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Citations de Émile Verhaeren (456)


...C'est la plaine, la plaine
Sinistrement, à perdre haleine,
C'est la plaine et sa démence
Que sillonnent des vols immenses
De cormorans criant la mort
A travers l'ombre et la brume des Nords ;
C'est la plaine, la plaine
Mate et longue comme la haine,
La plaine et le pays sans fin
Où le soleil est blanc comme la faim,
Où pourrit aux tournants du fleuve solitaire,
Dans la vase, le coeur antique de la terre.
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La ville est colossale et luit comme une mer,
Lointainement, de vagues électriques,
Et ses mille chemins de bars et de boutiques
Aboutissent, soudain, aux promenoirs d’éclair,
Où ces femmes — opale et nacre,
Satin nocturne et cheveux roux —
Avec en main des fleurs de macre,
À longs pas clairs, foulent des tapis mous.

Ce sont de très lentes marcheuses solennelles
Qui se croisent, sous les minuits inquiétants,
Et se savent — depuis quels temps ? —
Douloureuses et mutuelles.


Les promeneuses
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Émile Verhaeren
Les Brumes

Brumes mornes d’hiver, mélancoliquement
Et douloureusement, roulez sur mes pensées
Et sur mon coeur vos longs linceuls d’enterrement
Et de rameaux défunts et de feuilles froissées
Et livides, tandis qu’au loin, vers l’horizon,
Sous l’ouatement mouillé de la plaine dormante,
Parmi les échos sourds et souffreteux, le son
D’un angelus lassé se perd et se lamente
Encore et va mourir dans le vide du soir,
Si seul, si pauvre et si craintif, qu’une corneille,
Blottie entre les gros arceaux d’un vieux voussoir,
A l’entendre gémir et sangloter, s’éveille
Et doucement répond et se plaint à son tour
A travers le silence entier que l’heure apporte,
Et tout à coup se tait, croyant que dans la tour
L’agonie est éteinte et que la cloche est morte.
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À ces reines qui lentement descendent
Les escaliers des jardins d’or de leur légende,
Parfois je t’apparie ;
Je te donne des noms qui se marient
Au luxe, à la splendeur et à la joie,
Et bruissent en syllabes de soie.

Mais combien promptement j’abandonne un tel jeu,
À te voir vraie et profonde et si peu
Celle dont on enjolive les attitudes.
Ton front tranquille et pur et beau de certitude,
Tes douces mains d’enfant, en paix sur tes genoux,
Tes seins se soulevant au rythme de ton pouls
Qui bat comme ton cœur immense et ingénu,
Oh ! combien tout hormis l’élan de ta prière,
Oh ! comme tout est pauvre et vain, hors la lumière
Qui me regarde et qui m’accueille en tes yeux nus.
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Émile Verhaeren
Sonnet

Par les pays des soirs, au nord de ma tristesse,
Mous d’automne, le vent se pleure en de la pluie
Et m’angoisse soudain d’une nuée enfuie,
Avec un geste au loin d’âpre scélératesse.

Est-ce la mort qu’annoncerait la prophétesse,
Au fond de ce grand ciel d’octobre où je m’ennuie
- Depuis quel temps ? – à suivre un vol d’oiseaux de suie
Tourner dans l’infini leur si même vitesse ?

Attendre et craindre d’être ! Et voir, en attendant
Toujours le même rêve, en l’air moite et fondant,
Avec ces cormorans de deuil curver des lignes,

Le soir, quand le pêcheur lassé de la douleur,
Celui dont la nuée interprète les signes,
Pêche de la rancune en les bas-fonds du coeur.
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Le crapaud noir sur le sol blanc
Me fixe indubitablement
Avec des yeux plus grands que n’est grande sa tête ;
Ce sont les yeux qu’on m’a volés
Quand mes regards s’en sont allés,
Un soir, que je tournai la tête.

Mon frère ? — il est quelqu’un qui ment,
Avec de la farine entre ses dents ;
C’est lui, jambes et bras en croix,
Qui tourne au loin, là-bas,
Qui tourne au vent,
Sur ce moulin de bois.

Et celui-ci, c’est mon cousin
Qui fut curé et but si fort du vin
Que le soleil en devint rouge ;
J’ai su qu’il habitait un bouge,
Avec des morts, dans ses armoires.

Car nous avons pour génitoires
Deux cailloux
Et pour monnaie un sac de poux
Nous, les trois fous,
Qui épousons, au clair de lune,
Trois folles dames sur la dune.



Chanson de fou
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Émile Verhaeren
Mets ta chaise près de la mienne

Mets ta chaise près de la mienne
Et tends les mains vers le foyer
Pour que je voie entre tes doigts
La flamme ancienne
Flamboyer ;
Et regarde le feu
Tranquillement, avec tes yeux
Qui n’ont peur d’aucune lumière
Pour qu’ils me soient encore plus francs
Quand un rayon rapide et fulgurant
Jusques au fond de toi les frappe et les éclaire.

Oh ! que notre heure est belle et jeune encore
Quand l’horloge résonne avec son timbre d’or
Et que, me rapprochant, je te frôle et te touche
Et qu’une lente et douce fièvre
Que nul de nous ne désire apaiser,
Conduit le sûr et merveilleux baiser
Des mains jusques au front, et du front jusqu’aux lèvres.

Comme je t’aime alors, ma claire bien-aimée,
Dans ta chair accueillante et doucement pâmée
Qui m’entoure à son tour et me fond dans sa joie !
Tout me devient plus cher, et ta bouche et tes bras
Et tes seins bienveillants, où mon pauvre front las,
Après l’instant de plaisir fou que tu m’octroies,
Tranquillement, près de ton coeur, reposera.

Car je t’aime encor mieux après l’heure charnelle
Quand ta bonté encor plus sûre et maternelle
Fait succéder le repos tendre à l’âpre ardeur
Et qu’après le désir criant sa violence
J’entends se rapprocher le régulier bonheur
Avec des pas si doux qu’ils ne sont que silence.
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Le chant de l'eau

L'entendez-vous, l'entendez-vous,
Le menu flot sur les cailloux ?
Il passe et court et glisse,
Et doucement dédie aux branches,
Qui sur son corps se penchent,
Sa chanson lisse.
...
Emile Verhaeren
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Elle a mille ans la ville,
La ville âpre et profonde ;
Et sans cesse, malgré l'assaut des jours
Et des peuples minant son orgueil lourd,
Elle résiste à l'usure du monde.
Quel océan, ses cœurs ! quel orage, ses nerfs !
Quels nœuds de volontés serrés en son mystère !
Victorieuse, elle absorbe la terre,
Vaincue, elle est l'attrait de l'univers ;
Toujours, en son triomphe ou ses défaites,
Elle apparaît géante, et son cri sonne et son nom luit,
Et la clarté que font ses feux d'or dans la nuit
Rayonne au loin, jusqu'aux planètes !
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Émile Verhaeren
Sur la glycine en fleur, que la rosée humecte,
Rouges, verts, bleus, jaunes, bistres, vermeils,
Les milles insectes
Bougent et butinent dans le soleil.
Oh ! la merveille de leurs ailes qui brillent
Et leurs corps fins comme une aiguille
Et leurs pattes et leurs antennes
Et leur toilette quotidienne
Sur un brin d'herbe ou de roseau.
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"L'entendez- vous, l'entendez- vous
Le menu flot sur les cailloux?
Il passe et court et glisse,
Et doucement dédie aux branches,
Qui sur son cours se penchent,
Sa chanson lisse ..

Là- bas,
Le petit bois de cornouillers,
Oú l'on disait que Mélusine
Jadis, sur un tapis de perles fines,
Au clair de lune, en blancs souliers
Dansa.

Le petit bois de cornouillers
Et tous ses hôtes familiers,
Et les putois et les fouines,
Et les souris et les mulots,
Écoutent
Loin des sentes et loin des routes,
S'en aller l'eau ."


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Émile Verhaeren
Oh ces larges beaux jours dont les matins flamboient!
La terre ardente et fière est plus superbe encor
Et la vie éveillée est d'un parfum si fort
Que tout l'être s'en grise et bondit vers la joie.
Soyez remerciés,mes yeux,
D'être restés si clairs,sous mon front déjà vieux,
Pour voir au loin bouger et vibrer la lumière;
Et vous,mes doigts,de vous dorer aux fruits vermeils
Pendus au long du mur,près des roses trémières.
Soyez remercié,mon corps,
D'être ferme,rapide,et frémissant encor
Au toucher des vents prompts ou des brises profondes;
Et vous,mon torse droit et mes larges poumons,
De respirer,au long des mers ou sur les monts,
L'air radieux et vif qui baigne et mord les mondes,
Oh ces matins de fête et de calme beauté!
[La Joie;extrait]
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L'aube, l'ombre, le soir, l'espace et les étoiles ;
Ce que la nuit recèle ou montre entre ses voiles,
Se mêle à la ferveur de notre être exalté.
Ceux qui vivent d'amour vivent d'éternité.

Il n'importe que leur raison adhère ou raille
Et leur tende, debout, sur ses hautes murailles,
Au long des quais et des havres ses flambeaux clairs ;
Eux, sont les voyageurs d'au delà de la mer.

Ils regardent le jour luire de plage en plage,
Très loin, plus loin que l'océan et ses flots noirs ;
La fixe certitude et le tremblant espoir
Pour leurs regards ardents ont le même visage.

Heureux et clairs, ils croient, avec avidité ;
Leur âme est la profonde et soudaine clarté
Dont ils brûlent le front des plus hautains problèmes ;
Et pour savoir le monde, ils ne scrutent qu'eux-mêmes.

Ils vont, par des chemins lointains, choisis par eux,
Vivant des vérités que renferment leurs yeux
Simples et nus, profonds et doux comme l'aurore ;
Et pour eux seuls, les paradis chantent encore.
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Émile Verhaeren
Tu arbores parfois cette grâce bénigne

Tu arbores parfois cette grâce bénigne
Du matinal jardin tranquille et sinueux
Qui déroule, là-bas, parmi les lointains bleus,
Ses doux chemins courbés en cols de cygne.

Et, d’autres fois, tu m’es le frisson clair
Du vent rapide et exaltant
Qui passe, avec ses doigts d’éclair,
Dans les crins d’eau de l’étang blanc.

Au bon toucher de tes deux mains
Je sens comme des feuilles
Me doucement frôler ;
Que midi brûle le jardin,
Les ombres, aussitôt, recueillent
Les paroles chères dont ton être a tremblé.

Chaque moment me semble, grâce à toi,
Passer ainsi, divinement en moi ;
Aussi, quand l’heure vient de la nuit blême,
Où tu te cèles en toi-même
En refermant les yeux,
Sens-tu mon doux regard dévotieux,
Plus humble et long qu’une prière,
Remercier le tien sous tes closes paupières
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Émile Verhaeren
La plaine est morne, avec ses clos, avec ses granges
Et ses fermes dont les pignons sont vermoulus,
La plaine est morne et lasse et ne se défend plus,
La plaine est morne et morte – et la ville la mange.

Formidables et criminels,
Les bras des machines diaboliques,
Fauchant les blés évangéliques,
Ont effrayé le vieux semeur mélancolique
Dont le geste semblait d’accord avec le ciel.

L’orde fumée et ses haillons de suie
Ont traversé le vent et l’ont sali :
Un soleil pauvre et avili
S’est comme usé en de la pluie.

Et maintenant, où s’étageaient les maisons claires
Et les vergers et les arbres parsemés d’or,
On aperçoit, à l’infini, du sud au nord,
La noire immensité des usines rectangulaires.

Telle une bête énorme et taciturne
Qui bourdonne derrière un mur,
Le ronflement s’entend, rythmique et dur,
Des chaudières et des meules nocturnes ;

Le sol vibre, comme s’il fermentait,
Le travail bout comme un forfait,
L’égout charrie une fange velue
Vers la rivière qu’il pollue ;
Un supplice d’arbres écorchés vifs
Se tord, bras convulsifs,
En façade, sur le bois proche ;

L’ortie épuise au coeur les sablons et les oches,
Et des fumiers, toujours plus hauts, de résidus
- Ciments huileux, plâtras pourris, moellons fendus -
Au long de vieux fossés et de berges obscures
Lèvent, le soir, des monuments de pourriture.

Sous les hangars tonnants et lourds,
Les nuits, les jours,
Sans air ni sans sommeil,
Des gens peinent loin du soleil :
Morceaux de vie en l’énorme engrenage,
Morceaux de chair fixée, ingénieusement,
Pièce par pièce, étage par étage,
De l’un à l’autre bout du vaste tournoiement.
Leurs yeux sont devenus les yeux de la machine ;
Leur corps entier : front, col, torse, épaules, échine,
Se plie aux jeux réglés du fer et de l’acier ;
Leurs mains et leurs dix doigts courent sur des claviers
Où cent fuseaux de fil tournent et se dévident ;
Et mains promptes et doigts rapides
S’usent si fort,
Dans leur effort

Sur la matière carnassière,
Qu’ils y laissent, à tout moment,
Des empreintes de rage et des gouttes de sang.

Dites ! L’ancien labeur pacifique, dans l’Août
Des seigles mûrs et des avoines rousses,
Avec les bras au clair, le front debout,
Quand l’or des blés ondule et se retrousse
Vers l’horizon torride où le silence bout.

Dites ! Le repos tiède et les midis élus,
Tressant de l’ombre pour les siestes,
Sous les branches, dont les vents prestes
Rythment, avec lenteur, les grands gestes feuillus.
Dites, la plaine entière ainsi qu’un jardin gras,
Toute folle d’oiseaux éparpillés dans la lumière,
Qui la chantent, avec leurs voix plénières,
Si près du ciel qu’on ne les entend pas.

Mais aujourd’hui, la plaine ? – Elle est finie ;
La plaine est morne et ne se défend plus :
Le flux des ruines et leur reflux
L’ont submergée, avec monotonie.

On ne rencontre, au loin, qu’enclos rapiécés
Et chemins noirs de houille et de scories
Et squelettes de métairies
Et trains coupant soudain les villages en deux.

Les Madones ont tu leurs voix d’oracle
Au coin du bois, parmi les arbres ;

Et les vieux saints et leurs socles de marbre
Ont chu dans les fontaines à miracles.

Et tout est là, comme des cercueils vides,
- Seuils et murs lézardés et toitures fendues -
Et tout se plaint ainsi que les âmes perdues
Qui sanglotent le soir dans la bruyère humide.

Hélas ! La plaine, hélas! Elle est finie!
Et ses clochers sont morts et ses moulins perclus.
La plaine, hélas ! Elle a toussé son agonie
Dans les derniers hoquets d’un angélus.
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Le don du corps, lorsque l'âme est donnée,
N'est rien que l'aboutissement
De deux tendresses entraînées
L'une vers l'autre, éperdûment.
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La fleur, je la cueillis avec des doigts de flamme ;
Ne lui dis rien : car tous les mots sont hasardeux :
C'est à travers les yeux qu'une âme écoute une âme.
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UNE STATUE


Prenant pour guide clair l'astre qu'était son âme,
A travers des pays d'ouragan et de flammes,
Il s'en était allé si loin vers l'inconnu
Que son siècle vieux et chenu,
Toussant la peur, au vent trop fort de sa pensée,
L'avait férocement enseveli sous la risée.

Il en était ainsi, depuis des tas d'années
Au long des temps échelonnées,
Quand un matin la ville, où son nom était mort,
Se ressouvint de lui - homme âpre et grandiose-
Et l'exalta et le grandit en une pose
De penseur accoudé sur un roc d'ombre et d'or.

On inscrivit sur ce granit de gloire
L'exil subi, la faim et la prison,
Et l'on tressa, comme une floraison,
Son crime ancien, autour de sa mémoire.

On lui pris sa pensée et l'on en fit des lois;
On lui pris sa folie et l'on en fit de l'ordre;
Et ses railleurs d'antan ne savaient plus où mordre
Le battant de tocsin qui sautait dans sa voix.

Et seul, son geste fier domina la citée
Où l'on voyait briller, agrandi de mystère,
Son front large, puissant, tranquille et comme austère
D'être à la fois d'un temps et de l'éternité.
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Chanson de fou

Vous aurez beau crier contre la terre,
La bouche dans le fossé,
Jamais aucun des trépassés,
Ne répondra à vos clameurs amères.

Ils sont bien morts, les morts,
Ceux qui firent jadis la campagne féconde ;
Ils font l’immense entassement de morts
Qui pourrissent, aux quatre coins du monde,
Les morts.

Alors
Les champs étaient maîtres des villes,
Le même esprit servile
Ployait partout les fronts et les échines,
Et nul encor ne pouvait voir
Dressé, au fond du soir,
Les bras hagards et formidables des machines.

Vous aurez beau crier contre la terre,
La bouche dans le fossé :
Ceux qui jadis étaient les trépassés
Sont aujourd’hui, jusqu’au fond de la terre,
Les morts.

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Vous aurez beau crier contre la terre,
La bouche dans le fossé,
Jamais aucun des trépassés
Ne répondra à vos clameurs amères.

Ils sont bien morts, les morts,
Ceux qui firent jadis la campagne féconde ;
Ils font l'immense entassement de morts
Qui pourrissent, aux quatre coins du monde,
Les morts.
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