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Citations de Wislawa Szymborska (137)


Psaume


Extrait 1

Ô, combien perméables sont les frontières humaines !
Voyez tous ces nuages qui passent, impunément,
ces sables du désert filant d’un pays à l’autre,
ces cailloux des montagnes pénétrant chez l’ennemi
en d’insolents sursauts !

Est-il besoin de prendre un à un les oiseaux
qui volent ou qui se posent sur la barrière baissée ?
Ne serait-il qu’un moineau, et voilà que déjà
sa queue est limitrophe, et son bec indigène.
Et puis, qu’est-ce qu’il gigote !



//Traduit du polonais par Piotr Kaminsky
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Voilà du prêt-à-vivre.
Pièce sans répétition.
Corps sans essayage.
Tête sans réflexion.

J'ignore le rôle qu'on me fait jouer.
Je sais seulement qu'il est à moi, non échangeable.

De quoi parle la pièce, je n'ai pas d'autre choix
que de le deviner une fois sur scène.
(Extrait de "Prêt à vivre")
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Je me réjouis de savoir toujours
me réveiller avant de mourir.

Aussitôt qu'une guerre éclate
je me tourne du meilleur côté.

je suis, mais je ne dois pas
être l'enfant de mon époque.

Il y a quelques années
j'ai vu deux soleils.

Et avant-hier un pingouin
Tout à fait distinctement.
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Wislawa Szymborska
Sous une petite étoile

Que le hasard m'excuse de le dire nécessité,
et qu'elle-même m'excuse si malgré tout j'ai tort.
Que le bonheur supporte que je le prenne sans façons.
Que les morts me pardonnent ces souvenirs fanés.
Et le temps, les univers manqués par seconde.
Pardon à l'amour ancien si le nouveau est premier.
Guerres lointaines, permettez ces fleurs dans le salon.
Plaies ouvertes, excusez mes égratignures.
Que les clameurs montant des abîmes pardonnent ce menuet.
Et les gens dans les gares - mon sommeil matinal.
Sois indulgent, espoir harcelé, laisse-moi rire parfois.
Oubliez, déserts, que je n'accoure avec une cuillerée d'eau.
Et toi, vieil épervier, toujours dans la même cage
fixant depuis des lustres le même point dans l'espace
veuille bien m'absoudre encore, fusses-tu empaillé.
Pardon à l'arbre abattu pour les quatre pieds de la table.
Pardon aux grandes questions pour les petites réponses.
Vérité, ne fais point trop attention à moi.
Gravité, j'implore ta miséricorde.
Souffre, mystère de l'être, que j'arrache des fils à ta robe.
Ne m'en tiens pas rigueur, âme, de ne t'avoir trop souvent.
Que me pardonne le tout de ne pouvoir être partout.
Que me pardonnent tous de ne pouvoir être chacun.
Je sais: tant que je vis, je n'ai aucune excuse,
car je me fais ainsi obstacle à moi-même.
Pardonne-moi, langue, d'emprunter des mots pathétiques
et de faire l'impossible pour qu'ils paraissent légers.
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UTOPIE

L’île où tout trouve enfin une bonne explication.
Ici on peut se fonder sur des preuves solides.
Point de chemin autres que ceux qui touchent au but.
Les buissons plient sous le poids des réponses.

C’est ici que pousse l’arbre de la Juste Hypothèse
aux branches démêlées depuis l’éternité.
L’arbre de Compréhension, lumineusement simple
s’élève près d’une source nommée Alors C’est ça.
Plus on avance, et plus vaste s’ouvre
la Vallée de l’Évidence.

Si un doute subsiste, le vent le chasse tout de suite.
L’écho prend la parole sans qu’on le lui demande
livrant avec ferveur les arcanes du monde.
A droite, la caverne où se reflète le sens.
A gauche, le lagon de Conviction Profonde.
La vérité remonte sans peine à la surface.
Au dessus du vallon, le Mont des Certitudes.
De son sommet s’étend la vue du Fond des Choses.

En dépit de ses charmes, l’île est toujours déserte,
et les traces des pas qu’on trouve sur le rivage
se dirigent toutes, sans exception, vers le large.

Comme si l’on ne faisait que repartir d’ici
pour plonger sans retour dans les abysses marins.

Dans la vie inconcevable.
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Sous une petite étoile

Que le hasard m'excuse de le dire nécessité
Et qu'elle-même m'excuse si malgré tout j'ai tort,
Que le bonheur supporte que je le prenne sans façons.
Que les morts me pardonnent ces souvenirs fanés,
et le temps, les univers manqués par seconde.
Pardon à l'amour ancien si le nouveau est premier.
Guerres lointaines, permettez ces fleurs dans le salon.
Plaies ouvertes, excusez mes égratignures.
[...]
Pardonne-moi, langue, d'emprunter des mots pathétiques et de faire l'impossible pour qu'ils paraissent légers.
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ICI 2009



EXEMPLE

La tempête
arracha cette nuit toutes les feuilles de mon arbre,
sauf une
orpheline
pour qu'elle se dodeline sur la branche toute nue.

À travers cet exemple
la force brute annonce
que parfois, pourquoi pas,
elle aussi a le droit de rigoler un coup.

p.297
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Ca va sans titre


Extrait 4

Complexe et dense est la broderie des circonstances.
Le point de croix de la fourmi dans l’herbe.
L’herbe cousue dans la terre.
Le motif de la vague tissé par la branche.

Ainsi donc, par hasard, je suis et je regarde.
Au-dessus, un papillon blanc agite dans les airs,
ses ailes qui ne sont et ne seront qu’à lui,
et l’ombre qui soudain traverse mes deux mains
n’est pas une autre, ni quelconque, mais bien la sienne.

Voyant cela, je ne suis jamais sûre
que ce qui est important
l’est vraiment davantage que ce qui ne l’est pas.
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Wislawa Szymborska
Jamais deux fois

Jamais rien n’arrive deux fois,
jamais rien ne se reproduit,
nous sommes nés sans bon usage
et sans routine mourrons surpris.

Serions-nous cancres les plus sots
à l’école de l’univers,
jamais nous ne redoublerons
aucun été aucun hiver.

Pas un des jours ne se répète
pas une nuit pareille à l’autre,
ni deux baisers tout identiques,
ni deux regards de l’un à l’autre.
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VIETNAM

Femme, comment t'appelles-tu ? - Je ne sais pas.
Quand es-tu née, d'où viens-tu ? - Je ne sais pas.
Pourquoi t'es-tu creusé un trou dans la terre ? - Je ne sais pas.
Depuis quand te caches-tu ici ? - Je ne sais pas.
Pourquoi m'as-tu mordu l'annulaire ? - Je ne sais pas.
Sais-tu qu'on ne te fera pas de mal ? - Je ne sais pas.
De quel côté es-tu ? - Je ne sais pas.
Maintenant c'est la guerre, tu dois choisir. - Je ne sais pas.
Ton village existe-t-il encore ? - Je ne sais pas.
Ce sont tes enfants ? - Oui.
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Wislawa Szymborska
.......

La poésie –
seulement qu’est-ce que ça peut bien être ?
Plus d’une réponse vacillante
fut donnée à cette question.
Et moi-même je ne sais pas, et je ne sais pas, et je m’y accroche
comme à une rampe salutaire.

( Certains aiment la poésie )
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Wislawa Szymborska
Ma vie était en fait heureuse, mais il y avait beaucoup de morts, beaucoup de doutes. Mais bien sûr, je ne veux pas parler de questions personnelles et je ne voudrais pas que d’autres me le disent. J’ai un visage différent pour les gens, c’est pourquoi ils me montrent de manière anecdotique, en tant que personne enjouée qui ne fait qu’inventer des jeux et des jeux. [...] si j’ai la dépression et des soucis, je ne sors pas avec les gens.

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CONVERSATION AVEC LA PIERRE

Je frappe à la porte de la pierre.
- C'est moi, laisse-moi entrer.
Je veux pénétrer ton dedans,
y jeter un coup d'oeil,
te respirer à fond.

- Va-t-'en, dit la pierre.
Je suis fermée à double tour.
Même brisée en mille morceaux,
nous serons encore fermés.
Même broyés en poussière,
nous ne laisserons entrer personne.

Je frappe à la porte de la pierre.
- C'est moi, laisse-moi entrer.
Je viens par pure curiosité.
La vie en est l'unique occasion.
Je tiens à me promener dans ton palais,
avant de visiter la feuille et la goutte d'eau.
Pour tout cela j'ai vraiment peu de temps.
Ma mortalité devrait t'émouvoir.

- Je suis de pierre, dit la pierre.
Je suis bien obligée de garder mon sérieux.
Va-t-'en, je n'ai pas de zygomatiques.

Je frappe à la porte de la pierre.
- C'est moi, laisse-moi entrer.
On me dit qu'il y a en toi des salles grandes et vides, jamais vues, aux beautés qui s'épanouissent en vain, sourdes, où aucun pas ne retentit jamais.
Avoue que tu n'en sais pas beaucoup plus que moi.

- Des salles grandes et vides, je veux bien,dit la pierre, mais de place il n'y en a guère.
Belles, peut-être, mais hors d'atteinte
de tes six misérables sens.
Tu peux me connaitre, mais m'éprouver jamais.
Toute mon apparence te regarde en face,
mais ce qui est dedans te tourne à jamais le dos.

Je frappe à la porte de la pierre.
- C'est moi, laisse-moi entrer.
Je ne cherche pas en toi un éternel refuge.
Je ne suis pas malheureuse.
Je ne suis pas sans abri.
Le monde qui est le mien mérite qu'on y retourne.
Je te promets d'entrer et sortir les mains vides.
Et pour preuve de ma présence véritable en ton sein
je n'avancerai que des paroles
auxquelles personne n'ajoutera foi.

- Tu n'entreras pas - dit la pierre.
Il te manque le sens du partage.
Aucun sens ne remplace le sens du partage.
Même la vue affûtée jusqu'à l'éblouissement
ne te serait d'aucun secours sans le partage.
Tu n'entres pas, tu n'as que le désir de ce sens,
que son germe, son image.

Je frappe à la porte de pierre.
- C'est moi, laisse-moi entrer.
Je ne puis attendre deux mille siècles
pour pénétrer sous ton toit.

- Si tu ne me crois pas, dit la pierre,
va voir la feuille, elle t'en dira de même.
Ou la goutte d'eau qui le confirmera.
Tu peux même t'adresser à un cheveu de ta tête.
Je sens monter en moi un grand éclat de rire,
un rire immense, que je ne sais pas rire.

Je frappe à la porte de pierre.
- C'est moi, laisse-moi entrer.

- Je n'ai pas de porte, dit la pierre.
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LA HAINE

Toujours prête à lancer une nouvelle entreprise.
Mais s'il lui faut attendre d'accord, elle attendra.
On dit qu'elle est aveugle. Vous voulez rire - elle ?
Avec ses yeux de sniper ? Intrépide,
elle regarde l'avenir en face.
Elle seule.
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Né.
Ainsi donc, lui aussi, né.
Né comme tout le monde.
Comme moi qui mourrai.
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Ô, combien perméables sont les frontières humaines !
Voyez tous ces nuages qui passent, impunément,
ces sables du désert filant d’un pays à l’autre,
ces cailloux des montagnes pénétrant chez l’ennemi
en d’insolents sursauts !

Est-il besoin de prendre un à un les oiseaux
qui volent ou qui se posent sur la barrière baissée ?
Ne serait-il qu’un moineau, et voilà que déjà
sa queue est limitrophe, et son bec indigène !
Et puis, qu’est-ce qu’il gigote !

Parmi les innombrables insectes je m’en tiendrai à la fourmi
qui, entre le pied droit et le pied gauche du douanier,
ne se sent pas tenue d’avouer ses vadrouilles.

Oh, saisir d’un regard cette immense confusion
sur tous les continents !
N’est-ce pas là le troène qui, de l’autre côté du fleuve,
infiltre illégalement sa cent millième feuille ?
Et qui d’autre, pensez-vous, que la pieuvre aux longs bras
viole les sacro-saintes eaux territoriales ?

Comment peut-on parler de l’ordre dans tout cela,
s’il n’est même pas possible d’écarter les étoiles
pour que l’on sache enfin laquelle brille pour qui ?

Et que dire de l’insubordination du brouillard !
Et des poussières des steppes sur toute leur étendue,
comme si l’on n’avait pas tracé une ligne en son milieu !
Et ces voix qui résonnent sur les ondes serviables,
pépiements séducteurs et allusifs glouglous !

Seul ce qui est humain peut nous être étranger
le reste c’est forêts mixtes, travail de taupe et vent.
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CENT BLAGUES 1967


MOUVEMENT

Toi tu pleures, eux ils dansent.
Eux ils dansent dans ta larme.
Eux ils jouent, eux ils s'amusent,
eux, n'en savent rien du tout.
On dirait, miroirs scintillent,
on dirait, bougies grésillent.
Est-ce arcades, balustrades ?
Manches blanches, gestes lestes ?
Deux H fricotent avec O.
Coquins chlorure et sodium.
Danse en rond, azote fripon.
On remonte, on redescend,
sous la coupole virevoltant.
Toi tu pleures, ça leur plaît.
Eine kleine Narchtmusik,
Qui es-tu mon joli masque.

p.103

joli et masque vont-ils encor de pair
ou sont-ils devenus un oxymore dan-
gereux en cette trouble période ?
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Haine


Extrait 1

Voyez combien elle reste efficace,
combien elle se porte bien
en notre siècle, la haine.
Avec quel naturel elle prend les plus hauts obstacles.
Combien il lui est facile : sauter, saisir.

Elle n’est pas comme les autres sentiments.
Leur aînée, et pourtant leur cadette.
Elle sait engendrer toute seule
ce qu’il lui faut pour vivre.
Si elle dort, ce n’est pas d’un sommeil éternel.
L’insomnie ne lui ôte pas ses forces, au contraire.


//Traduit du polonais par Piotr Kaminsky
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Impressions théâtrales


Extrait 3

La pensée qu’en coulisses ils attendaient leur tour,
sans toucher aux costumes, sans effacer le fard,
tout cela me bouleverse bien mieux que les tirades.

Et le rideau qui tombe est une élévation.
Tout ce qu’on entrevoit sous la frange fuyante :
la main qui précipitamment saisit la fleur,
où l’autre qui s’empare du glaive abandonné.
Et c’est alors seulement qu’une troisième main
invisible, fait son office
me prenant à la gorge.
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Options


Extrait 1

J’aime mieux le cinéma.
J’aime mieux les chats.
J’aime mieux les chênes de l’autre côté.
J’aime mieux Dickens que Dostoïevski.
Je m’aime mieux moi-même aimant bien les humains
que moi-même aimant l’humanité.
J’aime mieux avoir sur moi une aiguille et du fil.
J’aime mieux la couleur verte.
J’aime mieux ne pas affirmer que la raison est coupable de tout.
J’aime mieux les exceptions.
J’aime mieux sortir plus tôt.
J’aime mieux, chez les médecins, parler d’autre chose.
J’aime mieux les vieilles images, toutes rayées.
J’aime mieux le ridicule d’écrire des poèmes
que le ridicule de ne pas en écrire.
J’aime mieux, en amour, des anniversaires pas ronds
à fêter tous les jours.
J’aime mieux les moralistes
qui ne me promettent rien.
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