Dans un Nigéria en proie à une grande instabilité politique, Kambili, 15 ans vit avec sa famille dans un cadre idyllique mais très étroit, qui est celui de la belle maison où elle habite avec sa famille. Elle ne subit que des sarcasmes à l'école car elle n'a pas d'amies.
Eugène, le père, est un riche notable, propriétaire de plusieurs usines agro-alimentaires et d'un journal local indépendant qui prouve qu'il est très engagé politiquement. Très respecté par la communauté d'Enugu, il se sent investi d'une mission particulière au sein de sa famille. Il sait être généreux avec son entourage, mais fait vivre un enfer quotidien aux siens. En tant que catholique fondamentaliste, il ne tolère aucun écart de langage, ou d'emploi du temps et fait vivre sa famille dans la terreur du pêché. Les enfants n'ont pas intérêt à oublier une des règles qui régit la vie familiale. La foi a réponse à tout et les journées sont rythmées par les messes, les prières parfois tellement longues que le repas est froid, les devoirs, les confessions et j'en passe...
Kambili a l'habitude de cette famille silencieuse, où tous les membres vivent sous l'emprise psychologique et la tyrannie du père qui peut être très violent à ses heures.
Il interdit à ses enfants de visiter le grand-père plus d'un quart d'heure (car celui-ci a des pratiques païennes à ses yeux) et tolère à peine de parler aujourd'hui à sa propre soeur, Ifeoma avec qui il a été fâché pendant des années. Pourtant les événements politiques extérieurs (le coup d'état de 1993) vont l'obliger à envoyer ses enfants, passer du temps chez elle.
Là-bas, le père est mort, l'argent fait cruellement défaut, mais les enfants vivent dans un vrai foyer, chaleureux, vivant dans lequel tout le monde peut s'exprimer et rire, tout en participant à la vie familiale et en étant responsable de ses actes et de ses propos. Kambili et Jaja n'en reviennent pas et vont profondément évoluer à leur contact. Mais, faire l'apprentissage de la liberté sans arrière pensée ne s'acquiert pas en un jour. Ce que leur père leur présentait comme un péché comme écouter de la musique, rire, jouer au foot ou voir des garçons le faire (pour Kambili), parler à table, chanter lors des prières, avoir ses propres opinions et pensées et j'en passe, devient pour eux une nécessité. Aussi, lorsque Jaja, le frère aîné se rebelle, le jour du dimanche des Rameaux, et refuse d'aller communier, Kambili n'en est pas réellement étonnée, mais la famille va voler en éclat.
Quel prix devront-ils payer pour avoir droit à la liberté ?
La force de ce roman réside dans le fait que les différents évènements (parfois très violents) sont racontés par une toute jeune fille. Kambili est en effet la narratrice et c'est encore presque une enfant tant elle est bridée dans ses réflexions personnelles autant que dans ses actes et ses ressentis par la présence du père et les règles tyranniques qu'il impose à sa famille.
L'histoire commence le fameux dimanche des Rameaux, pour ensuite remonter les événements en amont. Puis le lecteur revient au présent.
La mère et les deux enfants sont attachants et le lecteur n'a aucun mal à les comprendre et à éprouver de l'empathie pour eux devant la violence gratuite du père. La mère est faible et soumise, elle ne dit rien et laisse faire, car elle sait qu'elle-même va aussi subir des violences. Jaja plus mature mais aussi, élevé en tant que jeune homme, a plus de facilité à se révolter. Kambili est intelligente mais ne peut rien exprimer de ce qu'elle ressent. Par moment le lecteur a envie de la secouer pour la faire réagir. Elle décrit les évènements avec beaucoup de froideur même lorsqu'elle est impliquée...c'est comme si elle regardait les faits de l'extérieur. Bien entendu, le lecteur va la voir évoluer avec bonheur, mais le chemin sera long pour se reconstruire après une telle éducation.
Le père est un personnage ambivalent, car il est à la fois généreux pour les autres, et intransigeant et psycho-rigide pour sa famille. Il est lui-même totalement sous l'emprise de la religion, alors que pour son pays, il fait partie des progressistes et se bat pour défendre les libertés et les droits de l'homme.
La famille de la tante bien entendu a toute son importance dans l'histoire, les cousins un peu moqueurs au départ, vont accepter ensuite Jaja et Kambili et les intégrer avec sincérité dans leur vie.
Seule la relation platonique, mais sincère, entre le jeune prêtre et Kambili m'a un peu surprise. Elle n'apporte pas grand chose au récit, même si elle permet à la jeune fille de prendre conscience de sa propre valeur et d'ouvrir un peu plus son monde et d'aspirer à une certaine liberté.
Bien entendu, le roman nous permet d'en savoir plus sur les conditions de vie au Nigéria, les différences sociales, la culture locale, les différentes religions pratiquées, les émeutes étudiantes et les différents événements qui font suite au coup d'état dans un pays fragile et fortement déstabilisé.
J'avais beaucoup aimé "
Américanah" un roman présenté ICI qui m'avait permis de découvrir l'auteur. J'ai eu beaucoup de plaisir à retrouver sa plume qui sait mettre de la légèreté dans des situations dramatiques, dépeindre chacun des personnages avec beaucoup d'humanité, avec leurs forces et leurs faiblesses, et nous permettre d'entrer dans leur vie quotidienne en toute sincérité.
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