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EAN : 9782359630725
88 pages
Lanskine ed (16/06/2022)
4.1/5   5 notes
Résumé :
"Ceux qui vont par les étranges terres / les étranges aventures quérant" parle des "Présents-absents", réfugiés, Palestiniens, proscrits jetés au bagne ou dans les camps, ou ceux qui deviennent chair à canon, femmes violées, des esclaves ou des sdf...tous ceux, à travers l'histoire que l'on oublie, ne voit pas, n'entend pas, que l'on tue, massacre. De courts paragraphes saisissants, pour restituer les gestes du bourreau, le regard de celui "qui va par les étranges t... >Voir plus
Que lire après Ceux qui vont par les étranges terres - Les étranges aventures quérantVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Une langue poétique rare et de plus en plus affûtée pour réinventer la fuite et le refuge, et la route imposée face aux forteresses impavides.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/09/27/note-de-lecture-ceux-qui-vont-par-les-etranges-terres-les-etranges-aventures-querant-claude-favre/

Publié en juin 2022 chez Lanskine, sous ce titre magnifique et insensé issu de Chrétien de Troyes, le nouveau recueil de Claude Favre, « Ceux qui vont par les étranges terres les étranges aventures quérant », développe et magnifie le travail vital sur la langue réfugiée, errante et malaxée par nos conforts menacés qu'avait déjà bien balisé « crever les toits etc » en 2018.

Reprenant en l'affûtant le couple apparemment contradictoire « imagine » / « n'imagine » comme fil conducteur dans le labyrinthe de la privation de langue qui va avec la privation (ou en tout cas la sévère limitation) de droits, maîtrisant le vacillement lié à l'errance forcée comme bien peu d'autres qu'elle, Claude Favre développe ici, discrètement mais avec obstination, une poétique spécifique, un véritable art de la claudication, de l'hésitation, du rappel et de la relance, pour préserver les ténues traces mémorielles d'un ailleurs et d'un avant, pour garder un sens à ces chemins-là de l'aventure (qui ne sont pas ceux des week-ends de motivation pour jeunes cadres du tertiaire occidental). Fort éloignée de la poétique du Patrick Beurard-Valdoye du cycle « Exils » en général, et de « Gadjo-Migrandt » en particulier, cette construction, toute de patience dans la boue, vise néanmoins des objectifs similaires, qui placent la langue poétique au coeur de leur moteur politique.

Comme l'écrivait si justement Alain Nicolas dans L'Humanité (à lire ici) à propos de ce recueil, insistant notamment sur l'habileté des ruptures de rythme et de syntaxe selon que surgissent l'obstacle ou la mémoire : « L'empathie et l'émotion n'empêchent pas que sous la colère la langue travaille avec précision pour recréer un espace où, enfin, « qui possède une langue ne se perd pas. » » Avec cette poésie profondément combative, dont les sources et les filiations épousent le mouvement même de la conteuse désabusée qui se prend néanmoins à rêver encore, Claude Favre nous offre un précieux viatique pour ces temps troubles de fermeture sur soi, à rejeter, et d'injustice, à combler.

Les images de roms et de migrants issus des pays de l'Est qui illustrent cette note, prises entre 2000 et 2005 en Suisse et en France, sont dues à l'oeil aigu et bienveillant du photographe genevois Éric Roset (dont on peut visiter la galerie virtuelle ici).
Lien : https://charybde2.wordpress...
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critiques presse (1)
Liberation
06 septembre 2022
Sa prose est tranchée à vif, cogne, ciselée à travers le prisme de la spiritualité. Maintes fois, le souvenir et l’imagination sont convoqués.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
            On raconte qu’il existerait un texte d’Aristote



            On raconte qu’il existerait un texte d’Aristote, pas tout à fait un texte, sa décalcomanie, tracés des lettres d’un papyrus, truelle fichée sur la boue, mottes de terre et lettres grecques à l’envers, une voix à peine disparue qui donnait voie aux voix qui pâlissent, disparaissent. Et qu’on ne sait pas ce qui se dit. À l’envers.
            N’imagine ceux qui à vive allure arrivent du temps, suspendent le trait, dans des barques d’amont s’embrassent, dansent à reculons, piaffent chantant, s’effacent en chemin de traverse quand leurs lèvres remuent.
            Et leurs lèvres remuent et ceux qui fuient sont beaux.
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N’imagine, les disparus, errants, perdus, les poursuivis



N’imagine, les disparus, errants, perdus, les poursuivis
les contrôlés, aimant, les ombres et les enfants de
Deligny. Ceux du bord, boue de l’eau. Les vagabonds,
aimant. Déserteurs de clans. Fouteurs de vie en l’air. Qui
s’arrachent. Arrachent. A tout bout de champ. Rayés de
la carte. Mais les vrais noms ne sont pas sur les cartes. Et
les bateaux quittent vraiment les quais. D’aucuns jamais
ne reviennent jamais. Péris. En mer, en désespoir, en vie.
Péris pour la fortune. Tranchées cales métamorphoses.
Conteneurs sans air, boues des soutes, asphyxiés, au fond
noyés, foutus au fond, mourus, muets. Ou sous le galop
d’un cheval siècle devenu fou, fou. Fou cavalier aux
désirs fous. Par les étranges terres, les étranges aventures,
quérant.
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            N’imagine les oubliés



            Convoquer les disparus, les proscrits, ceux au ban, ceux des bords, des fleuves traversés, aux histoires méconnues, falsifiées. Convoquer, arracher les sales petits mots arrêtés entre les dents, les mots de famine, quand la faim n’est pas que la faim.
            Dire son nom de poète russe, à plus d’âge à mendier avec les paysans. Le corps qui lâche.
            Dire, te souviens-tu de ses mots, précis, et de sa voix, son phrasé, de celle qui apprit ses poèmes par cœur, lucide.
            Ses mots à Voronèj, le ciel sans nuances.
            Ses mots d’elle à Moscou, pensant à lui à Voronèj.
            Dire son nom, mendiant lucide. Fantôme de notre avenir.
            À vous, de hautes erres, convoquer, et merci.
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N’imagine les disparus, errants, perdus, les poursuivis, les contrôlés, aimant, les ombres et les enfants de Deligny. Ceux du bord, boue de l’eau. Les vagabonds, aimant. Déserteurs de clans. Fouteurs de vie en l’air. Qui s’arrachent. Arrachent. À tout bout de champ. Rayés de la carte. Mais les vrais noms ne sont pas sur les cartes. Et les bateaux quittent vraiment les quais. D’aucuns jamais ne reviennent jamais. Péris. En mer, en désespoir, en vie. Péris pour la fortune. Tranchées cales métamorphoses. Conteneurs sans air, boues des soutes, asphyxiés, au fond noyés, foutus au fond, mourus, muets. Ou sous le galop d’un cheval siècle devenu fou, fou. Fou cavalier aux désirs fous. Par les étranges terres, les étranges aventures, quérant.
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Souviens-toi, te souviens-tu des terres



Souviens-toi, te souviens-tu des terres
cicatricielles, blessées recouvrant des hommes blessés,
des sept tonnes de cheveux de femmes transformés en
feutre, des herbes et des brindilles au vent. Vous nous
sommes.


Les histoires, pour certains Indiens, sont des êtres
vivants. Ont leurs ombres, et leurs ombres, qui sont filles
de nos voix, comme il n'y a pas deux ombres pareilles,
ni de phrases, sont traverses, tracés, veilles. Cisaillées
parfois.
Quand, parfois sans nom connus de nous, parfois
Cherokees, fiers, fiers alors dépouillés par loterie, leurs
terres anciennes usurpées, affamés par les baïonnettes de
l'État général en 1838, ne leur resta qu'à partir, loin de
leurs ancêtres. Leurs femmes, l'amour, est-ce qu'il n'y
a qu'un nom, pieds nus, quittant leur terre, sur la piste
des larmes, mutiques, titubant, titubant, sur la longue, la
longue, l'obstinée longue route des larmes.
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