Ce tome fait suite à Son of Superman (épisodes Rebirth, 1 à 6) qu'il vaut mieux avoir lu avant pour comprendre de quelle version de Superman il s'agit. Il comprend les épisodes 7 à 13, initialement parus en 2016/2017, tous coécrits par
Peter Tomasi &
Patrick Gleason.
Épisode 7 (dessins et encrage de
Jorge Jimenez, mise en couleurs de Alejandro Sanchez) - Après avoir aidé Flash à Central City, puis Batman à Gotham, Wonder Woman à Londres et Aquaman dans le Pacifique Sud, Clark Kent emmène son fils et sa femme à la fête foraine d'Hamilton County. Épisodes 8 & 9 (dessins de
Doug Mahnke, encrage de Jamie Mendoza et
Trevor Scott, mise en couleurs de Will Quintana) - Alors que Jon travaille sur son projet de science dans la Forteresse de Solitude, surveillé par son père, ils se retrouvent transportés sur une mystérieuse île avec des dinosaures et un soldat américain.
Épisodes 10 & 11 (dessins de
Patrick Gleason, encrage de
Mick Gray aidé par
Mark Morales &
Christian Alamy, mise en couleurs de
John Kalisz) - Jon Kent et Kathy Branden progressent dans les couloirs de leur établissement scolaire, quand Jon percute Maya Ducard. Plus tard sur le chemin du retour, il laisse Kathy rentrer chez elle, et décide d'aller examiner une maison hantée non loin de là. Cela va l'amener à devoir faire équipe, contraint et forcé, avec Robin (Damian Wayne). Les 2 pères surveillent leurs rejetons de loin. Épisodes 12 & 13 (dessins de
Doug Mahnke, encrage de Jamie Mendoza et
Christian Alamy,
Keith Champagne et
Norm Rapmund, mise en couleurs de Will Quintana) - Lois Lane se rend à son rendez-vous avec Candice, la rédactrice en chef du journal local d'Hamilton County. Alors qu'elles sont en train de parler boulot dans son bureau, surgit le monstre de Frankenstein bien décidé à tuer Candice. Grâce à la ressource de Lois Lane, elles parviennent à lui échapper en barbottant le véhicule de Frankenstein. Superman arrive rapidement à leur rescousse et s'interpose entre elles et le monstre.
Le premier tome de la série (réalisé par la même équipe de coscénaristes) avait séduit le lecteur par sa capacité à mettre en scène l'amour que Lois et Kent portent à leur fils, avec des complications superhéroïques, à commencer par le fait que Jon ne maîtrise pas bien ses pouvoirs. le lecteur s'attend donc à découvrir une suite d'aventures du même acabit, car il apparaît que les gros événements (ceux qui comptent dans la continuité) surviennent plutôt dans la série Action Comics écrite par
Dan Jurgens. le premier épisode correspond bien à ce principe : la famille Kent passe du bon temps à la fête foraine du coin. Les coscénaristes insèrent un peu d'action avec Superman aidant ses collègues superhéros au début, et une tentative pour voler l'argent de la caisse de la fête foraine. Tomasi & Gleason montrent Kent faisant des efforts méritoires pour ne pas passer en mode Superman et abandonner Lois et Jon. Ils montrent que Kathy Branden et sa grand-mère ont gagné le concours de la plus belle vache, avec l'une de leur troupeau. L'histoire se termine sur la grande roue, avec un feu d'artifice.
Jorge Jimenez réalise des planches en phase avec la narration : des personnages plein d'entrain, des visages jeunes, un Jon ayant vraiment l'apparence d'un enfant, et des personnes en train de s'amuser sans arrière-pensée. Les dessins présentent un bon niveau de détails, et la mise en couleurs vient rehausser l'ambiance nocturne et festive.
Après cet interlude sympathique et touchant sans être mièvre, le lecteur se demande bien quelle direction va prendre la série : uniquement parler de la relation père / fils au travers d'aventures sans conséquence, ou essayer de contribuer d'une manière incidente à la série Action Comics. L'histoire sur l'île perdue répond à la question par la première réponse. le lecteur tique un peu devant l'introduction dans la Forteresse de Solitude, comme si Jon allait pouvoir présenter un projet en classe de sciences avec une technologie extraterrestre. Ce n'est pas comme si Clark Kent faisait tout pour rester discret et vivre comme les terriens. Ce départ un peu gauche est bien vite oublié quand Jon et son père se retrouvent sur cette île. Il est possible d'y voir un hommage aux récits d'aventures de la fin du dix-neuvième siècle avec des explorateurs découvrant des territoires inconnus dans lesquels il subsiste des vestiges du passé. le lecteur familier de l'univers partagé DC reconnaît le principe de The war that time forgot, ou sa première version dans Showcase Presents 1: The War That Time Forgot (créé par
Robert Kanigher,
Ross Andru et
Mike Esposito en 1960). Quelle que soit sa familiarité avec ce principe, le lecteur constate que les auteurs réalisent une histoire autonome.
Les coscénariste dédient ces 2 épisodes à
Darwyn Cooke qui avait également utilisé cette île dans DC: The New Frontier. Mais à nouveau, ce récit tient la route sans avoir besoin de cette référence.
Doug Mahnke est totalement à l'aise pour représenter les monstres de l'île en réalisant des cases premier degré, rendant compte de la surprise de Jon & Kent se retrouvant face à un monstre inattendu. Il rend tout aussi bien compte de la majesté des paysages naturels sauvages, de la brutalité des affrontements, et de la jeunesse de Jon. Les dessins sont bien complémentés par la mise en couleurs qui ajoute des textures et qui établit les ambiances lumineuses. le lecteur se retrouve en immersion avec les personnages dans cette jungle recelant de nombreux périls, impressionné par les découvertes, épaté par le caractère grandiose des environnements, et sensible à l'empathie générée par les personnages. Gleason & Tomasi savent montrer comment Clark veille à la sécurité de Jon, sans pour autant négliger ses superpouvoirs. L'intrigue reste basique avec la nécessité de récupérer l'objet qui les a amenés là. Mais les interactions entre les personnages sonnent juste et la présence de Krypto étoffe la sensation d'une série familiale.
En découvrant la couverture de l'épisode 10, le lecteur sourit de plaisir par anticipation, à l'idée que Gleason & Tomasi aient conçu une sorte de face-à-face entre les 2 tandems père & fils, à savoir Clark & Jon, et Bruce & Damian. Effectivement, les coscénaristes tiennent leur promesse et le lecteur voit Damian et Jon se prendre le bec. Les 2 enfants disposent chacun de leur caractère et se conduisent comme des enfants, tout en souhaitant se montrer à la hauteur des attentes de leur père respectif.
Patrick Gleason dessine avec une approche plus tout public que
Doug Mahnke, des enfants plus turbulents, d'autres personnages plus vivants, avec une dramatisation plus exagérée, mais aussi plus humoristique. le lecteur se laisse donc emporter dès la première case par ces aventures décomplexées, utilisant les superpouvoirs et les personnages extraordinaires associées aux aventures de superhéros tout public.
Comme dans l'aventure précédente, les auteurs semblent disposer d'une liberté totale pour raconter leur histoire à leur manière. Ils ne sont pas astreints à conserver un ton sérieux dans leur narration ; ils peuvent la raconter sur un ton léger et amusé, irrésistible. Ils n'hésitent pas un seul instant à intégrer le dragon chauve-souris Goliath, une course-poursuite à bord d'un train, NoBody (Maya Ducard), la Batcave, etc. le lecteur retrouve son âme d'enfant, se laisse gagner par l'entrain de Damian et de Jon, par leur bonne humeur enfantine, par la collaboration contrainte entre Bruce et Clark. Gleason s'amuse avec des dessins débordant d'énergie, de détails et de sourires. le lecteur est aux anges devant cette aventure avec une forte cohérence interne, une forte personnalité narrative et un entrain communicatif. En outre, en toile de fond, il se rend compte que les coscénaristes continuent à développer le thème principal qui est celui de la relation entre Jon et Kent, et qu'il peut établir la comparaison avec la relation entre Damian et Bruce. Un petit bijou de comédie et de superhéros, Gleason ayant légitimement réalisé les dessins de ces 2 épisodes, après avoir réalisé les 2 tomes consacrés à Damian Wayne : Robin: Son of Batman.
Le sourire aux lèvres le lecteur se lance dans la dernière histoire : le retour de Frankenstein (enfin plutôt le monstre créé par le baron).
Doug Mahnke est encore en pleine forme et il retrouve un personnage qu'il avait aidé à remettre au goût du jours sur un scénario de
Grant Morrison, dans les Seven Soldiers of Victory. Il met en scène son allure rigide et vaguement mélancolique, un individu accomplissant son devoir avec une forme de résignation. Les affrontements physiques s'effectuent avec force comme il se doit dans un comics de superhéros. L'artiste et ses encreurs savent trouver le bon équilibre entre l'étrangeté habituelle des dessins de Mahnke, et la normalité des personnages humains. L'aventure s'avère amusante pour elle-même, bien que la fibre relative au développement de la relation entre Jon Kent et ses parents soit moins prégnante. le lecteur retrouve cette liberté de ton très particulière de la série, présente dans les épisodes précédents, avec des dessins disposant d'une réelle personnalité graphique.
Ce deuxième tome de cette série s'avère beaucoup plus réussi que le premier.
Patrick Gleason et
Peter Tomasi profitent de l'indépendance de leur série d'avec celle Action Comics, de l'absence de nécessité de participer à la continuité en vigueur pour raconter ce qui les intéresse, et à leur manière. Ils bénéficient d'excellents artistes qui visiblement prennent plaisir à dessiner leurs épisodes : la fête foraine pour
Jorge Jimenez, les dinosaures et le monstre de Frankenstein pour
Doug Mahnke, et Superboy & Robin pour
Patrick Gleason. le lecteur se retrouve emporté dès la première page de chaque épisode dans des aventures inventives et pleine d'entrain, les créateurs tirant le meilleur parti possible de leur liberté d'action.