La rentrée littéraire, c'est comme un second Noël dans l'année pour l'amoureux(se) des livres et des (bonnes) lectures / découvertes.
Il y a les grands pontes et les autres.
Parlons un peu , justement, des autres aujourd'hui avec un petit ouvrage publié aux éditions La contre allée :
le dernier des juges. Il est petit par la taille (format étroit) et par l'épaisseur (seulement 45 pages), mais il est prometteur car riche en théorie sur le fond. Voilà qui n'est pas pour me déplaire car même si les "pavés" ne me font pas peur, je n'ai rien contre des récits plus denses.
En réalité, il s'agit d'un entretien entre le juge
Roberto Scarpinato et l'auteur de ce livre,
Anna Rizzello. Il date de décembre 2010.
On est donc dans le monde réel. La fiction n'a pas sa place ici pour une fois.
Ce n'est pas une vision de carte postale de l'Italie qu'on va nous donner. Ce serait plutôt tout le contraire. On parlera de corruption, de meurtres, de faits divers macabres, d'énigmes, de la mafia, de pouvoir etc. On va évoquer des problèmes graves, lourds de sens et qui ont un impact même chez nous car cela se passe en Europe, au sein même de l'Union Européenne et que fermer les yeux est tout simplement illusoire.
Si comme moi, vous avez toutefois un peu de mal à resituer qui est
Roberto Scarpinato, ne vous en faites pas, vous trouverez une mini biographie au tout début de ce livre.
On vous présentera aussi brièvement l'auteur, celle qui recueillera ces propos :
Anna Rizzello.
Le juge commence par évoquer sa vocation. Peu conventionnelle, mais très logique tout comme son engagement. On entre dans un autre système de pensées, celui des Italiens.
Le juge a une idée très arrêtée sur les causes de l'anomalie italienne comme il nomme certains particularismes de nos voisins transalpins. Une vision historique qui n'est pas sans arguments forts. On sent que ce juge possède une culture solide et pas seulement en matière de droit.
Vient ensuite l'évocation de Palerme. Dans la bouche du magistrat, cette cité devient une entité vivante, dotée d'une âme propre. Celle-ci vous oblige à vous faire face. Les choix seront / sont limités. Il n'y a pas vraiment d'échappatoire, il faut choisir son camp.
La religion catholique forte en Italie est immanquablement évoquée. Cela peut nous paraitre un peu surprenant ou déplacé pour nous Français qui vivons dans un pays où l'Eglise et l'Etat sont clairement séparés depuis 1905. Cependant, le juge
Roberto Scarpinato ne peut écarter la religion de son mode de pensée car elle régie aussi celle de des compatriotes et celles de ceux contre qui il a décidé un jour de de battre. Il nous offre une vision plus complète de son pays, de sa façon de concevoir et de percevoir les éléments.
Surtout que le message est trop souvent faussé.
Le juge
Roberto Scarpinato reste très lucide. Même s'il souffre d'une perte de normalité (il vit depuis 20 ans sous escorte rapprochée et n'a donc plus une vie quotidienne comme tout le monde), il n'est pas le moins du monde déconnecté de la réalité. Il se doit de montrer l'exemple d'après lui et cette quête de perfection dans la mission qu'il s'est assigné force mon admiration. Sa volonté transparait dans ses propos. Il m'apparait comme un homme d'honneur, de parole, dévoué corps et âme à son métier, au droit. Pour un peu, je dirai qu'il y a un coté désuet dans ce dévouement. Je pourrais presque l'imaginer en tant que chevalier redresseur de tords.
L'entretien vient ensuite se poser sur une question concernant la politique et l'organisation de la justice en France. Ahhh ce besoin de comparer, de savoir si c'est mieux ici, là ou encore là-haut.
Une pointe de chauvinisme, pour mieux attirer le regard. Et ça fonctionne car en employant enfin un langage europeeanophile, les petites frictions seront atténuées. le juge concède également que le système italien n'est pas sans faille. La perfection n'est pas encore de ce monde.
Pour s'en approcher, il serait nécessaire de disposer d'une législation anti-mafia au niveau européen.
Et puis d'avoir également une vision très large du problème, de s'attacher au savoir qui est la base de tout.
Un petit livre de par le nombre de pages, mais riche. Les pavés n'ont pas l'apanage de la qualité.
Il n'est pas très intéressant de le noter sur la forme ( il s'agit d'un entretien rapporté et non pas d'un ouvrage dit classique). Cependant la traduction me semble bien faite (pas de non sens comme parfois on peut en relever). le texte est excellent, mais plus parce que le juge
Roberto Scarpinato est un homme d'une culture rare. Ses propos sont denses, toujours justes et réfléchis. Sa vision n'est pas banale et me plait assez car elle englobe tout, même des composantes auxquelles on aurait pu ne pas penser.
J'ai maintenant une vision différente de la problématique mafieuse. Jusqu'à présent elle était très limitée, stéréotypée, en bref quasiment nulle ! Je suis curieuse de découvrir l'ouvrage du juge si je le trouve un jour : le retour du prince (disponible en 2012, toujours aux éditions de la contre allée). Je pense qu'après avoir lu "Le dernier juge", on est plus à même d'appréhender cette lecture de manière plus complète.
A lire donc car on est tous concerné quoiqu'on puisse en penser car la mafia est tentaculaire et possède des ramifications même là où on ne le soupçonnerait jamais. Ce n'est pas pour faire peur que j'écris ça, mais juste parce que c'est vrai, hélas.
Le petit texte signé de la main de la photographe (couverture de l'ouvrage) et qui clôt ce livre est ultra court, mais reste émouvant. Il a su me toucher aussi par sa simplicité et sa spontanéité. C'est vraiment une excellent idée de l'avoir inclus.
La relève est assurée.
Lien :
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