Élégie des lieux communs, 19
pour Claire
𝐸̂𝑡𝑟𝑒 𝑎𝑣𝑒𝑐 𝑑𝑒𝑠 𝑔𝑒𝑛𝑠 𝑞𝑢’𝑜𝑛 𝑎𝑖𝑚𝑒 𝑐𝑒𝑙𝑎 𝑠𝑢𝑓𝑓𝑖𝑡 : 𝑙𝑒𝑢𝑟 𝑝𝑎𝑟𝑙𝑒𝑟, 𝑛𝑒 𝑙𝑒𝑢𝑟 𝑝𝑎𝑟𝑙𝑒𝑟 𝑝𝑜𝑖𝑛𝑡, 𝑝𝑒𝑛𝑠𝑒𝑟 𝑎̀ 𝑒𝑢𝑥, 𝑝𝑒𝑛𝑠𝑒𝑟 𝑎̀ 𝑑𝑒𝑠 𝑐ℎ𝑜𝑠𝑒𝑠 𝑝𝑙𝑢𝑠 𝑖𝑛𝑑𝑖𝑓𝑓𝑒́𝑟𝑒𝑛𝑡𝑒𝑠, 𝑚𝑎𝑖𝑠 𝑎𝑢𝑝𝑟𝑒̀𝑠 𝑑’𝑒𝑢𝑥, 𝑡𝑜𝑢𝑡 𝑒𝑠𝑡 𝑒́𝑔𝑎𝑙. (La Bruyère)
Si dorment dans le vert des prairies de septembre
plus confondus tous deux que le nuage au jour
les amants leur sommeil en mélangeant leurs membres
fait sourdre dans leur sang du sol un long bruit sourd
Hommes d’après nous deux vivants d’après nos morts
vous piétinez au fond du silence et du noir
J’entends venir à moi du très loin de l’aurore
un monde où la bonté rit dans tous les miroirs
un monde qui fera les quatre volontés de l’homme
Et si vous demandez tout bas n’osant encore y croire
qui sont ces étrangers ils ignorent la haine
et pour qui cette fête chaque jour recommencée
pour qui cette clarté des lampes et qui donc a
donné aux jours cette simplicité de jour tout frais levé
et pourquoi ces rires cette musique cette gaîté du vent
enfin enfin semblable à cette fraîcheur
si longtemps imaginée si longtemps poursuivie
et si vous demandez qui sont ces hommes
à visage d’hommes vivants ces hommes habillés
de joie simple et de confiance claire
le vent vous répondra
Ils sont vous-même vous enfin très ressemblant
au visage parfait qui s’ignorait en vous
Ils sont votre espérance qui parlait au futur
et qui dit au présent l’homme ami de lui-même
Je t’aime pour hier
pour aujourd’hui
et pour demain
Quand nous serons bien morts il n’y aura plus
que le bonheur donné qui nous fera présents
à PAUL ÉLUARD
1
extrait C
Je vis de mille vies Je meurs de mille morts
Si le vent se lève soudain
fait frissonner les peupliers
longuement torrent qui s’coule
sur les cailloux blancs pommelés du ciel
le vent ne froisse que les feuilles
pelage vert et murmurant
Mais le vent qui court et parcourt
mes étendues et mes domaines
le vent n’en finit pas
d’aller et de venir
les labyrinthes du souci
et les signes d’intelligence
que le jour fait à la nuit
le sommeil sa fausse vacance
l’ennui qui nie miroir terni
la lampe éteinte de l’absence
le plaisir où je me délie
le travail où je me dépense
et l’amitié où je m’allie
le réflexion que je devance
le livre où je me relis
le poème qui se condense
dans les ténèbres à demi
de la chuchotante présence
que mon absence contredit
les vaines joies les vraies souffrances
demain qui menace aujourd’hui
je ne sais rien que la patience
qu’ont les vivants à être en vie
Je vis de mille vies Je meurs de mille morts
Paul
je ne t’ai pas revu depuis une éternité
exactement depuis le quatorze novembre
de l’an passé
Je vis de mille vies Je meurs de mille morts
Et cependant j’avance.
pp.52/53/54
/Edition GALLIMARD (01/12/1954)
Aujourd’hui nous sommes en mai mil neuf cent cinquante et un
À peine si le vent retrousse un peu la mer
fait mousser sur son bleu un coin de jupon blanc
à peine si le sang à ton front quand tu dors
compte tout doucement l’aller retour du temps
À peine si les cris des enfants sur la plage
se mélangent au flot qui chuchote ses plis
à peine si le blanc d’un tout petit nuage
éclabousse le bleu du ciel ourlé de gris
À peine si j’écris à peine si tu dors
à peine s’il fait chaud à peine si je vis
et je ferme les yeux croyant laisser dehors
tout ce qui n’est pas toi mon amour endormi
Mais pourtant
J’ai beau faire et beau dire je ne dors que d’un œil
Je parle à cœur ouvert je vis à ciel ouvert
L'autre en moi qui riait il ne riait qu'aux anges
au soleil à son chien aux cheveux fous du jour
l'autre en moi qui pleurait pleurait par déraison
le malheur d'être ailleurs l'absence pour toujours
J'ai vécu comme en rêve et j'ai rêvé ma mort
Je me suis réveillé dans les draps blancs du gel
J'ai cru n'être que là et j'ai toujours eu tort
d'être partout sans moi de me perdre au dedans
Ils disent tu es mort Tu me fais vivre encore
m'empêches d'être ailleurs et m'aides à soutenir
d'autres qu'après ma mort je maintiendrai présents
Tu me désignes ici ma place de vivant
La fenêtre fermée
...
La fenêtre fermée tournée vers son envers
donne à la nuit dedans des nouvelles du jour
et parle à la chaleur du froid qu'il fait dehors
...
CHAPITRES :
0:00 - Titre
M :
0:06 - MÉCHANCETÉ - Henry Becque
0:16 - MÉDECINE - Jean de Villemessant
0:28 - MÉDISANCE - Gabriel Hanotaux
0:39 - MÉNAGE - Claude Roy
0:51 - MODESTIE - Laurent de la Beaumelle
1:01 - MONDE - Comte de Oxenstiern
1:11 - MOQUERIE - Léon Brunschvicg
1:21 - MORT - Alphonse Rabbe
1:31 - MOT - Michel Balfour
N :
1:42 - NAISSANCE ET MORT - Alexandre Dumas
1:55 - NÉANT - Villiers de L'Isle-Adam
O :
2:07 - OISIVETÉ - Noctuel
2:21 - OPINION DES FEMMES - Suzanne Necker
2:41 - OPTIMISME - André Siegfried
P :
2:52 - PARAÎTRE - André Gide
3:02 - PARLER - Maurice Donnay
3:14 - PARLER SANS BUT - Oscar Comettant
3:26 - PAROLE - Pierre Dac
3:38 - PASSION - Comte de Saint-Simon
3:49 - PÈRE - Francis de Croisset
4:00 - PERFECTION DE LA FEMME - Alfred Daniel-Brunet
4:12 - PESSIMISME - Ernest Legouvé
4:24 - PEUPLE - Gustave le Bon
4:35 - PHILOSOPHIE - Georges Delaforest
4:49 - PLEURER - Malcolm de Chazal
4:57 - POSE - Jean Commerson
R :
5:16 - RAISON - Albert Samain
5:28 - RÉCEPTION - Fernand Vandérem
5:45 - RÉFLÉCHIR - Julien Benda
5:56 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE :
Jean Delacour, Tout l'esprit français, Paris, Albin Michel, 1974.
IMAGES D'ILLUSTRATION :
Henry Becque : https://libretheatre.fr/wp-content/uploads/2017/02/Becque_Atelier_Nadar_btv1b53123929d.jpg
Jean de Villemessant : https://www.abebooks.fr/photographies/Disdéri-Hippolyte-Villemessant-journaliste-patron-Figaro/30636144148/bd#&gid=1&pid=1
Gabriel Hanotaux : https://books.openedition.org/cths/1178
Claude Roy : https://www.gettyimages.ca/detail/news-photo/french-journalist-and-writer-claude-roy-in-1949-news-photo/121508521?language=fr
Laurent Angliviel de la Beaumelle : https://snl.no/Laurent_Angliviel_de_La_Beaumelle
Léon Brunschvicg : https://www.imec-archives.com/archives/collection/AU/FR_145875401_P117BRN
Alexandre Dumas : https://de.wikipedia.org/wiki/Alexandre_Dumas_der_Ältere#/media/Datei:Nadar_-_Alexander_Dumas_père_(1802-1870)_-_Google_Art_Project_2.jpg
Villiers de L'Isle-Adam : https://lesmemorables.fr/wp-content/uploads/2020/01/2-Villiers-jeune.jpg
Noctuel : https://prixnathankatz.com/2018/12/08/2008-benjamin-subac-dit-noctuel/
Suzanne Necker : https://www.artcurial.com/en/lot-etienne-aubry-versailles-1745-1781-portrait-de-suzanne-necker-nee-curchod-1737-1794-huile-sur#popin-active
André Siegfried : https://www.lefigaro.fr/vox/politique/2016/02/09/31001-20160209ARTFIG00272-andre-siegfried-figure-tutelaire-de-la-geographie-electorale-contemporaine.php
André Gide : https://www.ledevoir.com/lire/361780/gide-et-le-moi-ferment-du-monde
Maurice Donnay : https://www.agefotostock.com/age/en/details-photo/portrait-of-charles-maurice-donnay-1859-1945-french-playwright-drawing-by-louis-remy-sabattier-from-l-illustration-no-3382-december-21-1907/DAE-BA056553
Oscar Comettant : https://fr.wikipedia.org/wiki/Oscar_Comettant#/media/Fichier:Oscar_Comettant-1900.jpg
Pierre Dac : https://www.humanite.fr/politique/pierre-dac/presidentielle-1965-pierre-dac-une-candidature-moelle-732525
Saint-Simon : https://www.britannica.com/biography/Henri-de-Saint-Simon
Francis Wiener de
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