AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9780559093470
492 pages
BiblioLife (30/04/2009)
4.5/5   4 notes
Résumé :
Il semble qu'en un temps comme le nôtre, où tout procède si rapidement, il y ait peu d'opportunité à offrir au public, comme je le fais, la relation d'un voyage en pays presque inconnu, longtemps après que ce voyage a été accompli. Mais si un voyage fait dans un but purement géographique se trouve quelquefois comme frappé de péremption par des travaux géographiques plus récents, il n'en est point de même d'un voyage entrepris, comme celui-ci, dans le but d'étudier l... >Voir plus
Que lire après Douze ans de séjour dans la Haute-EthiopieVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Arnauld d'Abbadie est parti découvrir l'Éthiopie en 1837 en tant que géographe, mais son récit fait surtout penser à celui d'un ethnologue. A noter qu'il ne parle que du Nord de l'Éthiopie , il fait une incursion au Godjam et c'est tout, il est resté bien au Nord de l'actuelle capitale, Addis-Abeba (qui n'existait pas à l'époque). Il souhaite visiter le centre, la province du Chawa, mais n'y réussit pas dans ce récit qui se déroule sur quatre ans (pas douze) et se termine par "Fin du premier volume".
Dans ce pays où les étrangers ne sont pas les bienvenus, Arnaud d'Abbadie essaie de comprendre les manières éthiopiennes pour se faire accepter. Il rend hommage aux puissants qui gouvernent les provinces et gagne leurs bonnes grâces. C'est assez incroyable de voir que tous les villages où il passe l'invitent et fournissent la nourriture pour lui-même et son équipage. Les habitants sont pauvres, mais c'est la coutume, toute personne amie du prince est leur hôte lorsqu'elle passe dans leur village.

L'auteur commence par analyser les mentalités des habitants, en distinguant ceux des basses terres et ceux des montagnes ou des hauts plateaux. Arnaud d'Abbadie nous décrit l'Éthiopie médiévale, avec son organisation en petits royaumes dominés par des souverains qui sont perpétuellement en conflit avec leurs voisins. Il donne de nombreux détails sur l'organisation de la cour d'un prince, les rôles exacts de ses différents conseillers, autant de points qui ne sont pas forcément passionnants pour le lecteur, à moins d'être réellement intéressé par l'histoire éthiopienne. Ensuite il raconte, toujours avec force détails, les différentes campagnes militaires que mène le seigneur qu'il suit, et auxquelles il participe avec curiosité et plaisir. Presque la moitié du livre est consacrée à ces campagnes contre des princes ennemis ou des vassaux rebelles. Pour chaque bataille l'auteur décrit les protagonistes, leurs alliés, les forces en présence, le déroulé des opérations et ce qui se passe après la victoire. Autant dire qu'on peut lire toute cette partie en diagonale, même en connaissant le pays on ne peut s'intéresser de manière aussi détaillée à toutes les péripéties de son histoire.

Arnauld d'Abbadie analyse la stratégie et la mentalité militaire des Éthiopiens, et c'est intéressant. Il n'a pas grande estime des commandants locaux, mal organisés et incapables selon lui de diriger des forces nombreuses. Il dit d'ailleurs que les forces nombreuses font plus de mal pendant leurs marches que pendant la bataille, car le passage d'une armée est signe de disette pour les habitants. C'était également le cas en Europe pendant fort longtemps, (jusqu'au 18ème siècle inclus je pense ?).
Il décrit les camps de l'armée comme mal protégés, et qui pourraient être pris d'assaut par un nombre limité d'ennemis tant ils sont mal défendus. Les batailles mettant en présence des armées nombreuses sont souvent des suites de petites escarmouches, loin des grandes batailles rangées européennes, et leur avantage est de faire moins de victimes. Les prisonniers sont divisés entre les riches, qui seront l'objet d'une rançon, et les pauvres qui sont souvent relâchés immédiatement. Il vaut mieux d'ailleurs être un soldat prisonnier qu'un simple civil car chaque bataille gagnée est suivie de scènes de pillage. Malgré tout les actes de cruauté gratuite sont peu communs parmi les soldats éthiopiens, quelle que soit la haine existant entre les belligérants.
Encore une caractéristique intéressante sur l'armée : pas de soldats professionnels en Éthiopie , on mobilise lorsqu'il faut lever une armée et tout le monde rejoint les rangs. Les Éthiopiens rencontrés par Arnauld d'Abbadie méprisent les militaires de carrière qu'ils voient comme de vulgaires soudards.

Dommage que l'auteur soit aussi prolixe dans son récit, car l'abondance de détails rend la lecture difficile. Il y a par exemple huit pages de notes sur la toge dont se couvrent les Éthiopiens, la manière de la porter, le tout comparé sans cesse à la toge des Romains. C'est fastidieux.

L'auteur utilise un français très châtié, très 19ème siècle, en voici un exemple :"Aïdine Aga exigeait que le Saïd Mohammed et moi, nous prissions notre repas du soir avec lui.". Voilà une conjugaison qui ne s'apprend plus dans les écoles, et qui ne facilite pas la lecture d'un récit de voyage. Est-ce pour imiter les Éthiopiens dont l'auteur dit que "le plus sûr moyen de les intéresser et de gagner leur coeur, est de parler avec esprit et élégance" ? Savoir parler est une qualité très appréciée en Éthiopie , et la politesse est d'une importance capitale. C'était déjà vrai à cette époque, et c'est encore une caractéristique de la société éthiopienne d'aujourd'hui.

Ce livre mériterait d'être épuré d'éléments qui apportent peu au récit. Seuls les fins connaisseurs de l'histoire du pays peuvent apprécier cet ouvrage, qui pourtant contient beaucoup d'observations bien senties sur les coutumes et la mentalité de l'Éthiopie ; j'ai ajouté de nombreux extraits dans les citations du livre.
Commenter  J’apprécie          34

Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
Nous donnâmes le signal du départ à nos chameliers. Avant de quitter la rive du Nil, mon frère et moi, nous bûmes dans le creux de la main une dernière gorgée de son eau bienfaisante, en faisant le vœu de nous désaltérer un jour à ses sources mystérieuses, et nous nous éloignâmes de Kéneh, en Égypte, le 25 décembre 1837, pour nous engager dans le désert.

Un prêtre piémontais, un Anglais et deux domestiques, Domingo et Ali, l’un Basque, l’autre Égyptien formaient, avec mon frère et moi, notre troupe aventureuse ; le plus âgé d’entre nous pouvait avoir vingt-six ans, le plus jeune dix-sept.

L’ambition de gagner le martyre avait engagé le prêtre à se mettre de notre voyage. Pendant notre court séjour au Caire, j’avais désiré, pour utiliser mon temps, prendre un maître de langue arabe, et, afin de me renseigner à ce sujet, j’étais allé un soir avec mon frère au couvent des Pères de Terre-Sainte. Le supérieur nous disait qu’il ne savait à qui nous adresser, lorsqu’on frappa discrètement à la porte du parloir.

— Voici justement, reprit-il en nous désignant celui qui entrait, le Père Giuseppe Sapeto, de la Congrégation des Lazaristes ; il a étudié l’arabe en Syrie, où il vient de séjourner comme missionnaire, et il pourra peut-être nous donner un bon conseil.

Le Père Sapeto était jeune ; sa figure avenante prévenait en sa faveur ; il s’assit à côté de moi, et notre conversation eut bientôt dépassé le but de ma visite. Je lui appris que nous comptions aller dans la Haute-Éthiopie, dont les lois excluaient, sous peine de mort, tout missionnaire catholique ; que plus de deux siècles auparavant ces lois avaient fait de nombreux martyrs parmi les missionnaires jésuites et franciscains [1] ; et comme il regrettait de ne pouvoir marcher sur leurs traces, je lui proposai de partir prochainement avec nous. Mon frère trouva heureuse l’idée de faire notre voyage, croix et bannière en tête ; le Père Sapeto demanda la nuit pour réfléchir, et nous nous séparâmes sans nous douter de combien d’événements notre conversation fortuite serait l’origine.

Le lendemain, il nous avoua que les difficultés matérielles l’arrêtaient ; nous lui offrîmes de le défrayer, de lui procurer les vêtements sacerdotaux qui lui manquaient : il accepta, et il fut convenu qu’il écrirait à ses supérieurs en Europe, afin d’obtenir leur approbation et les moyens de pourvoir ultérieurement à la Mission, si elle devait offrir des chances de succès.
Commenter  J’apprécie          30
Cependant ma visite au camp du Dedjadj Guoscho avait été pour moi comme une révélation. L’urbanité, l’esprit chrétien et un je ne sais quoi d’antique et de chevaleresque qui régnait à sa cour, m’avaient fait désirer de la mieux connaître ; je m’étais mis à apprendre l’amarigna, et la campagne que je venais de faire avec l’armée gojamite avait achevé de me déterminer à donner une direction nouvelle à mes études et à remettre à un autre temps mon voyage en Innarya. La géographie du Gojam, du Damote et de l’Agaw-Médir était encore inconnue, il est vrai ; il restait aussi à vérifier le renseignement relatif à ce grand cours d’eau de l’Innarya, renseignement qui avait si fort impressionné mon frère ; mais, depuis son départ, le temps s’était écoulé sans que j’eusse pu exécuter notre programme. Je savais que mon frère ne pouvait tarder à revenir, et qu’il reprendrait avec une compétence bien supérieure à la mienne les travaux géographiques que je venais d’interrompre si brusquement durant notre campagne en Liben. En tous cas, la position exceptionnelle que je devais aux bontés du Dedjadj Guoscho me faisait espérer, si je continuais à vivre à sa cour, de pouvoir faciliter et rendre moins périlleuses les explorations que pourrait tenter mon frère chez les Gallas, au cas où ses renseignements ultérieurs le confirmeraient dans la croyance que les eaux qui arrosent leur pays contribuaient à former le Nil Blanc. Le Dedjadj Guoscho était en relations d’amitié avec le roi de l’Innarya, et son influence s’étendait sur les peuples gallas intermédiaires. Ces considérations me déterminèrent à me dévouer sans réserve à la vie nouvelle que je menais en Gojam.
Commenter  J’apprécie          40
Un jour, quelques indigènes, après avoir écouté attentivement le récit des merveilles accomplies par nos armes sous Napoléon Ier, me dirent qu’on se bat partout et que partout on s’entre-détruit ; et ils se félicitaient de ce que leur nation n’ayant pas fait de la guerre, comme les nations européennes, un métier et une science, cela ne donnait point lieu chez eux à cette distinction, qui existe chez nous, entre les initiés au métier des armes et les profanes. Chaque citoyen étant soldat reste investi du soin de sa propre défense, comme de celui de concourir à la défense de ses frères, et cette double investiture, unissant intimement la vie civile et la vie militaire, épargne au soldat comme au citoyen l’humiliation de son insuffisance, et renforce par l’idée d’une valeur double, l’idée morale que les Éthiopiens se font de cette double face de la vie de l’homme. Ils ajoutaient que malheureusement ils pratiquaient l’éviration sur le champ de bataille ; mais que nous autres, en Europe, nous pratiquions une éviration morale plus désastreuse encore, en dégradant le citoyen dont nous faisons un soldat irresponsable, et en dégradant le soldat auquel nous enlevons sa qualité de citoyen. Ils avaient de la peine à comprendre qu’il pût exister simultanément chez nous un code de lois militaire et un code de lois civil.
Commenter  J’apprécie          40
En adoptant le Christianisme au quatrième siècle, la nation n’aurait rien changé à ses constitutions déjà anciennes. Les forces nationales et leur ordonnance se cimentaient et se confirmaient de génération en génération, sans autres modifications que celles qu’amène naturellement le fonctionnement de toute vie.

« Notre pays, disent les traditionnistes, vivait paisiblement sous l’œil de Dieu ; il pratiquait la justice, et nos Empereurs, qui tenaient leur cour de l’autre côté de la mer, dans la terre de Sana, échangeaient des messages avec les rois de l’Inde, de la Chine et du pays des Hébreux, et faisaient sentir leur influence sur les peuples éloignés. Mais, par suite de conseils que nous ignorons, ils s’habituèrent à résider de ce côté-ci de la mer, où un climat meilleur, un territoire fécond et facile à défendre et des populations viriles et bien ordonnées leur assuraient un asile inexpugnable. L’Islamisme naquit ; nos armées durent traverser la mer pour défendre nos antiques possessions contre les enfants d’Ismaël, issu lui-même d’une mère mauvaise. Après de longues luttes, nous perdîmes la terre de Sana. Depuis lors, la mer a été notre frontière orientale, et nous avons vécu chez nous chrétiens et heureux, sans plus intervenir dans les affaires des autres nations. Les pèlerins nous apprenaient que les peuples s’entre-détruisaient autour de la ville de Constantin, où régnaient les Empereurs de Rome. »
Commenter  J’apprécie          00
La fortune la plus inconstante est souvent celle qui pervertît le moins. Les soldats éthiopiens sont convaincus de la versatilité des positions, et cette croyance contribue à les moraliser jusque dans l'ivresse de la victoire, et à les rendre cléments envers les vaincus. La fréquence même de leurs guerres, presque toutes intestines, en atténue les rigueurs. Un parent, un ami ou un ami de leurs amis peut leur tomber sous la main, et un acte gratuitement sanguinaire amènerait des vengeances. On voit des vainqueurs et des vaincus se reconnaître, s'embrasser, s'informer avec sollicitude de leurs récents adversaires ou s'interposer auprès d'un compagnon afin d'améliorer le sort de quelque ami.
Commenter  J’apprécie          10

Lire un extrait
autres livres classés : abyssinieVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus

Lecteurs (24) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3179 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}