Magali le Maître est une femme tout à fait charmante, que j'ai eu le plaisir de rencontrer au récent salon du polar de Dainville. Très souriante et accessible, nous avons bien sûr évoqué son second roman, mais aussi le devenir de sa maison d'édition, Fleur Sauvage, récemment sauvée par le plan Ulule.
Avec un titre comme
le bal de ses nuits, et ayant eu droit à cette intrigante dédicace,
"Vous dansiez ?
Et bien mourez maintenant !
Bonne valse macabre."
je m'attendais à un livre proche de "
On achève bien les chevaux", le chef d'oeuvre d'
Horace Mc Coy. Mais non, rien à voir avec un marathon dansant, la valse dont il est ici question est bien différente.
Un petit mot également sur l'illustration de Bertrand Binois, tout aussi réussie que la précédente (
Quelqu'un comme elle ) et qui a d'ailleurs obtenu le prix de la plus belle couverture de polar 2017 au festival du roman policier d'Osny qui a eu lieu le 20 janvier dernier.
Cette main aux quatre doigts arrachés fait à mon avis référence à l'expression "Etre unis comme les cinq doigts de la main".
Sauf que le groupe d'amis dont il va être ici question, cinq femmes et cinq hommes qui se sont rencontrés sur le site internet S.O.S. ( Si On Sortait ), va avoir tendance à éclater.
Voire à mourir, comme l'indique le doigt cloué.
A la demande de son éditeur,
Magali le Maître a donc repris les deux principaux enquêteurs de son premier roman.
L'histoire se déroule cette fois quasiment exclusivement dans le Nord de la France ( Lille, Marquette, Marcq-en-Baroeul ... ) et le capitaine Benoît Demazure sera cette fois davantage témoin qu'investigateur.
En effet, il fréquente depuis quelques mois Magdalena, l'une des dix amies du groupe SOS, auquel appartient tant la première victime que le probable meurtrier, ce qui l'exclue des investigations.
Quant à son ami Laurent Pujadas, le policier catalan, il viendra tardivement épauler son ami et essayer de résoudre l'énigme avec lui.
"Quitte à être envahi de nordistes, autant que je monte à Lille et que je me rende utile ! Je trouve les 59 nettement plus sympathiques lorsqu'ils sirotent une bière sur la Grand'Place plutôt que sur mes plages !"
L'enquête policière en elle-même n'a de toute façon qu'un maigre rôle à jouer puisque cette fois, nous sommes sans ambiguïté dans un thriller psychologique. le roman s'intéresse davantage au vécu et aux ressentis de chacun, aux secrets de cette bande d'amis qui ne tarderont pas à se rendre compte à quel point ce qui les lie est superficiel, que participer aux mêmes soirées costumées ne contribue pas à nouer des liens profonds.
"Ces consommateurs de loisirs ne se fréquentaient que pour oublier ensemble leur triste quotidien de trentenaires ratés."
A croire que les petits meurtres entre amis ne favorisent pas toujours la bonne entente au sein d'un groupe.
Roman en deux parties, la première s'intitule "L'inaccessible" et évoque les liens qui rapprochent ou opposent les dix amis, jusqu'à ce que le premier de ces
dix petits nègres ( l'hommage à
Agatha Christie est clairement énoncé ) tombe, puis un second.
Parmi eux, le lecteur sait qu'il y a un intrus. Quelqu'un qui a rejoint le groupe de façon totalement intéressée. Qui est fasciné par une femme qu'il a reconnue à la télévision, apparemment un amour d'adolescent obsessionnel et à sens unique.
Mais qui est-il ? Quel est le lien avec les assassinats ? Et quelle est cette femme qui provoque chez lui une telle psychose ?
"Depuis un bon quart d'heure, il fixait son ange, irradiant de son aura naturel au milieu des autres nanas, toutes plus insipides les unes que les autres."
Au terme de cette première partie très rapide, la majorité de ces questions aura été résolue.
Mais Magali le Maître nous gratifie alors du second effet kiss cool, et dans la seconde partie, "L'insoutenable", toute l'histoire est reprise de zéro sous un angle nouveau.
Et force m'est d'avouer que cette fois-ci, elle m'a bien eu !
Les retournements de situation sont difficiles à anticiper, et cette fois
Magali le Maître a su oeuvrer pour bien manipuler son lecteur.
La manipulation est d'ailleurs l'un des maîtres-mots du roman, le tout étant de savoir qui joue avec qui.
Avec des thèmes comme la famille, la jalousie, la vengeance, la passion obsessionnelle, l'auteure a réussi à tenir son lecteur en haleine tout au long des 190 pages que compte le thriller. Et si son but est principalement de divertir, difficile de ne pas songer à la signification exacte de l'amitié lorsqu'on voit ce petit groupe se disloquer, s'épier et se menacer avec un certain plaisir coupable.
Le principal défaut que j'ai trouvé à ce page-turner, c'est à nouveau son trop grand nombre de personnages. Il faut très rapidement se familiariser avec les dix amis et leurs neuf enfants, sans compter que la majorité d'entre eux se fait appeler différemment. Kim par exemple est en réalité Catherine
Lauzier. Magdalena se fait aussi bien appeler Madeleine ou Lena. Au début de l'histoire il est extrèmement difficile de retenir qui est qui, et donc de se souvenir quels liens partagent les personnages. Certains sont en couple ou l'ont été, d'autres se méprisent, et le lecteur peut avoir l'impression d'être submergé puisqu'il ignore quels détails auront une importance par la suite.
Heureusement, cette impression s'estompe rapidement, le temps de se familiariser avec les protagonistes les plus importants.
Comme dans son précédent roman les références littéraires, cinématographiques et surtout musicales ( Daho, Rolling Stones, Muse, Stromae ... ) abondent, qu'elles soient ou non contemporaines.
Ce n'est ni le roman du siècle ni même le thriller de l'année ( mais c'est quand même LA couverture des polars 2017 ), mais c'est un petit roman bien fichu qui devrait faire passer un bon moment à tous les amateurs du genre, idéal pour quelques heures de détente bien méritées.
Quant à moi, je répondrai présent quand sortira le prochain
Magali le Maître, d'autant plus qu'elle semble se bonifier avec le temps.