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EAN : 9782081220607
210 pages
Flammarion (24/11/2008)
3.33/5   3 notes
Résumé :
"Il y a dans l'art une évolution interne de la forme. Quelques méritoires que soient les efforts pour mettre l'incessant changement des formes en rapport avec les conditions changeantes du monde ambiant, et si indispensables que soient le caractère humain d'un artiste et la structure sociale et mentale d'une époque pour expliquer la physionomie d'une oeuvre d'art, il ne faut tout de même pas oublier que, selon les possibilités les plus générales, l'art ou, pour mieu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
L'exposé des fondamentaux du formalisme est un tantinet rébarbatif. J'ai d'ailleurs lâché au départ cette partie théorique ["Sur l'évolution de la forme", "Pro Domo" (1920) et "Principes fondamentaux une révision" (1933)], puis j'y suis revenue après avoir lu : "Une histoire critique de l'art". Pour comprendre Wölfflin il m'a fallu d'abord approcher les oeuvres qu'il évoque en dernière partie du livre. Car le propos de ces Réflexions sur l'Art est sans doute de montrer explicitement comment parlent ces oeuvres quand elles sont insérées dans le cadre conceptuel du formalisme qu'il a théorisé au début du XXè siècle. Parmi ses principaux ouvrages "L'Art classique : initiation au génie de la Renaissance italienne" paru en 1899, "Die kunst Albrecht Dürers" paru en 1905 et « Principes fondamentaux de l’histoire de l’art » paru en 1915, sont tous évoqués abondamment dans le livre. Deux courants dominent largement l'histoire de l'art au XIXè, l'historicisme et le déterminisme (voir "Philosophie de l'art", 1865, Taine). Wölfflin, né en 1864 en Suisse, héritier d'une tradition classique devient, par ses travaux, le grand "formaliste" de son temps.

Ce livre, écrit en 1941 (Wölfflin a 77 ans), devrait intéresser tous ceux que l’histoire de l’art passionne. Une manière pour l'auteur de revenir sur ses années de recherches et d’études, d'enseignement à Bâle, Berlin ou Munich, réajustant au passage ses positions tout en répondant aux critiques les plus vives qui lui ont été adressées tout au long de sa carrière. On ne s’ennuie pas une seconde finalement. Le texte est organisé en plusieurs parties, reprises de publications ou conférences, ajouts et précisions, dont les thèmes gravitent autour du concept de forme, du classicisme italien et s'articulent autour des problématiques liées aux oeuvres elles-mêmes, essentiellement leur interprétation mais aussi leurs caractères nationaux ("L'Architecture de la Renaissance allemande" et "L'Italie et le sentiment germanique de la forme"). On peut passer d'une partie à l'autre, sans difficulté, selon l’humeur ou l'intérêt porté à un sujet, le dernier chapitre est consacré à Jacob Burckhardt, titulaire de la chaire d'histoire de l'art à Bâle, à qui Wölfflin succédera.

Sous le titre "Une histoire critique de l'art", Wölfflin regroupe, dans la deuxième moitié de l'essai, un certain nombre de questions relatives aux oeuvres d'art et s'attache, en praticien, à étudier d'abord comment leur forme peut être source de connaissance mais aussi de difficultés d'interprétation. Un aspect très intéressant du livre malgré la mauvaise qualité des illustrations (internet, dieu merci, corrige cette déficience éditoriale). La représentation des oeuvres dans les livres, est d'ailleurs l'un des sujet abordé, entre autre, ici ! Très tôt sensibilisé à la reproduction par la photographie puisqu'il utilisait des diapositives en support de ses cours, il démontre exemples à l'appui, à partir d'oeuvres du XVIè et du XVIIè siècle, comment leur interprétation peut être fortement biaisée par une illustration photographique trompeuse (La sculpture italienne et sa loi de frontalité lui en fournit l'exemple, de même que la peinture à partir de tableaux de Rembrandt, Raphaël ou Dürer). Dans le cas assez fréquent de l'inversion, il souligne ici des proportions modifiées, là les lignes directionnelles de la composition contrariées, plus loin une lumière inadéquate.

Mais c'est la relativité de la réception d'une oeuvre qui soulève le plus de difficultés. Des comparaisons illicites ou des suggestions anachroniques engendrent des commentaires inappropriés ou erronés. C'est donc au-delà de la forme extérieure que Wölfflin fait également porter l'effort d'interprétation. La lecture d'une oeuvre d'art se doit de restituer avec rigueur une vision sensible de la période de sa création, loin de toute anecdote. Un peu plus loin, il se livre à un décryptage érudit et passionnant d'une oeuvre au burin de Dürer , parmi les plus connues, "Melencolia I" (1514), reprenant par le détail l'histoire de ses innombrables interprétations, depuis Vasari ! Ses conclusions d'ailleurs en appelleront bien d'autres, comme celles de Panofsky, plus récemment, qui font depuis autorité. Sa démarche me semble davantage relever d’une intention méthodologique au service d'une connaissance objective des œuvres, que d'une volonté de soumettre l’histoire de l’art à un protocole conceptuel rigide.

Pour ce qui est de la partie théorique, elle est exposée dans la première partie du livre. L'analyse formelle de Wölfflin donne le primat à l'examen des oeuvres, approche qui le conduit à penser la forme figurée en tant que telle et non plus comme le "simple écho du monde extérieur". C'est grâce à ses travaux sur le classicisme italien et sur "La Renaissance et le Baroque" (1888), qu'il met en avant par la suite un double visage de la forme (intérieure et extérieure, prenant pour image le vase et son contenu ; formulation qu’il révisera aussi face à ceux qui l’accusent de vouloir en finir avec l’unité de l’oeuvre) et ajoute qu'il existe une "succession des grandes possibilités formelles" selon un principe d'évolution autonome, valable pour ces deux périodes et déjà admis pour définir celui des styles en architecture. Consacré comme l’un des grands « formaliste » de son époque, dans son domaine, il n'a toutefois pas voulu réduire l'histoire de l'art à une seule histoire stylistique des formes visuelles. L'histoire de l'art ne peut être dissociée d'une histoire de l'expression, mais l'oeuvre d'art est révélée à partir d'elle-même, et non plus à partir de l’histoire des idées.

Wölfflin règle ici des malentendus : l'analyse formelle est accusée de sous estimer l'intention créatrice et de jeter les bases d'une "histoire de l'art sans noms propres", il répond à cette critique infondée, à ses yeux, dans "Pro Domo" et dans "Principes fondamentaux une révision", et par son exposé sur le classicisme italien complète sa pensée ; iIllustré par une oeuvre d'Arnold Böcklin (1827-1901, dont se réclameront plus tard De Chirico, ou Dali), "Ulysse et Calypso", peinte à Florence en 1883 et conservée au musée de Bâle, Wölfflin réaffirme au passage la place de l'impondérable artistique lié à l'acte créateur de l’artiste et prend à rebours ceux qui l'ont mal interprété. "Le voyage de Goethe en Italie", une conférence faite à Weimar en 1926, lui permet de souligner l'intérêt du poète pour la forme artistique classique et d'observer des convergences avec un autre artiste allemand illustre, qui fit également un voyage en Italie au même âge, Dürer.

Cet essai est donc non seulement le réceptacle de la démarche théorique et de la pratique de l'analyse formelle telle que la conçoit Wölfflin, mais surtout, l'endroit où il souhaite montrer que son approche est tout sauf dogmatique.













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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Il semble aller de soi que l'on doit voir et interpréter les oeuvres d'art selon leur sens originel, mais l'examen montre toujours qu'il est plus facile de formuler cette exigence que de la réaliser. Nous succombons sans cesse à la tentation de juger au nom du goût de notre époque et d'interpréter les figurations anciennes à partir de notre façon de voir la figuration.
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