Clémence et Louis sont deux adolescents de seize ans qui se vouent un amour passionné depuis leur enfance. le père de Clémence, Jean, est agriculteur, et a perdu sa femme quelques années auparavant des suites d'une longue maladie. Lors de la réunion communale de Lunaiville pour débattre d'un projet de forage de gaz de schiste dans les champs de son père, Clémence ne peut que se sentir concernée et n'hésite pas à prendre la parole. Mais tout semble déjà joué à la faveur de la firme Hallicana Oil. Naît alors l'idée chez nos jeunes héros de fonder un groupe qui ferait entendre la voix des jeunes générations, héritières involontaires des exactions que les adultes font subir à notre écosystème : le mouvement des hérissons voit le jour, en hommage à ces petites bêtes sympathiques victimes de notre mode de vie moderne.
Rejoints par quelques amis du lycée, ils prennent l'initiative d'investir la place du marché de Saint-Clair pour faire parler de leur indignation à l'aide de slogans et d'un répondant d'acier. L'entreprise est décevante, et suite à l'ignorance des élus municipaux, ils décident de frapper plus fort : immobiliser un train à l'heure de grande affluence en s'y enchainant durant 15 min. La manoeuvre fonctionne, mais c'est en garde à vue que Louis et Clémence passeront la nuit, ignorants du buzz que leur action a suscitée sur internet. Malgré la plainte portée par la SNCF, le groupe n'entend pas en rester là, et leur rassemblement prend plus d'ampleur, désormais solidifié par d'autres brasiers un peu partout en France.
Un mouvement de panique cependant s'empare de nos deux meneurs, lorsque des lettres de menaces leur parviennent, honteusement ignorées par la police, mais cela ne les empêche pas de monter le gué lorsque qu'on convoi de camions envoyé par Hallicana menace de s'implanter sur le champ de Jean. La résistance brillamment organisée avec d'autres villageois semble efficace, jusqu'à ce que Clémence et Louis, partis en scooter dans les bois, soient victimes d'un accident criminel, auquel le jeune homme ne survivra pas. La tristesse gagne les rangs, mais renforce plus que jamais la lutte : c'est par une grève de la faim qu'aboutira le vote d'une loi interdisant tout forage dans la commune de la ville.
C'est donc un livre plein d'audaces et résolument ancrée dans notre actualité que nous livre
Jacques Cassabois, marqué sous le signe de l'écologie et de la conscience à la terre face aux menaces d'une exploitation du gaz de schiste contenu dans nos sols. On a en effet à l'esprit les récentes pressions qu'a subi notre gouvernement pour l'autorisation de l'extraction du gaz de schiste. En 2011 a été votée la loi Jacob interdisant la fracturation hydraulique, validée par le Conseil Constitutionnel en octobre 2013, mais rien ne se rapporte au droit de prospection.
C'est dans ce climat d'incertitudes et de menaces d'implantation de firmes pétrolières que
Jacques Cassabois eu l'idée d'écrire ce petit bijou. Mais si la lutte écologique est au coeur du roman, l'histoire qu'il nous livre est avant tout celle de la naissance et de la croissance inéluctable d'un mouvement de lutte, brillamment orchestré par nos deux jeunes meneurs, Louis et Clémence. de leur premier coup de gueule aux manifestations d'envergure réunissant des centaines de jeunes, toute l'histoire s'applique à décrire leur cheminement et leur persévérance sans faille. L'accent est mis en effet sur la constitution d'un groupe, sur les doutes et les obstacles auxquels doivent faire face des jeunes à la motivation de feu, porteurs d'idéaux qui semblent bien faire défaut ces temps-ci.
Pour servir leur fougue, l'auteur a mis en avant les possibilités de communication et de rassemblement des nouvelles technologies et des réseaux sociaux : c'est par eux que se propagent leur colère et leurs projets de manifestations. La notion de réseau est ici primordiale, et traduit la nécessité d'une solidarité entre chaque région de France, et pourquoi pas mondiale. Et cela n'est pas sans rappeler son précédent roman, «
1212 La Croisade des Indignés », comme l'exprime lui-même l'auteur dans la correspondance avec son éditrice. Ce roman-ci relate un mouvement de masse de la jeunesse féodale partie en pèlerinage sur les routes de France et d'Allemagne pour prêcher la paix et le refus des richesses sources des nombreux conflits qui bouleversent le monde. Ces deux romans ont en commun de prendre vie autour de la figure de meneurs, capables de transcender les foules par la parole, puissante vectrice de leur idéaux.
Mais «
La Colère des hérissons » est également une histoire d'initiation à l'amour, dans tout ce qu'elle a de plus pure et de candide. Les longs mails de Louis adressés à Clémence nous régalent d'une beauté poétique liée à l'amour de l'homme et à la contemplation euphorique de la nature. Harmonie d'autant plus forte qu'elle permet à nos deux jeunes héros de « sentir» la présence de la mère de Clémence veillant sur eux. Certains qualifient ces passages de fantastique, mais je ne suis pas d'accord, et je préfère voir dans ces contacts avec l'au-delà une métaphore poétique de leur sensibilité exacerbée.
Un point négatif est cependant à souligner concernant le choix inesthétique de la couverture du livre, qui certes attire l'attention par le rouge vif de sa tranche, mais qui pourrait ainsi avoir un effet repoussoir. On aurait pu en effet espérer un objet-livre plus représentatif de la conscience écologique développée dans le roman.
Pour conclure, c'est un ouvrage jeunesse bourré d'énergie qu'on a plaisir à dévorer, dédié aux jeunes adultes et à cette génération qui aura à subir nombres de nos mauvais choix en matière énergétique, et porteur de valeurs qu'il serait bon de plus souvent imiter.
On peut retrouver par ce lien le site de
Jacques Cassabois et la discussion avec son éditrice à propos de la genèse du roman :
Lien :
http://www.jacquescassabois...