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Critiques de Éric Faye (423)
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Patagonie dernier refuge

Si on aime voyager avec Christian Garcin et Éric Faye, impossible de passer à côté de leur dernier périple avant le confinement. Un petit tour en Argentine, Uruguay et plus précisément en Patagonie.

Sur les pas de Borges et autres écrivains du coin, notre première étape est Buones Aires, où il vaut mieux se contenter de fantasmer vu que Borges et autres ne sont plus visibles que sur des plaques aux portes d'un musée vide ou d'un édifice qui remplace une maison à jamais disparue.

Deuxième étape, un saut en Uruguay et sa capitale Montevideo, noms qui font rêver. Une fois sur place préférable aussi d'user de son imagination, oubliant ce qu'on avait fantasmé pour ne pas être déçu et y posant de préférable un autre regard de surcroît positif.

Mais notre vraie destination est La Patagonie ! Cette région du globe qui a fait couler tant d'encre. Sur les traces de Magellan, Saint-Exupéry, de nombreux alpinistes, aventuriers et même malfrats comme Butch Cassidy et le Sundance Kid désireux de se faire oublier , nous voici lancés à travers la pampa, sur mer à s'émerveiller devant le glacier Perito Moreno, ou dans des préoccupations beaucoup plus basiques, comme découvrir la station service fantôme, l'unique pompe à trois cents kilomètres à la ronde, cachée derrière un panneau bleu..... La Patagonie, terre aussi d'entrepreneurs avide de profits et de nombreux illuminés occidentaux qui iront y chercher argent et pouvoir, et qui nous fera encore longtemps rêver malgré le tourisme de masse qui l'a indubitablement frappée ( elle doit quand même être en train de souffler grâce à la Pandémie 😁). La Patagonie hélas aussi terre de l'histoire sombre et tragique de ses autochtones, ici avec une pensée douloureuse pour toutes les populations indigènes exterminées par les occidentaux auxquelles les auteurs rendent hommage à travers une documentation brève mais concise.



Voyager avec Garcin et Faye est beaucoup plus qu'un compte-rendu de lieux visités. Leurs ressentis colorés de feedbacks sur la culture du pays , sa littérature , son cinéma, son Histoire....., agrémentés d'un regard de curieux qui va outre de ce qui est vu et expliqué dans les guides touristiques, dénués de toute prétention et d'érudition , et pimentés d'un zeste d'humour, rendent ces voyages intéressants , instructifs et extrêmement plaisants. Ressentis et approches où je me retrouve complètement, “....à croire que le véritable voyage, le plus enrichissant, ne commence, la plupart du temps, qu'après le retour » . Un livre truffé de nombreuses références littéraires très attrayantes, dont j'en ai heureusement lu quelques unes et donc pu m'en échapper avec deux livres dont un que Garcin n'a pas pu se le procurer , donc pas lu 😁! Vous invite à ce superbe voyage pour échapper le temps d'une lecture au mauvais roman de science fiction dont nous sommes depuis plus d'un an les protagonistes, un thriller sanitaire dont on ignore le nombre de pages et qui nous a déjà totalement épuisés.





« Río Gallegos.....Nous y sommes arrivés un après-midi de janvier, peut-être, et peut-être pas, cent quinze ans après Butch, Sundance et Etta, à moins que ce soit Logan, ou alors trois autres, ce qui fait beaucoup d'incertitudes dans une même phrase. »

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Fenêtres sur le Japon

Eric Faye dont j'apprécie beaucoup les chroniques de voyage écrites à quatre mains avec Christian Garcin aborde ici le Japon cette « planète habitée la plus proche de la Terre », par le biais de sa littérature et de son cinéma. Une approche qui m'a beaucoup servie par le passé pour arriver à comprendre et apprécier un pays et une société opaque, d'accès difficile.

Le passé éclairant le présent, Faye ouvre ses premières fenêtres sur les fléaux du début du siècle dernier, guerre , tremblements de terre et bombes atomiques de Hiroshima et Nagasaki qui dominent la littérature nippone, à travers les conséquences desquels se révèle l'âme profonde du pays et le rapport de sa population à l'altérité et aux minorités. Il en ressort que le Japon s'y reflète plutôt par les souffrances qu'il a subies que celles qu'il a infligées, les notions mêmes de péché, de culpabilité et de pardon n'étant pas les mêmes dans une Europe chrétienne et dans un Extrême-Orient shintoïste, bouddhiste. Ce qui n'empêche pas les prises de conscience morales dont témoigne par exemple l'oeuvre monumentale du cinéaste Masaki Kobayashi.« La condition de l'homme ».

Y cheminent aussi les réflexions sur la place de la femme dans la société et à l'intérieur du couple, sur la famille japonaise longtemps soumise à l'autorité d'un chef sur l'ensemble de ses membres , qui évolueront très lentement dans le temps. La Constitution de novembre 1946 fortement inspirée des Américains consacrant la liberté individuelle sera le premier virage de cette évolution. Pourtant le Japon reste le pays où la règle est de se conformer aux valeurs et attitudes du groupe.” le premier lieu où la liberté n'existe pas au Japon-et où la liberté n'a guère de sens-est le noyau familial. le prénom est mentionné après le patronyme. On est d'abord d'une famille, puis soi-même “.

Dans son ensemble Faye nous relate les faces sombres d'une société, dont le tableau qui en ressort va à l'encontre de ses apparences : discrimination et massacre des Coréens, que Aki Shimazaki relate dans Tsubame et Akira Yoshimura dans le grand tremblement de terre de Kanto, auxquelles s'ajoute celle des burakumins , des parias discriminés pour cause d'avoir exécuté des basses besognes ( bouchers, tanneurs..) . Outre, c'est un pays où existe plus d'un million de hikikomoris et où quatre-vingt-dix mille de ses habitants fuient leur vie chaque année et sont engloutis dans les limbes. Alors que nous la considérons souvent comme policée,réglementée à l'extrême et très respectueuse de l'autre, c'est une société dominée par la violence et la solitude.

Même en pensant assez bien le connaître , ce livre m'a ouverte des nouvelles fenêtres sur des aspects surprises du Japon. Une lecture très instructive et passionnante, où l'auteur m'a impressionnée par sa vaste culture dans les deux domaines, agrémentée d'une analyse simple, impartiale et sans fioriture des divers thèmes abordés à travers livres et films. Un livre pour les passionnés du Japon , mais avant tout pour curieuses et curieux 😊!







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Nagasaki

Il y a de ces tous petits romans qui en s’arrêtant chez vous, laissent une trace indélébile sur votre cœur. Nagasaki.

Il y a mille regards qu’on peut porter sur l’incompréhensible et un seul qui devrait suffir.



L’histoire d’une cohabitation secrète entre deux solitudes. C’est sa maison à Shimura. C’est son placard à elle, la clandestine.



L’homme regarde le ciel de son bureau comme le météorologue qu’il est. La femme regarde le ciel, le soleil sur sa peau.



L’homme se rend compte de la présence de cette autre chez lui. Il retourne et remue sa solitude à coups de rêves inassouvis, de fantasmes abandonnés.

Il se débat entre envies et peurs.



On fuit tous quelque chose. Nul refuge ne peut recueillir la paix tant qu’en soi elle se chamaille avec nos peurs.



Nagasaki.

Quelques pas en pépite.
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Éclipses japonaises

À la fin des années 70, dans une ville côtière japonaise, une jeune adolescente est kidnappée alors qu'elle sort de son cours de Badminton. D'autres Japonais, plutôt des jeunes gens, vont connaitre le même sort. Quelques années plus tard, en 1987, un avion de la Korean Airline explose en plein vol, la police de la Corée du Sud arrête une Japonaise qui se révèle être une Coréenne du Nord.



Évaporés, éclipsés, des gens disparaissent, sans que jamais, pendant trente ans, on ne sache ce qu'ils sont devenus. Un jour pourtant, à l'occasion d'un rapprochement, pour des raisons stratégiques, de la Corée communiste avec le Japon, le voile est levé en partie sur ses mystérieuses disparitions.



Dans ce roman, Eric Faye, merveilleux conteur et remarquable enquêteur, nous fait découvrir l'histoire incroyable, mais pourtant bien réelle, qui relie les enlèvements au crash de l'avion coréen. Il montre les agissements d'un Etat voyou, mais surtout il montre comment, après des décennies loin de son pays, on devient un autre homme, un apatride dans son pays d'origine, quand ce que l'on a toujours désiré, revenir chez soi, se produit - et c'est tout à fait passionnant.

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Dans les pas d'Alexandra David Néel

Suite à “ En descendant les fleuves”, beaucoup aimé, je retrouve le duo Christian Garcin (un de mes auteurs préférés) - Eric Fay, dans un nouveau voyage, toujours dans cette partie du globe, un peu plus au sud-ouest. À un siècle de distance le duo part sur les traces de l'exploratrice franco-belge Alexandra David-Néel, de Pekin à Lhassa, de Lhassa au Yunnan en 2015 et deux ans plus tard cette fois, dans le Qinghai, et aussi un peu dans le Gansu, ces deux régions de l'Ouest chinois englobant ce qui fut le pays d'Amdo.



Je ne connais pas Alexandra David-Néel, et ce livre m'a attirée à cause de Garcin, qui raconte avec beaucoup de verve et légèreté ses pérégrinations à travers le monde. Finalement c'est son voyage à lui qui m'a intéressée bien plus que l'exploit de Néel, bien que certainement plus intéressant vu l'époque et son statut de femme, ce dernier point cité, relatif aux circonstances. Ce que j'ai retenu de Mme Néel, à part son incroyable courage et ténacité, c'est Philippe son mari. Alors que la dame s'aventure dans des périples à haut risque à l'autre bout du monde, -première femme européenne à entrer à Lhassa-, non pour quelques semaines, mais des mois, voir des années, le mari de France, intervient à distance : assure la logistique de l'équipée, fait parvenir la manne financière –laquelle, malgré guerres, épidémies et contretemps, arrive toujours, ou presque, à destination.... Quel homme ce « Mouchy » ! Et l'auteur, coquin, qui sans l'air de faire des commérages, nous glisse des petits sous-entendus sur des détails recueillis sur Alexandra , à nous d'en juger....le photographe américain Rock, un ami, un intrus,...? Personne ne le saura.....Alexandra était encore sur les routes à 77 ans, lorsqu'elle décida de mettre fin à ses périples et de rentrer en France , elle vivra encore vingt-trois ans....



De ces voyages sort une image peu flatteuse du Tibet et du Yunnan, un pays et une contrée en perpétuel chantier de construction, ayant apparemment beaucoup perdu de leur authenticité grâce aux chinois pour le Tibet et au tourisme de masse chinois, pour l'ensemble. Encore une pensée pour Tiziano Terzani, "Le cheval de Troie est la modernisation".......Mais ces voyages sont intéressants en eux-mêmes, surtout que Garcin et Faye aiment voyager comme je l'aime, "....simplement marcher, nous emplir les yeux, les narines et les oreilles de sensations neuves, pas forcément intenses, souvent même assez ordinaires ; arpenter les rues et ruelles de lieux dont nous ne nous étions forgé aucune image préalable ; entrer dans des magasins, passer une heure ou deux dans un café ou salon de thé ; éprouver intensément le bel exotisme de la banalité ; croiser et regarder vivre des gens dont le quotidien, à la fois inimaginable et commun, se fond dans cet ailleurs qui nous demeurera, quoi qu'on fasse, à jamais inconnu et à peine effleuré."

Un livre passionnant grâce à la prose et les magnifiques photos sobres en noir et blanc, de Garcin et de Fay, le tout, épicé aux périples d'Alexandra, que demander de plus !

Je remercie les éditions Stock et NetGalley pour l'envoie de ce beau livre !



« Le monde est une fresque peinte sur le vide. »

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Éclipses japonaises

Enlevés sur les côtes japonaises, kidnappés pour servir la cause d'un pays paranoïaque, rééduqués intellectuellement… Pour certains, la parenthèse désenchantée se traduit en décennies d'embrigadement.



Je referme ce livre assez perturbée, sidérée du contexte géopolitique qu' Eric Faye transpose en un roman en forme d'enquête d'investigation, attachant, addictif et fort documenté.

Je ne connaissais pas le sort de ces évaporés, ces "éclipses", enjeux dans une guerre d'espionnage entre la Corée du Nord et le reste du monde. J'ai lu avec des pauses internet pour parfaire le sujet. C'est une plongée dans un univers complètement ubuesque, où l'individu est transformé en objet à des fins politiques ou stratégiques.



En creux du "fait-divers" épouvantable, se glisse une réflexion sur la capacité de résilience des individus, leur faculté troublante d'adaptation quand les années passent et que la vie personnelle reprend ses droits (mariage, enfants, travail), et le décalage énorme du retour dans une société maternelle devenue à son tour étrangère.



Des évaporés, déracinés au départ comme à la fin d'une vie en no man's land.



Incroyable lecture...

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Éclipses japonaises

A la fin des années 70, la Corée du Nord a kidnappé sur les côtes japonaises des hommes et des femmes étrangers, parfois très jeunes, de tous milieux,( un archéologue, une collégienne, une future infirmière) pour en faire des acteurs de films de propagande ou pour enseigner leurs coutumes et leur langue à de futurs espions de Pyongyang.

Ces japonais kidnappés vont former des agents secrets nord- coréens à devenir totalement japonais afin qu'ils puissent infiltrer au mieux ce pays!!



On qualifie de "Cachés par les dieux" en japonais ces disparus qui ne laissent aucune trace, pas un seul indice, qui mettent en échec les enquêteurs .

Un fait historique que j'ignorais , dont l'auteur , avec talent et fougue, dans un style neutre, justement "faussement banal "et détaché nous rend compte: les enlèvements puis le quotidien âpre de ces gens perdant leur identité, tentant de retrouver en eux la capacité de vivre!

Des existences qui ont basculé pour de longues années , au service d'un régime totalitaire, impénétrable, paranoïaque! fou! inique !



C'est un roman historique à la version romancée extraordinaire, une enquête et une investigation fascinantes, parfaitement documentées, au suspense minutieusement agencé!



Il a valeur de document passionnant , glaçant et implacable sur la dictature la plus hermétique de la planète !

C'est un choix littéraire intelligent, précieux.

Il nous livre une réflexion intense sur la capacité de résilience et d'adaptation incroyables de ces hommes et de ces femmes "volatilisés ".



La vérité douloureuse de ces personnages infiniment émouvants pour leur manière de résister tout en s'adaptant au pire , transformés qu'ils sont , malgré eux, en fait , en"objet,"à des fins politiciennes .

L'auteur a la capacité impressionnante de saisir l'imaginaire et la vie secrète de ces "éclipsés ".

Lu d'une traite , dans le cadre du prix historique Jean d'Heurs spécifique à mon département .

Au terme de cette lecture poignante , on a envie de crier :Vive la Démocratie !







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Nagasaki

C'est sur les conseils de belle-maman qui m'a prêté ce roman que je découvre Eric Faye.

Nagasaki est un court roman ou une longue nouvelle qui nous plonge au cœur de Japon. Shimura-san est un homme qui vit seul dans sa petite maison :

"Il faut imaginer un quinquagénaire déçu de l'être si tôt et si fort, domicilié à la lisière de Nagasaki dans son pavillon d'un faubourg aux rues en chute libre. Et voyez ces serpents d'asphalte mou qui rampent vers le haut des monts, jusqu'à ce que toute cette écume urbaine de tôles, toiles, tuiles et je ne sais quoi encore cesse au pied d'une muraille de bambous désordonnés, de guingois. C'est là que j'habite."

Peu à peu, il a comme une étrange impression que des choses disparaissent : un yaourt dans le réfrigérateur, un fruit, un peu de jus de fruit en moins dans la bouteille....

"A-t-on jamais vu un réfrigérateur hanté ? Ou qui se nourrit en prélevant une part de son contenu? "

Si au début, il pense à de l'inattention, très vite il devient suspicieux et installe une petite caméra dans sa cuisine. Ce qu'il va découvrir n'est pas du tout ce a quoi il s'attendait.



C'est un roman prenant que l'on dévore d'une traite. L'écriture est belle et poétique et j'ai beaucoup aimé la construction du roman qui oppose les deux personnages. Shimura-san m'a paru froid et j'ai eu du mal a m'y attacher. Bon, en même temps, je suppose qu'il a des circonstances atténuantes face a cette curieuse découverte. J'ai, par contre, beaucoup plus aimé la seconde partie du roman ou l'on apprend davantage sur ce second personnage. On éprouve forcement de la sympathie et de la pitié au fil des pages.



Je suis en tout cas conquise et ce livre est un vrai coup de cœur. Je pense partir très vite à la recherche d'un autre roman de l'auteur à découvrir.
Lien : http://missmolko1.blogspot.i..
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Éclipses japonaises

JAMES BOND : ENFONCÉ...



Au commencement était le folie des hommes, de quelques hommes. Et ce chaos engendra une succession ininterrompue d'autres chaos, des plus gigantesques aux plus insignifiants, du moins, tant que les regards ne se portent pas vers eux ou encore du point de vue de ces monstres froids que sont les Etats.

L'un de ces grand chaos débuta dans les années 50. Cela s’appellera "La Guerre de Corée" devant le tribunal de l'histoire. Depuis ce temps-là, trois générations d'autocrates brutaux et déments se succèdent au nord du 38ème parallèle, créant du même coup la première dynastie communiste familiale, celle des fameux Kim, semant la terreur autant à l'intérieur de leur pays que parmi les voisins plus ou moins proches, ayant pour détestation première les immédiats voisins Japonais ainsi que les plus lointains américains.

Tout le monde le sait depuis les premiers James Bond - accessoirement en ayant parcouru des documents traitant de l’espionnage et du contre-espionnage, lesquels faisaient florès durant les grandes années de guerre froide -, en matière de coups bas, de tripatouille, d'assassinat abjects, d'entourloupes délirantes, de création d'officines douteuses ou de projets fous, difficile de décider qui était le maître. Cependant, en découvrant ce très sidérant ouvrage d'Éric Faye, énigmatiquement intitulé Éclipses japonaises, nous sommes enclins à penser que ces fameux Kim de Corée du Nord remportent décidément la palme des entreprises les plus démentiellement fumeuses !



Ainsi, de la fin des années 70 jusqu'au milieu des années 80, des agents envoyés en missions d'infiltration par le pays du matin calme sur les côtes japonaises en revinrent, épisodiquement, avec des autochtones parfaitement inconnus, modestes, indifféremment d'un sexe ou de l'autre (voire les deux d'un seul coup de filet) mais présentant cependant tous une caractéristique commune : leur relative jeunesse, tournant, à une exception près, autour de la vingtaine d'années. C'est ainsi une petite vingtaine d'humbles nippons - possiblement plus même si le gouvernement japonais n'en a jamais reconnu officiellement que dix-sept tandis que le régime de Pyongyang n'en avouera que treize - qui furent "éclipsés", retranchés, «cachés par les Dieux» ajoute plus hermétiquement l'auteur. Quant au but même de ces enlèvements chroniques, leur seul énoncé ferait presque rire si cela n'avait pas détruit la vie de ces malheureux qui n'avaient rien demandé que de vivre leur vie sans inquiéter personne : donner des cours de "japonité" à la crème des crèmes de l'espionnage nord-coréen ! Permettre ainsi que ces derniers, une fois passé les douanes, les contrôles aériens, les interrogatoires de police, pensent (au moins en surface), agissent, parlent, se coulent dans la société nippone comme s'ils en avaient toujours fait partie. Des vies contre des cours...



C'est le parcours brisé de ces gens simples, très différents les uns des autres tant par leurs origines sociales que par leurs trajectoires intimes dans lequel l'auteur de Nagasaki nous permet de nous plonger sans relâche mais avec une infinie retenue, délicatesse, bienveillance. Usant d'un style sans fioriture excessive ni effets de manche superflus, sans pour autant tomber un seul instant dans le genre journalistique ni démonstratif, Éric Faye nous fait entrer avec un sens inouï du détail qui compte, de la psychologie humaine, dans ces drames polyphoniques et invraisemblables - n'affirme-t-on pas régulièrement que la réalité dépasse la fiction ? -, le terme de «sidération» revenant à plusieurs reprises sous sa plume pourtant très sûre. Pour autant, si les faits sur lesquels s'appuient l'auteur sont absolument véridique, c'est bel et bien à une fiction, et de quelle efficacité !, que nous avons ici affaire. En cela, il confirme les propos d'un fameux écrivain britannique de romans noirs, Tim Willocks, qui expliquait ceci à propos de la distinction entre fiction biographique et récit de non-fiction : «S'il existe, dans son histoire [l'auteur évoque un personnage inspiré d'un individu réel], la moindre poésie ou vérité, je crois qu'il est plus probable de la voir émerger de la fiction que de faits réels. C'est cela la grâce de la fiction - cette capacité à nous offrir la vérité au lieu de simples affirmations.» En quelques mots bien pesés, l'auteur de Bad city blues saisit-là non seulement une vérité mais exprime sans le savoir ce que l'on ressent précisément à la lecture d’Éclipses japonaises. Avec intelligence et une sensibilité - une empathie - incroyable à l'égard de ses personnages, monstres de papier autant que portraits de "vrais" gens, l'auteur nous guide à travers ce réseau inextricable de petits et grand événements, d'accidents sur le fil de l'existence, de destins croisés et décroisés, de détails infimes se transformant, effet papillon oblige, en véritables bouleversements.

Sans jamais s’appesantir inutilement par le biais d'un pathos facile, trop évident avec un tel sujet, sans en rajouter sur des thématiques essentielles - rien qu'à les effleurer, il en donne la substance essentielle - , Éric Faye nous parle de ce qu'est le destin et de tous ces impossibles qui finissent pourtant par advenir : telle cette japonaise se retrouvant mariée et mère de deux enfants avec un ancien déserteur américain de quinze ans son aîné, au beau milieu de ce pays totalement paranoïaque... Tout cela parce qu'au lieu de prendre le chemin le plus court pour rentrer chez elle, juste avant son enlèvement, elle voulu faire un détour par le glacier ! Il évoque aussi l'enfermement, dans cette prison qu'était cette Corée pour ces dizaines de malheureux qui s'y retrouvèrent de force (des européens en étaient aussi), auquel s'ajoute un enfermement plus ou moins volontaire, plus ou moins obligé dans les prisons intérieures de l'esprit, comme une succession carcérale de poupées russes à l’intérieur de cette prison ayant l'échelle d'un pays. Il aborde l'acharnement, l'acharnement à survivre - on songe avant tout à cette jeune fille de treize, probable "erreur de casting", les kidnappeurs visant des adolescents plus âgés, qui va survivre malgré toutes les souffrances vécues par elle, eut égard à sa jeunesse, à son inexpérience, à sa perte brutale de tout repère, à sa totale incompréhension face à l'événement, trop énorme -, l'acharnement à vouloir découvrir la vérité sur ces quelques disparitions étranges et irrésolues (ce journaliste en fin de carrière, au départ de la médiatisation de ces drames), l'acharnement à faire revenir ses gens chez eux...



On referme ce livre avec cet espèce de mauvais goût au fond de la bouche, celui de qui sait désormais ce qui n’aurait jamais dû être connu, sans l'entêtement de quelques-uns, et qui fait de vous le témoin involontaire de ces moments sombres de l'humanité face à elle-même ; on referme l'ouvrage avec un nœud à la gorge de ne savoir avec certitude ce qu'il est advenu vraiment de cette jeune japonaise de treize ans - qui en a plus de cinquante aujourd'hui, si les autorités nord-coréennes ont menti, ainsi que plusieurs de ses proches n'ont cessé de le penser -. Mais pour sa mère, aujourd'hui décédée, la représentation de sa fille restera à jamais celle d'une adolescente de treize ans, même avec la certitude qu'elle a vécu bien au-delà. «Cachée par les Dieux» : c'est ainsi qu'elle et ses compagnons d'infortune ont vécu sans le regard, l'amour, l'amitié, ou tout autre sentiment bon ou moins bon de leur entourage. Des années de vies oblitérées, annihilées plus ou moins, insensées : Éric Faye nous les fait toucher du doigt avec talent, avec profondeur, avec humanité.

Avec poésie et vérité.
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Éclipses japonaises

J'avais beaucoup aimé " Nagasaki", j'étais curieuse de découvrir cet autre livre qu'une amie m'a prêté.



Glaçants, ces enlèvements de jeunes filles japonaises, emmenées en Corée du Nord.Terrifiant parcours, vies brisées, reconditionnées, identités niées ... Et quand on sait qu'Eric Faye s'appuie sur des faits réels, on ne peut qu'être révolté et plein de compassion envers ces êtres fantômes.



La construction du livre est brillante et se présente comme un puzzle dont on assemble les pièces peu à peu. Les différents personnages apparaissent les uns après les autres et vont nous dévoiler les subtils aspects de cette histoire, où espionnage, dictature, fuite en avant, perte vont créer un réseau de sens , de vérité implacable, accablante en ce qui concerne le régime de Corée du Nord, pourtant déjà tristement célébre.



Édifiant et angoissant. " Parfois je regarde les photos noir et blanc, peu nettes, de tous ces enlèvements. Ce roman est dédié à toutes ces personnes".
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Nagasaki

Nous sommes à Nagasaki, de nos jours. Monsieur Shimura, 56 ans, célibataire, météorologiste, est un homme solitaire. Sa vie est morne, son physique même est quelconque, il est somme toute assez transparent. Vivant dans un quartier tranquille peuplé de vieilles voisines qui veillent, il a confiance et ne ferme pas sa porte à clé pour aller au boulot.

Mais depuis quelque temps, il a l'impression que "quelqu'un" se sert discrètement dans son frigo...A l'aide d'une webcam, il va piéger ce qui se révèle être une femme qu'il ne connaît pas. Arrêtée par la police, elle a 58 ans et avouera avoir visité cet appartement très régulièrement, jusqu'à littéralement y vivre, dans l'armoire d'une pièce non occupée, pendant un an.



Pourquoi un tel comportement ? Est-elle folle ? A-t-elle des motivations matérielles, financières...un attachement sentimental particulier pour le propriétaire ou son bien ?



A partir d'un fait divers réel, Eric Faye nous livre un court roman de 80 pages, narrant une histoire peu banale. Sans dévoiler le fond, notamment les réponses aux questions posées précédemment, on peut dire que la construction formelle est solide. On suit pendant longtemps le point de vue du narrateur Shimura, dont on perçoit peu à peu les sentiments ambivalents, partagé qu'il est entre colère d'avoir vu son intimité violée, et une forme de compassion pour l'intruse face à une condamnation assez dure. Et puis brutalement, l'auteur fait parler la femme...qui va nous révéler ses étonnantes motivations.



La surprise est totale lorsque le lecteur comprend finalement que l'intrus dans cette maison n'était pas forcément celle qu'on croyait, les rôles étant finalement renversés. Chasseur chassé, arroseur arrosé, coupable victime...Eric Faye va chercher la réponse à cette énigme dans le passé et la mémoire de cette femme, ainsi que dans l'histoire de Nagasaki et du Japon depuis la bombe du 9 août 1945.



C'est bien écrit, l'intrigue est intéressante, on ne s'ennuie pas une seconde vu le format plutôt novella. L'auteur est passionné par le Japon, et ça se sent, il connaît parfaitement les goûts alimentaires des japonais, et nous fait ressentir avec subtilité certains traits de leur mentalité et de leur mode de vie en général, mais aussi du mal-être de plus en plus général lié notamment à cette crise économique interminable, mais aussi sociétale.



J'ai quand même regretté fortement une fin en accéléré, comme tronquée, les révélations sur les motivations de cette femme se succédant, s'accumulant dans les toutes dernières pages jusqu'à une fin assez brutale, avec un fort goût d'inachevé. Clairement ça coûte la 5ème étoile.



Dommage, mais c'est quand même une lecture qui vaut la peine à mon humble avis !

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Nagasaki

Lu en quelques heures seulement, on peut donc dire que j'ai littéralement dévoré cet ouvrage.



L'histoire est celle de Kobo Shimura, un météorologue âgé de 56 ans et résidant à Nagasaki. Sa vie est des plus banales puisque célibataire, sans enfants, il vit seul, n'a pas de relation amoureuse et ne sort jamais avec ses collègues de boulot pour aller boire une bière après le boulot. Sa vie est d'un ennui à mourir et est chronométré à la minute près, à savoir par exemple qu'il de lui arrive pratiquement jamais de dîner après 18h30. Il connaît les rayons de son frigo par coeur, ce qui va lui permettre de se rendre compte que quelqu'un s'y sert de temps en temps. Après avoir mis cela sur le compte de la sénilité, il en est arrivé à obtenir des preuves irréfutables qu'une personne, une femme, se servait régulièrement dans son frigo. Il n'était donc ni fou ni sénile mais ce qu'il ignorait, c'est que cette même femme cohabitait avec lui depuis un an, et ce, à son insu. Lui qui est si méthodique et droit dans sa vie, comment ne s'est-il pas rendu compte plus tôt qu'une autre personne que lui utilisait la même douche que lui et dormait sous son toit ?



Une histoire très émouvante et très bien écrite. La fin, que je ne vous dévoilerai pas, pour ne pas gâcher l'effet de surprise, m'a néanmoins laissée sur ma faim, effet bien évidemment intentionnel de la part de l'auteur. Je trouve d'ailleurs que ce dernier réussit parfaitement son coup puisqu'il permet au lecteur d'imaginer sa propre continuité de l'histoire en lui permettant de vaguer à mille et une interprétations possibles. De plus, qui a dit que "l'Histoire est un éternel recommencement ? "

Lisez ce livre si vous voulez comprendre où je veux en venir...
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Il suffit de traverser la rue

En 10 chapitres, Éric Faye raconte le lent démembrement économique et humain d'une entreprise de presse mondiale, plus vraie que nature.



Attention bijou !



Je n'aime ni l'économie, ni les histoires relatives au " grand capital ". Et pourtant, j'ai été totalement séduite par ce roman au titre emprunté à notre président de la République.

« Je traverse la rue et je vous trouve un travail » est une petite phrase apocryphe, reprenant une phrase prononcée par Emmanuel Macron le 15 septembre 2018 sur le fait de trouver un travail : « Je traverse la rue, je vous en trouve ».



Notre « héros », Aurélien Babel, 57 ans, " hypersensible, froussard et poète " mais aussi et surtout journaliste chez MondonNews, dresse un autoportrait doux amer. Ce personnage - presque réel - nous parle sans complaisance du déroulé des événements survenus dans son service de rédaction qui font montre d'une guerre économique assez terrible, livrée ici dans toute sa splendeur mais aussi avec démesure contre ses employés.



Guerre propre et lente, méthodique toujours, décrivant le poison progressif annihilant une entreprise et les plus vulnérables. Dans ce réquisitoire, personne n'est épargné. Ni la grande machine, ni les employés pourtant sages et fidèles (mais aussi lâches et vils), ni le business de la formation, ni le système politique « pourri de l'intérieur », ni « la gauche ma douleur », et encore moins son personnage principal, « cet homme qui ne se pose pas en s'opposant et qui louvoie ».



Bref, tout le monde en prend pour son grade. Situé entre la plume désespérée et lucide de Jean-Paul Dubois et l'humour mélancolique et coincé de Fabrice Caro, il y a l'épopée labyrinthique d'Éric Faye, et Aurélien Babel, le « pauvre » journaliste « rêveur d'élite » qui dépose avec justesse son « parcours du combattant pour réussir à perdre son emploi ».



Soyons clair… ce n'est pas le sujet qui m'a touché, c'est le traitement que l'auteur en fait. Sa langue riche, son style oscillant entre phrases impeccables et esprit gouailleur multiplient les mots d'esprit et les expressions imagées, et je m'en suis délectée.



Il établit la radiographie sociologique d'une France malade de ses dirigeants politiques, patronaux et de ses actionnaires sans scrupule.

Ce n'est pas triste, c'est un texte d'une intensité rare, souvent « amusant », il est écrit comme un témoignage, un journal intime, un hommage « aux autruches de la classe moyenne ».



Merci à Babelio et aux Editions du Seuil de m'avoir choisie pour découvrir ce roman très largement appréciée.


Lien : http://justelire.fr/il-suffi..
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Nagasaki

Ce court roman m'a marquée profondément, je l'ai d'ailleurs relu et l'émotion est intacte, plus intense encore ...



Eric Faye signale au départ qu'il s'est inspiré d'un fait-divers japonais. Une triste histoire comme tant d'autres , vite effacée par la ville moderne indifférente et anonyme, qui brasse les humains comme des objets.



Shimura est un célibataire d'une cinquantaine d'années,vivant à Nagasaki, qui aime la solitude.Il est météorologue.Le livre s'ouvre sur sa narration: il raconte qu'il s'est rendu compte progressivement que quelqu'un venait chez lui et lui dérobait de la nourriture.Il fait installer une webcam et finit par s'apercevoir qu'une femme de son âge vit effectivement dans son habitation.Un peu lâche, il se contente de prévenir la police , qui appréhende l'intruse.Elle sera restée en fait un an chez lui...



Cette anecdote est déjà en elle-même surprenante mais si l'auteur ne s'en était tenu qu'à cela, le roman n'aurait pas la force et l'intérêt qu'il prend ensuite. En effet, le point de vue change alors et c'est celui de la femme , "l'intruse", qui est donné. Après une peine assez légère ( mais on peut se révolter en se disant qu'elle n'a rien fait de mal vraiment; je reconnais qu'on peut aussi se dire qu'elle a d'une certaine façon " violé" l'endroit), elle sort de prison. Et elle retourne sur les lieux.La maison est en vente.Elle se rappelle que lors de l'audition, le propriétaire avait dit " Je ne peux plus vivre là-bas."



La lettre finale qu'elle lui envoie et dont bien sûr je ne révélerai rien, est bouleversante et éclaire d'un jour complètement nouveau ce drame de la solitude urbaine, de la nostalgie, du chagrin inconsolable, qui nous poursuit longtemps, lancinant et tenace.
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Dans les pas d'Alexandra David Néel

J'avais cet ouvrage sous le coude depuis un petit moment déjà (mai 2018 exactement, date à laquelle je l'ai fait dédicacer par Eric Faye à Samten Dzong, dernière résidence d'Alexandra David-Néel) me disant toujours : "je le lirai plus tard, je ne suis pas encore prête, je n'ai jamais rien lu de cette grande dame alors je vais m'y perdre etc, bref, toutes des excuses bidon pour retarder l'échéance et faire le premier pas en me plongeant dans la lecture de cet ouvrage qui m'a captivé. Originaire moi-même de Digne-les-Bains, j'ai eu l'occasion de me rendre à plusieurs reprises dans ce qui s'appelle dorénavant tout simplement "Maison Alexandra David-Néel) mais je n'ai jamais rien lu d'elle. Bien qu'elle me fascine, elle me fait un petit peu peur aussi. Devant celle qui a accompli plusieurs vies en une seule, celle qui a osé braver les interdits politiques ou religieux, celle qui s'est aventurée jusqu'au fin fond du Tibet m'intrigue et m'impressionne et je me dis qu, en tant que modeste lectrice, ses écrits ne sont pas à ma portée. Je me trompe probablement et je suis sûre que viendra le jour, où, comme avec cet ouvrage-là, j'oserais enfin...



Ouvrage à quatre mains, celle d'Eric Faye, que j'avais alors rencontré en 2018 et Christian Garcin, l'on se plonge à travers leur épopée sur les traces d'Alexandra David-Néel exploratrice. De Shigatsé à Gyantsé puis à Lhassa et bien d'autres encore, les auteurs essaient de se mettre à la place d'Alexandra David-Néel lorsqu'elle parcourut les rues de ces villes à une toute autre époque, lorsqu'il fallait ruser pour pénétrer dan certains endroits, ne pas craindre le froid et les maladies et tant d'autres choses encore. Ils démontent certaines contre fausses-vérités mais n'en démontrent pas moins qu'Alexandra David-Néel était bien une femme hors du commun, exceptionnelle avec ses failles probablement mais une femme dont le nom mérite bien d'être gravé dans l'Histoire. Sur place, ils ont vu ce qu'est devenu le Tibet d'aujourd'hui, en pleine modernisation près de cent ans après l'exploratrice. Si cette dernière n'est pas la première Européenne à être entrée dans la ville de Lhassa, elle est la seule à l'avoir fait clandestinement, à une époque où cela était interdit, elle est la seule à avoir affronté des guerres civiles et tant d'autres choses encore qu'il serait impossible de le résumer en quelques lignes. Bref, Eric Faye et Christian Garcin ont voulu lui rendre hommage en se rendant là ou elle s'est rendu et si il n'y ont pas trouvé son fantôme, au moins nous donnent-ils à découvrir, à nous lecteurs ce magnifique témoignage.



Un ouvrage extrêmement bien écrit dans lequel je me suis parfois un peu perdue tant la situation politique et religieuse est parfois complexe au Tibet (avec la dominance chinoise, l'indépendance et les différents types de dalla-lamas) mais un voyage dans le temps et dans l'espace qui m'a permis de m'évader et d'essayer d'un peu mieux comprendre. Un ouvrage que je n'est pas lâché tant j'avais toujours envie d'en savoir davantage et que je ne peux que vous recommander !



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Il suffit de traverser la rue

Il suffit de traverser la rue. Ce titre ne rappelle-t-il pas la phrase d'un certain EM ? Il est donc évident que ce livre parle du monde du travail et du chômage. Un journaliste va accepter la reconversion sociale que propose l'entreprise dans lequel il travaille. Aurélien, 57 ans, a un bon salaire, est dans le genre un employé modèle. Comment réagir face à ce qui semble du grand n'importe quoi ? C'est absurde, drôle, triste et tellement actuel ! Bien apprécié le ton de l'auteur mais trop attendu, après l'avoir fini, pour faire dans le détail.

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La télégraphiste de Chopin

La télégraphiste de Chopin, est un roman insolite écrit par Éric Faye.

L'histoire se déroule à Prague, en République tchèque, à l'automne 1995, cinq ans après la révolution de velours.

La chute du mur de Berlin a laissé une déflagration dans toute l'Union Soviétique et les États satellites, tels que la Tchécoslovaquie, cassée désormais en deux.

Le régime communiste n'est plus, mais certaines vieilles habitudes perdurent encore, comme les suspicions, les filatures, les écoutes téléphoniques.

C'est une étrange histoire. Ludvík Slaný, journaliste travaille pour la chaîne de télévision publique tchèque. Il est réputé pour son journalisme d'investigation, en creux cela signifie que Ludvík Slaný a la réputation d'être un véritable fouineur.

Le rédacteur en chef de la chaîne le dépêche pour réaliser un documentaire peu commun auprès d'une femme d'apparence ordinaire, Věra Foltýnova, cinquante-sept ans, elle fut employée dans une cantine scolaire et est maintenant à la retraite. Elle a un petit signe distinctif. Elle communique avec les morts. Oui, c'est une sorte de medium. Et parmi ses visiteurs d'outre-tombe, excusé du peu, un certain Frédéric Chopin, mort en 1849... Mais l'insolite ne s'arrête pas là, il se trouve que Chopin lui dicte des partitions qu'il a composé après sa mort ; bien sûr elle a quelques connaissances musicales, mais sommaires et qui datent de l'enfance. Enfin, aucune connaissance suffisante pour savoir retranscrire en partition une Mazurka ou un Scherzo...

Ludvík Slaný est un pur produit du régime communiste, il est cartésien, factuel, qui voit la menace partout. Pas un seul instant il ne croit à cette histoire, la prenant pour une supercherie.

Alors, en professionnel consciencieux et pour honorer sa réputation de fouineur, Ludvík Slaný va suivre de près Věra Foltýnova et tenter de démêler la vérité telle une véritable intrigue policière, chercher la supercherie, et pourquoi pas après tout, quelle organisation tire les ficelles de tout cela.

Des traques, des filatures dans le Prague nocturne, sombre, parfois glauque, d'une rive à l'autre, séparée par la Vltava, une histoire absurde, on ne sait parfois plus qui traque qui, on se croirait presque revenu dans l'univers de Kafka, là où il traîna dans les quartiers de Josefov, la rue des alchimistes, la gare Masaryk, la vieille ville...

Nous découvrons Prague et ses fantômes.

La filature de Věra Foltýnova l'amène un jour à une tombe sans nom. Gothique et génial !

Ah ! Voici une étonnante et insolite histoire... J'ai aimé ce personnage magnifique et complexe de Ludvík Slaný, pas forcément attachant au premier abord, parce qu'on le découvre dans ses certitudes un peu béates d'un autre monde, et puis ce qui est original dans le récit, c'est sa transformation au fil de l'intrigue jusqu'à la fin. Car, au fond, finalement on se moquerait presque de savoir si la fameuse Věra Foltýnova dit vrai ou pas... Ludvík Slaný se métamorphose, se révèle plus fragile qu'il ne l'ait au premier abord, amoureux transi, et c'est cela qui est beau dans cette histoire.

C'est une intrigue qui m'a entraîné dans un léger vertige, dans une écriture fluide, délicate. J'ai retrouvé l'atmosphère des rues de Prague, ville rencontrée pour la première fois il y a un peu plus de deux ans et que j'aurais dû retrouver au printemps dernier, mais empêché au dernier moment par un méchant virus, bref Prague y était sans doute pour quelque chose dans ce léger vertige.

Derrière l'intrigue, il y a cette question de la liberté, comment une fois un régime totalitaire aboli, sommes-nous en capacité de nous approprier des gestes et des actes tendant vers la liberté ? Combien de temps faut-il pour cela ? Et certains sont-ils prêts à faire ce pas vers l'inconnu ?

J'ai aimé le cheminement de Ludvík Slaný, peut-être vers la liberté, mais déjà vers le doute, ce qui est un énorme pas en avant.

Un roman fascinant, dans une écriture élégante, qui pose l'apprentissage et la reconquête de la liberté au sortir du totalitarisme. L'intrigue simple qu'il nous offre aide à cheminer sur cette question...
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Le Mystère des trois frontières

A l’orée de la forêt des Trois-Frontières, je respire ses parfums, je l’observe longuement de la terrasse, de cette pension reculée où je me repose une choppe de bière à la main. Loin du brouhaha de la oktoberfest, j’apprécie son calme, ses légendes, ses couleurs. Dans un lieu proche de la fantasmagorie, un roman d’Hermann Hesse en poche ou dans la tête, je m’y enfonce avec l’envie, presque obsessionnelle de découvrir le mystère des Trois Frontières, envoûté par le visible et l’invisible.



Le pack de bières dans le sac-à-dos, je m’engouffre au cœur de ces trois frontières, presque imaginaires au fin fond de l’Allemagne. Chaque matin quittant mon sanatorium de luxure ou de solitude, je divague dans la poésie de ces lieux. A la recherche de… la vie… l’arbre… la femme… le sourire d’une vie. Et chaque jour je m’enfonce un peu plus, une musique intérieure qui m’attire comme un concert à Köln au tréfonds de la forêt ou de mon âme.



Et plus je m’enfonce au cœur de la forêt, plus j’ai l’impression de m’enfoncer au cœur de la folie. Une femme perdue et je sombre dans la bière, dans les méandres des hêtres, j’erre dans un labyrinthe de mal-être sous le regard de plus en plus sombre de la lune, la nuit froide et humide se distille dans mes pensées obscures, me promenant jusqu’aux trois frontières, éviter le précipice et les falaises. J'ai envie d'une Paulaner, j'ai envie d'un Gewurtzraminer, j'ai envie d'un Jagermeister, et ainsi je découvrirais peut-être le mystère des trois frontières...
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Dans les pas d'Alexandra David Néel

Avec les écrits de la grande orientaliste et exploratrice Alexandra David-Néel en tête, Eric Faye et Christian Garcin partent à la découverte de la Chine en se concentrant essentiellement sur les régions qui ont marqué le périple de la grande exploratrice. On y découvrira donc bien sûr le Tibet et Lhassa mais également la région du Qinghai et le Yunnan.



Ce récit de voyage fut très enrichissant. Par petits épisodes, on y (re)découvre la vie de cette femme au caractère fort qui fut la première femme européenne à entrer à Lhassa et qui créa un lieu fort avec Le Dalaï-lama. Cependant, Dans les pas d'Alexandra David Néel est surtout un récit où Eric Faye et Christian Garcin partagent leur périple et leur expérience. Loin du touriste luxueux, les deux auteurs voyagent proche de la population et c'est un réel plaisir à suivre en tant que lectrice. Un beau voyage qui donne clairement envie de faire son sac-à-dos et de partir à l'aventure.



Cependant, tout n'est pas beau. Ce récit est l'occasion de comparer le Tibet d'Alexandra David-Néel et le Tibet d'aujourd'hui. Les différences sont frappantes. Le Tibet a une situation géopolitique très complexe et ce récit ne suffit clairement pas pour tout comprendre. Sans rentrer dans les détails (car je suis loin d'être experte sur le sujet), le Tibet était une région plus ou moins autonome de 1912 à 1949 (arrivé de Mao Tse Toung au pouvoir en Chine). Depuis 1950, la Chine impose à cette région son occupation. Lors du voyage des deux auteurs, impossible de rater les militaires chinois qui paradent en nombre dans les rues.



Dans les pas d'Alexandra David-Néel est un récit de voyage fort enrichissant. Deux auteurs en quête de découvertes nous partagent leurs expériences et leurs découvertes d'un pays si complexe et en plein chamboulement.
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Éclipses japonaises

Éclipses japonaises est un ouvrage dont je ressors déstabilisée. Cette histoire de Japonais enlevés par des Nord-Coréens pour les instruire de la nipponité et parfaire leur future couverture en tant qu'espions est à peine croyable. Et pourtant...



Le livre d'Éric Faye oscille entre le roman et le documentaire. Il cite dans sa postface les différentes sources qui ont nourri sa plume, alors qu'il était invité à la pépinière franco-japonaise de Kyôto, la Villa Kujoyama.

Le résultat est impressionnant, encore que cet attribut me paraisse bien léger pour exprimer l'impact de ces Éclipses japonaises sur mon esprit. Non que l'auteur en rajoute côté style. Nul pathos ou renchérissement pleurard dans son établissement des faits. Chaque phrase est ciselée avec naturel, sans surcharge émotionnelle. Ce qui offre toute sa force au texte.



Je connaissais par d'autres lectures les évaporés au Japon. En revanche, j'ignorais tout de cet aspect très particulier des menées nord-coréennes. Cela semble tout droit sorti d'un cerveau malade (d'une certaine façon...). La réalité de la Corée des Kim et la propagande véhiculée à l'intérieur même de ce pays font un grand écart et la population, pour reprendre les termes d'Éric Faye, forme des millions de figurants, dans une tragédie où la moindre erreur de réplique aboutit à une exécution dans les coulisses.



J'ai apprécié l'approche narrative de l'auteur; il opte pour un récit où chaque chapitre présente le point de vue d'un protagoniste différent : une jeune agente des services secrets de la Corée du Nord, des Japonaises enlevées, un soldat américain déserteur, journaliste nippon enquêtant sur ces mystérieuses disparitions, etc. Chaque voix rend le déroulement de l'histoire vivant. Comme une fenêtre ouverte sur le quotidien et les réalités de ces personnes.



Un livre à découvrir absolument pour ses qualités rédactionnelles et de fond. Il permet d'en apprendre plus sur cet État mal connu et qui fait beaucoup parler de lui depuis quelques mois. Lorsque l'auteur évoque que la mer du Japon ne sépare pas deux pays mais deux planètes résolument différentes, je comprends mieux après lecture toute la véracité de ses propos.
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