Citations de Yann Queffélec (604)
Enfants ils l'étaient pas l'esprit. Simples d'esprit. Ils incarnaient l'innocence édénique, l'espoir lilial du rachat, ils étaient les pur-sang d'une béatitude enseignée par le Christ ; un jour, ils sauveraient la fin du monde.....
On leur enseigne la volonté, mais aussi la « liberté » de choisir un idéal bien à soi. […]. C’est un peu différent pour elle, une fille. Libre dans les limites de cette féminité qui met les époques à feu et à sang. Libre, mais surveillée, guidée, questionnée. Libre, mais pas comme les garçons ― comme Hubert et Jean-Marie qui peuvent rentrer tard, s’habiller à leur guise et s’intéresser aux filles. Ce n’est pas bien du tout quand Flo demande à sortir et qu’elle rentre tard, en retard de l’institut de la Tour, par exemple où elle va en classe, une école religieuse où le mot « liberté » fait sourire mère Marie Saint Yves, un sourire jaune. Or avec Flo, sa fille chérie, Jacques Arthaud vient d’engendrer ce qu’il admire tant chez les conquérants des horizons inviolés : quelqu’un qui n’a peur de rien pour atteindre son rêve.
Sous le sapin, Charlie mettait ses tennis de toile bleue, mais cet enfoiré de Père Noël, au lieu de remplacer les souliers de l’orphelinat par des Nikes à contrefort de compétition, il les remplissait de petites bagnoles et d’avions à monter dont Charlie n’avait rien à cirer.
"Il disparut cinq jours de rang, se trouva deux sacrés louloutes de quatorze et seize ans, prit pension dans une fourgonnette de livraison à domicile, où les victuailles ne l'avaient pas attendu pour se mettre à sentir, et s'enivra du mieux qu'il put. "
« Il avait assez d’expérience pour comprendre que les souffrances déposent peu à peu au fond de l’âme des sédiments de deuil dont l’accumulation quotidienne est en définitive la cause de la mort.
GIUSEPPE TOMASI di LAMPEDUSA .
Tu as beau m’avoir gâché la vie, il serait quand même temps que nous fassions la paix toi et moi… Il n’y avait aucune paix dans un tel regard, aucun pardon malgré la voix qui se cherchait des accents maternels, aucune espérance.
A qui parler ? Aux amis bien sûr, les amis sont là pour écouter les amis, les réconforter. Mais l'inconvénient des amis c'est qu'ils s'en trouve toujours un pour décocher sa petite flèche de velours, et l'on ne sait jamais lequel à l'avance. Alors on ne dit rien aux amis.
Il est des ombres et des rêves qui vous collent à la peau longtemps après s'être dispersés, comme la nuit dans la nuit ou l'eau dans l'océan.
On appelle ça "la petite mort", comme si la mort pouvait être "petite", et " petit" l'amour des sens lorsqu'il parvient à donner autant qu'il reçoit, ne distinguant plus les amants dans leurs baisers exténués, leur sueur et leur joie.
En fait je n’arrive pas à l’appeler Laura. C’est beaucoup trop familier pour moi. Il faudrait d’abord que j’aie ma bouche posée sur la sienne.
Chapitre XI
"Et voilà. Un mensonge, normalement, tout bien brodé qu'il soit, tout bien garni, ça reste un mensonge et ça foire en beauté. C'est pour ça que les gens vont en prison, ceux qui brodent et ceux qui disent la vérité avec une gueule à broder."
Il sortit comme un automate. Il prit l’escalier au hasard, rata une marche et dégringola jusqu’en bas sur le dos sans rien sentir. Il se dit qu’il avait soif. Dans la cuisine, il ouvrit les deux robinets, regarda l’eau s’iriser en spirale au fond de l’évier, puis referma, perplexe, incapable de remémorer sa première intention
(...) et ces longs cheveux vermeils comme un feu sur les épaules. Elle passait chaque jour une heure à domestiquer l'incendie.
Il regardait l'avenir à travers le portail, mais ne voyait pas comment rompre avec son destin.
Elle avait peut être changé, mais elle était si profondément la même que je ressentais cette évolution comme allant de soi, non comme un naturel venant au galop furtif d'une maladie qui précipitait l'heure.
« C’était mal connaître Onyx qui ne perdait jamais de vue qu’elle était une personne quelconque. Foutue ni bien ni mal, une gueule passe-partout, elle ne pouvait inspirer que des sentiments quelconques à des êtres dépourvus d’intérêt. C’était en fait son unique folie, l’orgueil : un mal qui lui rongeait les sens. Être belle, ô mortels, être belle, ô mortels, comme un rêve de pierre…, pour les voir tous baver, se traîner à ses pieds. » (p. 172)
Depuis sept ans qu'il vivait au bord de la mer, Ludovic ne l'avait jamais vue. Il l'entendait. Mais au grenier la lucarne donnait sur la cour, sur le fournil, et là-bas sur des pins monotones que les brouillards matinaux calfreutraient. Rugissement, murmure, le bruit se poursuivait jour et nuit, si fort par mauvais temps que même les ronflements du boulanger s'effaçaient. L'enfant serait bien allé voir ; mais la porte était fermée à clé.
On aurait dit qu'il n'y avait que ça, sur la terre : des dossiers bloqués dans les tiroirs de l'Administration. Des gens riches se pliant à des formalités d'adoption vachement tordues, si tordues qu'elles n'aboutissaient presque jamais à bon port. Les gens riches restaient riches et malheureux dans leur caisse à pognon, et les orphelins tristes et foireux dans leur caisse à pauvreté.
La mer échappe à la compréhension du sentiment humain. En cela, comme l’amour, comme le Bon Dieu, elle nous attendrit.
Il n'y avait aucune paix dans un tel regard, aucun pardon malgré la voix qui se cherchait des accents maternels, aucune espérance.