J'avais acheté la trilogie (oui, les 3 tomes d'un coup) dès sa parution aux éditions France Loisir, en 2014. J'avais lu le premier tome, et… c'est tout. Je n'avais pas eu l'envie de poursuivre, même si je ne me rappelais plus pourquoi. 9 ans plus tard, décidée à faire un peu de tri dans mes étagères histoire d'épurer un peu ma collection, je les ai ressortis.
Et donc, ça donne quoi ?
Un univers original et intéressant…
L'un des souvenirs qu'il me restait de cette première lecture, c'était un univers original. Exit les rues médiévales, nous voilà plongés sur une île envahie par le sable, croulant sous la chaleur, avec une faune pas très sympathique : pumas à dents de sabres, créatures lupines rappelant des dragons, goules affamées, bestioles venimeuses… Qui a dit l'Australie ?
Et encore, on aurait pu découvrir une île encore plus inhospitalière. Généralement, quand un cycle de Fantasy tourne autour d'un Elu, l'histoire se déroule pendant sa quête. Ici, la quête est passée depuis longtemps, l'histoire nous raconte l'après, ce que je trouve plutôt intéressant et inhabituel. 9 ans avant le début de l'histoire, on apprend que Naslie, la protagoniste, littérale Elue des dieux, avait sauvé l'île de la désertification en lui accordant la pluie (c'est un peu plus compliqué que ça, mais en gros). Sauf que elle, ça ne lui a rien apporté, puisqu'elle a passé ces 9 dernières années à se cacher avec son fils, fuyant à la fois ses anciens ennemis, ses frères qui l'accusent du meurtre de son ancien mari et d'un de ses frères, et les gens en général.
Parce que le point que je trouve le plus intéressant du cycle, c'est son système de magie, ou plus précisément les règles qui le sous-tendent. Ici, les sorciers ne se voient pas servie leur magie sur un plateau d'argent. Ils doivent non seulement la demander aux dieux, mais en plus, ils doivent leur faire une offrande, et c'est la nature de cette offrande qui déterminera leur puissance. Rien à voir avec le mérite, inutile de sculpter la plus belle statuette de l'île, même l'enrouler dans du jambon ne suffira pas (on a les références qu'on a…). Il faut donner quelque chose de soi : une qualité, un défaut, des années de vie, la fertilité, la jeunesse… Bref, le choix est tout sauf anodin et induit vraiment l'idée de sacrifier quelque chose. Ce qui explique du même coup pourquoi l'île se méfie autant des sorciers. Car plus le sorcier est puissant, plus ça signifie qu'il est potentiellement dangereux, et pas uniquement en terme de puissance. Imaginez un sorcier qui se débarrasserait de son empathie ! Heureusement, à la façon du Petit Peuple dans le Folklore, les sorciers craignent mortellement l'Acier, contrebalançant leur pouvoir.
… mais des personnages unidimensionnels
Mais un roman de Fantasy, ce n'est pas seulement un univers, c'est aussi des personnages. Nous suivons donc Naslie, ancienne Elue des dieux, sorcière Mineure, et Yshem, un guerrier de l'Acier qui avait escorté l'Elue pendant sa quête, même s'ils ne se sont pas revus depuis. Jelis est né de leur union, et sa nature même est source d'inquiétude. Pensez donc, un sorcier insensible à l'Acier… Ils doivent donc non seulement protéger le gamin de l'île tout entière, mais surtout des anciens ennemis de Naslie, jaloux du choix des dieux.
Or, Naslie déteste copieusement Yshem, sans que j'aie réellement compris pourquoi. A vrai dire, elle déteste tout le monde. Quant à Yshem, malgré le temps écoulé et le peu de temps qu'il a passé avec elle, il est incapable de l'oublier et d'aller de l'avant. Premier problème, les personnages sont assez monolithiques. Naslie se méfie de tout le monde, c'est son seul trait de caractère avec son amour pour son fils, et Yshem a un orgueil démesuré, couplé à un gros forceur (on y revient). Une fois le gamin disparu et le duo réuni, ça s'engueule, ça s'insulte, ça s'accuse de tous les maux… Sur un premier tome, je veux bien, on le sait que les personnages vont évoluer. le problème, c'est que l'évolution, on ne la voit pas trop, c'est très répétitif, ça n'avance pas… jusqu'au dernier chapitre où tout est oublié, les personnages s'aiment et se pardonnent tout.. Alors, on comprend pourquoi les personnages sont écrits de cette façon, il y a une sorte de morale à la fin de l'histoire, mais bon…
En plus, au niveau de la typographie, il y a un détail qui devient très vite agaçant. Comme je l'ai dit, les personnages passent littéralement leur temps à se crier dessus, ce qui est symbolisé par une myriade de points d'exclamation et de double ponctuation ?! Sauf que quand il y en a 15 par page pendant 3 tomes, ça finit par fatiguer. Pareil que pour le point précédent, au début je pensais que ce ne serait que dans le 1er tome, que ça diminuerait petit à petit pour symboliser leur rapprochement… mais non, tout le monde crie tout le temps.
Et quand ça en crie pas, Yshem force, donc. Peu lui importent les non, les cris et les insultes de sa chère et tendre, il le sait, elle l'aime, et elle a envie de dire oui. Et la narration lui donne raison, en plus… On a aussi, curieusement, pas mal de Male Gaze. Les personnages féminins sont sexualisés, tout le temps, même quand le point de vue est situé dans la tête d'un gamin de 8 ans. Ca aussi, ça a du mal à passer aujourd'hui.
Dernier point, l'antagoniste, dont je ne révèlerai pas l'identité. Il y a un twist autour de ce personnage, un twist que je n'avais pas vu venir, et pour cause : j'ai eu l'impression que la narration trichait. Elle utilise à plusieurs reprises le point de vue de l'antagoniste, point de vue qui nous lance sur une fausse piste alors que… ben on est dans la tête de l'anta ! On devrait pas avoir cette fausse piste via ce point de vue… Quant à l'anta, même si sa caractérisation est expliquée par le sacrifice aux dieux, ça en fait un personnage pervers sadique, mais pas forcément intéressant, plus écoeurant qu'inquiétant. Perso, je n'ai pas adhéré.
Bilan
Je n'ai pas passé un désagréable moment de lecture, et je garde à l'esprit que le cycle a déjà une dizaine d'années. Malheureusement, il souffre de la comparaison avec d'autres cycles de High Fantasy, sans parler le manque de rythme, les protagonistes qui évoluent peu, et un antagoniste pas forcément intéressant.
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