Gros lecteur de SF, je ne suis en revanche pas un bon client pour la fantasy. Chaque fois que j'ai essayé d'en lire, j'ai trouvé ça long, lent, peu original, et… mais passons… Pourtant, je crois tout de même qu'il peut exister de la fantasy capable de me plaire, et donc je continue d'essayer d'en lire.
Un peu par hasard, j'ai mis la main sur «
l'Épée brisée » de
Poul Anderson, un auteur de SF de la vieille école dont je n'ai jamais rien lu car jusqu'à ce que le Belial' s'y colle il faut bien dire qu'il était boudé par les éditeurs français. Il s'agit donc d'un livre de fantasy de 1954 dans sa première traduction française de 2014, par un auteur de SF. Comme si ça n'était pas déjà suffisamment hors norme, le livre ne fait que 300 pages. Je me dis que c'est surement le prologue d'une décalogie en 12 ou 15 volumes. Mais non, même pas. C'est le texte complet de l'histoire. Puisque ça ne prendra sans doute qu'une soirée, je décide de le lire.
La première chose qui m'a plu c'est que ce n'est pas l'histoire d'un petit garçon fils du roi Goushnaphar et de la déesse Mirza enlevé à la naissance et élevé par des marmottes-garou qui deviendra un puissant magicien/guerrier/voleur et retrouvera le trône qui lui est dû après avoir jeté les bijoux de la reine usurpatrice dans la bouche d'un volcan situé sur le septième plan astral. Non, non.
Je ne ferais pas le résumé. J'ai tellement peur des spoilers depuis qu'en 1980 un article de Pif Gadget a très crétinement révélé à des millions d'enfants français que Dark Vador est le père d'Harry Potter(*) que depuis cette date je ne lis jamais les résumés. Et je n'en écrit donc pas non plus.
L'Épée brisée ne se distingue ni par le cadre (la mythologie nordique) ni par l'originalité de l'histoire, mais plutôt par la construction et surtout le style. Avec une histoire de 500 pages que tout auteur de fantasy moderne aurait délayée pour écrire une double trilogie de 3000 pages,
Poul Anderson écrit candidement un récit de 300 pages. Autant dire que c'est dense. Et donc, je ne l'ai pas lu en une soirée, parce qu'après 150 pages j'avais l'impression d'en avoir lues 400 tellement le récit avance à un rythme à décoiffer les Elfes. Comme j'ai horreur des bouquins dont l'histoire n'avance pas, je suis heureux de trouver enfin un livre de fantasy qui avance d'un bon rythme.
L'ouvrage mêle les Hommes, les Elfes, les Trolls, les dieux, les géants, les demi-dieux, les demi-géants, les demi-portions, les portions complètes. Les combats sont de vraies boucheries, on tue père et mère et frères et soeurs, et quiconque passait là pour voir ce qui se passe. On évitera donc de laisser trainer le livre à portée des enfants car malgré ce que suggère la couverture ce n'est pas une histoire de bisounours.
Étrangement le récit m'a plutôt rappelé la littérature grecque car il est question de héros et de dieux, de voyages, et de destin auquel bien entendu on n'échappe pas.
Finalement, la qualité la plus remarquable en dehors de la longueur (ou plutôt l'absence de longueurs) est le style superbe. Il faut féliciter l'excellent
Jean-Daniel Brèque pour cette traduction toujours empreinte de poésie et magnifiquement évocatrice.
En tout cas, j'ai été vivement impressionné par
Poul Anderson, un auteur visiblement intelligent et cultivé, et qui sait écrire. Je vais tout de suite continuer ma découverte avec le recueil «
Le Chant du barde » et le roman «
Tau Zéro », toujours aux éditions le Bélial'.
(*) L'événement est authentique, mais le nom a été changé pour préserver la vie privée du personnage.