Sandrine Roudeix, romancière- photographe nous fait partager par cette fiction sa passion et sa fascination pour la reporter-photographe,
Diane Arbus ; elle utilise la première personne pour s'immerger dans la peau de cette artiste originale, qu'elle nous situe vers la fin de sa « jeune vie », puisque
Diane Arbus est décédée à l' âge de 48 ans. Elle fait tenir le condensé de cette existence, parcours professionnel, artistique et individuel en une nuit, où
Diane Arbus décide de réaliser son autoportrait, de la manière qu'elle désire la plus explicite et proche de ce qu'elle est ,intimement.
Nous nous retrouvons au plus près de cette photographe qui nous narre grâce au talent de
Sandrine Roudeix, son parcours, son vécu, ses joies, chagrins, ses amours, sa sexualité, son éducation de riche, trop préservée, ses expériences extrêmes, ses exigences de photographe, etc.
Texte- coup de poing, au style percutant et chahuté…qui rend compte admirablement de la personnalité complexe de
Diane Arbus.
Double découverte de cette romancière-photographe mais aussi de l'oeuvre de
Diane Arbus (parfois fort dérangeante), que je ne connaissais que superficiellement.
Un plaisir de lecture, accentué par ma lointaine et durable passion pour la photographie…Une multitude de remarques très fines sur l'art et les contraintes obligées d'un photographe comme cette digression de la bonne « distance de déclenchement » face aux modèles choisis, que l'on veut « capter ». Distance très subjective selon le caractère, le talent, la sensibilité et la personnalité du, ou de la photographe.
Je me permets de retranscrire cet extrait qui révèle les propres questionnements de l'auteur face à son travail personnel de « photographe": :
« c'est toujours compliqué, au début, lorsqu'on devient photographe, de trouver sa distance de déclenchement. Un de mes copains du métier m'a raconté qu'on lui avait souvent reproché de ne pas être assez proche de ses modèles au début. Alors, pendant quelque temps, il s'est évertué à s'avancer. Mal à l'aise. Maladroit. Puisqu'on les lui demandait, il essayait de faire des photos de près. Mais ses images se défilaient, neutres et volatiles, sans laisser de traces. Et puis un jour, il a compris. Un jour, il a accepté ce qu'il était. Un observateur. Silencieux, réservé, timide. Il s'est décidé à assumer son besoin de recul. Même dans une conversation, il fait toujours un pas en arrière pour ne pas être obligé de renifler l'haleine de ses interlocuteurs. Et il a modifié sa focale en conséquence. Sa distance de déclenchement égale à sa distance de vie. Une évidence qui m'a aidée à trouver ma place dans le jeu. (p.135) »
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Je ne vais pas vous « assommer » de citations, ou du moins je vais me retenir !!!… car mon crayon à papier a souligné multitudes de passages épatants de vérité, sur « La photographie »
« L'obscurité a une présence physique palpable, l'épaisseur d'une chambre forte et secrète. Dans les images de Brassaï mais aussi dans celles d'autres photographes. Comme dans la vie, ce qui est important dans une photo, c'est ce qu'on ne voit pas.
Ce qu'on ressent.
Ce qu'on devine .
Ce qu'on cache précieusement. (p.138) »
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« J'ai passé ma vie à ça, à regarder les gens, les scruter, les détailler, les répertorier. Leur inventer des vies, des futurs, des passés. (…)
Tous, je les fouille de la tête aux pieds sans qu'ils s'en aperçoivent. Pour trouver la faille que je ferais saigner si je devais les photographier » (p. 137)
Un roman jubilatoire, à la forme originale… pour tous les accrocs de la littérature et de la Photographie… Une vraie surprise avec ce premier contact lié à cette auteure…dont je vais regarder de plus près le travail d'écriture et de photographie !!!