Après avoir publié deux ouvrages sur la figure de
Marie Madeleine, la théologienne
Sylvaine Landrivon revient à Béthanie et nous emmène avec elle pour confronter le texte évangélique à nos idées reçues et nos habitudes institutionnelles. Il s'agit d'analyser la portée christologique et ecclésiologique de ce qui se joue dans la maison de Marthe, Marie et Lazare, ces amis si proches de Jésus.
Mais aussi d'éclairer sous un jour nouveau l'une des figures qui compose le personnage de
Marie Madeleine, Marie de Béthanie, mais aussi sa soeur Marthe, injustement oubliée.
Assimilée par la tradition catholique au personnage de
Marie Madeleine, Marie de Béthanie a été plus récemment distinguée de Marie de Magdala, notamment par les travaux de théologiennes féministes, dont
Sylvaine Landrivon dans ses précédents ouvrages. Mais cette distinction et la mise en avant exclusive de la Magdaléenne posent des problèmes d'interprétation.
Comme le souligne
Christine Pedotti dans son livre
Jésus, l'homme qui préférait les femmes : la réhabilitation de Marie de Magdala laisse de côté cette autre grande disciple qui apparaît de façon particulièrement avantageuse dans les évangiles avant de disparaître totalement. Pourquoi ?
Les leçons de Béthanie propose une hypothèse fondée sur un détail texte grec, qui permet de repenser le conflit entre les Marie.
Sylvaine Landrivon note effectivement que pour qualifier Marie de Magdala, l'évangéliste utilise “è” traduit par “de”. Or ce terme ne renvoie pas à une appartenance géographique (on utiliserait “apo”).
Marie est dite “Madgala” comme Simon est dit “Pierre” ou Jean “Baptiste”. Il s'agit d'une caractéristique liée à leurs personnalités, vocations, rôles.
Par ailleurs,
Sylvaine Landrivon souligne que l'existence d'un village ou d'une ville qui s'appellerait Magdala n'est pas avérée (p.89).
Elle pose donc l'hypothèse que Marie, soeur de Marthe et Lazare, résidant à Béthanie, dont la maison est si familière à Jésus, soit celle qui est qualifiée de “Magdala”pour rendre honneur à sa qualité de veilleuse (p. 92).
La proximité géographique de Béthanie avec Jérusalem, le rôle de la fratrie dans les événements accélérant la Passion, la nature de leurs liens, rendent logique la présence de Marie de Béthanie lors des événements de la crucifixion et de la résurrection, ce qui renforce cette hypothèse.
Éclairée sous ce nouveau jour, Marie, ainsi que sa soeur Marthe, et les relations très fortes qui les lient à Jésus, nous projetent dans le rêve d'un nouveau modèle d'église où l'autorité et l'engagement des femmes trouveraient leur juste place. Ce qui n'est pas étonnant de la part de
Sylvaine Landrivon, féministe engagée, co présidente du Comité de la Jupe, association qui milite pour l'égalité entre hommes et femmes dans l'
Eglise Catholique.
S'il n'est pas toujours facile à lire, cet ouvrage stimulant et exigeant est marquant par sa grande rigueur intellectuelle, la richesse de ses références et de son érudition, la générosité et l'audace de sa pensée. Une référence pour ceux qui s'intéressent au personnage de
Marie Madeleine, à la relation entre Jésus et les femmes, à la place des femmes dans l'Eglise.