J'ai gagné ce livre grâce à la masse critique non fiction. Merci à babelio et aux éditions
Le Cavalier Bleu.
Cet essai de
Lionel Obadia m'intéressait car le zombie est une créature que j'ai toujours aimée, surtout grâce au cinéma de Georges Romero. Je ne parle pas de ce cinéaste en étant hors sujet étant donné que
Lionel Obadia y fait référence à plusieurs reprises, étant "précurseur et fondateur du genre, premier et principal acteur de la conversion des zombies en hérauts de la critique sociale", idéologique et hautement politique.
En effet , Romero est peut-être celui qui a fait des films de zombie plus qu'un cinéma d'horreur bête et facile. Il lui a donné toute une symbolique politique et sociale.
Le tout premier film que j'ai vu, très jeune, est le culte "La nuit des morts-vivants", qui dénonce le racisme, premier film d'une longue série de zombies de tout genre que j'ai visionnés depuis.
Romero a mis en évidence (entre autres) la société de surconsommation dans "zombie", les inégalités sociales dans "Land of the dead", la critique de la société américaine et des médias dans "Diary of the dead".
Et surtout, il a décrit ce que les survivants, dans ses situations post apocalyptiques, sont capables de faire, souvent le pire et démontrent ainsi leur propre inhumanité.
Il a fait évoluer les zombies et a offert aux réalisateurs des générations suivantes des inspirations sans fin (les films de zombies arrivent encore à se renouveler).
Parler de la saga des zombies de Romero est un vaste thème à part entière. C'est un miroir tendu à l'humanité, une réflexion intelligente sur ce qu'elle est et devient.
A noter bien sûr, pour les amateurs du genre, l'intérêt des films italiens des années 60-70 et des films coréens actuels, dont l'auteur fait également référence.
Le livre de
Lionel Obadia est un essai plutôt complet sur les zombies, de leurs origines à leur évolution au fil des époques, c'est-à-dire du zombie issu du vaudou haïtien au zombie de la culture populaire actuelle, autrement dit le zombie "moderne".
Pour moi, le zombie représente un avertissement à l'humanité :
Regardez ce que vous allez devenir ou ce que vous êtes si : vous arrêtez de réfléchir, vous vous faites embrigader, conditionner, si vous êtes hypnotiser par vos écrans. Les "smombies" (contraction entre smartphone et zombie) en sont un bon exemple : "l'attitude des usagers ordinaires des technologies numériques, tellement absorbés par leur écran qu'ils en oublient le monde alentour" et qui les font ressembler à des zombies.
Regardez ce que vous devenez lorsque vous faites n'importe quoi avec la planète et que vous créez des catastrophes écologiques. Je le répète : c'est un miroir tendu à l'humanité pour une prise de conscience.
Un parallèle est en outre élaboré par l'auteur dans le comportement de nos "contemporains harassés par leur travail (...) absents de leur propre existence par la fatigue morale" des impératifs de la vie et, hélas, aliénés par des tâches professionnelles répétitives.
Quelques extraits du livre résument bien toute la symbolique contemporaine du zombie :
"La zombimania à vaste échelle de la fin du XXè siècle était impensable un siècle plus tôt..."
Lionel Obadia (p.90). Signe de l'intérêt de cette créature en nos temps modernes.
Dans le prolongement de cette idée : "Le zombie nous montre un monde particulièrement sombre, presque disloqué. du coup, il se révèle moins l'effet d'une mode que d'un temps, de ses interrogations et de ses doutes. Sa présence dans les cinémas prend alors un sens différent. de divertissement, elle se fait symptôme."
Maxime Coulombe (p.92).
Le zombie "figure ainsi une sorte d'alerte à peine détournée sur les périls que l'humanité fait peser sur la planète sur un plan écologique, et la peur d'une réaction de la Nature contre l'humain, destructeur de son propre biotope et responsable, finalement, des pandémies qui l'accablent."
Lionel Obadia (p.115-116). Comment ne pas penser à l'épidémie de Covid qui a touchée le monde entier (sans parler d'autres épidémies limitées à certaines régions du monde et lointaines pour nos pays occidentaux).
Ce "cadavre ambulant " est un emblème des temps modernes troublés que nous vivons sur les plans économique, idéologique et climatique.
C'est un essai réussi, bourré de références littéraires et cinématographiques, pour celles et ceux qui veulent comprendre ces créatures plus complexes qu'il n'y paraît, dépassant largement le côté horrifique qu'elles apportent au cinéma et à la littérature.
Pour ma part, cette lecture m'a conforté dans ma connaissance des zombies. Je n'y ai pas appris beaucoup de choses mais il est plaisant de lire quelqu'un qui a approfondi le sujet, l'a étudié sous tous ses aspects et qui en parle très bien.
En résumé, un livre passionnant, autant pour les connaisseurs que pour les amateurs qui souhaitent en savoir plus sur ces créatures fascinantes, qui suscitent (et oui !) parfois de l'empathie de notre part tellement ils peuvent nous ressembler.