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Citations de Étienne de Montety (78)


Arrive alors le cercueil, porté par six jeunes hommes en aube, les sémlnaristes du diocèse qui mènent leur aîné à sa dernière demeure. Il est tout simple. Ni bois verni, ni velours, aucune poignée en métal, sa sobriété tranche avec la magnificence des lieux. La foule se signe au passage du cortège qui remonte l'allée centraie, après avoir franchi le portail d'entrée, une magnifique ogive ornée d'anges, d'apôtres et de figures de l'Ancien Testament.

Le cercueil est déposé à même le sol, sur les dalles séculaires de la cathédrale, entre quatre chandeliers.

Il y a cinquante ans, le diacre Georges Tellier était allongé au même endroit; c'était le jour de son ordination. L'évêque s'approche et déploie sur le cercueil une chasuble blanche et une étole rouge, les vêtements sacerdotaux du défunt. La grande croix près de l'autel, est, elle aussi, entourée d'une étole de la même couleur, celle du sang, celle des martyrs.

L'orgue s'est tu. Une femme s'approche du pupitre, lève les bras et un chant éclate, entonné par des milliers de voix :

À l'Agneau de Dieu soit la gloire,
À l'Agneau de Dieu, la victoire,
A l'Agneau de Dieu soit le règne,
Pour tous les siècles, Amen.
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Il écoutait le maire lui parler de la ville et de politique. Aux dernières élections, le scrutin n'avait pas été bon pour son parti. Les grands scores des communistes de l'après-guerre semblaient appartenir à l'Histoire. Si la ville votait encore pour lui, c'était moins pour son étiquette que pour sa personnalité.

- Soyez-en sûr, Padre, communistes, catholiques, aujourd'hui notre problème est le même.

- Que voulez-vous dire, monsieur le maire ?

- Notre section locale diminue à vue d’œil. Pour la présidentielle, avant le grand meeting à Paris, il a fallu battre le rappel dans tout le pays. Ça a à peine suffi. Je n'avais jamais vu ça. Les gens ne veulent plus bouger. Vous vous dites peut-être : «Ses emmerdements - pardon pour le mot. ça ne me concerne pas.» Mais on est dans la même barque, vous et moi. Votre église se vide, vous avez l'impression de prêcher dans le désert... Les gens préfèrent le jogging du dimanche à la messe, sauf votre respect...

- Ce n'est pas faux, mais il y a quand même une différence entre nous deux.

- Laquelle ?

- Moi, je n'ai pas d'obligation de résultat. Pas de réélection en vue.

- Un point pour vous.
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Quand elle rentre en France pour les vacances, elle séjourne chez ses parents. La première fois qu'elle est arrivée escortée d'une clocharde, c'était quelques jours avant Noël ; à la vue de la femme aux cheveux décolorés et en bataille, vêtue d'un blouson et d'un pantalon de treillis, son père l'a prise à part :

⁃ D'où sort-elle, celle-là ?

- Je l'ai rencontrée dans le train. Elle ne sait pas où dormir.

- Tu ne vas pas la faire coucher à la maison, enfin !

- C'est l'hiver, papa. Même ta voiture est à l'abri dans le garage.

- Il y a sûrement des hébergements en ville, je vais la conduire aux services sociaux.

- Ils m'ont dit que tout est complet.

- Pas question qu'elle reste ici.

- «J'avais froid et vous m'avez hébergé... » M. Mauconduit a blêmi, et cédé.

«Pauvre papa, songe aujourd'hui Petite Sœur Agnès, je ne l'ai guère ménagé. Il ne manquait jamais la messe, soutenait des œuvres, donnait au mendiant du porche de l'église. Quant à l'accueillir chez lui... »
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Le troupeau continuait de s'amenuiser inexorablement, même si les Français requéraient encore la présence de l'Église lors des grands événements de leur existence. Pour un mariage, des obsèques, l'église était pleine ; les parents, les voisins se pressaient, exigeant la présence d'un prêtre. Que Georges déléguât un laïc pour une bénédiction, on lui reprochait son absence. Il maugréait...

« Les gens sont incroyables ! Personne ne pratique plus, on se désintéresse de l'Église, de son message, on la critique, mais on compte sur elle : il faut un prêtre.»

Le mariage, les obsèques ne ramenaient pas les participants à une pratique plus régulière. Le lendemain de la cérémonie, l'église retrouvait son aspect ordinaire, comme une salle de spectacle après le concert. Livres rangés, micros éteints, allées balayées. Un bâtiment vide et propre, était-ce ça l’ecclesia voulue par les premiers chrétiens ?

L’époque est curieuse, pensait le père Tellier : on ne tient plus compte de ce que l'Église dit, chacun vit à sa guise, mais qu'elle prenne la parole sur le divorce, l'homosexualité, la fin de vie, aussitôt elle dérange. Elle est un caillou dans la chaussure de nos contemporains. Plus ils désertent, plus ils se heurtent à elle ; son discours plein de mesure les rend furieux : elle les empêche de forniquer, d'abréger une vie, sans se poser de questions sur ce que ces gestes signifient.

Ils la détestent mais ils ne peuvent pas se passer d'elle.
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Georges écoutait ces débats distraitement. Ils lui paraissaient secondaires. Il suivait plutôt ce que son père spirituel lui disait. Dom Pikkendorff, vieux moine d'un monastère voisin, était, en dépit de son nom féodal, un homme paisible qu'un demi-siècle de vie cloîtrée avait rendu philosophe. Il avait accepté de faire de la direction spirituelle. Aux questions avides du séminariste, il répondait d'abord par un sourire, un silence puis par une question. Le monde changeait, certains se perdaient, fallait-il réfléchir à la tenue à mettre, à la langue à employer pour les sauver ? Les modalités de la liturgie, n'était ce pas une affaire de spécialistes ? L’important n'était-il pas dans la manière de célébrer et pour les fidèles de participer ? «Seul compte le salut des âmes », répétait-il à Georges.
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- Vous avez dit « Normandie-Niémen » ?

- Ce nom ne vous dit rien, bien sûr...

- Si : les aviateurs français engagés aux côtés des Russes. Disons que je découvre que vous n'avez pas fait la guerre comme tout le monde. Paul de Caux a éclaté de rire.

- Qu'est-ce que c'est que « la guerre comme tout le monde » ? Chacun l’a faite comme il a pu, selon les circonstances, et plus rarement, selon sa conscience.
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Je n'ai pas encore parlé de ce compagnon important de mon existence d'alors : mon chapelet. Lors de mon arrestation, j'avais ma médaille de baptême autour du cou. Pendant l'interminable voyage vers l'Allemagne, alors que nous mourions de chaud, je la suçais comme un enfant et ça me faisait venir la salive à la gorge. Elle m'a été confisquée en arrivant au camp.

Je me suis alors fabriqué un chapelet avec des brins de laine bleu clair et blancs (les couleurs de la Vierge) que j’avais troqués, tressés, noués, Chaque noeud représentait une dizaine d'Ave Maria. À l'extrémité, j'avais attaché une petite croix de bois sculptée le soir, après la journée de travail. Une croix de Lorraine. Renée s'en était bien amusée.

- Une croix avec deux traverses; ton chapelet est-il bien catholiqne ?

- Parfaitement. (J'avais répondu sans hésiter à Renée.) La première, ce sont les bras de Dieu enserrant l'humanité; la seconde, ceux des hommes. Ce sont les nôtres, Renée, ils sont grands comme notre amitié.

- Ceux de Dieu sont donc plus petits que ceux des hommes, m'avait-elle fait remarquer. Ta théologie est bizarre. May. Ce que j'en dis... moi, je suis communiste.

- C'est un effet de perspective, Renée. Dieu est plus loin, mais il n'est pas moins présent.
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Le soir, nouvel appel, puis retour au block. Je me débarbouillais tant bien que mal, la sueur, la saleté s'étaient infiltrées partout, dans mes vêtements, mes ongles, dans les plis du corps, les cheveux. Avec les poux, c'était mon souci quotidien. Il régnait une animation pas ordinaire, chacune vaquait.

Après coup, je dirais qu'un petit air de gaieté flottait. Et puis soudain, une haie se forma. Henriette, Lucienne, Renée, Manette, Suzanne, Jeanne entonnèrent un «Joyeux anniversaire ». Sourires, tapes affectueuses sur les épaules, embrassades. Et dans une Schussel, notre précieuse gamelle d'émail rouge, un « gâteau » : nous appelions ainsi des morceaux de pain recouverts de margarine et de marmelade par-dessus quoi étaient plantées des allumettes. Sur un morceau de papier, des brins d'herbe formant le chiffre 20. Quel cadeau ! Mes amies avaient patiemment récupéré des ingrèdients, pour me réserver cette belle surprise. J’en pleurais. « Ce n’est pas le jour, May. »
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Servir, d'accord, mais servir qui ? La République ? C'est une notion bien imprécise. Un temps, elle a eu pour Frédéric Nguyen les traits de La Liberté guidant le peuple le tableau de Delacroix qui figure dans tous les manuels scolaires. Chevalier servant de cette belle femme insurgée à la poitrine généreuse, ça, ça lui aurait plu ; mais il le savait, la République, la Liberté, comme l'Égalité ou la Démocratie, ce sont des mots pour les éditorialistes et les politiques, qui se grisent à les prononcer. Frédéric ne croit pas à ces abstractions.

Assurer la paix civile pour que tout citoyen puisse aller et venir sans risque, vivre à sa guise, penser, croire, aimer comme il l'entend. Certes, mais au nom de quoi ? De leur commune condition. Une manière de solidarité. Toutes ces notions lui rappelaient sa classe de terminale : l’homme est un loup pour l'homme. Seule la force légale, canalisée, permet de contenir celle que génère toute société - et de protéger les plus faibles. Il se souvenait aussi d'un cours sur Camus et sa « généreuse complicité », inhérente à la nature humaine. C'est elle qui pousse l'homme à aider autrui, et à accepter de mourir pour lui. L'Autre, sa dignité, l'attention qu'on lui porte, c’est peut-être seulement ça qui donne un sens à la mort d'un soldat ou d'un policier.
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Mais quand il est à la maison, elle voudrait qu'il y soit vraiment. Or souvent, Frédéric semble lointain. détaché.

- Sais-tu où est la crèche de ton enfant ?

L'honnêteté oblige à admettre qu'il n'est jamais allé le chercher. Il a constamment la tête à l'hôtel de police. Il passe le plus clair de son temps dans ce bâtiment de béton et de verre, veillant à tout, la préparation du matériel, l'entraînement de son équipe. Pour le quidam de passage, les lieux pourraient ressembler à un capharnaùm. Un entrepôt où le matériel de varappe voisine avec celui du maître-chien, dans des armoires remplies à ras bord. Et au mur, sur des affiches fixées aux portes des armoires métalliques, cet humour vigoureux que l'on retrouve dans l'armée ou dans un vestiaire de rugby ; le monde des hommes. Les gars y vivent, apparemment décontractés, réunis autour d'un café dans la cuisine du service, s'interpellant en se lançant des plaisanteries. Un quart d'heure plus tard, équipés, ils peuvent se jeter dans leurs voitures pour une filature, une « filoche », ou à la poursuite d'un «go fast» chargé de drogue ou de marchandise de contrebande. L'autoroute vers l'Espagne est toute proche.

Chaque jour apporte son lot d'événements imprévisibles à la BRI.
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- D’où sort-elle, celle-là ?
- Je l’ai rencontrée dans le train. Elle ne sait pas où dormir.
- Tu ne vas pas la faire coucher à la maison, enfin !
- C’est l’hiver, papa. Même ta voiture est à l’abri dans le garage.
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Alors que nous finissions la rédaction d'un premier jet, May ma envoyé un court texte de sa composition. Le titre m’a sauté aux yeux : « Merci Ravensbruck». Une cinquantaine de lignes denses où elle exprime avec ses mots ce que cette expérience lui a apporté. J'y ai retrouvé l'écho de nos conversations.

«Dans l'univers concentrationnaire, les règles de la vie en société n’existent plus, les détenus sont contraints d'en réinventer d'autres, dans l'urgence, parfois la violence. Ceux qui espéraient que le bon sens et la justice prévaudraient ont déchanté, souvent ils sont morts. La vie m'a conduite à côtoyer des gens modestes et des princes. La fermeté, la droiture de l'âme ne sont pas toujours là où l'on serait en droit de les attendre. Encore aujourd'hui, je ne suis pas longue à juger ceux que j'ai en face de moi. Après tant d'épreuves, j'ai placé très haut la fraternité et la solidarité, ces deux notions grâce à quoi je dois d'avoir survécu. Mon carnet d'adresses est composé d'amis des années de la déportation mais aussi du retour. Ceux qui m'ont tendu la main, ceux qui ont accepté mes silences et ma fragilité, ceux qui m'ont aidée à franchir un à un les paliers de la renaissance. Ils ne sont pas si nombreux.

Effet pratique d'une épreuve : nous révéler à nous-même. Je n'ai pas suivi d'études supérieures, à l'époque rares étaient les jeunes filles qui allaient à l'université. Les mois que j'ai passés à Ravensbrùck m'ont servi de formation, dans la souffrance. J'y ai connu la cruauté et la plus haute humanité, j’ai côtoyé des monstres, des héroïnes et des saintes. J'y ai appris ce qui fait la valeur d'une vie. Alors, au terme de mon existence déjà longue, tandis que les ombres s'allongent, je veux risquer un mot : Merci Ravensbrùck. »
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Le patron du Winston vient nous accueillir, nous souhaitant la bienvenue. Il cite un mot de Churchill - l'égérie du lieu -, une phrase dont rétablissement a fait sa devise : «J'ai des goûts simples : je me contente du meilleur. »
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Avant de passer à table, Paul m’a servi un verre de whisky. Il me parle de ce qu'on a appelé dans la région le « réseau des châteaux». Un groupe de résistance constitué par des propriétaires terriens farouchement anti-allemands. Le chef en était Gilbert Terrail, un royaliste, militant de l'Action française. Après l'armistice, tous croyaient au partage des rôles entre le maréchal Pétain et le général de Gaulle : à l'un, la négociation avec les Allemands ; à l'autre, la poursuite de la guerre. De Gaulle n'avait-il pas dédié son premier livre à son chef ? Paul se rappelait l'envoi :
- C'est curieux la mémoire, quand on est jeune on imprime à vie, même des choses subalternes : « Car rien ne montre, mieux que votre gloire, quelle vertu l'action peut tirer des lumières de la pensée. »
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- D’où sort-elle, celle-là ?

- Je l’ai rencontrée dans le train. Elle ne sait pas où dormir.

- Tu ne vas pas la faire coucher à la maison, enfin !

- C’est l’hiver, papa. Même ta voiture est à l’abri dans le garage.
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Étienne de Montety
L'art est toujours une blessure qui cherche à devenie limière.
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Que s’était-il passé ? Désormais les religions séparaient les Yougoslaves. C’était nouveau. Dans son enfance, il ne serait venu à l’idée de personne de désigner quelqu’un par sa confession. Fahrudin savait que certains de ses amis étaient chrétiens, orthodoxes ou catholiques. Et encore, pas toujours. Ce n’est qu’à l’occasion d’une communion ou du ramadan qu’il découvrait quelle était leur religion.
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La Syrie d’Hafez al-Assad a été un enfer pour les Syriens et un paradis pour les touristes. Il paraît que la Corée du Nord recèle des écrins de verdure immaculés, notamment dans ses montagnes. Des sites archéologiques exceptionnels, préservés de la corruption des hommes par la folie des Kim ? Évidemment, pour l’accepter, il faut mettre entre parenthèses les droits de l’homme.
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L'islam vient bousculer une société où le christianisme a peu à peu cessé de régner sur les comportements et les consciences. Prend-il le relais ? Ou vient-il défier des siècles durant lesquels l'esprit occidental a progressivement desserré le corset d'une mentalité héritée du jansénisme et se méfiant de la chair ?
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Ce dont il est sûr, c'est qu'en France quelque chose ne fonctionne plus. Pourquoi l'islam prospère-t-il à ce point?
Qu'est-ce qui constitue l'essence de cette religion?
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