Citations de Éric Hazan (106)
Je parviens rue Montorgueil, face à la pâtisserie Stohrer qui propose depuis le règne de Louis XV les macarons les plus exquis. C'est l'un des charmes de la grande ville : en moins de deux cents mètres, on est passé de la rue Saint Denis, fragment populaire de l'ancien Paris, a la rue Montorgueil, l'une des plus fréquentées par une jeune bourgeoisie plutôt argentée et des touristes du monde entier.
Les faubourgs. S'agissant de Paris, ce mot est bizarre car si l'on admet que faut vient de fors, le propre d'un foubourg est d'être hors de la ville alors que les voies parisiennes portant ce nom sont sinon centrales, du moins largement incluses dans le périmètre urbain. Il s'agit bien sûr d'une question d'histoire. Au début du XVIII e siècle, passé le boulevard planté d'arbres qui marque la limite de Paris, c'est la campagne, où les grandes rues parisiennes se prolongent par ds chemins de terre bordés de parcelles maraîchères, de vignes, de moulins.
La différence entre de traitement entre saint Lazare et Le Nord n'est pas difficile à comprendre : quand ces peintres et ces écrivains quittaient Paris pour prendre l'air' ils allaient en Normandie, a Balbec, a Giverny, à Honfleur et non àMaubeuge ou à Armentieres. Plusieurs d'entre eux habiraient et travaillaient près de la gare saint Lazare., Malarmé entre le lycee Condorcet et la rue de Rome, Manet rue d'Amsterdam, Caillebotte boulevard Malesherbes...
Sarah Kofman, philosophe qui a écrit le plus beau livre sur la vie de juifs à Paris sous l'Occupation, Rue Ordener, rue Labat - le plus beau avec Quoi de neuf sur la guerre? De Robert Bober, qui se passe autour du cirque d'hiver.
Bref c'est un coin agréable et, comme d'ordinaire en pareil cas il est soumis au processus d'embourgeoisement - terme que je préfère à celui de gentrification, ne voyant pas ce que gentry, l'aristocratie, vient faire dans un phénomène typiquement petit bourgeois.
Le restaurant Julien, sur le trottoir de droite, était autrefois un bouillon parisien (...) , c'est à dire qu'on pouvait y déguster pour trois sous un bouillon de viande et légumes.
En face, a l'angle de la rue de Metz, se dresse l'un des plus beaux immeubles Arts déco de Paris, que les ors d s décorations en ailes de paon font scintiller au soleil.
Il faut remarquer qu'en matière de sciences humaines, ce sont les petites maisons indépendantes qui font l'essentiel des traductions.
Tous les grands éditeurs français ont ainsi bénéficié d'importantes subventions pour numériser leur fonds
Il me semble que dans l'édition comme dans l'amour ou l'engagement politique les rencontres sont déterminantes.
Elles ne sont évidemment par le fait du pur hasard : les chances se présentent, il faut les saisir.
Le vrai Paris des Fleurs du mal, c’est la rue, qui joue pour Baudelaire un double rôle. Le premier et non le moindre est d’être le lieu essentiel de son travail poétique.
Il faut être au clair, c'est le but de notre petit livre, sur une question dont l'importance n'est pas négligeable: quelle est aujourd’hui, dans l'arène de l'éternel combat qui divise depuis trois siècles l'intelligentsia française - pour ou contre les révolutions populaires -, la fonction réelle et réactive de ce mot, violent et galvaudé: "antisémitisme".
Israël se définit comme un État juif, ce qui produit une sorte de fusion entre le mot "juif" et la pratique gouvernementale israélienne. Il était moins confus de parler, comme ce fut un moment le cas, de "l'État hébreu".
Il peut paraître étrange de voir les juifs aussi bien "défendus" par un courant idéologique - la droite - qui leur est traditionnellement hostile. Le phénomène ne peut manquer d'évoquer la blague d'origine israélienne: "Qu'est-ce qu'un philosémite? C'est un antisémite qui aime les juifs." Au cours de ces années 2002-2003, le nombre et l'activité de ces philosémites-là semblaient s'accroître dans de considérables proportions.
Tout au long du XIXe siècle, la barricade est une forme symbolique de l'insurrection : dépaver une rue, renverser une charrette, empiler quelques meubles, c'est donner un signal, poser que l'on est déterminé à se battre, et ensemble.
La lutte des paysans nantais contre l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, celle des habitants du Val de Suse contre la ligne à grande vitesse Lyon-Turin, sont la pointe médiatisée d'un immense iceberg : d'après les statistiques ministérielles françaises, 160 hectares de terres cultivables sont détruits chaque jour par la prolifération des villes.
Les grandes maisons d'édition envoient aux libraires - surtout du "deuxième niveau", c'est-à-dire les plus petits - leurs nouveautés 'en office", c'est-à-dire d'autorité, qu'elles aient été commandées ou pas. Les libraires renvoient ensuite ce qu'ils n'auront pas vendu - ce sont les fameux retours.
En Mai 68 ,ceux qui avaient prévu et préparé la révolution se plaçaient explicitement dazns la continuité des désordres du XIXème siècle.
« Paris n'est plus ce qu'il était », oui et heureusement, il bouge, il évolue sans cesse comme un organisme vivant dont certaines parties s'atrophient tandis que d'autres prolifèrent.
« Tout méprisé et haï qu’il est, le capitalisme démocratique [aujourd’hui le « communisme capitalistique »] n’est pas sérieusement attaqué. On parle [parlait] de le corriger, de le rendre plus juste, plus vivable, plus moral, ce qui est contraire à son principe de fonctionnement – surtout depuis la « crise » dont le « traitement » repose sur les bas salaires et la précarité organisée. Nulle part il n’est question de lui faire subir le sort qu’ont connu par le passé bien des régimes d’oppression, de lui donner une bonne fois congé, et pour toujours. » (p. 21).