La pièce
le Marquis de Villemer, comédie en quatre actes, est écrite en 1864, soit dans la dernière période de la vie de
George Sand. Si on en croit sa biographie, c'est une période prolifique, mais beaucoup d'oeuvres vont voir le jour pour des raisons principalement financières. Il n'empêche que la plume reste celle de
George Sand, donc de qualité.
Le pitch en 2 mots...
La Marquise de Villemer a deux fils, de pères différents. Un est Marquis, l'autre est Duc. Ils sont à marier tous les deux. Ils ne sont d'ailleurs pas loin d'être atteints par la limite d'âge. le Duc va sur ses 40 ans, le Marquis est plus jeune d'une dizaine d'années. le Duc est un noceur fini, à la réputation désastreuse, perclus de dettes. le Marquis est un futur éternel jeune homme, procédurier, cérébral, émotif et peu à l'aise en société. Je schématise, mais je ne suis pas loin du portrait que
George Sand en fait.
Ce sont les deux seuls personnages masculins de la pièce, si on excepte les domestiques, fort effacés, et le Comte de Dunières dont le rôle ne se borne qu'à présenter sa pupille. Ces deux hommes sont des caricatures, certes, mais on a toute la verve de
George Sand, empreinte de féminisme. Les hommes à marier ne sont guère reluisants... On rappellera que
George Sand a souvent dû batailler ferme pour se faire une place dans un monde (littéraire) d'hommes.
Les personnages féminins sont mieux servis.
La Marquise est une femme brillante, forte, érudite, le coeur sur la main. Elle engage Caroline de Saint-Geneix comme lectrice et dame de compagnie. Elle a des principes, de la culture, du savoir-vivre, de la bienséance. Et le Comte de Dunières vient présenter sa pupille: Diane de Saintrailles. Elle a un grand coeur, elle est franche et sincère. Les deux colombes ont la vingtaine. Elles sont fraîches et pures, belles et émouvantes dans leurs principes. Elles connaissent peu le monde, mais n'envisagent pas de s'adapter à celui-ci. Elles seraient plutôt dans l'attente que le monde s'adapte à elles.
Ce qui devait arriver... arrive. Diane et Caroline vont tomber amoureuses des fils de
la Marquise. Je ne dévoile rien. On est dans une comédie de moeurs, mais on ne consomme quand même pas avant le mariage. Je pense (interprétation toute personnelle) que le féminisme militant de
George Sand s'exprime encore quand elle marie des jeunes filles à des hommes bien plus âgés qu'elles. Et dans un premier temps, on les apparie au mauvais fils... sans leur demander leur avis. Signe des temps, où l'amour comptait finalement moins que la fortune ou le titre de noblesse.
D'ailleurs, un des fils le signale à
la Marquise. Elle-même a dû se faire accepter quand elle a choisi de se remarier (au passage elle acquiert le titre de Marquise, quittant celui de Duchesse, ce qui explique la différence de titre de ses fils).
Sous des dehors de comédie badine qui peut se regarder comme une sorte de vaudeville, la pièce secoue quand même les principes de la noblesse provinciale (les deux premiers chapitres se déroulent à Paris, les deux autres dans le Bourbonnais). La scène finale, où il s'agit de faire avouer par tous les moyens à Caroline qu'elle aime le Marquis (qui se liquéfie en lavette qu'il est) est un long suspense où il s'agit de prêcher le faux pour avoir le vrai... Et cerise sur la gâteau du féminisme, on finit par se dire que ces deux jeunes filles auraient sans doute mieux fait de chercher ailleurs...
Pour l'anecdote,
Sarah Bernhardt jouera la pièce en 1867 (3 ans après sa création avec d'autres actrices). Elle est alors âgée de 23 ans. Dixit
Sarah Bernhardt, il s'agissait du "rôle de la folle baronne, femme déjà experte âgée de trente-cinq ans j'en avais à peine vingt et un et j'avais l'air d'en avoir dix-sept". La baronne en question est un personnage assez secondaire qui vient essayer de contrecarrer les plans de
la Marquise en calomniant le Duc et Caroline et en essayant de malmarier les fils de
la Marquise.