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Alexandre Ferdinandus (Illustrateur)
878 pages
Jules Rouff et Cie (12/06/1884)
4.5/5   1 notes
Résumé :
Le titre "L'Homme aux Figures de Cire" est ouvertement volé à celui d'une nouvelle de Jules Champfleury.
Il s'agit en réalité de la réédition sous ce titre, dans une version grand format abondamment illustrée, du roman "La Voyante" de Xavier de Montépin, originellement publié en 1873.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Maître incontesté du roman-feuilleton de la Belle-Époque, Xavier de Montépin a en réalité eu plusieurs vies littéraires, au milieu desquelles il est assez souvent facile de s'égarer. Ce neveu d'un pair de France était à la base un parfait arriviste, qui commença sa carrière en 1847 dans des romans historiques populaires assez ouvertement inspirés d'Alexandre Dumas.
Sous le Second Empire, ce monarchiste militant sut s'attirer les bonnes grâces du nouvel Empereur, soucieux de s'attacher l'estime des hommes de lettres, ce qui fut bien utile à Xavier de Montépin lors de la publication de son premier gros succès, « Le Médecin des Pauvres », lequel était un plagiat d'un autre roman, « Le Diamant de la Vouivre » de Louis Jousserandot. L'auteur, avocat et républicain, traîna Xavier de Montépin en justice, mais face aux puissants appuis dont bénéficiait ce dernier, le pauvre Jousserandot fut débouté de sa plainte, ce qui constitua d'ailleurs un précédent qui assura la plus totale impunité à Xavier de Montépin.
Car n'en faisons pas mystère, en dépit de sa haute lignée et de son indéniable talent littéraire, Xavier de Montépin était une fripouille de la pire espèce : un homme agressif, violent, perpétuellement menaçant, traitant avec le plus grand mépris ses collègues écrivains, et dont les méthodes plagiaires relevaient d'un travail de sape déterminé : c'est à dessein qu'il reprenait des romans écrits par des auteurs républicains pour en tirer des oeuvres similaires, mais exprimant des idées monarchistes.
Pour autant, si l'homme était odieux, l'écrivain était remarquable, d'autant plus qu'il insufflait beaucoup de sa misanthropie hautaine dans ses romans qui, presque tous, tournent autour du thème de la vengeance, de la traque punitive, de la volonté de nuire et de harceler les autres, avec une complaisance très ambiguë pour des personnages négatifs, génies du mal ou psychopathes, par rapport auxquels, en dépit d'un positionnement moral et chrétien classiquement manichéen, Xavier de Montépin ne pouvait dissimuler tout à fait sa sympathie.
La guerre franco-prussienne de 1870 et la chute du Second Empire plongèrent un temps Xavier de Montépin dans une inactivité forcée, durant laquelle l'écrivain fit rééditer plusieurs de ses oeuvres sous des titres différents, donnant ainsi la fausse impression qu'il ne subissait pas l'ostracisme républicain qui touchait la plupart des écrivains en faveur sous le Second Empire. Puis à partir de 1872, Xavier de Montépin fit un retour colossal par le biais de pas moins de quatre romans-feuilletons publiés dans différents journaux.  Ce changement de style notable était une véritable entreprise « à la Dumas » pour Xavier de Montépin, qui s'entoura de plusieurs nègres littéraires qui aidèrent chacun de ses romans à atteindre 1000 ou 1200 pages. Cette usine à best-sellers parvint à ses objectifs en 1885, avec « La Porteuse de Pains », qui rencontra un succès phénoménal pendant près d'un siècle, puisque ce roman fut même adapté en 1973 en feuilleton télévisé, avec d'ailleurs le même succès.
Mais revenons en 1873 où, parmi l'oeuvre fondatrice de la période feuilletonnesque de Xavier de Montépin, on trouve le roman qui nous occupe ici, « La Voyante », sorti initialement en deux tomes, puis réédité par les éditions Jules Rouff en 1884 en un seul volume illustré au format géant de luxe, sous un nouveau titre, que l'on peut juger définitif, « L'Homme aux Figures de Cire ». Un titre d'ailleurs assez impudemment volé à celui d'une nouvelle de Champfleury, célèbre plume du Second Empire, pourtant encore de ce monde en 1884, mais qui ne semble pas s'être offusqué de ce vol manifeste.
« L'Homme aux Figures de Cire » se déroule entre 1830 et le début des années 1850. le roman donne à Xavier de Montépin l'occasion à de nombreuses reprises d'exprimer sa grande nostalgie de la Restauration, nostalgie quelque peu fantasmée, d'ailleurs, car né en 1831, Xavier de Montépin n'a en réalité pas connu grand-chose de cette époque, et certaines bévues permettent d'ailleurs de s'en rendre compte : ainsi dans un long panégyrique sur les Champs-Élysées, quartier très peuple en 1830 et envahi par la végétation, au point d'ailleurs d'être la nuit un dangereux repaire de brigands et de tire-laines, Xavier de Montépin décrit l'avenue comme débouchant sur un horizon très pur, qui n'était pas encore défiguré par cette architecture « moderne et hideuse » de l'Arc-de-Triomphe. Or, le souci, c'est qu'en 1830, l'Arc-de-Triomphe était déjà bel et bien en place, même s'il n'était pas totalement achevé. L'amateur d'Histoire trouvera sans doute quelques autres erreurs de la même eau dans ce roman.
Le récit s'attache à un jeune ouvrier mécanicien, Jean Vaubaron, habitant un pauvre appartement de la rue du Pas-de-la-Mule, dans le quartier alors populaire du Marais, à Paris. Celui-ci ayant épousé Marthe, une jeune voisine phtisique, après l'avoir sauvée d'une tentative de suicide consécutive à la mort de sa mère, il en résulte un ménage qui vit dans des conditions d'autant plus précaires qu'une petite fille, Blanche, est venue couronner cette union quelques années plus tôt, ce qui est charmant mais génère bien des frais supplémentaires. Malade, jamais complètement remise de son accouchement, Marthe ne peut travailler, et Jean doit seul faire vivre le ménage, mais l'offre est rare et il ne travaille pas tous les jours. Qui plus est, Jean est un rêveur, un artiste refoulé, qui projette à la fois de sculpter des oeuvres artistiques, et de trouver une "combine" qui mette sa famille à l'abri. Rien de malhonnête, car le jeune homme est vertueux, mais il attend clairement une faveur du destin, qu'il va lui-même provoquer en allant d'abord dans une maison de jeu, où, probablement servi par la chance du débutant, il gagne un gros pactole. Mais la mine naïvement réjouie qu'il affiche au sortir du tripot attire l'attention d'un criminel de haut-vol, le diabolique Rodille, un as du déguisement et de la manipulation, à la tête d'un réseau de voleurs et de cambrioleurs qui écument la capitale.
En apercevant Jean, l'habile Rodille réalise immédiatement à quel naïf il a affaire. Provoquant une bousculade, il crée un incident au cours duquel, publiquement, lui et Jean s'empoignent avant d'être séparés par la foule. Mais durant l'empoignade, Rodille a pu s'emparer du portefeuille bien gonflé de Jean, avant de disparaître dans la foule.
Lorsqu'il réalise le vol, Jean est pris d'un terrible moment de désespoir, car non seulement il a perdu ses gains de la maison de jeux, mais aussi les quelques économies qu'il y avait risqué. Il est obligé de mettre ses outils en gage chez le brocanteur Laridon, qui vit en face de chez lui, et il ne trouve rien de mieux à faire que d'aller dépenser ces maigres billets chez un hypnotiseur à la mode, le docteur Fritz Horner, débarqué d'Allemagne, et travaillant avec une jeune femme médium capable de voir dans le passé ou dans le futur. Jean espère bien tirer de cette consultation des éléments qui l'aident à savoir comment se tirer lui et sa famille de l'extrême pauvreté qui est la leur, et afin de laisser Marthe en repos, il rend visite à l'hypnotiseur en compagnie de sa fille Blanche.
En réalité, Fritz Horner n'est qu'un escroc, et sa complice médium n'est qu'une comédienne de seconde zone. Qui plus est, tous deux sont amis avec Rodille, qui se trouve dans la pièce à côté du salon de réception, lorsque Jean Vaubaron est reçu par le docteur Horner. Via un oeilleton, Rodille reconnaît alors l'homme qu'il a détroussé quelques jours plus tôt, et suit, en cachette, la consultation.
Fritz Horner fait donc étendre sa complice, et accomplit quelques passes prétendument hypnotiques, mais à la surprise générale, c'est la petite Blanche qui tombe endormie sur un petit canapé, et se met à répondre aux interrogations de l'hypnotiseur, exprimant alors des visions funestes et douloureuses.
Jean Vaubaron en est effrayé, mais Fritz Horner, lui, est époustouflé par cette enfant qui dispose d'un don médiumnique extraordinaire. Il propose à son père de la lui louer, et s'offre même pour financer toute son éducation. Mais Jean Vaubaron est trop effrayé par ce qu'il vient de voir, et s'enfuit avec son enfant. Il ne le sait pas encore, mais ce geste noble et désintéressé de père vertueux va causer sa perte.
Fritz Horner veut cette petite fille, quel qu'en soit le prix, car l'authenticité de son don lui assurerait une réputation internationale. Rodille accepte de lui livrer l'enfant, à condition d'entrer à 50% dans l'affaire.
Après plusieurs semaines d'enquête, Rodille parvient à savoir où habite Jean Vaubaron. le hasard fait qu'il vit dans un immeuble voisin où Rodille entretient une liaison adultère avec une marquise délaissée par son mari, une liaison qui n'est motivée, à ses yeux à lui, que par la perspective de s'emparer du magot du marquis. Il ourdit donc un plan machiavélique visant à servir doublement ses intérêts. Profitant d'une entrevue avec sa maîtresse, Rodille l'assassine sauvagement, ainsi que son mari, s'empare du contenu du coffre-fort à l'exception du testament du marquis, qu'il remplace par un faux qu'il a rédigé lui-même, et qui le fait lui, Rodille, légataire universel de la fortune du couple. Enfin, en passant par la fenêtre, il laisse l'argent de la marquise chez Vaubaron, puis dépose les armes des crimes chez le brocanteur Laridon, le payant grassement pour les échanger contre les outils que Vaubaron y avait mis en gage.
Tout accuse donc rapidement Jean Vaubaron, qui est arrêté et enfermé. Marthe, de chagrin, meurt seule dans son logement. Les policiers chargés d'enlever le corps n'ayant reçu aucune consigne pour la petite Blanche l'abandonnent sur place. Rodille, triomphant, n'a alors plus qu'à cueillir l'enfant, et à la ramener à Fritz Horner.
Jean Vaubaron est condamné pour meurtre crapuleux à 8 ans de travaux forcés au bagne de Brest, lesquels se transforment, suite à un problème de continuité qui n'a pas été corrigé dans la réédition chez Rouff, en une peine à perpétuité. Anéanti par la mort de sa femme et par la disparition de sa fille, Jean Vaubaron mettra quelques années à refaire surface, durant lesquelles il s'attire l'estime de ses co-détenus ainsi que de tout le personnel pénitentiaire par son habileté à faire des petites figures de cire représentant différents personnages. Mais au bout de dix ans, l'inquiétude pour le sort de sa fille le pousse à s'évader du bagne, et à revenir à Paris où, ne connaissant plus personne, il s'adresse au brocanteur Laridon puis à l'hypnotiseur Fritz Horner, dont il ne soupçonne pas les rôles dans la disparition de Blanche, lesquels le dénoncent à la police comme prisonnier évadé. Il est donc ramené à Brest, et finalement libéré dix autres années plus tard, après avoir contribué à sauver le directeur du bagne durant une révolte des prisonniers. Celui-ci, par gratitude, parvient à obtenir sa grâce. 
Entre temps, Blanche a grandi un peu mélancoliquement dans la prison dorée de l'hôtel particulier où, désormais, Fritz Horner s'est installé et reçoit ses clients. Rodille de son côté a fondé un cabinet notarial en compagnie de Laridon, spécialisé dans les recherches d'héritiers. Officiellement, il les retrouve. Officieusement, il les supprime et les remplace par des hommes de paille qui perçoivent l'héritage à leur place, et lui en reversent la moitié. Mais entre les deux hommes, la jalousie est vive et les tensions de plus en plus intenses... Parallèlement, Rodille emploie un clerc, Paul Mercier, qu'il charge notamment de commissionnaire auprès de Fritz Horner. Paul Mercier est un jeune homme d'une grande droiture, qui ne sait rien des activités illicites de son employeur. Au fur et à mesure de ses visites à Fritz Horner, il est tombé amoureux de la jeune Blanche, qui rêve d'échapper à ses exploiteurs pour retrouver son père, dont elle a conservé le nom sur une Bible qu'il lui avait offerte.
Mais un jour, les deux jeunes gens se retrouvent doublement menacés : Fritz Horner a découvert la Bible de Blanche, et le nom qu'elle renferme, tandis que Rodille, chargé de retrouver un nouvel héritier, réalise que celui-ci n'est autre que Paul Mercier, son clerc…
Les passions vont soudain exploser, et le talent de Jean Vaubaron pour la sculpture de la cire va lui servir à confondre enfin Rodille...
« L'Homme aux Figures de Cire » est un roman imaginatif et d'une grande richesse qui ne souffre véritablement que d'une chose : d'avoir été écrit à quatre mains. Xavier de Montépin s'est réservé en effet les scènes les plus intéressantes, les plus mouvementées, les plus perverses aussi, dont les longs chapitres sur l'évasion du bagne de Brest, inspirée - selon l'auteur qui le stipule en bas de page - de faits réels, et qui relèvent encore aujourd'hui d'un suspense admirablement décrit, savamment dosé, d'une rare intensité. Mais à côté de cela, toutes les scènes plus calmes, plus romantiques, ou même simplement sans le personnage de Rodille, sont confiées à un plumitif plus plat, moins investi, au style quelconque et souvent ennuyeux, et cet étonnant contraste, entre des parties du récit aussi différentes que différemment rédigées, nuit énormément à la cohésion du roman, dont il faut préciser que les 880 pages sont d'une incroyable densité.
Sans ce défaut d'uniformisation, il est probable que « L'Homme aux Figures de Cire » pourrait être regardé sans exagération comme un chef d'oeuvre du roman-feuilleton, tant il exploite brillamment les clichés du genre, tout en faisant preuve d'une inventivité constante, d'une finesse psychologique rare et d'un grand sens du rythme, au point même que des passages superflus ou accessoires au récit y trouvent pleinement leur intérêt.
Mais évidemment, ce qui retient le plus l'attention dans ce roman, c'est ce génie du mal qu'est Rodille, et dont la fascination qu'il exerce sur son créateur est tangible à chaque page, tandis que le bon et vertueux Jean Vaubaron y passe au final, pour un pauvre imbécile, perpétuellement victime de sa candeur. Même si la fin morale est de rigueur – encore qu'elle soit "hénaurme" et, de plus, ne semble pas écrite par Xavier de Montépin lui-même, on sent véritablement qu'il s'en est fallu de peu que ce dernier ne célèbre la primeur du génie criminel sur l'honnêteté du benêt avec une belle décomplexion.
Enfin, on ne saurait trop recommander aux esthètes l'édition de Jules Rouff pour les magnifiques illustrations signées Alexandre Ferdinandus (près d'une cinquantaine), lequel s'est livré à un travail d'une qualité exceptionnelle, et qui donne véritablement une ampleur supplémentaire à ce roman.
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