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Critiques de Yves Bichet (132)
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Chair

Roman très confus qui porte bien son titre puisqu'il évoque sans cesse la chair, celle blanche de l'héroïne, Jeanne, travestie en garçon, aux seins bandés pour dissimuler sa féminité, avide d'hommes, mais pas indifférente aux charmes juvéniles d'une fillette adolescente.



Les hommes sont forcément au centre de cette histoire étrange, ils sont la puissance symbolisée par leurs armes, leurs sexes érigés, les supplices qu'ils subissent, les plaisirs qu'ils prennent, souvent honteusement, en cachette de la norme, découvrant avec stupeur et excitation cette femme garçon qui les manipule dans tous les sens du terme, usant de leur sens et de leur virilité, tombant finalement amoureuse.



L'action se déroule au IXème siècle avec affrontements entre turcs, musulmans, chrétiens, l'ensemble évoqué de manière bien trop chaotique pour que le lecteur s'y retrouve.



Il reste la chair de Jeanne et ses fantasmes mais cela ne suffit pas à donner un bon roman.
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Trois enfants du tumulte

«  Ils voulaient en finir avec la prudence, réinventer une forme de grâce qui mettrait le vieux monde à genoux..Ballotés entre désir de liberté et nostalgie du chaos , ils crurent «  un instant » au mirage de la radicalité. »

Extrait de ce beau livre bouillonnant , désabusé où l'auteur revisite à sa manière à l'aide d'un style ample, dense , des chapitres courts «  La fin de l'ancien monde » , la page qui se tourne lors de la révolte de mai 1968 Lyonnaise ...



Lors d'une grande manifestation , un camion fou , avec Mila , accrochée à la portière , fonce sur les forces de l'ordre et percute le commissaire de police René Lacroix——-le seul mort des événements ——-décès dont les autorités vont naturellement se servir pour ramener le calme ...

Une des héroïnes : Mila s'échappe traquée par Marianne Delecourt , son éternelle rivale , conseillére juridique qui parle de gabegie, de subversion, et de cacophonie .

Elle est chargée par la municipalité de Lyon d'une enquête parallèle sur les émeutes du 25 mai 1968.

Elle est aussi l'amante du maire de Lyon, Louis Pradel , surnommé Zizi - Béton par ses administrés .

En parallèle les derniers leaders de l'OAS viennent d'être graciés par le président de la République .

Ils sortent de prison la tête haute.

Tous les personnages de ce récit bondissant et foisonnant, emporté et sans temps mort ,semblent se fuir eux- mêmes.



Ils s'agitent , s'assemblent sans panache, se ressemblent, s'aiment , s'abolissent, se reconnaissent puis s'annihilent.....

Delphine , étudiante en médecine , laiteuse au grand corps blanc, Mila l'éternelle rebelle , insoumise, Théo , journaliste photographe, Gaspard, Bibi, des personnages hauts en couleur .



Yves Bichet invente un étrange et minuscule appartement où trône , entre deux étages, une baignoire accrochée , propice à tous les fantasmes ....

Août 1970, Michel Raton et Marcel Munch foutraques, , déstructurés et trimardeurs marginaux attendent leur procès en prison dans la marmite du diable, donnant sut le Rhône ...Ce procès soldera l'héritage de mai 1968...

Fumées, barricades, affrontements , militantisme, manifestations , effervescence, pugilats, caches, anarchistes, insouciance rebelle, foule enragée...les mots fusent , et les rebondissements abondent ..., entre tumulte et nostalgie d'un chaos éphémère .



Las, les acteurs déchanteront , retour à l'Ordre, ils pensaient mettre le vieux monde à genoux....reflets des illusions perdues et des utopies éteintes ,.. Cause perdue ? Révolution qui consume ?

C'est un roman dense , rythmé , tourbillonnant, grouillant , traversé de flash - back, adossés à de brusques plongées dans le futur des personnages ....cinématographique aussi... 



«  —— Ce qui est nouveau, c'est que plus personne n'est effrayé par le sexe.

Pudeur , appréhension, culpabilité , c'est fini tout ça ...Mais pour l'amour rien n'a changé . On en a toujours aussi peur .

C'est aussi bien comme ça . On se contentera des mirages de la révolution et des promesses faisandées de l'amour... »

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Le Premier Combat

Au bout de la vallée de l'Ennuye dans la Drôme, le village de Foncouverte est dirigé par une équipe municipale à trois têtes : Myriam, infirmière, Zuita, directrice du centre équestre, et Thomas, ancien militaire. Dans ce coin du monde un peu à l'écart, la gouvernance est à l'écoute de ses administrés et fonctionne démocratiquement. Ici on a compris depuis longtemps que l'heure n'est plus aux débats vains et théoriques sur l'urgence climatique, mais à l'action. Pour donner une chance à la planète, il faut vivre autrement, en polluant et en consommant moins, en allant moins vite, en réfléchissant plus, le tout collectivement. Sans tambours ni trompettes, ce mouvement écologiste qui ne dit pas son nom avance à bas bruit depuis des années, ancré dans la réalité, protégeant la nature ou ce qu'il en reste. Quitte à s'asseoir sur les directives absurdes ou illégitimes de la préfecture ou de Paris. Mais il faut bien dire que jusque là, on les a plutôt laissés tranquilles.



Mais cette tranquillité se retrouve bientôt ébranlée par une série d'événements plus ou moins dramatiques qui vont souder encore davantage la petite communauté. Il y a d'abord la tentative d'expulsion d'Emir, clandestin guinéen arrivé quelques mois plus tôt et adopté illico par le village. Puis un incident suspect à la centrale nucléaire voisine, camouflé tant bien que mal par EDF et les autorités. Puis des sabotages de pylônes et d'antennes 5G... La région attire sur elle l'attention des médias nationaux, et le reste du pays découvre alors un mode de gestion participatif bien plus séduisant que ce que proposent les partis traditionnels dans leurs débats stériles. Et surtout bien plus efficace pour répondre au réchauffement climatique. le soutien est tel que l'équipe de Foncouverte envisage de se lancer dans la course à la présidentielle et réfléchit sérieusement à son programme : « Il suffirait peut-être de mettre momentanément la démocratie de côté, d'élire un militaire sans scrupule qui oserait prendre les décisions écologiques dont tout le monde parle depuis des années mais que personne n'a le courage de mettre en oeuvre, un pouvoir fort capable d'anticiper les bouleversements à venir, de trancher dans le vif, de lancer les réformes vraiment urgentes, d'organiser leur financement et leur application, tout cela mené tambour battant pendant une période limitée dans le temps et selon un calendrier très précis. Quelques mois plus tard, deux ou trois ans au maximum, l'autorité reviendrait au peuple par le biais d'une nouvelle consultation, avec engagement solennel de revenir sur les réformes en question si elles ont été désavouées par les urnes. La vie démocratique devrait pouvoir rester en sommeil si l'on garantit formellement son retour. Mais il faut agir vite, frapper fort, tourner la page, oublier les voeux pieux et les promesses dont on s'est trop longtemps gargarisé. Les cortèges et les défilés ne servent plus à grand-chose. Ils font du bien à l'âme, rien de plus... ».



A travers ce « premier combat » de quelques hommes et femmes libres poussés dans le dos par une jeunesse militante en colère face à l'inertie ambiante et au manque de courage politique, Yves Bichet aborde les grands enjeux qui secouent notre époque en perdition : crise climatique, crise migratoire, centrales nucléaires vieillissantes mais dont on ne peut encore se passer, hyper-consommation, individualisme, virtualisation des rapports sociaux, désintérêt croissant pour la classe politique à bout de souffle.



Dans cette fable teintée d'anticipation, d'humour et de poésie, de beaucoup d'urgence et d'un brin d'amertume, l'auteur a le mérite de proposer une solution (utopique ou dystopique, bien malin qui pourrait le prédire), en tous cas provocante, porteuse d'espoirs mais aussi de dangers : une dictature démocratiquement consentie. N'y a-t-il pas une contradiction dans les termes ? Est-ce idéaliste, réaliste, praticable ? L'idée pose autant de questions qu'elle semble en résoudre. Quoi qu'il en soit, le débat est ouvert...



En partenariat avec les Editions le Pommier via Masse Critique de Babelio.
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Trois enfants du tumulte

“C'est le retour de la loyauté et de l'incandescence, le renfort de la jeunesse, la preuve par le corps. Défier, courir, irradier… (...) Ils manifestent en rigolant, en pleine lumière, insensibles aux soubresauts de ce monde qu'ils abandonnent. Ils sont beaux et sauvages. Ils piaffent, ont envie de tout abolir, de tout embrasser.”



25 mai 1968 à Lyon. Slogans, colère, CRS et lacrymo… Comme partout ailleurs en France, en ce beau mois de mai, la jeunesse lyonnaise s'est enflammée, exubérante, insolente et rieuse, à l'assaut de l'ordre établi, de la République fatiguée et du pouvoir en place. “La révolution est belle, le grand chambardement est en marche”, mais brutalement tout bascule : un commissaire de police écrasé par un camion fou lancé par les manifestants, et voilà le joli mois de mai qui s'endeuille, le drame qui s'invite à la fête et la révolte qui, soudain, a des allures de gueule de bois.



Reprenant les deux personnages de son précédent roman “Indocile” - Mila et Théo - auxquels vient s'adjoindre Delphine pour former le trio de ses “trois enfants du tumulte”, Yves Bichet revient sur les “événements” de mai 68 et mêle la fiction à l'histoire pour revisiter le bouillonnement des derniers jours d'effervescence, les ambiguïtés et les désillusions révolutionnaires, les excès, les saccages, les violences policières, les effrois du pouvoir, la répression et les manipulations politiques, dans un récit qui a les accents d'une épopée moderne.



Roman de la liquidation de mai 68 et surtout roman de l'après, des lendemains désenchantés, des illusions perdues, des émotions qui s'exténuent, de l'amour qui se cherche et qui tangue, et des révolutions manquées qui finiront par se trahir dans l'aveuglement du terrorisme… “Trois enfants du tumulte” est le portrait mélancolique et sombre d'une génération et d'une époque qui croyaient encore aux promesses des idéaux révolutionnaires, aux vertus de la lutte, à la sincérité des engagements. Mais “la révolution part sur la pointe des pieds”. Et c'est la “fin de l'innocence, des heures chaudes et généreuses.” Seules subsisteront la violence et quelques vies manquées, dissoutes dans “la nostalgie du chaos”.



Les personnages sont bien campés, l'écriture est belle, le récit parfaitement documenté et l'analyse sociale et politique intelligente et fine. Je me suis passionnée pour ce roman original et bien construit que j'ai lu d'une traite avec beaucoup d'intérêt et de plaisir. Une réussite.



[Challenge MULTI-DÉFIS 2019]

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La beauté du geste

Il y a des gestes que l’on fait par habitude, d’autres qui demandent de la concentration pour un travail plus précis ou encore ceux qui sont le résultat d’une attitude positive en faveur d’un tiers…



En ouvrant le dernier ouvrage d’Yves Bichet, j’ai pu découvrir une plume très belle et poétique qui plonge dans la contemplation du geste, mouvement pouvant paraître insignifiant et pourtant si important que ce soit pour avancer, tel un moteur ou dans notre rapport aux autres.



Finalement, « La beauté du geste » est une sorte de leçon de vie que l’auteur a pu nous offrir en prenant lui-même le temps d’observer ce qui l’entoure pour mieux l’apprécier.



Je tiens à remercier Babelio et les Éditions Le Pommier, maison d’édition que j’affectionne, pour m’avoir offert la possibilité de lire ce beau texte très personnel d’Yves Bichet qui m’a beaucoup touché et qui m’a incité à moi aussi prendre le temps pour mieux ressentir et savourer les choses…
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L'homme qui marche

C’est un livre trouvé dans une cabine téléphonique anglaise qui fait office, de boite à livres.



Quand j’y rentre c’est comme si je m’enfermais vers un voyage préalable à une trouvaille. J’adore cet endroit. C’est le seul où je parviens à y déposer certains livres que j’ai lus….



Cet ouvrage d’Yves BICHET est l’une de mes pioches.



La première de couverture est banale, pas de personnalisation, alors je me suis mise à suivre l’homme qui marche dans la montagne, les Hautes Alpes, où je devais aller vivre avec mon mari….



C’est l’histoire de Robert, ancien pion, qui va se réfugier dans les hauteurs avec son chien, pour fuir son destin pathétique, l’infidélité de sa femme. Un avenir en point d’interrogation et de suspension.



Il va cheminer sur une ligne entre la France et l’Italie. Dans son épopée, il va rencontrer un chartreux Jean, qui lui marche du côté Italien. Chacun a sa frontière symbolique, avec son paysage, montagneux, la beauté de la faune et de flore. Une amitié sincère se noue entre les deux hommes.



Il ne se passe pas grand-chose alors de temps à autre, Robert redescend pour retrouver ses amis du bistrot, le café du Nord. Il y a Sylvain le tenancier, sa fille Camille, qui ne laisse pas les hommes indifférents….



Le lecteur fait un peu les montagnes russes avec cette histoire qui se distille au fur et à mesure de son avancée, un curieux scénario. Les petits oiseaux ne chantent pas dans ce bar, sa sent la picole, le secret, l’impudicité.



Le roman prend le tournant d’un polar, dont on ne voit pas arriver la fin.



Un livre que je retournerai déposer dans ma cabine, comme le maire du village le demande !



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L'homme qui marche

Robert Coublevie est un homme qui marche. À ses côtés, sa petite chienne le suit, fidèlement. Il chemine le long de la Ligne dans les Hautes-Alpes entre la France et l'Italie. Il parcourt les sentiers à travers les montagnes majestueuses qui s'offrent à son regard. Parfois, il s'arrête et admire les névés, le ciel, les fleurs éclatantes et renifle leur parfum, il observe les marmottes et autres bouquetins, épie leurs mouvements, s'émerveille de tant de beauté. Cet endroit, il le connaît bien, et pourtant à chaque ascension, c'est un enchantement, un sentiment de liberté et de joie monte en lui. Une respiration généreuse et bienfaisante. Il se remplit de cet air, de ces images, des clapotis de l'eau, des murmures du vent et de ses rencontres humaines. Parmi les gens qu'il croise, il y un vieux chartreux, Jean. Ils parlent de leur vie, de leur passé, de leur crainte, de leur peine, de leurs espoirs aussi. Presqu'un ami, un confident. Lui marche de l'autre côté de la Ligne, en Italie. Aucun ne franchit la frontière. Ils avancent quelquefois ensemble mais en parallèle.

Si le chartreux reste dans les montagnes, Coublevie redescend de temps à autre dans le monde civilisé, dans le brouhaha, le tumulte et les tourments de la ville. Il retrouve le Café du Nord et ses habitués Tissot, Tapenade, ainsi que Sylvain le patron, Mounir le serveur et Camille (la fille du patron), une jeune adolescente à qui il faisait réciter les devoirs quand elle était petite. Il l'aime bien cette gamine... Et quand il se sent vide, il monte à nouveau là-haut.

Avant, il travaillait comme pion dans un lycée agricole. Avant, il aimait une femme, Elia. Une vie qui semblait lui convenir. Mais quand sa femme l'a quitté pour un autre, son monde s'est écroulé. Alors il s'est mis à marcher. Pour fuir ? Pour tenter d'oublier ? Pour réfléchir? Pour laisser courir le temps ? En quête d'une certaine spiritualité ? Vers un monde meilleur ?

Malencontreusement, Coublevie va être au centre d'une tragédie. Un meurtre. Chemineau, il s'avère être le coupable idéal. Evidemment innocent, l'homme va découvrir une chose qui va le bouleverser au plus au point. Une chose qui a un lien avec Camille et l'assassinat. Et cela est insupportable pour lui. Malade, il sait qu'il sera bientôt dans l'incapacité de marcher, alors il entreprend de préserver la jeune fille en se livrant aux autorités. Un sacrifice qui n'en est pas un à ses yeux. Au contraire, Coublevie n'a jamais eu un visage aussi serein et joyeux. Il jubile et exulte devant l'avocat commis d'office. Une certaine désinvolture s'est emparée de tout son être. Emprisonné et pourtant si libre.

Robert Coublevie est un personnage qui marche droit, émouvant, attachant et bienveillant, Un roman magnifique sombre et joyeux sur les frontières de l'âme, du corps, de l' espace, des générations, sur l'affranchissement et sur la beauté du monde.
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L'homme qui marche

L'homme qui marche, c'est un archétype.



Le plus bel exemple, ce sont les sculptures de Giacometti, ces silhouettes étirées, légèrement penchées en avant, ces figures de métal immobiles mais qui sont le mouvement dans son essence.



L'homme qui marche sait-il où il va? Il fuit, il cherche le repos ou l'oubli, il se fond dans le décor, il traverse les plaines, les déserts, les montagnes, son âme est malade. Il la soigne avec de l'air et du soleil, du vent, de la pluie, des plantes et des oiseaux, il plisse les yeux pour regarder au loin, il respire des odeurs de terre, de fumée, de résine, il boit l'eau des torrents et dort sous la lune. Y'en a même qui disent qu'ils l'ont vu voler!



La seule chose qui compte pour lui, être libre. L'amour, c'est des conneries.

Souffrir, ça le connait. Voir souffrir aussi.



Il doit sûrement être coupable, sinon, pourquoi il irait finir en prison pour cacher les crimes d'un salopard? Coupable, c'est forcé, mais de quoi?
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La beauté du geste



La beauté de ce recueil commence par la couverture signée Mélinda Fiant. L’ illustration qui préfigure le texte d’ouverture, intitulé « La confiture des rois », fait saliver. Yves Bichet met en valeur un savoir faire d’antan :

celui des ouvrières de Bar-le-Duc, à la dextérité immémoriale pour délester les groseilles de leurs pépins, munies de rémiges d’oie pour obtenir

«  Le caviar de Bar » !



Le texte 2 a été inspiré par une rencontre ( dans un train) de l’auteur avec un aveugle accompagné de son Labrador. Il restitue des bribes de leur conversation ainsi que ses hésitations pour choisir les sujets à aborder au colloque auquel il est invité. Il focalise notre attention sur les mains du non-voyant effleurant son arcade sourcilière: «  un geste simple et beau », puis sur les caresses qu’il prodigue à son chien. On est touché par la communion entre le chien et l’homme. «  Ces deux êtres vivaient l’un pour l’autre. » On perçoit «  le gémissement de plaisir » de la bête, qui pose délicatement le museau sur les genoux de son maître.



Le troisième texte Toucher l’écran s’avère une sorte de diatribe contre l’addiction aux écrans, aux portables, où ne s’inscrivent que des images et des sons. Yves Bichet invite à mieux utiliser notre odorat.

Ceux que les sonneries intempestives insupportent ne peuvent qu’approuver. D’ailleurs dans un de ses récits flotte une puissante fragrance de lavandin.



Dans l’une des nouvelles, Yves Bichet décline les multiples activités qu’il a exercées dont celle de maçon. Il met en lumière le geste de l’artisan.

Ses mains ont troqué la truelle pour le stylo et le clavier, titillé par le besoin d’écrire. Il compare les deux activités au niveau des mains.

L’artisan cherche le résultat, l’écrivain l’inspiration.

Ce qui rappelle le geste d’écrire dont parle Stéphane Mallarmé.

Mais il a aussi travaillé à la ferme et «  griffonné au tracteur des hectares de lavandin ». Il sait que reculer avec un chargement de lavande demande de la dextérité. Il autopsie le geste de manoeuvrer une remorque en marche arrière. «  Recul délicat », car « la remorque n’obéit pas aux intrus ».



Si l’andaineuse lui a causé des frayeurs, elle a aussi été un déclic

pour s’essayer à la poésie. Pour l’auteur, « la poésie pourrait ressembler à un geste, un premier mouvement du corps, une rencontre fortuite des mots qui célèbrent le quotidien, des mots capables de stopper notre fuite en avant ».



Qui n’a pas été ému devant un bébé qui «  frotte ses paupières avec ses poings » ?

Si la vie s’invite dans cette nouvelle, une suivante évoque les trépassés, la lecture de poésie au vieil homme défunt, et en particulier les derniers instants d’une mère.

Le narrateur partage « le cadeau rare, le privilège » d’avoir pu profiter du « restant de chaleur » en caressant son visage avant que le froid gagne, une scène qui prend à la gorge, avec une portée universelle.

Le narrateur sait transcender une nouvelle où la maladie a ruiné un couple par un moment d’illumination. Comment ne pas vibrer en imaginant cet enfant myopathe, la main levée, hypnotisé, tout extasié, devant l’apparition de la lune. «  La beauté du monde se concentre parfois dans de tels surgissements de lumière nacrée, il faut s’arrêter, se taire.. ». Car ce geste qui lui a coûté tant d’efforts, il n’a pas pu le refaire.



La vie est cocasse, lit-on dans une autre nouvelle.

C’est la blague de Mounir que l’auteur nous relate qui fait se bidonner ses acolytes, qui se «  fendent la poire ».



Impossible de commenter chacun des récits , mais Yves Bichet offre une succession de variations autour de la beauté du geste , de témoignages, en 22 textes de longueur inégale. Si on s’extasie sur les performances d’excellence d’un pianiste, d’un footballeur, l’auteur veut réparer l’injustice et célébrer les petits gestes du quotidien dont des gestes de tendresse, d’amour, de complicité. Pour cela, il nous convie à mieux observer ceux que l’on croise, à savoir lever les yeux.

L’écrivain, ancien maçon et agriculteur nous rappelle dans ce récit que, comme le disait Rimbaud, "La main à plume vaut la main à charrue". 













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L'homme qui marche

Un homme qui se promène sans cesse sur un même itinéraire de montagne, il a tout abandonné après une déception amoureuse, mais revient régulièrement à Briançon ou il a ses habitudes, marcheur permanent, il nous décrit la montagne, son calme, ses odeurs, ses rencontres, la beauté permanente qui devrait faire passer les maux de l'âme. A la ville dans le café qui est son repère habituel, une gamine aux lourds secrets qu'il essaie de comprendre et qui va l'entrainer peu à peu dans son sillage.

Un livre dérangeant entre d'un coté la beauté de la nature, qui peut permettre d'atteindre une certaine paix, de l'autre les perversités de certains que le personnage principal va peu à peu découvrir et qui vont l'entrainer ou il ne voulait plus aller. Mais en réalité voulait il vraiment rester ce qu'il était devenu ?

Ce récit se lit d'une traite, j'avançais dans le récit de plus en plus perplexe, et j'ai trouvé la fin dérangeante même si cet homme semble y avoir trouvé la paix. Mais peut être ai-je été simplement victime de mon éducation et de mes préjugés, à vous d'en juger.

Le style est très précis, clair, rend parfaitement la beauté de la montagne comme des âmes mais aussi la noirceur ce ces dernières.

En conclusion un excellent livre qui peut déranger par une chute qui peut paraitre manquer de morale, mais n'est ce pas aussi un bon moyen de faire réfléchir ?

Merci à Babelio et aux éditions Mercure de France pour ce livre reçu dans le cadre de l'opération masses critiques.
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Trois enfants du tumulte

Nous sommes en mai 68, le gaz lacrymogène envahit les rues de Lyon , là où Y.Bichet situe son roman.

C’est une époque lointaine, mais la fumée et le tumulte ont un air de « revenez-y » ces derniers samedis.

J’ai suivi sans trop de précipitation les revoltes de jeunes gens , 3 en particulier.Leur besoin d’air, d’amours heureuses, brèves et qu’ils voudraient faciles , voire….

Ce besoin de refaire le monde, l’énergie qu’il faut déployer pour cela, cette belle utopie qui un jour vous claque dans les doigts, 68 quoi.

Lecture agréable certes, mais rien de nouveau.
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Indocile

Nous suivons les états d'âme d'un jeune homme des années soixante, qui assiste son meilleur ami dans le coma, a une aventure avec la mère de celui-ci et découvre l'amour dans les bras d'une belle "foudroyée" (d'ailleurs la foudre et ses coups jouent un rôle majeur dans ce récit).

Les "évènements" devenue guerre d'Algérie sont bien sûr évoqués mais l'auteur s'attarde surtout sur l'évolution du "héros", Théo.

Rien pour m'emballer vraiment (ou plutôt nous emballer car plusieurs lecteurs et lectrices de mon cercle partagent cet avis).

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L'Éte Contraire

La nuit est tombée sur Le Bosc. Une douce fraîcheur enveloppe enfin la poignée de pensionnaires qui a décidé ce soir de faire le mur. Fuir pour quelques heures le solide bâtiment de béton dans lequel ils passent leurs journées. Prendre l'air. Un air plus respirable. Du côté du casino en contrebas. Sortir de la maison où on les a placés, leur ultime demeure. D'autres vieux, comme eux errent dans les couloirs, restent assis pendant des heures dans leur chambre, tournent et retournent dans leur esprit les mêmes choses, des bouts de leur vie, qui s'estompent doucement. La mémoire défaille, le corps aussi. La solitude se fait pesante...

Pourtant, ils sont encore dans la vie, pas à côté, pas encore. De l'énergie, Clovis l'ancien militaire, Vignaud dans son fauteuil roulant, qui fut banquier, le baron de la Croix Duval et ses titres en bourses, Gigi la simplette, en possèdent encore un peu. Le désir de vivre est là. Etre dans la lumière, sous les néons, s'amuser, rire, vibrer devant les machines à sous, s'étourdir. Clémence, l'infirmière bienveillante observe leur manège depuis quelques temps déjà. Elle sourit et tourne les talons. Elle comprend tellement bien ce besoin qu'ils ont de s'échapper de leur condition...

Mais, ce soir-là, tout sera différent : les pensionnaires sont attrapés et l'infirmière licenciée sur-le-champ. Cet événement sera le déclencheur, la réaction des pensionnaires ne se fera pas attendre. Clovis, Vignaud, Gigi prennent leur envol. Rejoignent Clémence et Douss, l'agent d'entretien en CDD... Ils n'ont plus rien à faire ici, plus rien à perdre, plus qu'à partir d'ici. Rouler, serrés les uns contres les autres dans un quatre-quatre, conduit par Douss.

Sous une chaleur caniculaire, les compagnons de fortune vont arpenter la France en tous sens. Un souffle de liberté s'empare de chacun d'entre eux. Les forces sont décuplés, les esprits s'éclaircissent. Alentour, des gens souffrent de la canicule, les habitants des villes qu'ils traversent s'affaiblissent, les hospices sont en alertes... Les cinq compagnons de route, devenus hors-la-loi vont bousculer le pays. Ensemble, ils vont agir. Faire le bien. Voler pour donner. Donner pour soulager. Soulager pour sourire à la vie, qui ne les a pas encore quittés.

Un roman empli de lumière, de joie et d'humanité porté par une écriture belle et tellement généreuse.
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L'homme qui marche

Des personnages singuliers, limite marginaux. Une écriture particulière qui me faisait penser que je lisais un livre écrit par le petit frère de Franck Bouysse. Une construction du récit décousue. Un dénouement pour le moins surprenant ; quoique, au vu du reste...

Je ne parviens pas à me prononcer sur ce livre. Si ce n'est que je ne regrette pas de l'avoir lu, vue sa singularité et qu'il me trotte encore régulièrementt dans la tête un mois et demi après l'avoir lu.
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L'homme qui marche

Yves Bichet - L'homme qui marche – roman

Mercure de France (16,50€ - 174 pages)

Le titre L'homme qui marche a inspiré sculpteurs ( Rodin, Giacometti) et écrivains (Christian Bobin, Albert Strickler). Le narrateur, Robert Coublevie, se définit comme « le marcheur d'un seul chemin ». Il distille avec parcimonie les indices sur son passé: « ancien pion », «cocu par négligence », mais suffisamment pour comprendre qu'il reste mortifié d'avoir été quitté par l'être aimé, Elia. Celle qui lui est fidèle, c'est l'autre Elia, sa chienne. En leur emboîtant le pas, le lecteur se retrouve sur La ligne, la frontière-France -Italie dans des paysages grandioses, que l'auteur sait sublimer.



On s'interroge quant à ce choix de vie d'errance «entre ciel et terre », de chemineau, à l'écart des villes. On subodore que le héros a été écorché vif, et qu'il a perdu confiance dans ses semblables, qui le « déroutent » et l' « effraient » et qu'il tente d'oublier. Il confie avoir « la trouille » de deux choses: « l'amour et les transports ».



Yves Bichet nous confronte dès le début à un mystère en restituant le texte qui fut donné à lire au narrateur par un « drôle de loustic », Yves Tissot, « douanier ». Mystère encore que cette adresse notée sur « ce fichu papelard », trouvé dans la casemate. Mystère quant aux confidences édifiantes de Camille qui vrillent Robert.



Le côté lumineux du récit vient du duo Robert et Jean son double, moine italien.

On est témoin de la naissance d'une amitié unique avec Jean, ce chartreux, rencontré sur les cimes. Ils se sont reconnus dans leur communion avec la nature, aiment partager de brefs moments conviviaux, un repas et se fixer ces rendez-vous, loin de la fureur du monde. Ces retrouvailles deviennent leur viatique et le lecteur se surprend à les attendre, d'autant que le lieu varie. Leur solidarité dans l'épreuve, la maladie , l'un épaulant l'autre, force notre admiration pour ces deux marginaux, qui ont le sens des valeurs chrétiennes, de l'entraide. Dieu s'invite dans leurs conversations.



Le lecteur notera très vite que le narrateur croise surtout des hommes, fréquentant peu de lieux publics à l'exception d'un bistrot. Ce milieu masculin fait penser aux romans d 'Hubert Mingarelli dont les protagonistes évoluent dans une sorte de no man's land, mènent des vies spartiates et se contentent parfois d'un repas frugal.



Où sont les femmes? Le narrateur convoque sa mère défunte. Il reste habitée par Elia, aux «  longues jambes et seins pointus ». La douceur de son corps lui manque.

La seule figure féminine présente est la mystérieuse Camille, fille du propriétaire du bar que connaît Robert. Robert montre un regard paternel à l'encontre de Camille, pour l'avoir aidée dans ses études, et semble désireux de la protéger. Se douterait-il des fréquentations interlopes de Camille? Y aurait-il un lien entre l 'auteur de la lettre et Camille? Devrait-il se méfier des clients qu'il côtoie au Café du Nord?



Le récit connaît un rebondissement quand la chienne flaire la présence de quelqu'un et s'empare du message anonyme. Robert en déduit que Camille a été dans les parages. Mais avec qui? Que serait-elle venue faire?

Quand il revoit Camille, celle-ci réussit à l'entraîner jusqu'à un loft où a lieu «  le repas des salauds ». Ce qu'il découvre est assourdissant, sidérant pour lui au point d'y retourner seul. Nouveau coup de théâtre: Robert réalise que l'homme mort est « La belle gueule » Le suspense s'installe. La police recueille les indices, voilà la lampe du narrateur dans leur filet. La traque commence pour le narrateur.



Un autre temps fort du roman est celui des révélations édifiantes de Camille, « l'enfant martyre, l'enfant proie... » qui viennent corroborer les doutes du narrateur. N'aura-t-elle pas été victime du syndrome de Stockholm? Mais le bourreau n'était pas celui que Robert avait soupçonné, fourvoyant en même temps le lecteur.

L'attachement de Robert pour Camille est de plus en plus évident, il n'hésite pas à la gratifier d'une envolée lyrique: « À toi, dans l'impulsion des temps ».

Le récit atteint son paroxysme: scène émouvante d'autant plus poignante que Robert vient faire ses adieux à Camille qui lui remet une image pieuse, comme un talisman. Une phrase résume sa consternation: « Je ne comprends rien à ce monde absurde ».



L'homme qui marche déroule une série de contrastes. Les protagonistes évoluent sur la frontière, dans de grands espaces, avec l'horizon à l'infini mais aussi dans le huis clos d'un café, de blockhaus, du loft ou la chambrette de Camille. En haut, on croise « les poètes, les rêveurs,les amoureux... »), dans la zone industrielle, «  les Roms qui dealaient... », dans la ville ( Briançon), au bistrot se réunissent « une bande de tordus,de quenelles », « des connards ». La pureté, contre la noirceur du monde.



Le romancier a su impulser le mouvement de marche. Tel un cameraman, il suit en travelling les « ruisselets qui dévalent »; la chienne qui se carapate, trottine, bondit ou détale; les flocons qui virevoltent et « s'enfilent un à un dans le petit coeur en bois. »



Yves Bichet sait plonger son lecteur dans l'extase en l'immergeant dans « la beauté

omniprésente » des cimes, leur splendeur et majesté. Il sait rendre à merveille l'explosion de la nature au printemps, « un vrai miracle ». Son regard attentif , balaie une ligne verticale, s'attarde sur la flore (gentianes, rhododendrons, narcisses) ,la faune (les marmottes) et s'abime dans la contemplation du ciel ( « de nuages frangés de blanc » et ses variations: « Une bande bleu clair, toute perlée de rose, striée de reflets cuivrés ». Tel un poète, l'auteur nous fait entendre un « ruisseau qui caracole ». Tel Man Ray, il saisit « une larme en arrêt en haut de la lèvre ».



Si le mot tabou n'est pas prononcé, c'est bien ce sujet que l'auteur explore avec

beaucoup de subtilité et de tact en focalisant notre attention sur Camille.

On quitte à regrets le trio attachant( Jean, Camille et le narrateur) et « Pépète », qui nous attendrit quand elle « gobe d'un coup de langue » les larmes de Camille.



Yves Bichet , pétri de poésie et d'attention émerveillé à la nature sauvage, signe un polar envoûtant, à l'épilogue stupéfiant qui nous fait osciller «  entre deux vertiges:

la fascination, l'effroi », comme le narrateur incarnant « Un amour oblatif ».



































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L'Éte Contraire

Ce roman avait été chaudement recommandé au club de lecture auquel j’appartiens par la librairie « la cour des grands » à Metz. J’ai ainsi été plutôt séduit par ce livre, sans y trouver toutefois le côté burlesque évoqué en quatrième de couverture. L’histoire, c’est donc une petite troupe hétéroclite (une infirmière, un agent d’entretien, deux retraités, une simple d’esprit, tous « échappés » d’une maison de retraite), qui va parcourir notre beau pays, frappé par la Canicule. Ces personnages vont vivre, sur les routes, une aventure originale, humainement forte. Une aventure marquée par la solidarité et l’entraide, dont ils vont faire preuve entre eux, mais aussi envers leurs contemporains (envers les « vieux fourneaux » en particulier, auprès desquels cette petite troupe va amener un véritable vent de fraîcheur, au sens propre comme au sens figuré). Cette histoire est originale, très bien écrite, et permet d’aborder différents thèmes (comme le rapport à la vieillesse ou à la mort par exemple). Bon, ce n’est pas un road-movie trépidant, mais la lecture est plaisante, et mérite une note intermédiaire entre 3 et 4 étoiles.
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Peau noire, peau blanche

Issam n'est pas bien accepté à l'école et demande à sa maman "Pourquoi?". "Parce que", "Parce que quoi ?" "Parce que que". Et ils s'amusent comme ça, sa maman blanche et lui tout noir. Ils déménagent souvent à cause du travail de Papa. Et puis un jour ils vont au Sénégal, et là Issam se sent bien, personne ne se moque de lui. Mais sa maman, elle, reste dans son coin.

Un bel album sur le racisme et le racisme de n'importe quelle couleur de peau. Trop blanche ou trop noir, ça ne va jamais. Y'a t-il vraiment un endroit où tout le monde se sentirai bien ? La relation mère-enfant est aussi joliment représentée avec un lien très fort qui unit Issam à sa maman. Un album coloré aux dessins enfantins.
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L'homme qui marche

"Reçois qui tu deviens" !

On dit ça chez les chartreux au moment d'avaler le corps du Christ.



"Je suis le marcheur d'un seul chemin...Robert Coublevie; ancien pion au lycée agricole d'Embrun, chemineau par passion et par mélancolie, pauvre par obligation, endurant par devoir, cocu par négligence, arpenteur et fuyard."

"Je longe la frontière d'un seul côté, jalonnant sans cesse les même crêtes, franchissant les même cols, passant d'un horizon à l'autre. La Vanoise au nord, le Queyras au sud; mes deux repoussoirs."

"Je suis passé de mode, j'aime l'amour, je suis malade et je me fiche complètement de l'avenir".

Qui se contente est riche !

"Les voilà bien, mes vrais amis: Jean, le vieux chartreux malade et Camille, la petite gamine violée."



Comme souvent pour les romans forts, puissants, uniques... il est difficile de partager un ressenti.

Ces quelques extraits vous permettront d'effleurer l'atmosphère de cette oeuvre incroyablement belle.

Robert Coublevie s'est élevé au dessus de la condition des hommes, évoluant entre ciel et terre, se satisfaisant du moment présent.

Un moment de lecture étourdissant !
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Indocile



Le chapitre d'ouverture nous conduit à l'hôpital militaire de Desgenettes, ( Lyon), au chevet d'Antoine, jeune soldat, dans un état comateux. Les visites qu'il reçoit se limitent à celles de sa mère et de Théo, son ami d'enfance. Scènes touchantes de les voir tenter de faire réagir le malade en le touchant, lui parlant.



D'un côté le huis clos de la chambre «  au mur gris », la douleur, la souffrance, la musique de Johnny sur laquelle Théo danse. A l'extérieur des militaires rejoignant le kiosque pour une répétition de la fanfare.



Théo, de la fenêtre de la chambre, se laisse ensuite distraire par des grutiers en difficulté, plein d'admiration pour cette fille «  qui dévale la grue comme un chat ». Le narrateur aiguise notre curiosité en précisant que «  Théodore ne sait pas encore que sa vie bascule ». Mais le rythme s'accélère après la rencontre avec la fille à la mobylette, à la conduite sportive. Celle-ci propose à Théo de le conduire à la foire de La Beaucroissant. On suit leur échappée jusqu'au soir à la fête du lac de Paladru.

Une liaison amoureuse naît, gauche pour Théo ( 18ans) qui confesse sa première expérience : «  Ils sont aux abois, ne sachant rien..» de l'amour.

Le romancier explore les corps dans tous ses états.

Assez inattendue la séquence où Théo s'autorise à se «  pignoller », trahi par son corps, découvrant « un plaisir fugace » . Puis c'est les balbutiements des étreintes avec Mila (21ans), l'éveil du désir charnel. Plus fusionnel avec Marianne, la mère d'Antoine, veuve qui sait que « la vie n'attend pas », et se montre insatiable.

Théo va vivre une parenthèse intense dans le cabanon de La Ciotat avec Marianne.

Ils se touchent, se frottent, se caressent, s'étreignent, se désirent.

Le vertige les étourdit. Ils se disputent, se quittent, se rabibochent.

Mais est-ce vraiment cela l'amour,vient à s'interroger Théo.



La météo revêt son importance, cet orage qui gronde, ce ciel menaçant, «  d'ébène », renvoie à l'accident dont fut victime Mila.





Yves Bichet nous replonge dans un pan de l'histoire avec la guerre d'Algérie et ses dégâts collatéraux. Sont évoqués les attentats, dont celui contre De Gaulle.

Le mot « guerre » scande le début du récit, comme un leitmotiv, il fait peser le poids de la menace. Son héros, Théo, traumatisé de voir son ami dans cet état végétatif, va tenter des ruses lors du conseil de révision, avec la connivence de son père . Il est révolté par cette absurde guerre, qui fracasse la jeunesse, les « envoie au casse-pipe ». De plus tombé amoureux, il veut vivre cet amour absolu. Comment échapper à l'armée ? Le narrateur nous embarque dans une cavale éperdue, Théo à la merci de passeurs, renouant avec Mila, abandonnant Marianne. Et des parents inquiets à qui Théo fait gober un chapelet de mensonges. Le traqué devient le traqueur.

L'auteur, à travers Théo l'insoumis,antimilitariste, aborde la question des objecteurs de conscience. Il rappelle que ce n'est que le « 23 décembre 1963 que l'Assemblée Nationale adopte le statut. D'où ces vies clandestines et l'existence de passeurs pour conduire en Suisse ces déserteurs.

Il aborde une autre question très polémique : l'acharnement thérapeutique. Quel avenir pour Antoine ?



L'auteur semble affectionner les personnages aux vies clandestines, d'errance, sans domicile fixe. Dans L'homme qui marche on suit un chemineau et Robert qui ont besoin de nature, du clapotis de l'eau du murmure du vent, comme Mila et Théo contemplatifs du lac de Paladru ou du Mont Blanc. Ses personnages font l'amour dans des lieux improbables. Dans Le porteur d'ombre, le nid d'amour est une éolienne, dans Indocile c'est une grotte. Autre point commun supplémentaire, le personnage accusé de meurtre est en fait innocent, mais se sacrifie pour un autre.

On croise dans les romans d'Yves Bichet des personnages au bord du gouffre, impliqués dans des imbroglios sidérants. Il y décline l'art de prendre le large.



Yves Bichet a l'art de peindre les paysages traversés, les lieux avec une précision dans le détail des plus étonnantes. Que ce soit la chambre d'hôpital, la caravane de Mila remplie d' objets hétéroclites, le travail de typographe, les attractions de la fête foraine, le récit des efforts des grutiers pour redresser cette grue qui penche comme la tour de Pise. Tout est minutieusement décrit. On devine un connaisseur des chantiers, des banlieues industrielles, qui sait aussi voir la beauté et la poésie des choses.

Le récit est rendu haletant par la profusion de verbes d'action. Variation des pronoms : on passe du narrateur relatant à la 3ème personne ( il, elle) au protagoniste ( je et tu).



Le romancier va ravir, émouvoir les fans de Johnny Hallyday, en immortalisant certaines de ses chansons. Le mange-disque avale le 45-tours et "les notes de Retiens la nuit" s'égrènent » avec l'espoir de voir Antoine réagir. Sur le champ de foire, c'est Douce violence que Johnny claironne. Théo fait vrombir le moteur en « chantant à tue-tête » Souvenirs, souvenirs.



Yves Bichet signe un roman d'apprentissage tumultueux, mettant en scène deux adolescents qui découvrent l'amour sur fond de guerre d'Algérie.Leur liaison amoureuse engendre de multiples rebondissements. Coups de théâtre au cours de la désertion de Théo. Les protagonistes passent par la case prison.

L'auteur décortique la traversée du désir chez Théo, « au coeur d'artichaut », paumé, déboussolé, qui ne sait pas choisir entre Marianne et Mila, ce qui alimente un suspense en continu. Pas facile de savoir qui gagnera le coeur de Théo.

Yves Bichet déploie une écriture très cinématographique.

On referme ce roman complexe bien secoué et l'auteur de nous questionner : «  Théo, en fuyant l'appel est-il lâche ou courageux » ?

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La part animale

La part animale, des descriptions glauques, des pratiques professionnelles compliquées et peu enviables, la part humaine ne l’est guère plus : chacun est emberlificoté dans sa vie.

La présentation de ce livre par Yves Bichet est particulièrement intéressante : "D'ordinaire l'animalité n'est considérée que sous l'angle de la morale ou sous l'angle plus réducteur de la psychanalyse. Je pense que ces deux voies sont l'une et l'autre des impasses. Mon personnage finit par préférer la part animale qui affleure en lui ; et par aimer, par jalouser la part de divin qu'il pressent chez les animaux."

Ce roman éclaire le texte poétique de Rilke qui figurent en conclusion et qui parait fondateur pour l’auteur.

Un livre à découvrir.

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