En exergue de son essai,
Guillemette Faure a fort justement choisi une citation d'
André Gide :
"Tout ce que tu ne sais pas donner te possède". Et il est bien vrai que nos modes de vie contemporains illustrent parfaitement l'aliénation crée par l'abondance de ces objets qui encombrent nos intérieurs en même temps que notre imaginaire.
La dictature de l'accumulation des possessions, la collectionnite aigue nourrie par les interminables déambulations en brocante de ceux qui en sont atteints, voila des faits de société qui se prêtent à l'étude sociologique...et qui font sourire le lecteur.
Qui ne se reconnaît pas à un moment ou à un autre dans l'analyse drolatique que
Guillemette Fauré livre de notre propension à tout garder, quitte à stocker à l'extérieur des appartements parisiens exigus une flopée d'objets pas forcément utiles mais que nous sommes incapables de jeter ?
Elle souligne avec justesse les effets récurrents de la pénurie qui a frappé nos ancêtres mais qui trouvent encore un écho dans un quotidien où pourtant plus rien ne manque. Elle analyse avec finesse les perversions parées des atours de l'idéologie décroissante mais aussi les nouvelles modes liées au minimalisme décoratif et aux illusions du numérique.
Même si le propos reste cohérent et plein de bon sens, certains aspects de son raisonnement ne m'ont pas convaincue, notamment la critique déguisée de "la sacralité des livres", un objet que l'on ne jette pas mais qui n'en demeure pas moins fréquemment mis au rebut si on s'en réfère aux 27 millions de livres collectés par Emmaüs ....Pour ceux qui comme moi, restent viscéralement attachés aux livres, ceux-ci conserveront toujours un statut particulier et, les efforts devraient plutôt porter sur leur diffusion en créant une irrésistible envie de lire, que sur les moyens de s'en débarrasser !
De même , il faut rappeler que l'attachement affectif peut se fixer sur des objets sans autre utilité que le souvenir dont ils sont porteurs et que le passé nous parle à travers la transmission des choses.
L'éclatement géographique et sociologique des familles qui a entrainé pour tant de nos contemporains une perte de racines et une rupture dans la continuité des traditions, n'est pas toujours source de libération et le succès exponentiel de l'objet ancien qu'il soit acquis à prix d'or chez un antiquaire ou pour quelques euros dans un vide-grenier, ne serait-il pas le moyen de se reconnecter à un passé jugé plus authentique que le présent dématérialisé?
Cet essai pose de vraies questions mais le parti pris de l'humour qui en rend la lecture agréable, me semble incompatible avec un réel approfondissement du sujet. A mon sens, il aurait été judicieux de donner une place aux ressorts psychologiques intimes , prédicteurs des comportements dénoncés. Ce choix n'a peut être pas été jugé compatible avec la nécessaire simplification d'un ouvrage destiné à un grand public, fait pour être vite lu , et qui surfe sur "la vague
Marie Kondo".
Pour conclure, ce livre plutôt sympa qui évoque l'échange avec une bonne copine, pourra peut-être décider certaines d'entre nous à cesser d'invoquer une haine vénérable du gaspillage pour enfin se décider à vider nos placards ! Attention quand même à ne pas jeter trop de vaisselle ! Garder une seconde louche n'est quand même pas tout à fait incohérent (encombrement mini- utilité maxi ); N'est ce pas Guillemette ?