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Critiques de Émilienne Malfatto (423)
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Le colonel ne dort pas

Si je mets deux commentaires de 5 étoiles est-ce que cela compte pour 10 ??

Mais comment commenter un tel coup de cœur XXXL ?

Je me lance…

 

Une ville bombardée,

un champs de bataille dévasté.

 

Tout est gris, gris-souris

mais rien ni personne ne sourit.

 

Tout est gris, gris-perle

mais céans rien ne perle

seul le néant déferle.

 

Tour est gris, gris anthracite

quand entre ici le colonel gris

dans l'antre tactique du général

qu'il gène et râle

mais l’enrôle, pâle,

en tacite aval.

 

Tout est silence.

un silence lourd, massif, atonal

comme massif est le lourd général

qui souffle, renifle et avale

les reliefs de ses fosses nasales.

 

Tout est silence

face au colonel gris

Il induit le silence.

Il enduit de silence,

un silence de mort !

 

Du gris, du silence

et l'odeur acre de la mort.

 

Enki Bilal est convoqué ici dans l’entrée en matière visqueuse de ce roman oppressant qui nous enfonce dans les tréfonds d'une anonyme nation totalitaire qui vient de déboulonner son dictateur.

Aucune couleur, un gris poisseux.

 

L’heure est pourtant à la reconquête mais par la curée.

 

Alors, le colonel couleur de cendre

en ses quartiers saura descendre,

obscur caveau où lames et lanières

tranchent et lacèrent

dans un cercle de lumière.

 

Le colonel gris

de ses actes, aigri

jamais ne dégrise.

 

Accourent écorchés vifs

fantômes des nuits de crises.

 

A ses mains requises

travaillées aux canifs

chairs et peaux sont soumises

à sa funeste maitrise

de l’art honni, sans convoitise,

prodiguer l'ultime supplice,

délice surgi de jadis :

 

LA TORTURE !

LA TORDURE

ORDURE !!!

 

Sur l’écran noir de ses nuit grises

Il se projette le cinéma

de ses si nombreuses prises

de guerre menées de vice

à trépas.

 

Car son âme aussi est grise

qui jamais ne déplisse

ses lourdes paupières grises

ou nuitamment glissent,

défilent et s'enlisent

les charognes qui pourrissent

et pour toujours domicile élisent .

 

Il a fondu au gris.

Il s'est décoloré

déshumanisé

mis hors la réalité

pour officier

sans sourciller

 

Mais quelle gifle monumentale,

j'en ai encore la joue marquée

et la nuque douloureuse

d'avoir sous ce coup ployé.

 

Un style à nul autre pareil qu'on lit dans l’urgence, en apnée, le souffle coupé, à la recherche d’oxygène (car la ou il y a de l’oxygène, il y a du plaisir).

On descend les phrases comme on prendrait un escalier abrupt pour échapper à un péril qui ne peut que nous fondre dessus.

 

On cherche l’oxygène !

 

On veut retrouver l’humanité qui a  déserté l’âme de ce militaire que la conscience torture d’avoir torturé tant de suppliciés.

 

On lit en courant, en dévalant, en zigzaguant pourtant on est saisi par la beauté de ce très court texte, poétique même dans l’horreur.

 

On pense à tous ces endroits où la guerre fait rage, à ces hommes, très jeunes souvent, qui sont précipités dans la machine à broyer les corps et les âmes.

 

On pense à tous ceux qui en sont revenus, nos grands-pères, nos pères, les yeux horrifiés par les images auxquelles, innocents, ils ont été exposés, souvent vierges de pensées belliqueuses.

Virginité perdue, à jamais déchirée.

 

On se demande ce que l'on aurait fait (ou ferait) de notre vie, propulsé à notre tour dans un tel chaudron ou bouillonne le magma de l’humanité déshumanisée.

 

Pourtant là, on comprend.

On comprend cet homme, ce colonel qui ne dort pas.

On n’adhère pas, heureusement, mais on comprend.

 

On le suit dans ce parcours hallucinant qui est son calvaire d’avoir à faire subir le calvaire.

Un parcours hypnotique qu’il vit halluciné, dont il rêve d’être libéré, de se défaire, par une mort salvatrice qu'il ne veut cependant pas provoquer.

 

Car c’est son destin,

son enfer sur terre,

sa vie !

 

Il en a été décidé ainsi !

on lui en a intimé l'ordre,

c’était écrit,

en lettre de sang mais écrit.

 

On en rejoint presque le religieux, c'est sa mission, diabolique, mais sa mission !

 

Car ce salaud est un homme !

Cette ordure est un homme !

Il a un autre logiciel mais c’est un homme !

 

Comment vit-on l’obligation de faire ce qui nous révulse ?

Quelle quiétude peut-on trouvé après avoir eu à pratiquer de telles horreurs.



Un roman inclassable à la lecture fulgurante que l'on fait à voix haute pour en extraire la quintessence et mettre le recul nécessaire pour ne pas y être également englouti.



Énorme coup de cœur !

 

Il se délite, le colonel gris.

Il se mue en un gigantesque trou gris qui tout attire, tout absorbe, tout engloutit.

 

Il se délite en une absurde folie qui tout phagocyte.

il arrose le monde d'une grise cataracte qui tout ensevelit comme l’horreur de ses actes ensevelit sa grise conscience…mais l'œil gris était dans la tombe et regardait…le colonel gris.

 



PS: Merci infiniment à toi, Chrystèle, d'avoir attiré mon attention sur cet ouvrage magnifique qui, sans ton billet, aurait totalement échappé à mon rat d'art.

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Que sur toi se lamente le Tigre

Non, la taille n’est pas importante ! Avec un court roman, on peut faire plus d’effet qu’avec un pavé (sauf si on se prend le pavé dans la gueule), la preuve avec ce roman de moins de 100 pages.



Irak… La guerre et les conditions des femmes, les non-droits des femmes, si ce n’est de respecter les règles, de ne pas trop parler, de ne pas rire, ou alors, doucement, de baisser les yeux, de porter l’abaya une fois les premières règles venues… Et j’en passe.



Tomber enceinte hors mariage, c’est l’affront ultime, le péché maximum, le déshonneur éternel, celui qu’on ne peut laver que dans le sang, celui de la femme, bien entendu !



Dans ce court roman choral, l’autrice donnera la parole à plusieurs protagonistes : la jeune fille enceinte de son amoureux, la belle-sœur, le frère ainé qui va devoir assassiner sa sœur pour sauver l’honneur de la famille, le petit frère, l’autre frère, le modéré, mais qui n’ose pas, qui est lâche. Même un mort aura droit à la parole, même le fleuve Tigre !



L’esquisse des personnages est rapide, cela étant, ils ne manquent pas de profondeur pour autant, ni de présence. Avec peu de mots et des belles phrases, l’autrice nous plonge dans ce pays en guerre, dans un pays où les hommes ont tous les droits et les femmes aucun. Où les mères dressent les mêmes prisons pour leurs filles qu’on leur a dressées pour elles.



On reproduit les mêmes comportements, parce que personne n’ose les changer, se dresser contre elle. Celui ou celle qui osera est morte d’avance, condamnée avant d’essayer, ou alors, il faudrait que la majorité se rebelle contre ces règles iniques.



Un court roman qui vous prend aux tripes, qui vous les tord violemment et qui vous fait remercier le Ciel (ou qui vous voulez, je ne suis pas sectaire) d’être née en Europe, dans un pays bien plus libre que l’Irak. Dans ma maison, j’ai le droit de parler fort, de rire aux éclats et de raconter des blagues cochonnes si je veux. C’est le pied !



Non, ce roman ne m’a rien appris que je ne savais déjà, il a même enfoncé les portes ouvertes, puisque nous avons connaissance des horreurs que font subir les sociétés ultra-patriarcales aux femmes…



Néanmoins, les émotions étaient au rendez-vous, mon cœur battait à la chamade (et pas d’amour pour la société irakienne), tant le texte était prenant et que j’avais peur de ce qui allait arriver, ce qui est annoncé dès les premières lignes.



Chronique d’une mort pour l’honneur annoncée…



Oui, on se doute de l’issue, on comprend bien que le serpent se mord la queue et que même si le frère ne tuait pas sa sœur, d’autres s’en chargeraient et que personne ne veut aller à l’encontre de ces règles épouvantables qui ne frappent que les femmes et où les hommes ne se sentent jamais coupables.



Un roman qui m’a touché en plein cœur… La preuve que même à la mi-décembre, j’ai encore des coups de cœur littéraire à prendre.


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Le colonel ne dort pas

Emilienne Malfatto fut un temps reporter de guerre. Elle est aussi photographe. Elle a regardé, vu,enregistré des images qui,sans nul doute,l'ont marquée dans sa chair et son âme car ce roman transmet avec la force de tous les sens réunis, le folie de la guerre.

Nous n'assistons pas au champ de bataille mais pénétrons dans le monde intérieur de trois hommes. Le général, le colonel et son ordonnance. Presqu'un huis -clos . L'auteure alterne des poèmes et des textes. Les poèmes sont les pensées du colonel. Un tortionnaire, un spécialiste. Les textes sont d'un narrateur inconnu,un observateur qui décrit l'ordonnance et le général. Aucune émotion n'est nommée mais les états d'âme du colonel, la pluie incessante depuis quarante jours,le gris qui a envahi la ville comme si la couleur avait disparu avec la vie,comme si la mort régnait en maître même sur ceux qui se croient encore vivants,provoquent un mal- être profond. Rien d'étonnant à cela car les spectres qui hantent le colonel s' échappent des pages pour nous rejoindre,nous lecteurs ! Aussi froid et cruel qu' est le colonel dans le sous sol où il transforme les hommes en " choses",aussi lyriques sont ses pensées et ses nuits sans sommeil :

"...Après toi mon premier mort

il devint plus difficile de

faire taire cette fissure

qui envahissait mon âme..."



" je n'en finis pas depuis ce temps

toutes ces années

un immense purgatoire

une salle d'attente peuplée de démons

que j'ai moi même

Créés..."

Il y a quelque chose de surréaliste dans ce roman, un peu comme un tableau de Dali car si tout paraît d'abord irréel ,tout vient nous révéler la profondeur des faits par un langage qui parle directement à l'inconscient.

Ce roman est pour moi hors du commun. Je pense qu,'il deviendra un texte de référence dans la littérature qui dénonce la folie des hommes et de la guerre. C'est un coup de cœur douloureux mais magnifique.
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Le colonel ne dort pas

Gris est l’homme dans le gris de la ville. Il est une ombre froide aux doigts noircis par le sang. Une âme dépourvue d’yeux, d’oreilles, de bouche tant que le jour s’étire. Mais la nuit. La nuit s’infiltre dans le silence du cœur, le pousse, le rythme et réveille la conscience. Les morts s’empilent crochetés aux pensées. Brisent. Le colonel est un homme.

Texte d’une extrême violence sans l’once d’un paragraphe cru ou trash, son gris nous étreint, nous oppresse. L’ambiance nous atteint. Quelle force ! Peu de pages et une intensité sans commune mesure. J’ai refermé ce livre totalement chavirée tant par la grâce de l’écriture qui touche la poésie que par l’atrocité du récit.

Que la guerre fait-elle aux hommes ?

Une lecture bouleversante.


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Que sur toi se lamente le Tigre

Chronique d’une exécution annoncée en terre d’Islam

Pour ce premier roman, très justement récompensé par le Prix Goncourt du Premier Roman 2021, Émilienne Malfatto nous donne une roman dense et réussi

Elle évite l’écueil classique des primo romanciers: le texte trop long

79 pages lui suffisent pour nous immerger dans une réalité tristement quotidienne en Irak, un pays qu’elle connaît bien.Un enfant hors mariage en temps de guerre , un fiancé tué au combat, pas beaucoup de chance d’ échapper à la vindicte familiale.

Le sujet aurait pu se situer dans bien d’autres pays. Il est encore tristement d’ actualité

Ce qui est remarquable et révoltant dans ce texte, c’ est la façon dont Émilienne Malfatto décrit les réactions de la famille face à la situation

Il a un consensus social ,plutôt que religieux, pour admettre qu’il n’y a pas d’autre alternative que cette solution extrême

Le livre est beau et glaçant à la fois

Beau par les références à Gilgamesh et au Tigre , fleuve éternel qui regarde passer les générations avec fatalisme.

Glaçant de voir qu’en 2021, il existe encore dans bien des terres d’Islam

des pratiques aussi barbares.

Petit coup de griffe pour l’éditeur:13,90 euros pour 79 pages , c’est bien trop cher

Empruntez donc ce très beau petit roman .Pour moi, une des belles surprises de cette année 2021
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Que sur toi se lamente le Tigre

Ce précieux petit livre est un joyaux implosif.

La photo de couverture, prise par l’auteure, est déjà formidable d’expressivité , de narrativité.

Le récit est donc celui d’une tragédie grecque, on l’a beaucoup dit : chronique d’une mort annoncée par une polyphonie, la victime elle-même et le coryphée ( qui, fantastique idée est incarné dans le Tigre).

Mais le propos est d’une modernité absolue.

Même si le crime d’honneur a ses particularités il n’en symbolise pas moins tous les feminicides de toutes les civilisations et de toutes les époques.

On serait tenté de reprendre chaque personnage et de dire:

« Voyez la mère, et bien c’est l’amer, la mère c’est la mer , la matrice du consentement.

Voyez Ali, tellement proche de toi, de toi Michel le lecteur et complice par faiblesse »

Mais on ne continuera pas car il faut lire ce livre et y trouver sa place.

Chaque mot est serti dans une écriture ciselé mais moderne, implacable.

Alors laissons la parole à la figure tutélaire, Gilgamesh :

« Dehors, le fleuve était ruban argenté sous la lune »

Merci Émilienne Malfatto et bravo aux éditions elysad !!!
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Le colonel ne dort pas

Dans un pays en guerre « Le colonel ne dort pas », obsédé par son travail quotidien, qu’il effectue apparemment sans état d’âme : torturer des hommes pour les faire avouer. Projeté dans un halo de lumière, le colonel « coupe, taille, sectionne des heures durant », sous l’œil d’un jeune ordonnance qui attend que cela se passe en songeant aux filles du village.



La nuit venue, le colonel est hanté par ces créatures sans visage, qu’il a baptisé « Les hommes poissons ».



La narration est entrecoupée par les récits des insomnies du colonel où les hommes poissons viennent le hanter.



En ne nommant ni les personnages, ni les lieux, ni le temps, ni l'ennemi, la romancière fait une peinture universelle de la guerre.



J’ai particulièrement apprécié l’écriture d’Emilienne Malfatto qui réussit à nous plonger dans une sorte de brouillard dans lequel on aperçoit la barbarie de la guerre.



On ressent le malaise du colonel qui s’adonne à sa macabre mission, jour après le jour tout en connaissant le prix qu’il devra payer aux hommes poissons nuit après nuit.



Emilienne Malfatto signe un roman étrange et envoutant qui présente des personnages pris dans un engrenage qui ne peut les mener qu’à leur perte.





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Les serpents viendront pour toi

C'est une enquête décevante que nous narre Emilienne Malfatto, l'assassinat en Colombie, en 2004 de Álvaro (peut-être commandé par des voisins jaloux de son nouveau toit de zinc) et de sa femme en 2019 (plus probablement par des voisins désireux de s'approprier sa terre fertile qu'à cause de son engagement social).



Une première frustration due au peu d'indices, aux témoignages divergents (quand elle arrive à en retrouver) et une deuxième suite au peu d'explication du contexte, FARQS, groupes paramilitaires, narcotrafiquants, groupes d'Autodéfense, quel soutien américain?
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Que sur toi se lamente le Tigre

Il a fallu seulement 8O pages à Emilienne Malfatto pour nous raconter l’indicible à travers l’histoire bouleversante d’une femme qui va mourir car elle a commis le crime d’aimer et de porter le fruit de cet amour.

Son futur mari, mort au combat, l’honneur de la famille doit être lavé.

J’ai été bouleversée par le destin de cette femme et de toutes celles qui sur cette planète subissent l’horreur, l’injustice du poids des traditions.

Tout est parfait dans ce texte magnifié par une écriture au plus près des émotions.

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Le colonel ne dort pas



Ô toi

Puisqu’il faut bien que je m’adresse

A quelqu’un, quelque chose

Puisque c’est difficile de t’ignorer

Quand tu es partout

Comme tout ce gris

Comme toute cette pluie

Puisque tu prends possession

Des rêves, des sommeils, de tous

De toutes ces victimes, ces bourreaux

J’augmente mon ton vers Toi

Puisque tu ne sais faire que tuer

Arracher, accumuler, désarticuler

Les cadavres, les démons

Je m’interroge

Sur tous ces corps que tu laisses

Tomber, écorchés, à vif

Je cherche à comprendre

Comment tu brises les hommes

Ne les laissant plus qu’être

Ombres, fantômes, hordes (hors-d’eux)

Et qu’ils s’y rendent, encore

Vaillamment

Qu’est-ce qu’ils laissent, à la fin?

J’ignorais qu’il était facile

D’être si obéissant, si discipliné

J’ignorais que les traumatismes

Usaient autant les victimes

Que les bourreaux

Torturaient autant les spécialistes

Que tu étais capable d’ôter leurs repos

De les rendre fou du cycle infernal

De leurs blessures, de leurs culpabilités

Que tu détruisais le sens même

Que tu créais un ourobouros

De victimes, de bourreaux

Coincés dans un purgatoire

Qu’est ce qu’il reste, à la fin?

Des hommes qui ne s’endorment plus?

Je n’en finis pas donc,

De m’interroger sur toi

Sur toi, la Guerre

Comment tu fais pour hanter

Tellement de textes, d’interrogatoires

Tellement de gens, tellement de mondes

Comment tu remplis l’espace

Les cauchemars, les champs de ruines

Je songe et je doute

De toutes mes forces, je doute

De ta valeur, de ton impressionnante

Emprise, de ta justification

Je voudrais te voir disparaître

Quand cessera la loi de la Guerre

(c’est quand plus tard?)

Je vois quoi je regarde quoi

Le gris, les Hommes-poissons

Le colonel ne dort pas, ne peux pas

Le général et l’ordonnance non plus remarque

Je regarde et je vois quoi

Le creux, le monochrome

La Ville, le Palais, la Reconquête

Et la lourdeur et les pensées parasites

Mais au milieu du brouillard

J’accueille la lumière dorée:

Cette poésie transfigurée

Rayonnante, puissante de cette autrice

Et ça me réjouit de m’adresser à toi

De te dire que tu as perdu, Guerre

La beauté de ce texte atypique remporte

La Victoire, et mon cœur dans la bataille

Aussi, dépêche-toi Donc, de laisser place

Qu’on est plus qu’à se consacrer

À ce soleil nouveau, incroyable

Spécialiste, ce talent incarné:

Le nouveau roman d’Emilienne Malfatto!


Lien : https://fairystelphique.word..
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Que sur toi se lamente le Tigre

"La mort est en moi. Elle est venue avec la vie".

Cette vie qui n'a pas de prix.

Moins qu'un chien et plus que rien.

Même si rien, c'est quand même quelque chose.

Il est court ce livre d'Émilienne Malfatto.

Comme un constat.

Sujet, verbe complément.

L'essentiel est dit et bien dit.

"‌Dans ce pays de sable et de scorpions, les femmes payent pour les hommes".

Aujourd'hui encore !

Ici comme ailleurs....

et jusqu'à quand ?
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Que sur toi se lamente le Tigre

En quelques pages, Emilienne Malfatto dit l’essentiel, nous donne à lire la chronique d’une mort annoncée. Celle d’une jeune fille, tuée pour avoir été amoureuse, de s’être donnée trop tôt à celui qu’elle aimait, qui n’est pas revenu l’épouser car il est mort au combat.

Nous ne saurons pas le prénom de cette inconnue, sans visage, semblable à toutes ces femmes soumises, passant du joug paternel à celui de leur belle famille, comme de simples objets.

Cette jeune femme, lorsqu’elle comprend qu’elle est enceinte, fait tomber le voile noir suspendu à une corde à linge. La tâche noire qui s’étend alors au sol est prémonitoire de son propre sang qui ne va pas tarder à couler. Son sort est scellé, elle va mourir, tuée par les mains son propre frère, broyée par la terrible machine de la loi patriarcale, folle invention des hommes, …

Ce drame intime, à huis-clos, aura lieu sans qu’aucun membre de sa famille ne se révolte, ni ne tente de la sauver. Les mots sont justes, portent, frappent. Pas de longues descriptions inutiles, un bijou de concision, qui interpelle, nous plonge au cœur du mécanisme terrible de ces « crimes d’honneur ».

Un livre uppercut, coup de cœur, à lire absolument !

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Que sur toi se lamente le Tigre

Bijou absolu!

Chaque mot de ce tout petit livre est nécessaire et précis .

Une très belle langue, fleurie d'images et d'odeurs.

L'intimité est sans fard .

L'Irak sous les bombes,

les femmes sous leurs voiles,

les hommes sous l'uniforme.

Le quotidien sous 1001 interdits. On ne sait plus écrire les mots paix ou liberté.



Que va devenir cette jeune femme enceinte sans être mariée ? Elle vit une situation qui ne doit pas exister

Ce récit choral avance inexorable, comme une procéssion derrière le futur cercueil.



Le prix Goncourt du premier roman lui a été décerné. Le livre en rupture de stock est en cours de réimpression..

Arrêtez tout et lisez le!
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Le colonel ne dort pas

Le colonel ne dort pas. Mais, pourquoi ?

Oh, si vous saviez... vous comprendriez !



Ce que le colonel a fait est monstrueux.

Il a fait souffrir, il a torturé, il a déshumanisé des malheureux qui étaient entièrement à sa merci.

Le tout sans états d'âme. Sans la moindre trace d'empathie. D'une façon froide et "professionnelle".

Oui, le colonel a bien fait son travail, c'est un bon colonel.

Mais maintenant, il ne dort pas.



Pourquoi ?

Ce monstre froid aurait-il donc un coeur ?

Assailli par les souvenirs, hanté par ses victimes, il ne dort pas.

Il ne comprend pas ce qui lui arrive et commence à se poser des questions auxquelles il ne trouve pas de réponse : "Le colonel a oublié le moment exact où il a cessé de dormir. Après quel mort, quel interrogatoire, quelle bataille, quel corps qui n'en était plus un."



"c'est fou ce que c'est lourd une ombre

on ne le croirait pas"

Eh oui !

Du coup le colonel ne dort pas.



Écrivant de façon très poétique, dans un contraste saisissant avec un fond oppressant, Emilienne Malfatto nous offre une interrogation sur le remords et la culpabilité. Sur la part d'humanité qui subsiste au fond de chacun, même chez les personnes les plus endurcies.



Les personnages ne sont pas nommés et ne sont désignés que par leur fonction (le colonel, l'ordonnance, le général...) ce qui rend le récit intemporel et universel.

Choix judicieux, hélas, L Histoire nous prouvant que l'Homme n'est jamais à court d'imagination dans l'horreur.



Le colonel est un exécutant. Il accomplit le sale boulot.

Est-il plus ou moins coupable que ceux qui lui ont commandé de le faire ? Vaste question !

Le colonel, ce pourrait être Eichmann qui déclara froidement à ses juges : "Je n'ai fait qu'obéir aux ordres."



Un livre fort, une lecture marquante.

Emilienne Malfatto confirme l'immense talent que je lui avais découvert dans son premier roman, "Que sur toi se lamente le Tigre".
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Le colonel ne dort pas

L'âme en proie aux tourments d'un homme hanté...naufragé...

"Le colonel a oublié le moment exact où il a cessé de dormir. Après quel mort... [...] C'est venu peu à peu, lui semble-t-il".



Confidences d'un homme devenu ombre dans un monde en gris, brouillards et froideur, étouffé de cendres, peuplé de fantômes...

Les pluies discontinues accentuent l'ambiance de grisaille et floute tous horizons, comme l'imminence d'un déluge.



Colonel sous un ancien régime dictatorial, il est à présent chargé de diriger la Section spéciale..., nous apprend cet entretien bref et glacial avec le général à la tête des troupes du nord et de la Reconquête, dans le bureau du Palais surplombant la Ville...



Atmosphère monochrome pour trois

hommes - le colonel, le général, l'ordonnance - en perdition...

Entrer dans la tête d'un tortionnaire tourmenté par ses martyrs, nuit et jour, et à perpétuité, un tour de force littéraire réussi.

Son état psychique tournoie en continu dans le cercle de l'enfer, son esprit comme imbibé d'un poison qui s'insinue, s'immisce...

La conscience en boucle et enfermée, les images mentales de ses innombrables victimes et la somme des souffrances sont à l'œuvre dans un vacarme assourdissant et dévorant de l'intérieur.



Les pensées de cet homme à l'âme fissurée, miroir de l'effroi de ses actes, percutent le lecteur.

Il n'a de lumière plus que celle du halo de la lampe, funeste, sous laquelle ses victimes finissent par s'éteindre... 



J'ai trouvé la forme narrative du roman très pertinente, on est tout de suite emporté par le récit en entrant dans le vif du sujet. Et l'on ressent l'imprégnation de l'ambiance ; une universalité et une intemporalité tristement réalistes.

Une réflexion sur l'absurdité de la guerre, l'étendue des dégâts sur le mental, la conscience, la nature des hommes - leur part d'ombre - ... et l'humanité.



J'ai beaucoup apprécié ce roman d'Émilienne Malfatto - qui fut reporter de guerre - que je lis pour la première fois.

Un roman court, concis, efficace.

Des mots justes.

Une lame, froide et acérée.
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Que sur toi se lamente le Tigre

En Irak, le pays entier s'enflamme sous les armes et les bombes. Au milieu de tout ça, une jeune femme se découvre enceinte. Mais elle n'est pas mariée et son ami est mort. Elle sait ce qu'il l'attend, son frère va s'occuper de rétablir l'honneur de la famille. Un court récit qui prend à la gorge, les différentes voix de la famille, vivants et mort, s'élèvent pour raconter leur vie, leur place, leur indifférence ou leur impuissance. Un roman polyphonique qui prend aux tripes face à la cruauté d'une société où les femmes sont les victimes. Il n'y a pas de héros, c'est la vie de milliers de jeunes femmes en Irak (et dans d'autres pays également, malheureusement). Ce roman, Goncourt du premier roman 2021, réveille nos consciences sur le destin de ces femmes (et on aimerait pouvoir plus...!)



J'aime beaucoup la couverture où on voit des femmes se couvrir la bouche et chuchoter... peut-être une photo de l'auteur.
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Que sur toi se lamente le Tigre

J'avais entendu beaucoup d'éloges sur ce Goncourt du premier roman 2021 et effectivement, je vais abonder dans le même sens ! Quel beau texte, fort, puissant, tout en retenue, où chaque mot devrait être suivi d'un silence, d'une pause, d'un recueillement presque, tellement le propos, terrible, insupportable, impensable, touche au tragique.

Plusieurs voix se croisent pour dire l'indicible : celle d'une jeune femme enceinte sans être mariée, dans un pays, l'Irak d'aujourd'hui, où cela revient à être condamnée à mort. Parce qu'il faut respecter le code de l'honneur. « Chez nous, mieux vaut une fille morte qu'une fille mère. »

Son frère va venir, elle le sait et il va venir pour la tuer.

Elle avance vers ce destin qui est le sien.

Elle sait qu'elle n'y échappera pas. « La mort est en moi. Elle est venue avec la vie. »

Il y a aussi la voix de sa belle-sœur, la femme comme doivent être les femmes en Irak : esclaves, enfermées, muettes, résignées. « Je suis l'épouse, la femme soumise, la femme correcte, celle qui respecte les règles, qui ne les discute pas. » Celle qui dans son malheur absolu se dit encore la plus heureuse de tous. Terrible déclaration.

On entend aussi la voix d'Amir, le frère qui va tuer, « celui par qui la mort arrive »… « Je suis l'homme de la famille, l'aîné, le dépositaire de l'autorité masculine- la seule qui vaille, qui ait jamais valu… Je suis l'assassin. »

Et ces voix nous disent que rien ne peut arrêter le destin, que la machine tragique s'est mise en route parce qu'en Irak, aujourd'hui, les femmes vivent sous l'autorité des hommes, qu'elles doivent se taire, subir et mourir s'ils le décident. C'est comme ça.

Comme un choeur, entre les voix de ces ombres qui entourent la jeune fille qui va mourir, s'élève la voix du fleuve, le Tigre, qui traverse les terres brûlées par le feu de la guerre, les champs de ruines et de désolation... L'eau, la vie n'est plus que deuil, douleur, désolation.

Un texte d'une très grande sobriété qui dit en peu de pages une réalité contemporaine que l'on aimerait classer définitivement dans les tragédies antiques datant d'un temps immémorial. Mais non, cela a lieu aujourd'hui et on a bien du mal à croire que ce soit encore possible.

Un récit inoubliable...
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Le colonel ne dort pas

Les victimes ont gagné la guerre



Dans ce court roman Émilienne Malfatto dit toute l'absurdité de la guerre. Derrière la confession d'un tortionnaire, elle montre comment on peut basculer dans la violence et la folie. Un texte qui résonne fort, surtout au regard de l’actuel conflit ukrainien et des horreurs qui l’accompagnent.



« Ô vous tous

puisqu'il faut que je m'adresse à vous

que je ne peux plus vous ignorer

puisque vous êtes devenus les sombres seigneurs de mes nuits

puisque vos ombres et vos cris

résonnent dans mes ténèbres

puisque les Hommes-poissons

ont pris possession de mes rêves

vous tous je m'adresse à vous

mes victimes mes bourreaux

je vous ai tués tous

chacun de vous il y a dix ans ou

dix jours

ou ce matin »

Quand le colonel arrive, il est précédé de cet aveu. S’il ne trouve plus le sommeil, c’est qu’il occupe l’un des postes les plus difficiles dans le conflit en cours, il est chargé de faire parler les prisonniers. Une tâche qu’il effectue dans le sous-sol du quartier des tanneurs avec toute la cruauté qui sied à ce genre d’activité. Tortionnaire en chef, il reçoit des hommes «avec des sentiments, des rêves, des drames» et les transforme en choses lors de séances durant lesquelles il doit faire bien attention de ne pas faire mourir ses victimes, de peur que leurs aveux ne partent avec leur dernier souffle. Dans son sillage, un respect mélangé de crainte pour lui qui a survécu aux précédents conflits et aux changements de régime.

Dans l’ombre, son ordonnance est le témoin direct de ses exactions. Un témoin très mal à l’aise, torturé lui aussi entre sa désapprobation devant tant de souffrance et d’inhumanité et la mission qui lui a été confiée, le respect des autorités.

Une autorité qui part aussi à vau-l’eau, car le général perd la raison. Cloîtré dans son bureau, il voit la pluie qui ne cesse de tomber venir le submerger.

Construit autour de ces trois hommes, ce court roman à la puissance du Richard III de Shakespeare, une référence que l’on ajoutera à celle proposée par l’éditeur, Le Désert des Tartares de Dino Buzzati et Quatre soldats de Hubert Mingarelli. Mais ces confessions et ces âmes meurtries, servies par une écriture blanche, qui se complète admirablement à la poésie.

Après Que sur toi se lamente le tigre (Prix Goncourt du premier roman) et Les serpents viendront pour toi, Émilienne Malfatto met à nouveau son expérience de reporter de guerre, de journaliste et photographe qui a notamment travaillé pour le Washington Post et le New York Times, au service de ce texte très fort, déjà en cours de traduction dans de nombreux pays et qui restera à n’en pas douter l’une des très belles surprises de la rentrée 2022.


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Que sur toi se lamente le Tigre

Qui aurait cru que je mettrais une semaine à pondre un commentaire pour le très court roman d’Emilienne Malfatto, « Que sur toi se lamente le tigre », prix Goncourt du premier roman. Probablement que c’est dû au fait que je me sentais « taiseuse »! J’ai mis ce temps à assimiler le malheur qui s’abat sur la narratrice, une jeune femme irakienne des bords du fleuve Tigre, lorsqu’elle tombe enceinte hors mariage. L’être aimé, Mohammed, meurt sous les obus. Le destin de cette femme sans nom est inéluctable, comme celui des membres de sa famille. L’honneur de la famille doit être lavé, dommage qu’une petite brassée de linge sale ne soit pas suffisante. La grande faucheuse, dans les mains du frère aîné, sera le seul personnage fictif de cette tragédie grecque. Penser à cette histoire me donne envie de me lever et d’hurler!
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Que sur toi se lamente le Tigre

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Elle va mourir… elle sera assassinée ce soir parce qu'elle porte en elle la vie, le fruit de son amour pour Mohammed. En Irak, sous les voiles noirs des femmes, derrière les portes closes des maisons, on ne peut aimer en dehors des règles. Et ceux qui bravent cette société fermée et intransigeante, paient de leur vie…



Que sur toi se lamente le Tigre est un très court roman d'une intensité fulgurante. En moins de 100 pages, Émilienne Malfatto nous emporte avec toute la poésie possible dans un univers où violence et meurtre riment avec honneur et famille.



Cette jeune femme, à qui on ne donne même pas de nom tant on devra l'oublier et taire son existence, accepte son sort. Elle sait qu'il ne peut en être autrement dans son monde d'hommes, de mort et de corps cachés.



Roman choral, chaque membre de la famille s'exprime sur cette tragédie. Si certains refusent cette soumission, ils acceptent pourtant le verdict.



Sans barreau, dans leur propre maison, la prison de ces femmes est d'une solidité accablante. Même leurs rêves ne percent pas leur enfermement.



Un livre qu'on chérit comme un bijou, tant l'écriture est lumineuse et précieuse…
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