Des pensées d'une grande rigueur et d'honnêteté.
Une vie à lire et à relire continuellement.
Une oeuvre méditer à interpréter et à réinterpréter
On retrouve ici l'humanisme et les grandes valeurs du protestantisme.
Quel dommage de n'a pu à ma naissance, choisir cette religion du libre arbitre.
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Je voudrais tant le trouver ! Une aide serait la bien venue , merci
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Où commence la liberté? elle n'est pas primitive, ni donnée. Elle est un devenir. La liberté est enclose dans la nécessité, comme le globe dans le ciel, comme le poisson dans l'océan. Nous ne pouvons pas arrêter la vie qui passe en nous, le sang qui bat, l'organisme qui vieillit, le jeu des pensée et des facultés, l'histoire qui nous entraîne. Nous sommes plongés dans le courant divin. Notre liberté intellectuelle consiste à dominer le changement et le temps, en nous posant dans l'éternité; notre liberté morale à restreindre toujours plus les oscillations du possible et de l'arbitraire, à reconnaître le bien et à identifier notre volonté avec lui, c'est à dire à vivre de la vie éternelle. Plongé en Dieu, notre grandeur est de comprendre l'homme et de vouloir l'homme.
Journal intime, tome I, juin, 1848, p. 292
"Nous avons reconnu deux clartés, la clarté superficielle que le bon sens rencontre immédiatement dans les choses vues du dehors, et la clarté profonde qui a conscience des problèmes, des difficultés, des obscurités même du sujet. L'une est la clarté du regard, l'autre celle de la pensée. L'une trace les contours pour ainsi dire, elle est périphérique; l'autre pénètre le contenu, elle est centrale. La première entoure l'objet d'une lueur apportée du dehors, et qui le laisse opaque; la seconde est comme une lumière allumée dans l'intérieur de l'objet et le rend transparent, parfois même lumineux".
Journal intime, p. 1112, tome I, samedi 22 novembre 1851.
Samedi 12 janvier 1861
Longue discussion sur l'initiative individuelle et sur la renonciation par l'Etat à toute protection de la science et de l'instruction (...) J'ai posé la question suivante :
La société renonçant à protéger les intérêts supérieurs de la vie humaine, n'est-ce pas la reconstitution de l'état naturel, où les forts et les habiles s'arrangeront toujours pour eux, mais où les ignorants, les faibles, les petits seront toujours plus abandonnés ? - la libre concurrence crée la féodalité industrielle ; la libre église crée les conventicules qui tuent les études théologiques supérieures, etc.
L'Etat des économistes, c'est-à dire l'Etat qui n' aucun idéal, n'est-il pas la protection de l'égoïsme, et la menace de la vraie liberté ? N'est-il pas anti-démocratique ?
Du malheur des uns nait l'avantage des autres .Les vautours nous surveillent dès que nous avons l'air de chanceler .Et les vautours de notre espèce et de note entourage ne sont pas les moins attentifs .
(9 mai 1878 )
Mardi 8 janvier 1861
Le succès d'ailleurs m'épouvante en idée ; il engage et compromet. J'aime ne pas échouer mais me satisfaire moi-même me suffirait. Savoir me contenter ; briller ne m'est pas nécessaire. Est-ce le mot du renard : "Ils sont trop verts !" Est-ce de l'orgueil ? Peut-être. Chercher à plaire, poursuivre les suffrages, c'est se faire serviteur et courtisan d'autrui, et cela me répugne en effet. Désirer ce que je ne puis atteindre me répugne également. Le triomphe qui trouble ne m'attire nullement. Je suis donc impropre à la carrière oratoire, parlementaire, publique. L'incognito seul me convient et ma liberté personnelle est le seul avantage que je poursuive avec quelque énergie de désir : nature craintive, critique, paresseuse, qui n'est faite que pour réussir à rien...
« […] À trente ans, Amiel rêvait d'être un brillant pédagogue, un philosophe au-dessus de tout soupçon ; il lisait Hegel et s'abonnait à l'optimisme. À cinquante, il s'aperçut que le bonheur est une chimère, la vie un « prêt à échéance limitée fait à l'individu ». […] »
« […]
Henri-Frédéric Amiel (1821-1881) […] fut au XIXe siècle le plus précis des sismographes en matière de sentiments […].
[…]
Au terme de son existence, Amiel affirmait avoir fait le chemin de Pascal à Montaigne et n'être plus obsédé par l'au-delà. Il confessait, « la mort dans l'âme », qu'il n'attendait pas de revanche à sa vie manquée : « Rien, rien, rien ! Nada ! » serait la conclusion. S'il n'y a de paix que dans le non-être, la résurrection est une récompense de dupes.
[…] Lui-même ne nourrissait aucune prétention, poussant la modestie jusqu'à vouloir faire inscrire cette épitaphe sur sa tombe : « Bien doué de la nature, favorisé des circonstances, il travailla toute sa vie à se préparer à vivre, et il allait vivre quand il mourut. Apprenez, mortels, de lui comment il faut faire et faites ce qu'il ne fit pas : marchez et osez ! »
[…] cet homme sans surprise, qui n'avait jamais réussi qu'à décevoir son entourage, préparait un coup de théâtre posthume : la révélation de son Journal intime.
[…]
L'estime de soi, Amiel l'avait bradée tout au long de sa confession. Le Journal dévora sa vie ; il se laissa faire, persuadé que la seule infortune est d'être né. L'existence, Amiel l'avait compris, est un roman de la désillusion, tiré à des millions d'exemplaires, distribué en poche et à titre gracieux aux passants de chaque siècle. Certains croient détenir l'édition originale et se démènent pour qu'on reconnaisse leur différence ; d'autres griffonnent dans la marge, en espérant modifier le texte ; la plupart lui trouvent un goût de papier mâché, quelques-uns le font relier et le glissent, en même temps que leur destin, dans un coin préservé de la bibliothèque : ils n'oublient jamais d'enlever la poussière sur les tranches, bien que l'envie ne leur soit jamais venue d'en feuilleter un chapitre.
[…] » (Roland Jaccard, La tentation nihiliste, Éditions PUF, 1989)
« […]
Tout est dans tout. L'entier est dans ce qui commence
Et dans ce qui finit. Rien n'est petit. L'immense
Sort du néant.
Puis dans sa forme à soi chaque métal se coule ;
Chaque arbre fait sa feuille. Ainsi donc point de moule
Prison du goût !
Grands ou courts, ces fragments sont ce qu'ils sont, qu'importe ?
Mauvais, refuse-leur, bons, ouvre-leur ta porte,
Et puis c'est tout.
20 décembre 1853 »
(Épilogue)
0:04 - le papillon
1:00 - Théodicée
1:34 - Être prêt
3:01 - Tocqueville : de la démocratie en Amérique
4:53 - Tête-à-tête
7:43 - Les marionnettes
8:16 - Générique
Référence bibliographique :
Henri-Frédéric Amiel, Grains de mil, Joël Cherbuliez, libraire-éditeur, 1854.
Image d'illustration :
https://blog.bge-geneve.ch/amiel/
Bande sonore originale : Carlos Viola - Memories
Site :
https://thegamekitchen.bandcamp.com/track/memories-2
#HenriFrédéricAmiel #GrainsDeMil #LittératureSuisse
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