AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Wislawa Szymborska (137)


Quand je prononce le mot AVENIR ,
Sa première syllabe appartient déjà au passé .
Quand je prononce le mot SILENCE ,
Je le détruit .
Quand je prononce le mot RIEN ,
Je crée une chose qui ne tiendrait dans aucun néant .
Commenter  J’apprécie          190
Coup de foudre

Ils sont convaincus, tous les deux,
qu’un sentiment soudain les a réunis.
Belle est cette certitude
mais plus belle encore l’incertitude.

Certains que, puisqu’ils ne se connaissent pas,
entre eux rien ne s’était jamais passé.
Et qu’en pensent les rues, escaliers et couloirs
où depuis des lustres ils pouvaient se croiser?

J’aimerais leur demander
s’ils ne se souviennent pas —
peut-être, dans ce tourniquet,
autrefois, face à face?
quelque « pardon » dans la cohue?
un « c’est une erreur » au téléphone?
Mais je connais par avance la réponse.
Non, ils ne s’en souviennent pas.

Ils seraient fort étonnés d’apprendre
que, depuis un bon moment
le hasard jouait avec eux.

Sans être tout à fait prêt
à se faire destin pour eux,
il les rapprochait et les éloignait,
il les croisait en chemin
pour s.écarter aussitôt
en riant sous cape.

Il y eut des signes, des indices,
illisibles, mais quelle importance.

Qui sait, peut-être il y a trois ans,
sinon mardi dernier,
une feuille avait volé
d’une épaule l’autre?
Quelque chose de perdu et de ramassé?
Peut-être ce ballon, déjà,
dans les aubépines de l’enfance.

Il y eut verrous et sonnettes
où, bien avant l’heure dite,
un toucher se couchait sur un autre toucher?
Des valises, côte à côte, à la consigne?
Un rêve identique, une nuit,
aussitôt effacé le matin?

En fait, tout début n’est jamais qu’une suite,
et le livre des événements
à jamais ouvert au milieu.
Commenter  J’apprécie          190
Wislawa Szymborska

******************* LES AVEUGLES ********************

Un poète lit ses poèmes à des aveugles .
Il ne pensait pas que ce serait si difficile .
Sa voix se trouble .
Ses mains tremblent .

Il ressent comment chaque phrase
est soumise à l'épreuve des ténèbres .
Le poème doit se débrouiller tout seul ,
sans lumières , sans couleurs .

Dangereuse expérience pour les étoiles du poème ,
l'aube , l'arc en ciel , l'inconsistance des nuages ,
la lumière des néons , le clair de lune
le scintillement argenté du poisson dans l'eau
le vol silencieux de l'aigle dans les hauteurs .

Le poète lit ( il est trop tard pour ne pas lire )
un enfant au pull jaune dans une prairie verte ,
les innombrables toits rouges au fond de la vallée
le tourbillon des numéros sur le maillot des joueurs
une femme infiniment nue par la fente d'une porte .

Il voudrait bien taire ( mais c'est impossible )
les saints alignés sur le porche de la cathédrale ,
les gestes d'adieu échangés par la fenêtre d'un train ,
les verres du microscope , le chatoiement d'une bague ,
le cinéma , les miroirs , les portraits dans l'album .

Mais les aveugles ont beaucoup de gentillesse ,
de tact et d'indulgence .
Ils écoutent , sourient et applaudissent .

Il y en a même un qui vient trouver le poète
un livre à la main ouvert à l'envers
pour lui demander un autographe invisible .
Commenter  J’apprécie          180
Nuages

La description des nuages
exige de faire diligence —
en une fraction de seconde
ils ne sont plus eux, ils sont autres.

Leur trait principal consiste
à ne jamais reproduire
ni formes, ni teintes, ni poses, ni dessins.

Jamais porteurs d’aucune mémoire,
légers, ils survolent la gravité des faits.

Témoins de quelque chose — vous voulez rire!
au moindre souffle, voilà qu’ils s’éparpillent.

En regard des nuages
la vie semble solide,
presque enracinée, quasi éternelle.

À côté des nuages
les pierres sont nos cœurs,
nous pouvons compter sur elles,
alors qu’eux : des cousins lointains et volages.

Que les gens soient, s’ils y tiennent,
et qu’ils meurent ensuite un à un,
les nuages n’en ont rien à faire
de ces affaires
extraordinaires.

Au dessus de ta vie parfaite
et de la mienne, imparfaite pour l’instant,
ils paradent, fastueux comme avant.

De périr avec nous ils ne sont point tenus.
Pour voguer, nul besoin d’être vu.
Commenter  J’apprécie          180
À mon cœur, un dimanche


Sois remercié, mon cœur,
qui t'appliques si bien, es si prompt à la tâche,
sans compliment, sans récompense,
de par ton zèle inné.

Soixante-dix mérites à la seconde,
Chacune de tes contractions
est comme la mise à l'eau
d'un bateau qui prend la mer,
et part pour un tour du monde.

Sois remercié, mon cœur
qui sans cesse,
m'extrais de ce grand tout,
distincte, même endormie.

Tu veilles à ce que je ne perce
le songe de part en part,
de part en part, départ
à tire d'ailes inutiles.

Sois remercié, mon cœur,
pour ce réveil nouveau,
Et bien qu'on soit dimanche,
jour de repos pour tous,
entre mes côtes
tu t'agites toujours, comme avant la grand' fête.


p.62
Commenter  J’apprécie          160
Wislawa Szymborska
Certains aiment la poésie,

Certains,
Pas tout le monde,
Pas la majorité, mais une minorité.
Hormis les écoliers qui le doivent, et les poètes eux-mêmes,
ça doit faire dans les deux sur mille.

Certains aiment,
Mais on aime aussi, le potage aux vermicelles.
On aime les compliments et la couleur bleu clair.
On aime un vieux foulard.
On aime avoir raison.
On aime flatter un chien.

La poésie, mais qu'est-donc que la poésie ?
Plus d'une réponse brûlante a déjà été donnée.
Et moi je n'en sais rien.
Je n'en sais rien et je m'y accroche comme à une rampe de salut.
Commenter  J’apprécie          140
Eloge de la mauvaise opinion de soi

Le busard n'a strictement rien à se reprocher.
Les scrupules sont étrangers à la panthère.
Les piranhas ne doutent jamais de leurs actions.
Le serpent à sonnettes s'approuve sans réserve.

Personne n'a jamais vu un chacal repenti.
La sauterelle, l'alligator, la trichine et le taon
vivent bien comme ils vivent, et en sont très contents.

Un coeur d'orque pèse bien cent kilogrammes
mais sous tout autre aspect demeure fort léger.

Quoi de plus animal que la conscience tranquille
sur la troisième planète du Soleil.
Commenter  J’apprécie          130
Une voix dans la discussion sur la pornographie


Extrait 3

Pure horreur ! Dans quelles positions,
avec quelle simplicité scabreuse,
un esprit parvient à en féconder un autre !
Jusqu’au Kamasutra qui ignore ces postures.

Lors de ces saillies le thé seul est en chaleur.
On reste sur sa chaise, en remuant les lèvres.
On ne croise jamais que ces deux jambes à soi.
De cette manière un pied touche le sol
tandis que l’autre ballotte librement dans l’air.
De temps à autre seulement
quelqu’un se lève et va à la fenêtre,
et, par un trou dans le rideau
mate la rue


//Traduit du polonais par Piotr Kaminsky
Commenter  J’apprécie          110

Gare


Ma non-arrivée dans la ville X
a eu lieu ponctuellement.

Je t'avais averti
par une lettre non envoyée.


Tu n'es pas venu à temps
exactement comme prévu.

Le train est arrivé quai trois.
Beaucoup de gens sont descendus.

L'absence de ma personne
suivit la foule jusqu'à la sortie.

Quelques femmes m'ont remplacée
rapidement
dans cette marche rapide.


L'une d'elle a été accueillie
par quelqu'un qui m'était inconnu,
mais elle l'avait reconnu
immédiatement.

Ils ont vite échangé
un baiser qui n'était pas le nôtre
Suite à quoi on a égaré
une valise qui n'était pas la mienne.

La gare de la ville X
a réussi l'examen
de l'existence objective.

Le tout bien planté à sa place.
Les détails se mouvant dans l'ordre
sur des rails désignés à l'avance.

Même le rendez-vous
avait bien eu lieu.

Sans que puisse l'atteindre
Notre présence.

Au paradis perdu
de la probabilité.
Ailleurs. Ailleurs.
Quelle musique dans ce mot.
Commenter  J’apprécie          110
D’un regard il me fit plus belle,
et je pris cette beauté sans remords.
Heureuse, j’avalai une étoile.
S’il veut bien, qu’il me réinvente
à l’image de mon reflet
dans ses yeux. Je danse, je danse
dans les flots de mes ailes soudaines.
Commenter  J’apprécie          100
Non, rien de plus bestial
que la conscience tranquille
sur la troisième planète du Soleil.
Commenter  J’apprécie          100
La Pologne ? La Pologne ? Il y fait drôlement froid, n'est-ce pas?
- Pas du tout, répondis-je, glaciale.
Commenter  J’apprécie          100
Oignon

L'oignon c'est pas pareil.
Il n'a pas d'intestins.
L'oignon n'est que lui-même
foncièrement oignonien.
Oignonesque dehors,
oignoniste jusqu'au coeur
il peut se regarder,
notre oignon, sans frayeur.

Nous : étranges et sauvages
à peine de peau couverts,
enfer tout enfermé,
anatomie ardente,
et l'oignon n'est qu'oignon,
sans serpentins viscères.
Nudité multitude,
toute en et caetera.

Entité souveraine
et chef-d'oeuvre fini.
L'un mène toujours à l'autre
le grand au plus petit,
celui-ci au prochain,
et puis à l'ultérieur.
C'est une fugue concentrique
L'écho plié en choeur.

L'oignon, ça s'applaudit :
le plus beau ventre sur terre
s'enveloppant lui-même
d'auréoles altières.
En nous : nerfs, graisses et veines
mucus et sécrétions.
On nous a refusé
l'abrutie perfection.
Commenter  J’apprécie          100
Fin et début



Fin et début
Après chacune des guerres
il faut bien nettoyer
Un peu d’ordre dans tout ça
ne se fera pas tout seul.

Quelqu’un doit bien écarter
les gravats qui encombrent les routes,
sinon, comment passeraient
les charrettes pleines de cadavres.

Quelqu’un devra patauger dans
la fange et les cendres
les ressorts des divans
les débris de verre
les haillons sanglants.



/ Traduction du polonais par Piotr Kaminski
Commenter  J’apprécie          91
MOMENT À TROIE

Voilà les petites filles,
maigres, et sans certitude
que leurs taches de rousseur disparaîtront un
jour,

n’attirant l’attention de personne,
elles marchent sur les paupières du monde,

elles ressemblent à papa-maman,
elles en sont vraiment effrayées,

telles quelles, devant leur assiette,
devant le livre d'images,
devant la glace, parfois,
elles se font enlever à Troie.

Dans le spacieux vestiaire du clin d'oeil
en belles Hélène elles se métamorphosent.

Dans le bruit de leurs traînes et de l'admiration
elles remontent l'escalier royal.

Si légères, elles n'ignorent pas
que la beauté est un repos,
que la parole épouse la forme des lèvres,
et que les gestes se sculptent d'eux-mêmes,
sous une inspiration désinvolte.

Leurs jolis minois
dignes d'une tragédie grecque,
se dressent fièrement sur leurs cous
méritant le siège d'une ville.

Beaux bruns des écrans,
grands frères des copines,
et le prof de dessin,
tous ! ah ! tous ils tomberont.

Voilà les petites filles
debout sur la tour du sourire,
contemplent la catastrophe.

Voilà les petites filles
qui se tordent les mains dans un rite
enivrant de feinte tristesse.

Voilà les petites filles
sur fond de ruines,
portant en diadème la ville incendiée,
les boucles du gémissement général aux oreilles.

Pâles, et sans une larme.
Rassasiées du spectacle. Triomphantes.
Une seule chose les chagrine, un peu :
que bientôt il leur faudra rentrer.

Et voilà les petites filles
qui rentrent.
Commenter  J’apprécie          80
MOUVEMENT


Toi tu pleures, eux ils dansent
Eux ils dansent dans ta larme.
Eux ils jouent, eux ils s’amusent,
Eux, n’en savent rien du tout.
On dirait, miroirs scintillent,
On dirait, bougies grésillent.
Est-ce arcades, balustrades ?
Manches blanches, gestes lestes ?
Deux H fricotent avec O.
Coquins chlorure et sodium.
Danse en rond, azote fripon.
On remonte, on redescend,
sous la coupole virevoltant.
Toi tu pleures, ça leur plaît.
Eine kleine Nachtmusik.
Qui es-tu mon joli masque.
Commenter  J’apprécie          80
Haine


Extrait 4

En grande virtuose, elle joue du contraste
entre le vacarme et le silence
entre le vermeil du sang et la blancheur de la neige.
Mais s’il est un motif dont elle ne se lasse jamais,
c’est bien celui du bourreau propre sur lui
penché sur la victime flétrie.

Toujours prête à entreprendre un nouvel ouvrage.
S’il faut attendre, elle attendra.
On la dit aveugle. Elle ?
Avec ces yeux de sniper ?
Intrépide, elle regarde l’avenir en face.
Elle seule.

//Traduit du polonais par Piotr Kaminsky
Commenter  J’apprécie          70
Monologue pour Cassandre


Extrait 1

C’est moi, Cassandre.
Et voici ma cité recouverte de braises.
Et voici mon bâton, mes rubans de prophète.
Et voici ma tête pleine d’incertitudes.

C’est vrai, je triomphe.
Le feu de ma raison lèche la voûte céleste.
Seuls les prophètes que personne ne croît
jouissent de tels spectacles ;
seuls ceux qui s’y sont assez mal pris
pour que tout s’accomplisse aussi rapidement
comme s’ils n’avaient pas existé.
Commenter  J’apprécie          70
Que les gens ignorant ce qu'est l'amour heureux
Ne doutent pas que nulle part il n'y a d'amour heureux.

Il leur sera plus doux de vivre, et de mourir.
Commenter  J’apprécie          60
QUATRE HEURES DU MATIN

Heure de la nuit au jour.
Heure du flanc droit au gauche.
Heure pour avant la trentaine .

Heure vite balayée avant le chant des coqs .
Heure où la terre semble nous renier.
Heure où nous glace le souffle des étoiles éteintes.
Heures de qu'est-ce-qui-pourra-bien-rester-de-nous.

Heure vide,
sourde, aride.
Fond du fond de toutes les autres heures.

Personne n'est vraiment bien à quatre heures du matin.
Si les fourmis sont bien à quatre heures du matin
bravo les fourmis. Mais que viennent vite cinq heures
si tant est que nous devons survivre.
Commenter  J’apprécie          60



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Wislawa Szymborska (101)Voir plus

Quiz Voir plus

Créatures mythiques

A quelle mythologie appartiennent les Valkyries ?

nordique
maghrébine
slave

12 questions
247 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *}