AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de William Styron (186)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Le choix de Sophie

1947. Stingo arrive à New-York avec des rêves d’écrivains plein la tête. La vie à Brooklyn n’est pas simple quand on a quelques dollars en poche et que l’on vient du sud profond.

Stingo fraîchement installé au  » palais rose », une sorte de pension de famille va faire la rencontre de Nathan, juif new-yorkais et de Sophie une belle polonaise rescapée d’auschwist.

Entre eux trois une amitié plutôt destructrice va naître. Nathan est atteint de schizophrénie paranoïaque, tantôt aimable et adorable tantôt violent verbalement avec stingo et physiquement avec Sophie.

Au fil des pages Sophie raconte son triste destin face à un stingo de plus en plus amoureux d’elle.

La vie qu’avait Sophie dans une Pologne prise en étau par les psychopathes staliniens à l’est Et les sociopathes nazis à l’ouest. Sophie est née au mauvais endroit au mauvais moment.

Ce n’était Pas vraiment son choix. Des hommes elle en a connu quelques uns, son père, professeur de fac, un anti-semite reconnu, en avance sur son époque,bien avant les lois anti sémites de Nuremberg. Son mari aussi raciste que son beau-père. Une fois encore Sophie n’a pas le choix, elle subit.

Le choix qu’aura Sophie sera un choix funeste et destructeur qu’elle devra faire à auschwist.

Le roman de William Styron « le choix de Sophie «  est un récit lu il y a plus de trente ans.

Je ne me souviens plus des émotions que j’ai eu à l’époque, mais une chose est sûre ma deuxième lecture a été différente et mes émotions également.

« Le choix de Sophie « est un roman âpre, difficile, voir insoutenable parfois mais quel livre.

Comment définit-on ce genre de récit, œuvre ou chef-d’œuvre ?

Mon choix est fait, chef-d’œuvre.



Commenter  J’apprécie          810
Le choix de Sophie

Un livre dont le titre a donné naissance à une expression qui traverse le temps est-il forcément un grand livre ? J'aime poser ce genre de grande question qui est pourtant le plus souvent inutile car même si la règle s'imposait, elle comporterait forcément... des exceptions qui la confirmeraient.



Si règle il y a, le roman de Styron ne fait pas exception. C'est un grand roman que ce choix de Sophie... et c'est le choix le plus impossible qui soit que celui qui est proposé à Sophie vers la fin de ce livre, et c'est bien la puissance de cette impossibilité qui a pu donner naissance à l'expression.

On attend tout au long du récit l'arrivée de ce choix, on se dit qu'a de nombreux moments de sa vie Sophie est confrontée à des choix: entre soutenir un père ou le rejeter, entre soutenir la Résistance ou choisir la "lâcheté" pour protéger sa famille, entre rester avec un compagnon violent ou s'enfuir pour se préserver. Ce sont tous des choix difficiles, où la notion même de choix semble injuste parce que les termes ne sont pas égaux, ou parce que le courant de la vie semble diriger dans un chemin sans qu'aucune décision ne soit réellement prononcée. Mais quand arrive LE choix, on ne peut pas le confondre avec les autres: pour le coup jamais termes n'auront été plus égaux que ces deux-là, jamais décision n'aura été aussi nécessaire, vitale. Et c'est pour le coup à cause de cela que le choix devient impossible... tout en étant impossible à refuser.



Je choisis de ne pas révéler sur quoi porte le choix, même si de nombreux résumés ou critiques doivent forcément en parler, parce que j'ai réussi de mon côté à me préserver de le savoir et que la lecture et le moment décisif n'en ont été que plus forts.



Au delà de cette "révélation", la force du récit est dans sa construction diablement intelligente. L'opposition entre un narrateur maîtrisant parfaitement la langue puisqu'écrivain et l'héroïne polonaise forcément maladroite en anglais est brillante, puisque le récit des aventures du narrateur et les témoignages recueillis auprès de Sophie se répondent et se renforcent du fait de leurs différences de style. La brillante intelligence des propos du narrateur luit encore plus en opposition à la force de la simplicité du récit de Sophie... qui n'en devient lui du coup que plus puissant dans sa nudité stylistique. le choix de l'auteur d'un témoignage morcelé, d'abord cousu de mensonges avoués par Sophie par la suite, puis qui se révèle petit à petit, au fur et à mesure des confessions aidées par l'alcool, tout cela est également superbement intelligent, construit à la manière d'un orfèvre.



La force du roman réside également dans les thématiques abordées. Si on devait donner le thème principal du livre, on ne pourrait que dire Auschwitz et la solution finale... et on se dirait que ce thème est donc forcément l'unique. Mais l'auteur parvient également à y aborder remarquablement des thématiques intemporelles et modernes comme les affres de l'écriture, la question de l'esclavage et de la prise en compte de la minorité noire aux Etats-Unis, la question de la violence conjugale, de la dépendance à l'alcool et à la drogue, des troubles psychiatriques... le tout avec des passages sexuels à la fois crus et sensuels ainsi que des propos sur la religion très provocateurs, cela lui ayant d'ailleurs valu d'être interdit régulièrement dans certaines bibliothèques à l'époque.



Il faut avoir une ambition démesurée pour son livre pour imaginer pouvoir aborder tous ces thèmes à la fois. le choix de Sophie est le dernier roman de Styron et on y sent toute la force et la maîtrise de l'écrivain chevronné. Dans une mise en abyme de sa propre personne et de celle du narrateur, Styron évoque dans le livre ses précédents romans comme les possibles futurs romans du jeune narrateur, romancier en herbe... Cela ne peut que donner envie de s'y plonger pour découvrir comment s'est construite une plume aussi habile.
Commenter  J’apprécie          7223
Le choix de Sophie

Un très grand (et gros) roman, dans lequel j'avoue avoir eu quelques difficultés à entrer, mais dépassant les premiers chapitres l'histoire devient très prenante.



Stingo, débarquant à Brooklyn de son Sud natal, est un être en quête d’identité. Engoncé dans sa jeunesse, il se cherche, tant professionnellement que socialement et sexuellement. Et c’est durant cet été 1947 qu’il rencontre Sophie et Nathan.



Le couple Sophie/Nathan est excentrique, débridé, insoumis. Sophie est une jeune femme entièrement soumise à son ami violent. Au fil des pages, Sophie se dévoile, ment, rétablit les vérités, encore et encore, jusqu'à raconter l'indicible. Parallèlement, Nathan devient de plus en plus incontrôlable, tantôt sombre, jaloux et violent, tantôt extrêmement amoureux. Stingo va donc peu à peu découvrir les secrets les plus profonds de ce couple, mais également ceux, intimes et personnels, qui se cachent derrière l’homme et la femme de ce duo à la symbiose un peu désespérée, bancale et irrationnelle.



Sophie/Stingo est le binôme socle du roman, par le biais duquel le récit du passé de Sophie se fait, Stingo ayant le rôle de confident. Elle lui raconte son passé en Pologne.



Stingo et Nathan ont une relation ambiguë, mêlée d’amour et de haine, d’admiration et de rejet. Nathan est un être exquis, dont l'humour et l'intelligence sont hors du commun, mais parfois il adopte une attitude étrange, ce qui ne laisse pas d'inquiéter Stingo. Il s'en prend régulièrement à ses origines Sudistes, le traitant avec mépris et l'accablant pour des faits historiques dont il n'est pas responsable. Sophie n’est souvent que la spectatrice de leurs parfois très longues joutes verbales.



Et enfin Stingo/Sophie/Nathan : relation triangulaire où chacun des protagonistes court lentement à sa perte.



Il est finalement très rare que le repos et la sérénité animent les trois personnages en même temps, puisqu’ils sont tous tenaillés par le doute, le tourment, le remords et la culpabilité, et ce pour des raisons bien différentes. Leurs malaises s’interfèrent en permanence, de façon très juste, dans une atmosphère délétère et souvent malsaine.

Ce « choix », que Sophie s’est résolue à faire un jour, est le fil conducteur du roman. Mais autour de ce drame gravitent d’autres drames, qui donnent de l’ampleur à ce grand roman de la perdition et du malheur. En effet, "Le choix de Sophie" est construit sur la superposition de trois thèmes. Le premier est le récit fortement autobiographique de Stingo, de ses tribulations professionnelles, amoureuses, sexuelles. Le deuxième est la relation amoureuse passionnelle, merveilleuse, violente et destructrice de Nathan et Sophie dont Stingo est l'observateur. C'est une nouvelle approche bien conduite du thème tant de fois exploré de "l'amour à la mort". Le troisième thème est bien sur le passé concentrationnaire de Sophie, de sa lutte pour survivre et toute son horreur, avec le choix entre la vie et la mort d'un de ses deux enfants et le remord destructeur qu'implique un tel acte.



Styron nous livre une synthèse brillante. L'enchainement des trois thèmes fait que ce roman est exceptionnel. Oser mélanger des frustrations sexuelles de jeunesse et Auschwitz ! Et le réussir... Le culot de Styron n'a d'égal que son talent pour construire ce roman essentiel et l'écrire d'une plume fluide et agréable. Un livre inoubliable!

Commenter  J’apprécie          630
Face aux ténèbres

C'est terriblement difficile de faire une critique sur ce livre tant le sujet traité, le suicide, est encore tabou. La dépression, pour beaucoup de personnes qui ne l'ont jamais vécue, est déjà difficile à comprendre, mais quand elle va dans les abysses d'une souffrance qui n'a pas de nom, elle est incompréhensible.

Pour l'entourage d'une personne atteinte de ce mal et qui n'a comme seule solution que se donner la mort, c'est tout simplement inimaginable.

Ce que nous livre ici William Styron dans son livre Face aux ténèbres-chronique d'une folie, est une plongée dans l'univers de cette souffrance innommable, mais avec cette note d'espoir que l'on peut -parfois- s'en sortir.

Quand cela arrive, quand on s'en sort, on n'est plus jamais le(la) même.

Commenter  J’apprécie          633
Le choix de Sophie

J'ai lu toutes les critiques "babeliotes" concernant ce chef d'oeuvre et je souhaite simplement ajouter mon grain de sel aux excellents avis que j'ai pu glaner, sans pour autant raconter le roman, ce qui a déjà été fait ici.

Oui, le choix de Sophie exige du lecteur son attention totale. Par son écriture si dense, par sa construction si élaborée, par la noirceur de son propos, par l'intensité de certaines scènes quasiment insoutenables...

Oui, le choix de Sophie exige du lecteur que l'on accepte les digressions de Stingo. Mais ces digressions sont partie intégrante de cet ouvrage et il est vrai que les réjouissantes aventures du jeune homme avec les fausses délurées et vierges folles qu'il rencontre (pauvre Stingo! malheureux puceau !) offrent une bouffée d'air frais à l'atmosphère insupportable de noirceur dans laquelle se débattent les trois protagonistes du "Palais rose" de Yetta.

Car oui, les diverses confrontations entre les trois personnages : Nathan/Sophie, Nathan/Stingo et Sophie/Stingo emmènent le lecteur dans un univers étouffant et de plus en plus noir au fur et à mesure de la conscience prise, en avançant dans le roman, de l'horreur du vécu de Sophie, de l'état mental de Nathan, cet homme si brillant, si intelligent, si chaleureux, mais aussi cet humain totalement désaxé et profondément malade, qui, in fine, ne peut qu'anéantir Sophie, ce dont elle est parfaitement consciente, qu'elle accepte et qu'elle désire même, peut-être !



Le choix de Sophie est un ouvrage absolument magistral qui, à travers le personnage de Sophie, nous plonge dans tout ce que l'esprit humain peut véhiculer d'espoir, de foi, de naïve croyance (due à la jeunesse de Sophie, lorsqu'elle conte ses souvenirs d'adolescente), puis de désespérance lors de sa descente en enfer, lorsqu'elle arrive dans l'abomination sur terre, Auschwitz, dirigée par cet homme, Rudolf Höss, enfin de dégoût de soi et d'un sentiment morbide d'insurmontable culpabilité pour avoir dû faire le choix horrible auquel on l'a forcée, lors de son arrivée au camp. Ce choix que l'on n'apprend qu'à la fin, tant Sophie rechigne à faire remonter au grand jour cet épouvantable épisode de sa vie !



Mais, penchons-nous un peu sur les rapports que Sophie est très brièvement amenée à entretenir avec Rudolf Höss.

Le commandant du camp s'avère être le parfait représentant de ces nazis, absolument obéissants aux ordres, totalement dénués du moindre esprit de contestation, un homme, même pas monstrueux, au sens où on peut l'entendre d'un esprit malade. Non, Rudolf Höss n'est pas malade, il est simplement complètement et indéfectiblement dévoué à une idéologie dévoyée. Il ne se pose pas de questions. Il accomplit son travail. Il obéit. Est-il taré ou simplement obéissant aux ordres d'une hiérarchie dépravée ? (A lire à ce sujet, ses mémoires ou les souvenirs romancés écrits par Robert Merle, dans "la mort est mon métier".) Ce qui rend cet homme, au demeurant correct et courtois, absolument épouvantable, c'est qu'il agit tout simplement comme un ordinateur qui applique un programme.

Et que peut bien faire Sophie, face à Rudolf Höss ? elle veut, elle essaie de sauver son fils. Son fils, ce garçon blond, aussi aryen que n'importe quel nazi de bonne souche pourrait le souhaiter, elle souhaite, pour le sauver, le faire intégrer au programme du "Lebensborn" (programme inventé par les nazis pour intégrer à la "race des élus" des enfants blonds aux yeux bleus, dignes de représenter la race des seigneurs, c'est à dire eux-mêmes et de répandre à travers le monde les vertus de la race aryenne !).

Alors Sophie tente de sauver son enfant et pour ce faire n'hésite pas à tenter de séduire Rudolf Höss.



Enfin, évoquons brièvement le rapport que Sophie entretient avec la musique qui la préserve de la folie durant la guerre à Varsovie et pendant son incarcération. Cette musique, qui occupe une si grande place lors de sa confrontation avec Rudolf Höss, lorsqu'elle perçoit brièvement quelques notes de la Création de Haydn. Ces notes, pour elles sublimes, lui donnent le courage d'entreprendre sa démarche désespérée auprès du Commandant.

La musique, oui, la musique, seule alternative à la folie. La musique ? elle est née dedans. Elle joue d'un instrument.

Et c'est encore la musique qui la soutient ensuite, après Auschwitz, dans le long parcours de sa réadaptation à la vie. Et ce que Nathan lui offre, entre autres choses importantes, c'est l'accès à la musique, Bach, Mozart et Vivaldi, qu'elle écoute avidement, du matin au soir dans la chambre du Palais Rose....



Bon, je vais m'arrêter là ! Je n'avais pas l'intention d'écrire un aussi long billet et il y a encore tant et tant de choses à dire... une seule encore, une seule, lisez ce livre exceptionnel !



Commenter  J’apprécie          571
Le choix de Sophie

Vers la page 100, mon choix est de stopper la lecture de ce roman. Je n'accroche pas à l'écriture de William Styron. Je trouve sa prose lourde, pesante. Pourtant les critiques sont positives. Le résumé de cette histoire me donne envie de connaître la suite et ce "fameux" choix de Sophie. Mais je n'y arrive pas et ne prend aucun plaisir à ce style d'écriture. J'avoue ne pas comprendre l'engouement général et les prix qu'a remportés cet ouvrage.

C'est un acte manqué en ce qui me concerne. Je regarderai le film lorsque l'occasion se présentera...

Commenter  J’apprécie          5615
Face aux ténèbres

Face aux ténèbres n'est pas seulement un livre fort; c'est aussi un beau livre, quoique le sujet en soit grave et perturbant. La dépression est un sujet qui continue à mettre beaucoup de monde mal à l'aise. Ça peut aller jusqu'au tabou.



William Styron rédige ici un récit autobiographique de sa propre lutte face aux ténèbres. Mais il élargit l'angle d'approche en parlant de la dépression en général et des rapports ambigus et malaisés entre la personne en souffrance et les proches. Démunis face à ce problème impalpable, il y a ceux qui le réfutent carrément avec des conseils inutiles et qui agressent un peu plus le blessé : "Bouge-toi un peu plus!", "Tu t'écoutes trop!" et autres. Quand simplement se lever du matin est déjà une bataille remportée de haute lutte contre la maladie et soi-même. Quand tenir un jour de plus est un exploit...



William Styron parle également de quelques personnalités du monde littéraire en prise avec cette maladie qui les a poussés jusqu'au suicide: Romain Gary, son ami, Sylvia Plath, etc.

Lui-même s'est retrouvé à friser le point de non-retour, cette terrifiante zone qu'il nomme "la désespérance au-delà de la désespérance".



Un témoignage âpre, sans fard mais non sans pudeur. L'auteur n'écrit pas pour faire pleurer dans les chaumières ni par ostentation. Il se veut éclairant sur la dépression et son emprise similaire à celle d'une immonde araignée sur sa proie engluée dans la toile. Son récit m'a touchée au cœur. Pour autant il n'est pas déprimant, sa lecture ne m'a pas plus plombé le moral. Juste fait ressentir une infinie compassion pour tous ces êtres en souffrance.

Je sais déjà que ce court texte, je le relirai.
Commenter  J’apprécie          469
Le choix de Sophie

J’ai commencé ce pavé à partir d’un malentendu. J’avais lu quelque part qu’il y était question, comme l’indique le titre, du choix horrible imposé à Sophie à son arrivée à Auschwitz : l’officier allemand responsable du triage des prisonniers l’oblige à désigner celui de ses deux enfants qui va survivre, l’autre étant envoyé à la chambre à gaz.

Vu le thème annoncé et la taille du roman, j’ai longtemps hésité à m’y lancer, me demandant comment l’auteur pourrait bien « meubler » 900 pages avec ce sujet.

En réalité, la relation de ce choix intervient assez tard dans le roman, et occupe (en tout cas explicitement) relativement peu de place. Mais il éclaire (enfin, le terme est mal choisi pour des choses aussi sinistres) a posteriori le comportement et la culpabilité sans nom qui ronge Sophie.

Et donc, pour prendre les choses au commencement, se présente à nous Stingo, jeune narrateur fraîchement débarqué de sa Virginie natale à New York. Nous sommes en 1947, Stingo vient de terminer des études littéraires et se rêve en grand écrivain, marchant dans les traces de Faulkner et consorts. Après avoir quitté un premier job alimentaire dans une maison d’édition minable, il s’installe à Brooklyn, dans une pension et un quartier presqu’exclusivement juifs. Il y fera la connaissance du couple formé par Sophie, Polonaise catholique rescapée d’Auschwitz, et Nathan, issu d’une famille juive américaine aisée.

Le roman raconte l’amitié naissante entre Stingo et le couple, et au gré des confidences de Sophie à Stingo, les horreurs que celle-ci a vécues en Europe, son arrivée aux Etats-Unis à l’état d’épave humaine, sa rencontre avec Nathan, et la relation destructrice qu’elle entretient avec celui-ci. Car si Sophie est d’un tempérament doux et désespéré mais stable, Nathan, lui, peut tour à tour se montrer parfait gentleman mais aussi parfait salaud, violent, odieux, paranoïaque, allant jusqu’à reprocher à Sophie d’avoir survécu (Nathan ou le monde à l’envers : quand un Juif devient celui qui persécute).



La description du système des camps de concentration et l’Holocauste offrent l’occasion de nombreuses réflexions philosophiques, sociologiques, psychologiques, sur le Bien et le Mal (ce Mal absolu que seuls les humains peuvent générer), sur la culpabilité et l’innocence, sur le « qu’aurais-je fait à sa place ? », sur le « pourquoi moi ? », et sur l’absurdité des choses qui fait se demander à Stingo si, et pourquoi, au moment même où Sophie arrivait à Auschwitz, lui n’était pas tranquillement assis sur un banc à lire de la poésie.



Qu’on se rassure, le roman n’est pas toujours plombé par ces événements tragiques. Comme pour nous permettre de respirer dans cette atmosphère oppressante, l’auteur nous fait suivre aussi les mésaventures et fantasmes amoureux (attention crudités ) du puceau Stingo (qui fait preuve de beaucoup d’auto-dérision), complètement bleu de l’inaccessible Sophie, et qui ne fera que des rencontres au final décevantes (mais hilarantes pour le lecteur. Je soupçonne l’auteur d’avoir pris un malin plaisir à ne mettre sur la route de notre frustré de service que des filles « compliquées »). A tel point qu’à plusieurs reprises Stingo sera tenté de rentrer auprès de son père dans son Sud tranquille et monotone.

Les allusions à ce fameux Sud permettent aussi d’évoquer l’esclavage, réminiscence de la guerre de Sécession, et les oppositions Nord/Sud, Noirs/Blancs. Le roman a été écrit en 1979, à une époque où ces sujets étaient peut-être encore plus sensibles qu’aujourd’hui ? En tout cas le thème est cher à Styron puisque l’auteur/narrateur fait presqu’explicitement référence à un autre de ses livres, « les confessions de Nat Turner ».



Le Choix de Sophie est une œuvre monumentale, de longue haleine, qui ne se lit ni facilement ni rapidement. Mieux vaut être au calme avec du temps devant soi pour digérer tout ce mal et cette violence.

Mais j’ai trouvé cela remarquablement bien écrit (amateurs de phrases courtes s’abstenir), ce qui n’est pas si courant, intéressant pour qui s’intéresse à l’Histoire. Mention spéciale aux analyses psychologiques très fines des personnages et de leurs interactions (Sophie et Nathan, Sophie et Höss), qui les rendent inoubliables.

Pour moi, ce fut un grand moment de littérature. J’ignore ce que vaut le film qui en a été tiré.

Commenter  J’apprécie          458
Le choix de Sophie

C’est bien d’un choix dont il s’agit dans ce livre. L’indicible choix qu’on imposa à Sophie, polonaise, mère de deux enfants, non juive, et pourtant internée à Auschwitz. Bien pire qu’une balle ou…autre chose, cet acte l’a détruite petit à petit, insidieusement, inexorablement, et bien au-delà de la fin du conflit.

Au sortir de la guerre, en 1947, Sophie vit en Amérique dans un quartier de Brooklyn. Son déplorable état de santé, dû à son internement au camp, est à l’origine de sa rencontre avec Nathan, biologiste ayant un frère médecin. Commence alors entre eux une belle histoire. Cela fait un an qu’ils sont ensemble lorsque Stingo, jeune gars du Sud et narrateur, fait leur connaissance en venant s’installer dans la pension où ils résident. Stingo, comme la plupart des hommes, tombe immédiatement amoureux de Sophie, mais il se rend à l’évidence, ces deux- là sont liés par quelque chose de si intense qu’il ne fait pas le poids. Ils forment bientôt un trio inséparable, car Stingo éprouve rapidement pour Nathan une amitié très forte. Pourtant, il va être le témoin de plusieurs disputes aussi soudaines que violentes. Nathan, qui est juif, révèle lors de ses crises de folie furieuse son sentiment de persécution, sa peur et son dégoût de l’antisémitisme, et s’en prend à Sophie qu’il accuse d’avoir usé de moyens pervers pour se sortir d’Auschwitz. Malgré sa terreur, celle-ci ne peut se résoudre à le quitter.

Rongée de remords et de culpabilité depuis son séjour à Auschwitz, Sophie accepte la folie de Nathan comme pour expier ses fautes et ce qu’elle désigne comme sa lâcheté. La spirale destructrice est en marche, rien ne l’arrêtera, pas même le pauvre Stingo, si désespérément dévoué à son couple d’amis.

Une bien triste histoire, mais magistralement écrite, qui souligne ce que cette guerre infiltra de poison dans le cœur des gens qui y furent mêlés, dans un camp comme dans l’autre, et qui continuèrent d’en souffrir bien après l’arrêt des combats.

Commenter  J’apprécie          440
Face aux ténèbres

Styron nous fait ici l’analyse de sa propre dépression. Pour celui qui n’en a jamais ressenti les affres, le mot « dépression » est une notion abstraite et floue. La plupart du temps, et aujourd’hui encore, elle est perçue comme une faiblesse de l’esprit qu’il suffit de combattre avec énergie et volonté. Il s’agit de « prendre sur soi », ne pas « s’écouter ». On va même jusqu’à parler de « lâcheté » en cas d'actes irréparables. Une « dépression » au sens météorologique du terme est une spirale descendante, ce qui est bien le cas ici.



Malheureusement la seule volonté n’y suffit pas puisqu’elle a déserté. Le dépressif dérive sans but. Il ne perçoit rien que le néant au point d’envisager le suicide comme une solution comme une autre. Il banalise la mort lorsque la douleur morale, physiquement éprouvée devient trop insupportable, lancinante et sans fin. Cette insurmontable angoisse qui vous terrasse et entraine inexorablement vers le fond. C’est un reniement de soi, une totale dévalorisation, de l’autodestruction. C’est une punition qu’il s’inflige probablement lié à un sentiment de culpabilité.



Comment cette notion peut-elle être concevable par des individus exempts de ces troubles ? Cette notion de folie que Styron lui-même revendique est finalement plus acceptable pour eux. Aujourd’hui, la dépression est reconnue et qualifiée de « maladie » (du siècle même), tant les cas sont nombreux et en sans cesse en augmentation au fil des années (et plus encore avec la pandémie qui nous frappe depuis 2020 !). Mais à l’époque de la rédaction du livre, le phénomène était certes connu mais mal maitrisé par les médecins. La psychiatrie ne faisait pas l’unanimité. Elle prescrivait (comme c’est toujours le cas aujourd’hui) des traitements médicamenteux souvent forts avec des effets secondaires mal connus, en première intention.



La réalité des névroses est aujourd’hui clairement reconnue par la médecine et catégorisées (phobiques, compulsives, obsessionnelles, hystériques…) mais n’est toujours contrôlée que partiellement et très peu acceptée dans le quotidien d’une grande majorité de la population non atteinte de ce fléau.



Styron quant à lui, en brossant un tableau clinique sans complaisance de sa dépression tente d’expliquer aux néophytes ce qui se passe dans sa tête : le mal-être les angoisses, la perte de motivations, l’annihilation de ses envies, son sentiment de carence et d’inutilité. Il essaye de décrire ses symptômes pour faire ressentir ce qu’endurent les dépressifs. Pour leur faire toucher du doigt la profondeur des blessures qu’ils ressentent. Mais ce ne sont que des mots sans ressenti physique pour ceux qui ne sont pas touché. Sans la charge émotionnelle à laquelle ils se réfèrent. Les mots sont une information, on peut s’imaginer sur le moment ce qu’ils veulent dire, mais en aucun cas en ressentir la douleur physique, son ampleur dans la durée (on informe par exemple un tiers que nous avons mal à la tête, ou mal aux dents. Il le sait, il comprend le sens des termes utilisés, mais comment pourrait-il en ressentir la douleur et se représenter que 4h après vous en souffrez encore alors même que l’info lui est sortie de la tête?).



Styron tente de trouver des causes à son mal-être, comme par exemple son corps qui rejette l’alcool qui serait à l’origine de sa dépression alors que ce n’est probablement qu’une première manifestation. Il donne aussi ses positions vis-à-vis des psychiatres, les accusant d’être inefficaces avec un recours automatique à la prescription médicamenteuse (Ce qui n’est pas tout à fait faux). Il prône l’internement comme remède souverain qui aide à retrouver une sérénité intime et profonde en le coupant du quotidien. Ça n’est pas entièrement faux aussi à cela près qu’aujourd’hui on parle de maison de repos et non plus d’internement (réservés pour les « fous » dangereux pour eux-mêmes et pour les autres – schizos, psychopathes, maniaques, etc…) Styron, aux mains de psychologues (et non pas psychiatres) qui lui fournissent écoute et dialogue, dit avoir trouvé le déclic nécessaire pour surmonter les affres de ce marasme et remonter la pente. Là encore, c’est tout à fait vrai qu’il faut un « déclic » (on ne « décide » pas que sa dépression est terminée).



Ce drame personnel, vécu douloureusement est un roman désespéré même si l’on entrevoit un espoir ténu vers la fin. Pour avoir été touchée personnellement par ce mal insondable, cet état des lieux me parle forcément. Je comprends le cheminement qui a dû être le sien, sa descente aux enfers et toutes les étapes décrites puisque ses mots se rattachent à des sensations physiques précises pour moi. Ils font sens. Cependant, je reste sceptique sur la compréhension de l’abime par les non-dépressifs car c’est un cheminement très personnel où l’on se bat avec ses propres démons. Aucun dépressif ne ressemble à un autre puisqu’aucun n’aura la même histoire même si les symptômes peuvent être catégorisés et sont plus ou moins les mêmes.



Pour ma part, et contre toute attente, je n’ai pas perçu de réelle empathie envers l’auteur. Malgré ma compréhension de ce qui frappe l’auteur, je n’ai malheureusement pas vraiment senti de vraies émotions sur les mots de celui-ci. Je n’ai pas discerné la force du propos. Cela reste des allégations dépourvues d’impact réel. Cela reste distant, comme un spectateur parlerait de ce qu’il voit, un constat sans plus.



On passe des premières manifestations de la dépression aux profondeurs de l’angoisse sans réellement ressentir les paliers par lesquels il a dû passer. Je comprends que les descriptions auraient pu paraitre trop pesantes s’il avait tout dit en détail. Pourtant l’écriture ici est noire, sans espoir et apparemment sans issue. Les mots utilisés en attestent. Pour autant, j’ai l’impression d’avoir lu un rapport clinique écrit à froid comme l’aurait fait un médecin et non pas un vécu personnel même si telle en était l’intention. Le récit méticuleux me semble en effet rester superficielle. Son histoire personnelle me parait plutôt prétexte à donner son avis sur les traitements et les prises en charge psychiatrique.



Cela ne reste que mon modeste ressenti et ça n’enlève rien aux propos de l’auteur. C’était mon premier essai avec Styron, avant de m’attaquer au pavé qu’est le « choix de Sophie » dont l’adaptation cinématographique m’avait touchée en plein cœur. A lire donc… à suivre…



Commenter  J’apprécie          393
Le choix de Sophie

Quelle densité dans la forme autant que dans le fond!!! Ce livre est d'une richesse inouïe.



J'ai découvert William Styron avec "Les Confessions de Nat Turner" et je savais que j'y reviendrai...

Pour son style d'abord si dense et foisonneux. L'écriture, jamais pompeuse ni prétentieuse dénote pourtant une érudition de la part de l'auteur devant laquelle parfois, on se sent tout petit.

C'est une lecture qui demande des efforts à plusieurs niveaux. Un bon dictionnaire et l'ami google m'ont été de précieux alliés. Le vocabulaire est riche. De nombreuses références littéraires, historiques, musicales.... Bref, une plongée très complète dans une époque, une histoire....



De nombreux thèmes sont ici abordés.

L'écrivain en mal d'inspiration au début du roman, l'éveil de l'impulsion créatrice. Les doutes, l'angoisse de la page "jaune" (oui, William Styron écrivait sur du papier jaune!). L'exaltation des mots trouvés, enfin. De l'histoire qui se dessine. Les allusions au processus d'écriture qui lui auront permis de signer "Un lit de Ténèbres" ou encore "Les Confessions de Nat Turner". Car, oui, on navigue sans cesse,entre roman et autobiographie. Pour, à travers l'histoire de Sophie et Nathan, découvrir l'homme que fut William Styron.



Mais surtout, justement, il y a Sophie, et Nathan. Et le narrateur qui, en contant leur histoire se pose en témoin d'une époque et d'un drame. L'autodestruction, la culpabilité, la toxicomanie, la folie, l'horreur d'Auschwitz, la perversion, le désespoir, la survivance. Et l'amitié comme l'amour, poussés à leur paroxysme. L'indulgence malsaine que l'on accorde à l'autre face à ses mauvais traitements parce que l'on se sent si coupable.... Si indigne de recevoir de l'amour. Le pardon si facilement accordé.

Et ici, il s'agit autant de la culpabilité de Sophie et de ce qu'elle a du faire pour survivre que de celle de William Styron qui, originaire du Sud des États-Unis, traîne l'esclavage des Noirs comme un atavisme honteux duquel il essaie désespérément de se libérer.

Mais rien à faire, lui, autant que Sophie qui se sent responsable de l'antisémitisme paternel, se sent coupable des méfaits de ses ancêtres. Tous deux s'en défendent, essaient de rationaliser mais la culpabilité sans cesse les rattrape et les ronge.

Le parallèle entre l'esclavage des Noirs et celui des déportés de la guerre est omniprésent et introduit une notion d'universalité et d'éternel recommencement qui nous glace le sang.



Le personnage de Nathan introduit l'idée d'irresponsabilité. La notion du "bourreau" malade et donc excusable. Mais, et c'est bien là que tout se joue, Sophie aime Nathan et il l'aime aussi. Il devient le contrepied des tortionnaires de Sophie. Car ceux-là, elle ne les a pas aimés même si elle les a

courtisés. Ceux-là, contrairement à Nathan, n'étaient pas "aimables".



Beaucoup d'interrogations. Qui restent sans réponses. Comment, pourquoi l'homme est un jour capable du meilleur et soudain, devient expert pour faire subir aux siens le "mal absolu".

William Styron, sans doute pour se rassurer lui-même nous dépeint toujours des dirigeants Allemands "anesthésiés", comme sous l'emprise d'une force plus puissante qu'eux qui les pousse à agir comme des automates, comme des pantins. Leur antisémitisme est bien réel mais ce qui les poussera à commettre l'odieux les dépassent. Toutefois, à aucun moment William Styron ne les excuse. Et comment le pourrait-on ?



Une des forces du livre, ce qui nous fait basculer petit à petit dans l'horreur sans arriver à s'en éloigner, mais, honteusement en l'attendant presque, c'est la façon dont l'auteur joue avec le temps.

Nous naviguons dans l'Histoire au gré du récit de Sophie. Et les nombreuses digressions qui, parfois cassent un peu le rythme du récit, les retours en arrière agaçants, prennent tout leur sens lorsqu'on comprend où il a voulu nous mener.

Nous mener par le bout du nez, car c'est bien ce qu'il fait tout au long de ces 900 pages.



Au final, et malgré ce long billet, j'ai l'impression de ne pas avoir dit la moitié de ce qu'il y a à dire concernant ce "Choix de Sophie".

J'ai pris le parti très rapidement en début de lecture et au vu de la complexité du livre de ne pas m'encombrer l'esprit en prenant des notes ou en notant des citations. Je voulais juste lire sans m'imposer plus de ruptures de rythme que celles voulues par l'auteur.

Mais peut-être tout serait-il résumé par ce passage : " "Un jour je finirai par comprendre Auschwitz".

Propos optimiste mais d'une absurdité débile. Personne ne comprendra jamais Auschwitz."



Surtout si l'on admet que comprendre, c'est accepter. Mais Sophie, par son parcours, le récit de ses doutes, de ses regrets et de sa culpabilité a un peu éclairé l'Histoire. Sans légitimer quoi que ce soit, elle nous oblige et William Styron à travers elle, à se demander inlassablement : " et moi, qu'aurais-je fait ?". Le courage et la lâcheté intimement liés. L'atavisme comme croix à porter.

L'amitié ou l'amour pour nous en délivrer. Oui, mais voilà...

Ca ne suffit pas toujours....



Une oeuvre forte, qui nous habite longtemps encore après avoir fermé le livre....











Commenter  J’apprécie          393
Le choix de Sophie

Ce pavé publié en français en 1981 était dans ma PAL depuis des lustres, il était dans la bibliothèque de mes parents, c'est dire. Je ne regrette pas de l'avoir finalement lu, même si ce fut une lecture par moments… difficile. le style de Styron ! si dense, détaillé, lent, avec son vocabulaire érudit et de si longues phrases et des anecdotes dans l'anecdote... 'il faut que vous sachiez, pour bien comprendre la suite'... des scènes qui mettent chacune un long chapitre à se mettre en place. On se croirait presque… chez Dostoïevski!

Notre narrateur Stingo, la jeune vingtaine, quitte en 1947 sa Virginie natale, espérant réaliser à New York son rêve de devenir un romancier à succès. Il se retrouve très seul à Brooklyn dans une maison de chambres, avant d'y rencontrer Sophie et Nathan, un magnifique et excentrique jeune couple, lui brillant Juif New-Yorkais biologiste oeuvrant avec succès chez Pfizer, elle une superbe Polonaise (non-Juive) … rescapée d'Auschwitz.

Stingo se prend d'amour pour Sophie et d'une grande amitié pour ce couple, cependant il s'aperçoit vite de la toxicité de leur relation, Nathan étant sujet à des crises de violence et de paranoïa et Sophie endurant tout, dans une dépendance qui frôle le masochisme. Sophie se confie à petites doses à Stingo de son passé concentrationnaire… l'horreur est toute récente et Sophie encore en choc post-traumatique…

Cette histoire n'a rien de gaie … (et son auteur a d'ailleurs sombré dans une profonde dépression dont il témoigne dans Face aux Ténèbres). Amateurs de feel-good, fuyez ! Ce roman est très dur, et même douloureux, il est poignant, bouleversant, … et il vaut vraiment la peine d'être lu.

Commenter  J’apprécie          387
Face aux ténèbres

Je ne connais pas grand-chose à la psychologie et à la psychiatrie mais je suis sensible à ces disciplines et j’ai trouvé ce récit de Styron très éclairant, édifiant par moments. Il raconte sa dépression, cette « tempête déchaînée dans [le] cerveau », les causes probables de son mal (il émet des hypothèses, bien sûr, car rien n’est certain), ses idées d’autodestruction et de suicide, son hospitalisation et sa guérison. Oui, car nombreux sont ceux qui l’oublient ou qui ne comprennent pas la dépression : c’est une maladie grave qui peut avoir une issue tragique. L’auteur l’illustre en racontant son expérience et en citant des écrivains et artistes qui ont vécu cette « tempête des ténèbres » intérieure comme Romain Gary, Virginia Woolf, Sylvia Plath, Ernest Hemingway ou encore Diane Arbus. Tous se sont suicidés. Styron raconte encore la douleur, l’hypocondrie, la haine de soi, le sentiment de perte ou d’inutilité qu’entraînent la dépression, qui sont autant de symptômes de la dépression. Son récit est également une mise en garde pour tous ceux qui n’ont jamais été plongés dans cet état de désespérance et qui seraient tentés de dire à un dépressif qu’il ne tient qu’à lui de s’en sortir : « Une rude tâche que de lancer : ‘‘courage !’’ quand on est en sécurité sur le rivage à quelqu’un qui se noie, ce qui équivaut à une insulte […]. » Il les encourage plutôt à faire preuve d’un « soutien fervent et impliqué ».



Voilà donc un récit intéressant, qui peut éclairer ceux qui ont du mal à comprendre cette maladie et ses souffrances. Non, un dépressif ne « se pénalise » pas tout seul (une phrase que j’ai entendue un jour) ; oui, la dépression est un mal dont il est difficile de se sortir ; non, la seule volonté ne suffit pas toujours ; et oui, la présence et la patience des proches sont souvent indispensables. Enfin, et c’est le plus important, oui, on peut en guérir, William Styron en est la preuve.
Commenter  J’apprécie          338
Face aux ténèbres

L'auteur le dit lui-même: comment expliquer ce qu'est une dépression à ceux qui ne l'ont jamais vécu?

Il tente plusieurs analogies - la noyade, la suffocation, une tempête dans le cerveau, un sentiment d'effroi, une paralysie totale - mais rien n'est assez précis pour faire comprendre cet état qui s'empare de l'être en entier et qui ne lui laisse que très peu de répit. C'est à Paris, lors d'une remise de prix, que Styron prend conscience de l'étendue des dégâts, celle d'un état dépressif dajà profondément installé qu'il n'avait jusque là pas voulu accepter. Il retourne précipitamment aux Etats-Unis pour rencontrer un psy, s'enferme dans sa maison et sombre complètement en quelques semaines. Le voilà, à son tour, en proie à des idées suicidaires, après avoir vécu celles de ses amis, Romain Gary, Jean Seberg, et d'autres écrivains.

La dépression et surtout le suicide restent des sujets difficiles à aborder pour nombre d'entre nous, et c'est pour cela que Styron insiste pour en analyser les tenants et aboutissants. Dans ce court essai, il va au plus près de cette pulsion suicidaire, des instants qui précèdent la tentative, certains effets intimes qu'on jette ou qu'on chérit au contraire comme trace de ce qui bientôt ne servira plus, la lettre d'adieu, et lors de tous ces gestes, son double l'observant froidement.

Heureusement, il en réchappe, puisqu'il est là pour essayer de nous dire et peut-être, aussi, de nous sauver. Il faut une grande part de lucidité et d'empathie pour écrire un texte comme celui-ci, revenu des ténèbres.

Commenter  J’apprécie          320
Le choix de Sophie

Stingo, auteur en mal d’écriture, a vingt-deux ans quand il rencontre Sophie, Polonaise catholique rescapée des camps nazis qui parle peu de son passé. Mais pour Stingo, elle va lever le voile qui recouvre l’horreur. « Il y a beaucoup d’antisémitisme en Pologne, ce qui fait que moi, j’ai affreusement honte et de multiples façons, comme toi, Stingo, quand tu éprouves cette misère en pensant aux gens de couleur du Sud. » (p. 151) Sophie essaie de réapprendre à vivre à New York, mais le passé refuse de larguer les amarres. Alourdie de remords et de cauchemars, la belle jeune femme ne peut oublier ce qu’elle a fait pour survivre. « Quel joli petit chef-d’œuvre de ruse as-tu bien pu inventer pour parvenir, toi, à sauver ta peau pendant que les autres s’évanouissaient en fumée ? As-tu triché, fermé les yeux, offert ton joli petit cul ? » (p. 382) Victime comme tant de déportés de la culpabilité du survivant, Sophie porte en elle une double honte, celle de n’être pas morte et celle d’avoir dû choisir qui devait vivre. « Laisser quelqu’un mourir sans un au revoir, sans un adieu, sans un seul mot de réconfort ou de sympathie, c’est ce qui est horrible à supporter. » (p. 163) À mesure qu’elle confie son histoire à Stingo, les révélations se font plus terribles et avoir survécu se révèle être un traumatisme pire que toutes les avanies endurées au camp.



Le choix de Sophie parle de racisme, de haine, d’intolérance et de ce que tout cela fait faire aux hommes. Mais il y a parfois un océan entre ce qu’une part d’humanité peut faire et ce qu’une autre part d’humanité peut comprendre. « Ici, en Amérique, les gens, en dépit de toutes les révélations, des photographies, des actualités, paraissaient encore ne pas savoir, sinon de la façon la plus vague, la plus superficielle, Buchenwald, Dachau, Auschwitz – rien d’autre que des d’absurdes slogans. » (p. 263) Portée par un style ample, cette histoire est bouleversante et entraîne le lecteur aux confins du désespoir, de là où on ne revient pas.

Commenter  J’apprécie          321
Un matin de Virginie

Cette deuxième lecture de William Styron me confirme que je tiens là un nouvel auteur à découvrir passionément. Une fois encore, j'en sors très émue, plus encore en fait que suite à Face aux ténèbres.

Il y a quelque chose dans l'écriture d'un peu fragile, qui tourne autour de la tragédie - la mort de la mère de l'enfant, suite à un cancer long de huit ans de souffrances - en cercles concentriques.

Divisé en trois récits, le livre commence sur la guerre de Corée. Le narrateur, jeune, sain, robuste, exprime toute sa vitalité et virilité par son engagement pour son pays, et surtout son avidité à " casser du Japonais", tout comme tous ceux qui l'entourent. Mais très vite, ce sentiment d'invincibilité se fissure à l'évocation d'instants de son enfance auprès de ses parents, et c'est ainsi que nous pénétrons, petit-à-petit, jusqu'à y entrer pleinement, dans ce passé où la mère était vivante encore, bien que déjà malade.

Le deuxième récit nous amène au coeur de la Virginie, brûlante en été, pauvre et comme les autres états soumis à la prohibition. Un vieux Noir de 99 ans apparait dans le village: il est venu à pied de l'Alabama, pour mourir dans sa maison natale. A cette époque - les années 30, les relations entre Blancs et Noirs est complexe, les destins entremêlés, l'esclavage encore très frais. Et Styron nous plonge dans cette Virginie avec tact et sincérité.

La troisième partie est de loin la plus sombre, entre la grande Histoire - Dépression, prohibition, misère - et la petite - l'agonie de la mère, le désespoir du père, et de l'adolescent.

j'ai la sensation d'avoir lu quelque chose de délicat et de primordial, d'avoir fait une rencontre bouleversante et inattendue.
Commenter  J’apprécie          310
Face aux ténèbres

Un récit courageux et douloureux sur la grave dépression qui a littéralement terrassé l'auteur, et dont on se demande presque comment il s'en est sorti. Courageux car il n'est pas simple de se montrer sous un jour si fragile, si désemparé devant l'horreur totale de cette maladie dont le nom, nous rappelle l'auteur, évoquant un léger creux que l'on peut aisément surmonter, est loin de rendre compte.
Commenter  J’apprécie          302
Le choix de Sophie

Ce roman est la somme de tout ce que l'humanité peut avoir de plus sombre que ce soit au niveau des camps, de l'extermination et du choix que devra faire une femme, une mère, Sophie.

A travers la narration de Stingo, 22 ans, nous découvrons le couple formé par Sophie et Nathan, couple naviguant entre amour et folie. 1947, la guerre a pris fin mais laisse en chacun des cicatrices difficiles à exprimer.

Un roman exigeant et qu'il est impossible de lâcher tant l'auteur explore non seulement le Mal à l'état pur mais également comment l'être humain peut être à la fois bourreau et victime. Qu'est-on prêt à accepter pour un idéal, par amour, pour sauver sa vie ?

Et Dieu dans tout cela ?

A la fois roman d'apprentissage pour Stingo, d'amour fou entre Stingo et Sophie, psychologique et philosophique, aux multitudes clés, aux zones d'ombres se révélant peu à peu parce qu'indicibles, ce récit se veut une réflexion profonde à la fois sur une période de l'histoire dans ce qu'elle a eu de plus noire, de plus extrême et de ses conséquences sur l'être humain.

Construction parfaite entre présent, souvenirs, réalité et arrangements, aveuglement et souffrance.

On le referme sachant qu'il va longtemps nous habité, que certaines scènes vont rester gravées dans notre mémoire et que les questions n'auront pas toujours de réponses.

Difficile mais utile.
Commenter  J’apprécie          307
Le choix de Sophie

Relecture bouleversée et éblouie de ce gros et grand roman américain, marqué par le personnage inoubliable de Sophie.

Roman dense et touffu qui prend le temps de mener plusieurs récits en parallèle et de suivre plusieurs chemins de vie, en particulier les trois personnages centraux qui vont se rencontrer et mêler leurs destins dans une danse à la fois ébouriffante et macabre, entre Eros et Thanatos.



D'abord le jeune narrateur, fraîchement débarqué à Brooklyn de son Sud profond, alourdi du poids d'un héritage esclavagiste et gorgé d'une sève juvénile qu'il se languit de faire jaillir; Nathan ensuite, l'amant magnifique et terrifiant de Sophie pour qui il est à la fois une planche de salut, le miroir de ses peurs et le grand inquisiteur. Sophie enfin, si fragile et si troublante, si tragique et si complexe, à l'image du propos de ce roman qui casse les idées reçues et chamboule les facilités de pensée.



Rien n'est simple en effet chez Sophie, ni évident. Rescapée d'Auschwitz, Sophie n'est pas juive. Polonaise, elle hait sa famille antisémite. Epouse et mère, elle prend un amant. Revenue de l'enfer, elle s'adonne avec Nathan au sexe le plus débridé. Et tant d'autres choses que l'on attend pas de la figure stéréotypée d'une rescapée.



Et Sophie parle, beaucoup, à notre narrateur. Elle raconte, en cercles concentriques de plus en plus hésitants à mesure qu'elle approche du centre, comment elle est arrivée au camp, ce qu'elle a vécu, les remords qui continuent de la ronger comment de l'acide : son histoire familiale, son passé, sa faiblesse, son choix...



Un roman parcouru de mort et de désir, éprouvant mais magnifique!
Commenter  J’apprécie          281
Le choix de Sophie

LE CHOIX DE SOPHIE de WILLIAM STYRON

1947, Brooklyn, Stingo enfant du sud se sent perdu au milieu du royaume des Juifs. Il écrit des rapports chez l’éditeur Mcgrawhill, dont il se fait virer. Son père lui envoie quelques centaines de $ et il s’installe chez Yetta Zimmerman. Au dessus de sa chambre il fait la connaissance de Sophie, magnifique polonaise et rapidement de Nathan son fougueux amant, chercheur chez Pfizer, un Golem selon Morris, autre voisin. La relation avec Nathan est initialement tendue car il critique en permanence les gens du Sud qu’il assimile à des nazis. Stingo note de violentes sautes d’humeur chez lui qui s’accompagnent de coups sur Sophie. Néanmoins les trois vont développer une profonde complicité et passent toutes leurs soirées ensemble. Quand Nathan s’absente Sophie raconte son enfance à Stingo, combien elle avait des parents bienveillants et un mari qui l’aimait. Stingo de son côté enchaine les relations insatisfaisantes et il est toujours puceau! Il commence à écrire, se servant des souvenirs de Sophie qui a été détenue à Auschwitz pour une affaire de trafic de viande pour sa mère malade. Les crises de Nathan se multiplient, Larry, son frère va demander à Stingo de l’aider et lui parle de la schizophrènie paranoïaque diagnostiquée chez son frère ainsi que de son travail au laboratoire. Se voyant de plus en plus régulièrement seuls, Sophie va progressivement modifier le contenu de son récit d’enfance et de détention à Auschwitz.

Un très grand livre, dont l’adaptation cinématographique a grandement contribué à le faire connaître. Sophie, Nathan et Stingo sont des héros torturés, déchirés, broyés par leur souffrance, leur maladie et leur culpabilité. Styron, par ailleurs auteur du non moins remarquable « les confessions de Nat Turner », a habilement brouillé les pistes en mettant Sophie, polonaise catholique, enfermée à Auschwitz au milieu des juifs, maîtresse d’un Nathan, juif non pratiquant avec un Stingo, héritier du Sud ségrégationniste et esclavagiste. Ce prix national Book Award 1980 est un grand classique intemporel qui va bien au delà du choix qu’a dû faire Sophie à Auschwitz.
Commenter  J’apprécie          272




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de William Styron (2541)Voir plus

Quiz Voir plus

le choix de sophie

Quelle actrice connue d'hollywood a reprit dans un film le rôle de sophie ?

marylin Monroe
cameron diaz
jodie Foster
meryl Streep

6 questions
115 lecteurs ont répondu
Thème : Le choix de Sophie de William StyronCréer un quiz sur cet auteur

{* *}