Qu'est-ce qu'une révolution ? le mot est utilisé à toutes les sauces, dillué au point que tout soulèvement contre un pouvoir est qualifié, dès ses balbutiements, de révolution. Retour donc sur l'histoire des mouvement révolutionnaires. Chacun se nourrit du précédent pour passer à l'étape suivante, tout en répondant aux spécificités du lieu. Tout commence dans la Bohème hussite, en un temps où la religion seule peut provoquer la révolte. Cela s'amplifie avec la réforme luthérienne, sans pour autant provoquer de renversements politiques majeurs. Puis il y a la Hollande et l'Angleterre, et, prototypes des révolutions futures, les Etats-Unis et, modèle absolu et auquel on essaie toujours de faire ressembler les autres révolutions, la France. Les points communs? Un Ancien Régime déconsidéré et une alliance des principales forces pour s'y opposer, sans pour autant vouloir dès le départ renverser complètement l'ordre établi. La lutte entre modérés et radicaux est dans un premier temps gagnée par les radicaux, avant qu'une réaction thermidorienne vienne achever la révolution de manière minimale. Ce processus est brisé par le deuxième modèle de révolution, le seul qui se base sur un système idéologique complet qu'il s'agit à tout prix de mettre en place, quitte à mentir s'il s'avère que ce système est faux, et qui ne connaît pas de réaction themidorienne, la révolution russe de 1917. Paradoxalement, alors que le marxisme prétend qu'il faut d'abord une révolution bourgeoise (1789) et ensuite une révolution socialiste, et que cette révolution ne peut avoir lieu que si elle a une base prolétarienne solide, les seuls endroits où des révolutions marxistes ont eu lieu dans des Etats arriérés, sans la base nécessaire, sous la direction d'une élite "éclairée" qui s'est accaparé le pouvoir pour illusoirement mettre en place une société correspondant à la théorie. Les révolutions arabes aujourd'hui semblent plus proches du premier modèle, celui dont l'avenir est le plus flou, mais aussi celui qui évite le retour à la dictature. Il faut éviter à tout prix que les révolutions de févier connaissent des révolutions d'octobre.
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Brillant ! Excitant !
Une caractérisation d'un type, la "Révolution" comme phénomène historique intrinsèquement lié à l'histoire européenne : la tentative répétée dans différents espaces culturels de secouer un Ancien Régime hérité des temps féodaux, combinant pouvoir de l'Eglise et pouvoir aristocratique.
Je laisserai à d'autres exégètes historiens le soin de peser la valeur du concept brillamment développé par Malia, mais je n'ai pu qu'être séduit par la richesse de l'analyse et du développement, solidement articulé sur une traversée de l'historiographie européenne du XVè au XXè siècle menée à bride abattue. Tout se tient et à cette aune la révolution américaine est logiquement fondamentalement européenne, pour qui il s'agissait fondamentalement de gagner la liberté par rapport aux prétentions, jugées tyranniques du souverain (britannique).
Bien sûr, 1789 en France apparaît comme la mère de toutes ces révolutions,, aboutissement d'un côté, modèle à parfaire de l'autre. C'est là que la vision de Malia est si enrichissante, en mettant côte à côte le 1688 anglais (trop souvent escamoté), le 1789 français et le 1917 russe, il fait éclater similitudes et différences et met en place un modèle.
Un plaisir de lecture, un plaisir tout court, de voir replacer ensemble des pièces parmi les plus importantes de l'histoire de notre continent et du monde.
PS : On ne peut au passage manquer la mise en lumière par Malia des contradictions intrinsèques du marxisme, conduisant pour lui tout droit à la dictature d'un parti, à l'instauration d'une Terreur sanglante et sans fin (pas de retour au calme thermidorien) que ne peut clore que la chute du système. L'actualité nous montre toutefois dramatiquement que les braises n'en ont pas fini d'être brûlantes.
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C’est seulement en tenant compte de cette trajectoire idéologique par « bonds » de plus en plus extravagants et funestes que nous pouvons établir la véritable histoire de ce sinistre double de la modernité que fut le communisme.
On nous objectera inévitablement que Marx n’a jamais rien prévu de tel que les révolutions par le haut perpétrées par Staline et Mao, qu’il « se retournerait dans sa tombe » si par miracle il en apprenait l’existence et ainsi de suite. Bien sûr, il n’a jamais prévu ces programmes terroristes ; son objectif était « l’émancipation humaine ». Mais peu importent ses intentions conscientes. L’essentiel est que, dans sa théorie, l’émancipation ne peut résulter que de l’entière communisation de la société, programme impossible qui ne peut être mis en place sans violence de masse. Et il a ouvert la porte à ce genre de politique en créant l’illusion selon laquelle une avant-garde intellectuelle au fait des lois de l’histoire peut faire exécuter le bond permettant à l’humanité de passer « du royaume de la nécessité au royaume de la liberté ». Comme dit le vieux proverbe : la fin justifie les moyens.