Livre d'histoire écrit par un ancien militaire (cavalerie blindée) devenu chef d'entreprise. Autant dire que le parti pris pro-soldats (français mais pas que) et anticommuniste est très présent. C'est souvent le cas dans ces livres qui traitent du côté militaire des engagements indochinois et vietnamiens.
La préface annonce la couleur : « À la mémoire des combattants des deux camps, tant vietnamiens que français de toutes origines, et particulièrement aux vaillants cavaliers de l'escadron Hervouët, nos anciens, qui, à Diên Biên Phu, luttèrent jusqu'à épuisement de leurs moyens. « Par Saint-Georges…! ».
Et c'est justement cette partialité affichée qui en fait un bon ouvrage. L'auteur est en empathie avec les soldats qui se battent, pas avec les politiques qui prennent les décisions menant à cette impasse. Cela donne un ouvrage au ton assez original : vif et peu académique. « La France, en 1946, se fout bien de ce que nous allons entreprendre là-bas, au bout du monde. La France? Elle vit une profonde hypocrisie, s'étant laissé persuader par
De Gaulle qu'elle avait été héroïque entre 40 et 44! »
Très bien documenté techniquement de surcroît car il sait de quoi il parle. Comme par exemple lorsqu'il explique ce qu'est la « dinassaut » (division navale d'assaut) : produit de la débrouillardise et de l'inventivité bien française. Une dinassaut est une flottille fluviale d'une dizaine de bâtiments à fond plat ou faible tirant d'eau permettant d'intervenir sur les nombreux fleuves d'Indochine. Constituée de vieilles péniches américaines de débarquement (LCI, LCT ou LCM), elle porte des armes, un commando d'infanterie et assure à la fois le ravitaillement de certains postes fluviaux tout autant que l'appui-feu et les interventions de débarquement. Les bâtiments plus ou moins renforcés de plaques de blindage bricolées et armés de canons et mortiers ainsi, bien évidemment, que de mitrailleuses, ont joué un rôle considérable dans le delta du Tonkin. C'est une arme du pauvre, mais c'est la réalité de notre corps expéditionnaire asiatique.
Cela commence donc avec l'immédiat après seconde guerre mondiale : l'auteur rappelle de fort belle manière le contexte historique, très méconnu aujourd'hui d'une majorité de français qui sont en général très ignorants de leur histoire (encore plus les jeunes qui sont conditionnés pour n'en voir qu'une petite partie).
Un portrait des acteurs est systématiquement brossé : Sainteny, puis
Georges Thierry d'Argenlieu, le négociateur mandaté par
De Gaulle, Leclerc bien sûr...et se poursuit avec
Jean de Lattre de Tassigny, appelé « Ong Sau Lua », le « général de feu ».
Et cela fini dans le désastre de Dien Bien Phû et ses cinq collines : Dominique 1, 2 et 5, Éliane 1 et 2. Mais ces cinq collines seront à DBP ce que furent Douaumont ou Vaux pour Verdun. C'est là que se dérouleront, pendant presque quarante jours, les combats les plus durs, les plus acharnés, les plus meurtriers. « C'est là que les deux adversaires, comme deux dogues refusant de lâcher leur os, montreront toute leur valeur: Français comme bo-doïs écriront là, dans ces boyaux pleins de cadavres, ces abris écrasés, dans des pugilats antiques, des pages où la valeur des uns et des autres mérite le respect. Les Français se battront soutenus par l'orgueil ; les bo-doïs lutteront soutenus par un idéal : l'indépendance de leur patrie. Quant à moi, je ne puis les départager. »
Et nous lecteurs d'aujourd'hui, nous comprenons grâce à ce genre de livre la terrible réalité de la guerre.