"La vie, telle qu'elle se présente réellement, n'est pas un combat entre le bien et le mal, mais entre le mal et la perversité."
Les royaumes de l'Union n'ont jamais été aussi affaibli et corrompu qu'ils ne le sont aujourd'hui, la faute incombant pour l'essentiel à un monarque vieux et sénile laissant les rênes du pouvoir aux hommes du conseil restreint.
Un conseil se composant des personnalités les plus influentes de la noblesse, se livrant entre elles, dans l'ombre, à de véritables luttes intestines pour accroître leurs influences personnelles sur le roi.
À l'extrême nord, les clans de barbares se sont désigné un nouveau Roi en la personne de Bethod qui revendique par la force armée les territoires septentrionaux du royaume dont il conteste la souveraineté et la légitimité.
Au sud, l'Empereur du Ghurkul fait planer une menace bien plus terrible encore, Dagoska la cité la plus méridionale de l'union est aux premières lignes des ambitions dévorantes d'un peuple armé par la soif de revanche, et par les manoeuvres de l'inquiétant prophète Khalul ....
Alors que les caisses sont désespérément vides et que les besoins de liquidités semblent plus que jamais nécessaires pour supporter le prix de l'effort de guerre, les guildes de marchands et les banques semblent plus que jamais détenir le vrai pouvoir à Adua, la capitale, mais leurs intérêts ne semblent pas converger avec ceux de la noblesse dirigeante.
C'est sans compter sur les agissements peu scrupuleux de l'inquisition qui a la lourde charge de veiller aux intérêts du royaume et ce quel qu'en soit le prix à faire payer aux traîtres à la couronne...
C'est dans ce contexte délétère que choisit de réapparaître Bayaz, le maître mage légendaire, afin de récupérer son siège au conseil restreint à la stupéfaction de tous... mais il a d'autres plans.
Premier sang, ou L'éloquence de l'épée, est le premier tome de la trilogie "la première loi" de
Joe Abercrombie.
C'est un gros volume d'introduction qui nous présente les différents protagonistes au travers de leurs histoires personnelles qui finiront, pour certaines, par se confondre en toute fin de récit.
Tour à tour, nous suivons les destins de ces personnages dans leurs intrigues respectives alors qu'en toile de fond se dessinent tout doucement les enjeux véritables du roman.
Nous prenons ainsi plaisir à partager le quotidien de ces héros pas tout à fait comme les autres, des hommes et des femmes au passé chargé, des figures surprenantes et singulières pleines de préjugés, de contradictions, d'amertumes, de ressentiment, d'états d'âme, de rancoeurs voire même de suffisance.
Que ce soit Glotka le vil inquisiteur estropié, Logen le barbare pragmatique, Ferro la sauvage et vindicative indigène, Jezal le capitaine égocentrique de la garde royale, tous ces personnages apportent au roman une dimension humaine remarquable et ce bien qu'ils nous apparaissent dans un premier temps comme des stéréotypes de ce que la littérature fantastique nous sert habituellement.
Assez vite nous prenons la mesure du style assez direct de l'auteur qui prend le parti pris de nous faire vivre le récit en nous confrontant aux multiples interactions entre les différents protagonistes, tout en nous faisant partager leurs pensées les plus indiscrètes.
Ce choix narratif nous permet rapidement une immersion dans le roman tout en nous permettant rapidement d'identifier la personnalité complexe de nos héros.
De ce fait on ressent véritablement la volonté de
Joe Abercrombie d'avoir voulu développer son récit autour de ses personnages plutôt que l'inverse.
En cela on retrouve un point de convergence évident avec
David Gemmell dans leurs manières de concevoir la fantasy et la place qu'ils donnent à la matière humaine.
Bien qu'il nous dispense de lourdes phases narrative et descriptive, le monde de la première loi n'en est pas pour autant moins vivant et moins riche, nous découvrons tous ces aspects (politique, géographique, mythologique, historique, culturel) selon les différents points de vue très humain qui nous sont proposés tout au long du roman.
En voulant se purger de tous les clichés qui emprisonnent souvent le genre, l'auteur nous livre une oeuvre sombre, violente, cruelle et profondément réaliste.
À ce titre les échanges entre les différents personnages sonnent toujours juste et font preuve d'une belle authenticité.
Si dans un premier temps, certains personnages nous paraissent assez stéréotypés, voire caricaturaux, l'auteur joué de ces fausses pistes pour mieux nous surprendre par la suite, et finalement on en vient à ne plus savoir de quoi sont véritablement capables les uns et les autres.
De ce fait leurs comportements ne suivent aucune logique manichéenne, chaque personnage avance dans l'histoire avec ses préoccupations, ses valeurs, ses contraintes, ses peurs, nous les rendant aussi complexe, intéressant, qu'imprévisible.
À ce titre ce qui est particulièrement saisissant Premier sang, c'est la vision très pertinente du bien et du mal que l'auteur y développe, ces notions s'exprimant de manières différentes selon les origines sociales et culturelles ainsi que les motivations très personnelles des personnages qui nous font vivre les événements.
Le plaisir de lecture se ressent également par ces passages mêlant avec une certaine sensibilité, un humour toujours bien placé, bien pensé, parfois corrosif et ce dans des situations parfois cocasses ou désespérées.
La magie est présente mais plutôt discrète, ses manifestations sont pour l'essentiel l'apanage de Bayaz, le maître mage, qui apparaît plus que jamais comme un double obscur de Gandalf le gris tant il ne modère pas son utilisation de manière radicale afin de se défaire de toutes forces pouvant obstruer son chemin de quête.
Ce premier tome est un bon roman mais qui a toutefois les défauts de ses qualités.
L'introduction de près de six cents pages peut sembler un peu longue pour nous amener sur l'objet véritable de l'intrigue et en voulant parfois trop marquer la nature psychologique de chacun des héros par une personnalité parfois un peu rigide et caricatural, l'auteur use pour nous surprendre de ressorts scénaristique un peu facile pour les faire évoluer dans une autre direction.
Il en reste toutefois, une galerie impressionnante de personnage attachant et charismatique avec des seconds couteaux tout aussi intéressant.
Comment ne pas évoquer l'officier West ainsi que les anciens compagnons de Logen mené par le puissant Rudd Sequoia, et il y en tant d'autres qui apportent aussi leur pierre à l'édifice, pour nous livrer une grande fresque de fantasy.
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