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EAN : 9782356871916
220 pages
Editions Le Bord de l'Eau (15/09/2012)
4/5   2 notes
Résumé :
Cet ouvrage raconte le voyage d’un anthropologue dans les coulisses du « As If » management, le management qui fait comme si tout allait bien, qui ignore les problèmes.

Michel Feynie a mené une enquête minutieuse sur la branche commerciale d’une entreprise publique à laquelle il a pu et peut accéder en tant que salarié... Il a complété ce travail de terrain par l’étude de la rhétorique managériale issue d'une quinzaine d’autres entreprise... >Voir plus
Que lire après Le 'as if' management - Regard sur le mal-être au travailVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
un livre fort intéressant ! tout d'abord le titre, bien trouvé, avec son "as if" management, qui reprend la tendance actuelle aux anglicismes pour tout et partout ... et puis une couverture sobre mais le titre et sa mention du mal-être au travail, donc un livre qui m'avait "fait de l'oeil" depuis un moment chez Mollat

je ne sais pas si le livre est amplement distribué en France, il l'est en tout cas chez Mollat (la plus grande librairie indépendante de France, pour ceux qui par hasard ne connaîtraient pas encore ce monument de la culture bordelaise)
ca me parait normal, l'auteur étant, entre autres, enseignant à l'université de Bordeaux ! le livre est sorti par une petite maison d'édition, le Bord de l'Eau

dans ce livre, l'auteur, Michel Feynie, se définit à plusieurs reprises comme anthropologue "indigène", car il a été, entre autres, salarié et fonctionnaire pendant des années chez "LP", époque révolue aujourd'hui
"LP" étant l'entreprise qu'il analyse le plus, mais il décortique aussi la rhétorique managériale et institutionnelle d'autres entreprises

un ouvrage clair, sensé, intelligent, dont la lecture n'est pas fastidieuse contrairement à d'autres ouvrages traitant du monde du travail aujourd'hui

j'émettrai seulement deux bémols
- un peu trop de notes de bas de page, qui nuisent parfois à la lisibilité
peut-être que certaines notes et remarques auraient dû être rejetées en fin d'ouvrage (les références à d'autres livres, par exemple, qui sont de toute facon détaillées dans la bibliographie à la fin), et peut-être que d'autres auraient pu être regroupées avec les annexes ...
sûrement aussi, pour certaines précisions, cela aurait pu trouver sa place directement dans le corps du texte, car elles sont intéressantes ! et éclairent la compréhension du reste
est-on vraiment obligé de multiplier les notes de bas de page pour être crédible et pris au sérieux ? pas sûr ...

- trop souvent, l'auteur utilise le verbe "proposer" là où on sent clairement que la hiérarchie, le top management, etc, veulent IMPOSER ... nuance

ayant émis ces 2 petites réserves, mon avis plus général sur le livre
une structure bien pensée et un propos intéressant, non pas sur le mal-être au travail mais sur ses CAUSES, récurrentes et finalement communes à de nombreux secteurs, aux entreprises publiques, privées, en cours de privatisation ... l'auteur met en lumière ce qui reste normalement dans l'ombre, les coulisses, les "petites phrases" (comme en politique) mais ne s'arrête pas là ...

j'approuve sa position sur le sujet, aimer le travail en général, aimer son travail en particulier, ne dispense surtout pas d'une vision critique et lucide sur l'évolution générale du monde du travail, l'évolution de ses collègues, des méthodes de management et de contrôle qui s'imposent de plus en plus ...

j'apprécie aussi l'humilité de l'auteur, qui rappelle qu'il n'est pas linguiste (lors de l'analyse de la rhétorique managériale, par exemple) et qui rappelle surtout, à plusieurs reprises, que son ouvrage n'est qu'un POINT DE VUE sur le sujet
on sent une humilité et une sincérité dans ces propos
d'ailleurs, il ne se pose surtout pas en expert, et montre une distance très critique avec les cabinets de consultants et d'autres intervenants qui gravitent dans le monde de l'entreprise aujourd'hui

dans la première partie, l'auteur analyse le "as if" management dans les communications institutionnelles, les journaux internes, les grand-messes
chez "LP" et dans d'autres entreprises par la suite

dans la deuxième partie, le "as if" management est plus analysé dans ses pratiques quotidiennes : grandes déclarations suivies de consignes contradictoires, très contraignantes, souvent irréalisables et irréalistes, dénuées de bon sens, de vrai fondement (si ce n'est que consignes et méthodes ont été préconisées par un cabinet de consultants)
la révolte des différents corps de métiers soumis à ces injonctions étouffantes est croissante, mais se fait parfois en sourdine ... quand elle éclate, le management fait "comme si" tout se passait bien ... "as if" !
l'auteur a pu, chez "LP", côtoyer des managers, des commerciaux, des personnes "en mobilité", des personnes qui ont choisi des mesures de pré-retraite (qu'on nommera officiellement "mesures d'âge" et autres artifices, pour ne pas trop avoir l'air de contredire les consignes gouvernementales sur l'emploi des seniors)

enfin, dans la troisième partie, l'auteur évoque les INEVITABLES conséquences d'un ... management inconséquent ...
du "as if" management, qui sévit depuis de nombreuses années déjà
un inévitable mal-être de nombreux employés, cadres, managers ...
les stratégies de contournement, ou parfois de fuite, des salariés
et les stratégies élaborées par les managers pour assouplir un peu le système, trop rigide, et pour faire mieux accepter ce type de management

parmi les stratégies : utilisation des RTT, espoir de quitter l'entreprise, implication forte dans la vie personnelle, etc, les réponses des salariés sont très variées, mais je rejoins l'auteur sur le fait que la précarisation généralisée, les privatisations, l'individualisme, la crainte du chômage et du déclassement ont beaucoup limité les stratégies COLLECTIVES de révolte et de changement

ah si une petite critique encore, bien que j'aie beaucoup apprécié ce livre globalement : dans l'analyse des raisons qui font que les salariés supportent parfois ce type de management
je ne pense pas, fondamentalement, que les raisons évoquées suffisent
l'auteur évoque :
1) la soif de pouvoir présente en chacun de nous, le narcissisme
raison bien réelle certes, mais qui ne concerne pas tout le monde ...
2) le fait que les chefs et managers s'entourent toujours de courtisans, eh oui, on n'a rien inventé depuis le Roi-Soleil (ah si, des sigles, des normes, des méthodes de management bizarres, et les logiciels de reporting ... comment aurais-je pu l'oublier)
3) le fait que parfois, les managers prennent un peu en compte le mal-être des salariés

je pense tout de même qu'au-delà de ces 3 raisons, il y a une majorité de gens qui aiment le travail en général, leur travail en particulier, et qui ont le bon sens de garder leur savoir-faire, et de garder "le goût du travail bien fait", pour d'autres cela peut être le "sens du service" et un côté relationnel développé
(raison, il me semble, plus souvent évoquée dans l'ouvrage de Bernard Maris "Anti-manuel d'économie")

enfin dans un contexte de crise économique prolongée, la volonté de travailler le plus souvent et le plus longtemps possible, peut nous faire accepter des choses qu'on trouverait inacceptables dans un contexte de prospérité économique ... restons toutefois vigilants et critiques

le regard porté sur les mutations subies lors de la dernière décennie par "LP" est très pertinent aussi, on aurait sans doute pu écrire des choses similaires sur d'autres entités, par exemple "FT" ... les privatisations se font souvent dans la douleur et par la force en France, le dialogue social est très pauvre, cela reste à méditer !

un ouvrage que je vous conseille vivement
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Analyse de la rhétorique managériale de douze entreprises : ou comment les dirigeants créent une communauté de langage (2010-2011)

Le travail qui suit, réalisé sur deux années avec les étudiants de Master 2 professionnel responsable formation insertion, porte sur douze entreprises publiques et privées, de différents secteurs (...) Il permet de faire apparaître le vocabulaire à la mode, commun à toutes ces entreprises, qui représente en quelque sorte la novlangue d'entreprise.
Comme le note Marie-Anne Dujarier, "le niveau de généralité et d'abstraction est tel que les discours semblent pouvoir concerner n'importe quel organisation, métier et activité ...Il est ardu de construire une opposition face à un parler éthéré, constitué de mots sans consistance ni contraire.
Comment contester ou s'opposer à la "modernisation" ? à la "qualité" ? à la "transparence" ? A la "transversalité", à la "satisfaction" ? Et à tous les anglicismes intraduisibles ou acronymes dont le sens est perdu ?"

Je ne fais pas ici un travail de linguiste car je n'en ai pas les compétences mais me contente de faire apparaître le travail de synthèse réalisé avec les étudiants.

Des substantifs percutants :
Les substantifs les plus fréquemment trouvés sont :
confiance, performance, compétence, transparence
satisfaction, adaptation, innovation, mutualisation, implication, ambition, modernisation
écoute, partage, succès, réussite, audace, qualité, responsabilité, développement, engagement, défi.

(...) Des adjectifs au service des substantifs :
Les adjectifs récurrents sont :
considérable, fier, formidable, majeur, exceptionnel, meilleur, continu, global, total, solide.

Les adjectifs choisis par les dirigeants renforcent les substantifs percutants, "la qualité sera ainsi totale", "la réussite exceptionnelle", 'le défi majeur" ...

Des adverbes de renforcement contraignants, les plus utilisés sont :
pleinement, toujours, exceptionnellement, extrêmement, sincèrement.
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La nouvelle mouture de la méthode de management : "Carré d'As V2"

Face à ce niveau d'exigence de "Carré d'As", et à son manque d'adaptation, son irréalisme est flagrant. Cela aurait été trop simple pour les dirigeants (...) de le reconnaitre.
Montrer ses erreurs et les admettre n'est pas de mise dans l'entreprise d'aujourd'hui. Ces dirigeants usent donc d'un subterfuge pour faire évoluer la méthode sans se remettre en cause.

La validation de nouveaux choix par une enquête

Face au malaise des managers et des commerciaux (...) les dirigeants (...) commanditent une nouvelle fois une enquête à un cabinet de consultants, appelée "Pour Agir". Cette enquête est adressée aux commerciaux, les managers pourtant concernés ne sont pas destinataires !

Comme nous l'indique le document restituant l'enquête : "près de 30% des commerciaux ont répondu au questionnaire", ce qui est faible pour une enquête interne.

Dans les commentaires sur les résultats, comme l'on pouvait s'y attendre, les commerciaux "souhaitent massivement un management sur mesure" et nous précise l'enquête "plus les commerciaux sont âgés dans le métier et moins ils ont tendance à estimer l'apport de leur manager. Plus ils sont jeunes dans le métier et plus leur regard sur l'apport de leur manager est positif."

Fallait-il mener une étude payée fort cher à un consultant pour aboutir à ces résultats évidents ?
Cette enquête n'est qu'un prétexte pour faire évoluer la méthode qui se révèle trop lourde.
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Dans beaucoup de métiers, peu à peu, l'essentiel du travail devient la saisie de tableaux. Par une augmentation de ce reporting, les responsables en oublient même parfois le coeur de l'activité qui pour un conseiller mobilité est de rencontrer des salariés et pour un commercial ses clients.
Cette multiplication du reporting constitue à mon avis, l'une des causes du mal-être au travail des salariés.
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Le management des boutiquiers : salariés "en transition" , d'une logique service public vers une logique marchande

Par un travail de terrain poussé dans une agence, Fabienne Hanique analyse le passage dans les années 2000, d'une logique de service public à une logique marchande à La Boutique LP.
Elle explique la mise en place d'exigences commerciales et montre "l'augmentation brutale des objectifs de vente" suite à la restructuration de l'agence.
Elle décrit avec perspicacité les débuts de formalisation des outils d'accueil des clients notamment par l'introduction d'une méthode standard intitulée "BRASMA" (note : bonjour regard attention sourire merci au revoir) et analyse la création de "visiteurs mystère" chargés entre autres de vérifier l'accueil dans les agences et l'application par les boutiquiers de cette méthode.
Elle explique enfin comment les responsables justifient ces modifications au nom de la toute-puissance des clients.

Dix ans après, ce phénomène s'accélère. Le management des boutiquiers évolue encore pour se rapprocher de celui des commerciaux. D'ailleurs des méthodes de vente et de management leur sont désormais appliquées.

Le renforcement des normes

La méthode de vente : "7 Gagnants boutiquiers"

Lors de la mise en place de la méthode de vente pour les commerciaux, le cabinet de consultants à son origine en propose une autre pour les boutiquiers, comprenant aussi 7 étapes. Il s'agit en fait d'harmoniser les deux méthodes et surtout de garder l'expression "7 Gagnants" montrant ainsi dans les deux cas que le respect de cette méthode est gage de réussite.

La méthode "7 Gagnants boutiquiers" reprend le "BRASMA" précédemment mis en place et introduit au niveau de la prise en charge du client un questionnement, le "OQQVF" (note : où quand quoi valeur fréquence).
Il s'agit quelle que soit la demande du client de le questionner de façon identique. (...)

Cette approche commerciale peut heurter certains boutiquiers notamment les plus âgés qui recrutés à une époque où LP leur demande de répondre aux besoins de l'usager se voient transformés en véritables commerciaux.

Ainsi comme le notait déjà Fabienne Hanique dans son étude :
"L'opération ... de base, en réponse au besoin qui a conduit l'usager dans une agence, devient le prétexte, l'accroche d'une opération commerciale que le "boutiquier modernisé" doit tenter le plus souvent possible"...
Il ne s'agit plus de contribuer à ce lien civil ou de faire preuve d'un acte de solidarité mais de séduire pour vendre."
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Conclusion de la première partie

Pourquoi autant de ressemblances, tant au niveau des thématiques abordées que des éléments de rhétorique dans ces documents institutionnels et notamment les journaux internes ? Je suggère trois explications.

La première me semble provenir des consultants qui, oeuvrant maintenant dans toutes structures qu'elles soient publiques ou privées, véhiculent une langue commune. Relayant la rhétorique des ouvrages managériaux des années 80, ceux-ci transmettent ce discours "pré-mâché" repris ensuite par les dirigeants d'entreprise ou des administrations.

La deuxième raison me semble provenir du fait que tous ces supports institutionnels (journaux internes, plaquettes ...) sont pour la plupart du temps réalisés par des agences qui travaillent pour tout type d'organisations : administrations, entreprises publiques ou privées. (...)

La dernière explication enfin, me semble venir de l'existence dans toutes les grandes organisations depuis les années 80-90 de services de communication internes de plus en plus structurés concourant à harmoniser le langage et à faire que tout se ressemble.

De ce fait, les ressorts de ce discours managérial sont donc toujours les mêmes, "Ca dégouline de positif" (note de bas de page : citation de "L'Open Space m'a tuer", Paris, Le Livre de Poche 2008, p.92),
le changement y est toujours présenté comme très favorable et ne se discutant pas. Aucune part n'est laissée au doute ni à la critique.
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Vidéo Dailymotion, Michel Feynie présente son nouvel ouvrage "Le "As If" Management" à la librairie Mollat (Bordeaux)
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