Un monde d'après qui est plein d'un monde d'avant, monde du temps des tribus, plus ou moins imaginé, un monde où passe le parfum du post-exotisme et de Volodine, mais aussi un monde discipliné et guerrier où s'insinue tendresse, dans l'attention avec laquelle la narratrice rend vie à ses soeurs, nées du pétrissage de la terre, dans les rêves qui ne sont pas cauchemars, dans la souplesse de certaines phrases, dans la grâce que prend souvent le souvenir puisque c'est un monde passé, d'avant la défaite.
La règle énoncé, la société décrite, les légendes fondatrices, et puis, en italique, le désarroi ou la réflexion intérieure, comme, et c'est presque le contraire, pour certains chapitres, les textes fondateurs, ceux que les femmes de la terre se récitaient le soir, au «babil», pour qu'ils se transmettent dans ce monde où l'écriture est interdite (passages en italique qui sont, en fait, et c'est une réussite, des citations qui s'insèrent là)
Le côté sombre, ce qui était sous cette fraternité proclamée, la cruauté, qui apparaissent peu à peu. Et la fin.
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La Muette conservait tous les pépins de pommes, noyaux de vie et cadavres comestibles. Elle ne les mangeait pas comme nous toutes, mais les enfournait dans ses oreillers de plumes. Mamika seule devait connaître l’origine d’une telle habitude, elle nous répétait que sa protégée savait faire pousser ses rêves.
Les femmes ont trouvé le moyen de créer des êtres, déjà femmes, déjà adultes, à partir de boue, d’épices, d’écorces, de végétaux, de fruits, et à l’aide d’incantations. Ces mixtures donnent à chaque fois, sauf erreur fâcheuse, une guerrière prête à manier les armes et à combattre, pour la préservation de notre clan, contre les hommes.
C’est franchement étrange. Je suis partagée entre le désir de comprendre et celui de rester dans le noir, d’encourager ma cécité naissante, de faire des gribouillis sur les murs de notre caverne de fortune. Trop tard, car Morphale me raconte…
Petite Sœur, rongée de l’intérieur, tu n’as pas la présence d’esprit pour le remplir de ton œil, Petite Sœur, tu te répètes les phrases rituelles prononcées par Barika, Petite Sœur, tu adores les mères fondatrices.
C’était décidé, non à la guerre, oui à la rencontre. Assez. Elle serait rassasiée. Offrirait avec plaisir sa canicule curieuse. Connaîtrait l’Homme. Connaîtrait la Femme. Renierait le sol. Accueillerait le ciel.