Sacré Chardonne, tout de même. Voici peut-être son meilleur livre. L'écriture en est magnifique, l'une des plus belles de son oeuvre, et peut-être de la langue française. Et qu'y raconte-t-il ? Sa vision – très personnelle – de la fin de la seconde guerre mondiale. Ses petits voyages en Allemagne lui furent alors reprochés. Tout comme quelques articles, et une poignée de main avec un certain moustachu. Il fut arrêté et passa quelques temps à la prison de Cognac. Mais son fils, qui était résistant et aussi un bon fils, fut une caution suffisante pour l'en faire sortir assez vite, tout comme son père l'avait fait sortir du camp d'Oranienburg quelques années auparavant.
Il s'agit donc d'un livre un peu particulier, un peu plus factuel que d'habitude. le monde a fait irruption dans l'univers de l'auteur, et même lui a compris qu'il ne pouvait y échapper. Non que cela l'intéresse vraiment, d'ailleurs. En toute chose, Chardonne reste l'infatigable et minutieux observateur de l'imprévisibilité humaine qu'il a toujours été. Des portraits de personnages variés traversent ses pages fugitivement. Sa propre fille. Une femme au destin étrange, ayant in fine et pour d'obscurs motifs dénoncé son propre fils aux nazis. Un aviateur vagabond. Une jeune fille du Morvan…
Des anecdotes sur sa vie pendant la guerre, après. Entre les deux, quelques élégantes ellipses, et une brève évocation de son séjour en prison. le chaos poste-libération l'a marqué – peut-être plus que la guerre même. Bien sûr, il passe assez vite sur cette période, se présentant lui et les autres détenus comme pour certains ne sachant pas du tout ce qui leur vaut d'être là, pour d'autres ayant donné un peu trop de gages d'un côté et pas tout à fait assez de l'autre, les gros poissons ayant trouvé protecteurs ; tous soumis à l'arbitraire d'une justice en mal d'épuration. Une vision bien commode pour lui – même si probablement partiellement vrai, tant il est prouvé qu'à la libération la colère se libéra parfois un peu au hasard, sur la fois de simples soupçons ou de dénonciations calomnieuses.
Chardonne était-il aussi détaché du monde qu'il le prétend ? Difficile à dire. Un curieux petit compte qui figure dans ce livre é
claire sans doute plus que toutes les biographies sur sa vision du monde…