 artistes se complémentent de façon admirable. Attention toute fois, ce tome n'est pas pour les plus jeunes, les horreurs des crimes ne sont pas affadies. Il s'agit certainement de l'une des meilleures séries de Warren Ellis.
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Moon Knight All New Marvel Now

Ce tome regroupe les épisodes 1 à 6 d'une nouvelle série consacrée à Moon Knight, initialement parus en 2014. Tous les épisodes sont écrits par Warren Ellis, dessinés et encrés par Declan Shalvey, et mis en couleurs par Jordie Bellaire. Il est possible de lire ces épisodes, sans rien connaître du personnage. Durant ces épisodes, Ellis évoque brièvement quelques unes des aventures les plus marquantes du personnage, de ses origines à son passage par la côte Ouest.



Juste avant la couverture du premier épisode, il y a un texte qui synthétise les origines : le mercenaire Marc Spector est mort en Égypte au pied d'une statue de Konshu (dieu égyptien lunaire). Il est revenu à la vie, porte des vêtements frappé du sceau de la Lune, est devenu complètement fou et a disparu.



Chaque épisode constitue une histoire complète en elle-même. Marc Spector a choisi une tenue de Moon Knight correspondant un costume 3 pièces blanc, avec des gants blanc, des chaussures blanches et une cagoule blanche couvrant complètement le visage. Il a fait ce choix sciemment pour que ses opposants le voient venir de loin. Au cours de ces 6 épisodes, (1) il enquête sur un tueur en série qui s'attaque à des culturistes et les mutile, (2) il met fin aux agissements d'un sniper, (3) il combat des fantômes, (4) il lutte dans une dimension astrale, (5) il délivre une fillette kidnappée, et (6) il fait face à un imitateur.



Premier constat : ces épisodes se lisent 2 fois plus vite des épisodes de superhéros habituels. Deuxième constat : Warren Ellis et Declan Shalvey racontent des histoires aussi minces qu'époustouflantes. Comment ont-ils réussi cette narration paradoxale ?



Ces épisodes se lisent très rapidement, et pourtant le lecteur y trouve son content de divertissement intelligent. En 2 pages, Ellis a effectué les rappels sur le personnage et installé la nouvelle situation : il travaille tout seul, il a un contact dans la police l'inspecteur Flint et il est très à l'aise financièrement. En 4 pages, le lecteur a compris qu'Ellis a trouvé un collaborateur à la hauteur de ses scénarios exigeants.



D'une manière générale, Ellis conçoit ses scénarios sur la base d'un concept autour duquel il construit une histoire, sans oublier qu'il s'agit d'une bande dessinée. Une très grosse partie de la narration repose sur les épaules de l'artiste. Par exemple les épisodes 2 et 5 comprennent de longues séquences quasiment muettes : 9 pages pour l'épisode 2 (soit presque la moitié de l'épisode), 12 pages pour l'épisode 5 (plus de la moitié de l'épisode). Si le dessinateur est quelconque, le lecteur ne perçoit plus que la vacuité des images, car la connexion avec l'intrigue n'est plus suffisante (ce qui explique pour partie l'échec de Avengers: endless wartime).



Le pari d'Ellis sur les capacités du dessinateur est ici d'autant plus risqué qu'il s'agit de 2 longues scènes d'affrontement, c'est-à-dire une scène stéréotypée de comics de superhéros, un point de passage obligé, dont la valeur ajoutée se limite souvent aux effets pyrotechniques des superpouvoirs. Ça tombe mal, ceux de Moon Knight ne se prêtent pas à l'emphase visuelle. De fait la résolution de l'épisode 2 (la deuxième moitié) est un peu creuse par rapport à la première partie, très inventive sur le plan visuel. Ce défaut est corrigé pour l'épisode 5 dont pourtant l'intrigue tient en 1 ligne : Moon Knight pénètre dans le bâtiment où est séquestrée la demoiselle et gravit les étages un à un en envoyant valdinguer les geôliers un à un. Pour cet épisode 5, l'intérêt de l'histoire devient l'habilité avec laquelle Moon Knight neutralise ses opposants, et au second niveau, l'habilité avec laquelle Ellis et Shalvey réalisent un comics d'action capable de maintenir le lecteur en haleine (alors que le lecteur sait à l'avance que Moon Knight sera vainqueur, sans une égratignure).



Chacun des épisodes repose sur un moteur narratif différent, Ellis jouant avec les attentes du lecteur. Il y a une composante ludique à se demander ce qu'Ellis va bien pouvoir inventer pour détourner les conventions du genre superhéroïques, à ne pas savoir à quoi s'attendre. De ce point de vue, la deuxième moitié de l'épisode 2 constitue une petite déception, puisqu'il n'y a rien de plus qu'un combat bien mis en scène. Pour le reste, la surprise est complète, générant un bon niveau de divertissement (à condition de ne pas rechercher une histoire de superhéros classique).



Ces histoires sont d'autant plus efficaces que la connivence entre Ellis et Shalvey est élevée. Cet artiste dessine de manière réaliste, avec des traits un peu rigides, une grande attention apportée aux textures et un bon niveau de détails. Il dépeint Moon Knight comme un individu sûr de lui, à la posture droite, ne cherchant pas à se cacher. La première scène inventive se déroule sur une page, Moon Knight descend dans les souterrains de New York le long d'une échelle, dans une case de la hauteur de la page, sur la gauche. Sur les 2 tiers de la partie droite de la page, les 3 cases superposées montrent les différents niveaux correspondants : d'abord le métro, puis en dessous les SDF, puis encore en dessous des machineries. La page suivante arrête le regard du fait du traitement des couleurs : le blanc de Moon Knight, le rouge vif de son opposant, le bleu des machineries en arrière plan.



Ainsi au fur et à mesure des épisodes, le lecteur se régale de découvrir les saveurs de l'interprétation d'intrigues classiques et souvent ténues. Le début de l'épisode 2 est magnifique dans sa manière de mettre en scène l'assassinat de 8 personnes, avec 1 case étant dédiée à chaque cible par page. La représentation de Konshu et des fantômes est à la fois premier degré et légèrement ironique dans l'épisode 3. Le monde astral est surprenant dans l'épisode 4. Etc.



Pour ces 6 épisodes, Warren Ellis utilise des intrigues éculées et squelettiques pour remettre en selle Moon Knight. Il respecte à la lettre le cadre contraint des comics de superhéros en consacrant plus de la moitié de chaque épisode à l'action, avec des actions spectaculaires. Pourtant aucun de ces 6 épisodes ne se résume à une enfilade de clichés insipides. Ellis maîtrise à merveille le rythme de son récit, intègre à chaque fois 1 ou 2 idées fortes sur lesquelles reposent le récit (au vu de la pagination, cela s'apparente à une courte nouvelle). Il bénéficie de la mise en images sophistiquée de Declan Shalvey qui évite les stéréotypes visuels propres aux comics de superhéros, sans s'inscrire dans le registre Arts & Essais. Au-delà de chaque aventure en tant que divertissement, il n'y a pas d'autre niveau de lecture, si ce n'est la preuve éclatante que des auteurs peuvent encore surprendre dans le genre surexploité des superhéros. Ce tome est à ranger à côté de celui des Secret Avengers également écrit par Warren Ellis : Run the mission, don't get seen, save the world.
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Black Summer

Ce tome comprend une histoire complète initialement parue en 8 épisodes (de 0 à 7) en 2007/2008. Elle s'inscrit dans une trilogie thématique sur les superhéros par Warren Ellis : (1) Black Summer, (2) No Hero et (3) Supergod.



Tom Noir, un homme unijambiste (il a un moignon au niveau du genou gauche), se regarde dans la glace. Puis il se dirige vers son fauteuil dans une pièce dont le ménage n'a pas été fait depuis des semaines, pour se coller devant la télé. CNN diffuse une émission en direct dans laquelle apparaît John Horus (un superhéros revêtu d'un costume blanc maculé de sang avec des sphères technologiques lévitant autour de lui) annonce qu'il vient d'assassiner le président des États-Unis, plusieurs de ses conseillers et quelques membres de la sécurité qui ont essayé de s'interposer. Il explique que le président avait abusé de la confiance des électeurs en cautionnant une guerre en Irak, l'emploi de généraux par des entreprises privées de sécurité, etc. Après le choc de cette émission, Tom Noir répond à un coup de sonnette. Il se trouve face à face avec Frank Blacksmith qui vient lui annoncer qu'il a amené un garde du corps avec lui pour exécuter Tom.



Dès la couverture et les premières pages, le lecteur découvre des illustrations regorgeant d'informations, exigeant une attention de lecture soutenue. Juan Jose Ryp est un obsédé du détail et il accorde la même attention aux éléments de premier plan, qu'à ceux de second ou d'arrière plan. Il ne hiérarchise par l'information visuelle, il reste le plus fidèle possible à tous les détails, comme s'il prenait des clichés au fur et à mesure de chaque séquence. C'est ainsi que dans la salle de bain le lecteur peut contempler les 2 tuyaux d'arrivée d'eau sous le lavabo, le siphon avec sa partie démontable, l'eau qui fuit, le seau placé en dessous pour récupérer l'eau, etc. Ces éléments sont au même niveau de valeur visuelle que Tom Noir se contemplant dans la glace en premier plan. Ryp respecte bien sûr les règles fondamentales de la perspective, mais il ne guide pas l'oeil du lecteur, il le laisse trier la masse d'informations visuelles. Ce procédé atteint son apogée lors des scènes de carnage, avec moult destructions et débris. Il ne manque pas un morceau de maçonnerie, pas une canalisation éventrée, pas un fer à béton, pas un bout de bidoche. À partir des fragments de maçonnerie disséminés dans la page, le lecteur peut même reconstituer la forme du mur, il ne manque ni un morceau, ni la logique de répartition des débris après le souffle de l'explosion. Pour augmenter le niveau de violence, Ryp n'hésite pas à parsemer les cases de giclées d'hémoglobine.



Ce mode de narration graphique présente un gros avantage : le lecteur peut s'immerger dans chaque endroit, au coeur de chaque action, dans chaque explosion de superpouvoir. La contrepartie réside dans le temps de lecture, la concentration nécessaire au déchiffrage, par rapport à des dessins classique où l'artiste guide le lecteur dans la lecture. C'est un style qui évoque celui de Geoff Darrow dans Hard Boiled et Big Guy. Ryp dessine des visages moins peaufinés que ne le fait Darrow. Il a une tendance à abuser des individus qui sont en train de serrer les dents, elles mêmes découvertes dans un rictus qui fait s'entrouvrir les lèvres.



Dans ce récit, Warren Ellis part du postulat que très récemment une bande d'étudiants, aidés par une agence gouvernementale, a réussi à augmenter les capacités de 7 individus rassemblés dans une équipe baptisée Seven Guns : Kathryn Artemis, John Horus, Tom Noir, Zoe Jump, Angel One, Dominic Atlas Hyde, Laura Torch. John Horus a fini par estimer que les élus américains, à commencer par le président, avaient trahi le peuple et qu'il est temps de redonner sa chance à ce dernier. Il s'en suit des destructions gigantesques au fur et à mesure que John Horus canalise les actions militaires menées contre lui, qu'il se retrouve face aux anciens membres des Seven Guns et que ces derniers sont soupçonnés de collusion avec lui. À partir de cette illustration de la maxime de Lord Emerich Acton (le pouvoir corrompt et le pouvoir absolu corrompt absolument), Ellis s'intéresse à la fois au niveau de destruction des affrontements, et à l'idéologie sommaire de ces superhéros. De ce fait, l'histoire reste avant tout un récit d'action, avec quelques points de vue politiques primaires justifiant les affrontements. Ellis mêle un peu de rébellion, avec un soupçon de paranoïa (rien d'exagéré) et la question de la représentation du peuple. Mais ces considérations restent au second plan. Au fur et à mesure, Ellis s'attache surtout à montrer que chaque individu agit pour ses motivations propres et que le concept d'intérêt commun n'est finalement qu'un prétexte pour les uns et les autres.



Sous réserve d'apprécier le style graphique très dense, cette histoire propose un gros défouloir avec un niveau de violence élevé et quelques amorces de réflexion. Avec ces dernières, Warren Ellis met l'eau à la bouche de ses lecteurs, en faisant miroiter ce qu'aurait pu être une vraie réflexion sur le sujet. Mais ici, son intention d'auteur est de montrer que ces superpouvoirs ne peuvent pas coexister avec une humanité traditionnelle et que leur utilisation sans éducation politique de leurs détenteurs ne peut conduire qu'au désastre. En tant que défouloir cathartique, cette histoire mérite 5 étoiles ; en tant que récit de réflexion elle n'en mérite que 4.
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Captain Swing et les pirates électriques de C..

Un peu court, il faut du temps pour accepter le dessin très chargé de Caceres, appréciable sur les éléments steampunk mais limite écœurant sur les visages, et plus encore les cadavres, en tout cas très loin des habitudes graphiques européennes. En attendant de lire le romande Mark Hodder sur le même personnage, couronné du prix Hugo et publié chez Bragelonne.
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Transmetropolitan, tome 1 : Le come-back du..

Spider Jerusalem est un journalisme-écrivain, super-star malgré lui suite à la parution d'un bouquin sur la politique, qui s'est retiré plusieurs années seul dans la montagne pour fuir la ville et les gens, qu'il déteste en général. Parce qu'il n'a plus de sous, il va être obligé de revenir vers la ville, plus énervé que jamais, bien décidé à écrire encore et à ne laisser aucun répit aux hommes politiques de sa ville. En bref, Spider est journaliste et punk et drogué et colérique et grossier et intelligent et révolté et, de temps en temps, très doux (envers les opprimés) et, aussi, il a un super humour bien corrosif à souhait.



Le deuxième personnage du comic, c'est la ville. En général les écrivains de SF choisissent un aspect du monde moderne et le développent jusqu'à créer un monde futuriste, en somme ils exploitent une seule des potentialités du présent. Avec Transmetropolitan, Warren Ellis a choisi de mélanger TOUTES les potentialités en même temps, ce qui donne un monde à la fois fascinant, effrayant et incroyablement bordélique. Ce monde, c'est une ville géante où des meubles d’électroménager se droguent, des cryogénisés ressuscitent dans un monde qui n'a pas le temps de les intégrer, c'est des gens qui changent de sexe, voire d’espèce (croisement avec un chien, un alien…), d'autres qui se dématérialisent en poussières numériques, c'est religions qui apparaissent toutes les dix minutes… Un gros bordel, je vous dis. Mais un bordel fascinant.



Chaque tome est très dense. Chaque tome est un régal. Dès ce premier tome, on plonge et on ne lache plus ce chef d'oeuvre.
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Transmetropolitan, tome 1 : Année un

Il est de retour! Après 5 ans d'évaporation, 5 années de retraite loin du monde, au cœur des montagnes, le grand Jérusalem remet les basques sur les trottoirs poisseux de la ville crade!

On le croyait perdu à jamais dans les affres de la folie mais il est de nouveau là, gonflé à bloc, boosté par l'air saturé de la civilisation! La folie, il l'incarne. A la fois messie et engeance du diable, ce journaliste en quête de vérités nues dégaine comme il parle, se shoote comme il respire.

Hypocrisie méfie-toi! Jérusalem te conjure, il t'assassine en mots.

Sûr, ses méthodes sont loin d'être catholique, de toute façon il abhorre la religion, et la télévision, et tout le foutraque politique.... C'est arme au poing, grenade dégoupillée, prêt à mordre que Jérusalem travaille le scoop.

En bref, Warren Ellis est un déjanté à l'imagination débordante. Son personnage hante les rues d'un futur de tout les possibles. Mais ici bas, les vices sont toujours les mêmes, de ce côtés là point de Salut. L'humain est sale, égoïste et se repaît du malheur d'autrui.... En clair nous sommes les mêmes, la technologie en plus....

Au dessin, Darick Robertson vous immerge complètement dans cet univers sans dessus dessous. Ses planches grouillent de détails sordides, fourmillent, vivent... Une représentation authentique de la ville toujours en activité. Ces deux là se sont bien trouvés, un mélange détonnant pour un comics rythmé et corrosif.
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Gun Machine

Si vous aimez les auteurs atypiques, alors il vous faut absolument et en urgence, découvrir l’univers de Warren ELLIS !



Après son très remarqué « Artères souterraines » publié en 2010, celui-ci vient de sortir aux éditions Du Masque son second roman « Gun Machine ». Venu du monde de la BD, où il a collaboré, entre autre, avec l’éditeur MARVEL comme scénariste, Warren ELLIS apporte véritablement une touche originale au genre, par la vitalité de son écriture, sa capacité à imprégner ses romans de cette même atmosphère qui fait la spécificité des comics américains.



A cela se rajoute sa prédilection pour des histoires bien barrées , son goût pour des personnages déjantés, son penchant pour des dialogues percutants, et vous avez là tous les ingrédients réunis pour une déflagration littéraire des plus réussies !



Il y a des jours comme çà où tout part en vrille. John Tallow n’est pas le genre de flic à briller par ses états de service. Lui est plutôt du style désabusé et dépassé, le type de flic sur la pente descendante d’une carrière sans relief.



C’est pour rappeler à la raison un hurluberlu qui prend très mal le fait d’avoir reçu un avis d’expulsion de son appartement, et qui terrorise le voisinage en se baladant à poil, les roustons en étendard, un fusil dans les mains, que Tallow est amené à intervenir dans cet immeuble délabré de Pearl street.



Il ne se doute pas que quelques instants plus tard c’est maculé des restes de la cervelle de son coéquipier qui le précédait dans les escaliers, qu’il videra son chargeur sur ce citoyen un poil irrité, et qui vient d’ exploser la tête de son collègue comme une vulgaire pastèque.



Mais quand la poisse vous tombe dessus, elle passe toujours une deuxième couche ! Dans la cohue Tallow a éventré une partie du mur de l’appartement voisin. A l’intérieur, une bien curieuse découverte. Une véritable fresque d’armes à feu. Des dizaines et des dizaines de pistolets et revolvers accrochés au mur, non sans une certaine harmonie dont le sens échappe encore.



Or il s’avèrera rapidement que chacune d’elle a servi à tuer, et que les meurtres auxquels elles sont reliées remontent pour certains à près de vingt ans, et reste310nt tous à ce jour non élucidés.



Autant d’affaires que Tallow déterre bien malgré lui et qui par cette maladresse, les remet sous les feux de l’actualité, lui valant l’animosité et l’hostilité de ses collègues et de ses supérieurs.



C’est sans doute pour cela qu’il se retrouve seul avec toutes ces affaires sur les bras, histoire qu’elles s’enterrent à nouveau grâce à l’incompétence espérée de Tallow , emportant sous leur poids ce policier has been et indélicat. Pourtant dans sa quête de la vérité, il pourra compter sur l’aide de deux flics de la scientifique avec qui il va remonter progressivement le fil de cette inextricable et invraisemblable énigme.



On retrouve dans ce roman tous les codes et les ingrédients classiques d’un polar efficace. Le flic paumé, solitaire, revenu de tout , qui noie parfois ses illusions au fond d’un verre d’alcool. Le serial killer, redoutable et diaboliquement efficace, insaisissable et imprévisible. On n’oubliera pas non plus la dose de corruption policière, de connivence avec la finance, l’obnubilation des supérieurs hiérarchiques attachés à ne pas faire de vague et préserver leurs privilèges.



Cela pourrait donner un roman d’une facture classique, mais sous la plume de Warren ELLIS , à partir de ces mêmes ingrédients des plus communs, l’auteur parvient à réaliser une œuvre vraiment originale, transposant celle ci dans une dimension aux contours laissés volontairement plus ou moins flous , incertains.



C’est là que réside , en particulier, la force et l’originalité de cette œuvre. Car le passé de New York, son histoire, aliène son présent et de fait la trame de ce roman, à travers notamment ce serial killer qui navigue en alternance entre une vision contemporaine de la ville, et une autre, amérindienne et sauvage.



Un homme tantôt citoyen lambda noyé dans la masse grouillante des passants de la rue, tantôt chasseur assoiffé de sang et de violence, qui déambule dans la forêt à la recherche de sa proie ,quand dans son esprit les buildings et les gratte-ciels s’estompent et laissent la place aux grands arbres.



Un « gun machine » bien décidé à récupérer ses armes et à reprendre le cours de son œuvre démarrée bien des années plus tôt et brutalement interrompue par l’intrusion de ce flic dans cet appartement.



Rajoutez des personnages bien barrés comme les deux acolytes de la Scientifique, l’un quasi autiste et l’autre lesbienne assumée, au langage à faire rougir le pire des taulards. Agrémentez le tout d’un soupçon de sauvagerie délivré tout au long du roman par une radio de police qui ne cesse d’énumérer toutes les atrocités dont l’homme est capable de faire à ses semblables, et vous aurez un aperçu de ce roman à l’atmosphère si particulière où paradoxalement l’humour n’est pas absent.



Un roman fou, fou , fou, particulièrement réussi , qui ne laisse aucun répit à son lecteur, mais lui donne déjà l’envie d’attendre le prochain roman de Warren ELLIS avec impatience !
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Gun Machine

Gun machine -à ne pas confondre avec Machine gum qui n'a rien à voir puisque c'est une BD sans texte que j'ai lue récemment- est un polar qui commence de manière étonnante, entre le tragique et le comique comme la première fusillade. Et ça continue comme cela dans un registre très moderne : phrases et chapitres courts, mots d'argots voire inventés, jurons (je n'ai pas compté les "chiotte" échangés entre Rosato et Tallow), expressions fabriquées de toutes pièces, bref, un langage oral, fleuri, familier (dans certains types de lieux ou de professions, parce que perso, je parle pas comme ça), voire vulgaire ou grossier. Je salue ici le travail de Claire Breton, traductrice qui a dû en baver, même si parfois certaines phrases sont mal écrites, bizarrement, celles qui font appel à un autre registre de langage : "Mais ça n'a pas suffi à vous exonérer de je ne sais quelle punition elle estimait que vous méritiez ?" (p.63) Voilà donc un polar qui commence bien. Le problème c'est qu'on a l'impression qu'il ne fait que commencer tant il se traîne en longueurs et en longueur. Page 130, même si l'on est entré dans le vif du sujet, on ne sait toujours pas trop de quoi il retourne. De même on a à peine fait connaissance avec les personnages : on sait que Tallow est sur la touche, qu'il vit seul, lit beaucoup, refume, que Bat et Scarly sont les deux flics scientifiques complètement barrés qui l'aident, contraints et forcés. Et puis, je ne comprends pas tout ce que je lis, le langage qui peut paraître plaisant est parfois abstrus, Tallow agit sans que l'on sache pourquoi, on nous l'explique bien après si bien qu'on lit des pages dont on ne comprend pas réellement l'intérêt : assez déstabilisant. De même, le côté déjanté de Bat et Scarly est un petit peu too much, les meilleures blagues sont celles qui ne durent point trop, même si j'aime le comique répétition -encore faut-il savoir en user. Lecture fatigante à la longue.

Peut-être suis-je trop conformiste pour apprécier toutes les subtilités de ce roman, mais je pense que subtilité il n'y a pas et que Warren Ellis avance au contraire avec des gros sabots, bien lourds et cradingues ? Mais je ne demande qu'à être contredit. A bon entendeur...
Lien : http://lyvres.over-blog.com/
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Captain Swing et les pirates électriques de C..

Me voilà bien embêtée...



Captain Swing est une BD avec un scénario riche et très original. De plus la BD est servie par des dessins très originaux eux aussi, très beaux, avec un soucis du détail incroyable. Mais pour une raison que j'ai du mal à analyser je n'ai accroché que moyennement.



Un scénario riche donc, basé sur l'Uchronie avec des personnages haut en couleur ! En 1830, un flic, Charles Gravel, se trouve au mauvais endroit au mauvais moment et assiste bien malgré lui à une chose bien étrange. Il poursuit un homme aux yeux brillants, possédant une arme électrique et cet homme s'enfuit par un moyen extraordinaire: un bateau volant illuminé de milles feux ...

Cet homme "électrique" c'est le mystérieux captain Swing, qui semble avoir dominé l'électricité bien avant les autres. Son but : la distribuer à tous, pour que chacun puisse en profiter sans que cela reste l'apanage des plus riches ou un moyen d'exploiter le peuple.



Un pirate au grand coeur donc, dont les intentions sont louables et claires. Un personnage attachant et original qu'on ne peut qu'aimer.



Evidemment Gravel et captain Swing vont se rencontrer et de cette rencontre va naître une profonde, mais brève, amitié.



Du pur steampunk de bon augure.



Cette très belle idée steampunk est servie par un graphisme sombre et flamboyant. Ben oui on peut faire les deux en même temps, comme vous pouvez le voir dans les images ci-dessous:













Ces superbes dessins, signés Raulo Caceres collent admirablement bien au récit. Il lui confère une dimension supérieure et un caractère très sombre. Un peu trop sombre même parfois, je dois le reconnaître.



Alors si je trouve ce récit si original et les dessins si beaux, vous allez me demander pourquoi je ne suis pas emballée? ben je me le demande aussi. J'ai eu du mal à rentrer dans l'histoire et surtout je crois que si l'idée est géniale à la base, elle est loin d'être bien exploitée. Le récit va trop vite, les personnages meurent avant même qu'on ne les connaissent vraiment. Est-ce mon côté fan de fantasy et matrice de longue saga qui parle ? Peut-être ...

Toujours est-il que cette BD est frustrante malgré toutes ses qualités, à moins que ce ne soit qu'une sorte de prologue à des récits plus complets par la suite. Auquel cas je comprendrais mieux. Mais en l'état on a une impression de gaspillage. De si bonnes idées, un si chouette scénario et un si beau graphisme pour donner une impression d'histoire bâclée. De magnifiques préliminaires, mais un déroulement trop rapide.



Je jetterai un oeil sur la suite s'il y en a une, car clairement cet auteur et cet illustrateur sont capables du meilleur et si leur talent n'est pas totalement exploité avec ce Captain Swing, cette BD permet quand même de les découvrir (pour ma part en tout cas) et c'est déjà pas si mal.


Lien : http://bookenstock.blogspot...
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Ignition city, tome 1

Ignition City est un bon comics de science-fiction, tous les ingrédients sont là, un mystère à résoudre, une héroïne attachante, une course aux étoiles et plusieurs espèces d'extraterrestre. Ce premier tome m'a donné satisfaction, moi qui est toujours du mal avec les début de série que je trouve souvent léger en contenu. Ici ce n'est pas le cas,l’intrigue démarre rapidement et il y a suffisamment d'informations distillées dès les premières pages. De plus l'univers dans lequel évolue l'héroïne offre de très nombreuses possibilités de développement.
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