Véronique Carroz se rend chez Me Ledain à Sion et lui demande s'il accepte de la défendre, elle s'accuse de deux meurtres, elle lui confie un document retraçant son histoire et ils conviennent de se revoir une semaine plus tard, car elle n'est accusée de rien pour le moment. Un vieux paysan alcoolique a été égorgé dans un bois en Valais, la police n'a aucune piste. Dans le canton de Vaud, c'est le Dr Jacques Gaudin, un célèbre cardiologue pour enfant qui meurt dans un accident de voiture sur une route ne présentant aucun danger. C'est une star des médias, donc une affaire sensible. La police scientifique remarque rapidement que ses freins ont été trafiqués, de plus la première victime est son père. le commissaire Salvi de Sion et une policière de Lausanne mènent l'enquête sur ces deux meurtres, ils soupçonnent rapidement un drame familial. de son côté l'avocat a quelques entrevues avec Véronique qui devient rapidement le centre de l'enquête. Elle ment allégrement aux policiers, ce qui ne fait qu'attirer les soupçons sur elle et les lourds secrets de cette famille dysfonctionnelle. Mais la situation s'annonce encore plus compliquée et explosive que prévu.
On suit l'enquête policière, entrecoupée de l'histoire de Véronique à la fin des années 1940 quant elle était adolescente et victime d'abus sexuels. Rachel, la policière vaudoise et le commissaire Salvi connaissent aussi un début de romance, lui est presque amoureux mais Rachel n'est intéressée que par la relation physique, elle refuse tout attachement. Les chapitres sont courts et les points de vue alternent rapidement, ce qui donne du rythme à ce polar très bien écrit.
Ce livre m'a fait penser à Sa préférée, de Sarah Jolien-Fardet, on est exactement dans le même contexte : un village dans une vallée valaisanne, dans un milieu pauvre, avec un père (ici un beau-père) alcoolique et violent qui terrifie sa famille et abuse de la fille en toute impunité car la mère a trop peur pour intervenir et fait semblant de ne rien voir. Véronique quitte la maison dès qu'elle le peut et part travailler en ville, mais elle ne pourra se reconstruire. Ses traumatismes se reporteront sur la génération suivante et seront la cause des drames actuels.
Le thème dominant est celui de la violence faite aux femmes. Les trois femmes présentes dans le roman, Véronique, sa mère Rose et Rachel en sont victimes mais leur réponse est différente. Rose nie la situation et fait semblant de ne rien voir, elle ne défend pas sa fille par peur de son mari. Véronique a complètement perdu l'estime d'elle-même et acceptera la maltraitance toute sa vie' ce qui empêchera son fils de se construire de manière équilibrée et le rendra violent à son tour. Il y a un cercle vicieux dont les victimes ne peuvent sortir et qui se reproduit d'une génération à l'autre. Rachel refuse ce mécanisme et la domination masculine, elle privilégie des relations basée uniquement sur le sexe.
Jacques n'est que la victime d'un des meurtre, mais lui aussi s'est laissé entraîner dans la violence de son père quand il était adolescent. C'est dommage que l'auteur ne lui donne pas la parole, mais on peut penser que son choix de sauver des enfants est un moyen de se racheter, illustrant la sortie du cercle vicieux. Véronique est la fois victime et d'une manière coupable selon Me Ledain, non pas sur le plan pénal, mais sur le plan moral. C'est vrai que ce personnage n'est pas sympathique, mais on sent que l'auteur n'a aucune indulgence pour elle. La non communication aggrave la situation, la famille a complètement coupé les ponts et personne n'a jamais essayé de réparer le mal subi et commis, on est dans une fatalité sans issue. C'est un roman très sombre, qui démontre une fois de plus que le polar romand se porte très bien.
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