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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Dans un lointain passé, nos aïeux conversaient toujours avec les anciens dieux. Ils le faisaient en cachette car le Christ blanc avait déjà investi la place, au coeur des forêts à l'ombre des arbres vénérables, au milieu de la nuit dans les temples qui tombaient en ruine ou bien en chuchotant dans les chaumières. Dans quelles affres devaient vivre ces populations assaillies par la magie, les superstitions, et les peurs ancestrales ?
Ceux qui avaient l'oeil du sorcier pouvaient apercevoir au clair de lune le monde étrange de Faërie, deviner au plus fort d'une tempête de neige un champ de bataille, entrapercevoir un berserker entrer dans une fureur sacrée et invincible, semant de sa gigantesque épée la mort comme les paysans sèment les graines.
L'histoire que nous conte Poul Anderson vient de ces temps anciens. Elle est tirée de ces grandes sagas nordiques pleines de fureurs, de drames, de sentiments exacerbés parvenues par bribes jusqu'à nous.
C'est l'histoire de Valgard le changelin, de Skalfolc, mi-homme mi-elfe, et de la belle et courageuse Freda, pauvres pantins qui essaient maladroitement de se détacher des fils tenus par ces dieux ricaneurs aux desseins incompréhensibles pour le commun des mortels. Il faut les voir se démener comme des beaux diables, avoir peur, avoir froid, aimer d'un amour impossible, avoir dans la bouche le goût amer de la défaite dans cette Faërie aussi fabuleuse qu'insensible où ces sentiments tellement humains n'ont aucun sens, où les hommes dénués d'amour sont immortels et « seulement riches d'une sagesse sans joie ».
C'est l'histoire de ces grands princes d'outre-tombe qui assistent à l'avènement du christ blanc et prennent conscience que leur monde est en train de disparaître.
Accompagné de Siabelle et de Srafina, j'ai navigué sur des eaux furieuses jusqu'à la lisière du monde ; j'ai été ému par le chant mélancolique d'un monde finissant et littéralement transporté par le souffle puissant et lyrique de ce Grand Livre.

Club imaginaire 2017 Poul Anderson et Ursula le Guin
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Décidément Poul Anderson transformait en or tout ce qu'il touchait. Après avoir lu son space-operaTau Zero, incroyable de maîtrise scientifique, cette Épée Brisée m'a plongé dans une saga mythologique nordique et tragique à la hauteur des Nibelungen.

L'auteur nous peint un tableau de la Faërie différent de ce que je connaissais, quelque part entre le Seigneur des Anneaux de Tolkien et La Sève et le Givre de Léa Sihol. Les Elfes y sont magnifiques mais non exempts de cruauté vis-à-vis des autres races. Les Sidhes irlandais sont des alliés précieux. Les Trolls sont une puissante nation et ne sont pas débiles. Les anciens dieux tels Odin et les Jötuns manipulent ce petit monde dans leur partie d'échec éternelle.
Le ton du récit est empreint du lyrisme et du sens de l'épopée des sagas vikings contées par les scaldes. Il est plus violent que celui de Tolkien, avec ses crânes fracassés par la hache, mais aussi plus vif dans l'exaltation des sentiments de haine et d'amour.
Et amour il y a. Au milieu de cette frénésie de dieux et d'êtres fabuleux, on s'accroche au rocher que représente le destin deux humains, Skafloc volé à sa famille par le duc elfe Imric, et Freda son âme soeur que les lois nouvelles de la Chrétienté éloignent à jamais de lui. Siegfried des Nibelungen n'est pas loin, dans le thème et dans l'époque car la saga de Poul Anderson se situe peu après l'an Mil, alors que la Chrétienté conquérante ne laisse plus beaucoup d'espace à la Faërie et que celle-ci sent approcher son crépuscule.
La guerre est aussi omniprésente, la guerre ultime et sans pitié entre Elfes et Trolls, qui pourrait escalader au niveau supérieur des Puissances Divines et provoquer Ragnarok. Point focal de cette lutte, une ancienne épée brisée dont on dit que la reconstitution sonnera la fin du monde, et que pourtant les Ases feront entrer en jeu. Je n'ai pas pu m'empêcher de faire un parallèle entre cette épée et la bombe atomique : sa création aussi a provoqué la fin d'une guerre, mais le jour où elle servira à nouveau sera aussi le dernier jour du monde.

Bien que la traduction soit très récente en France, le roman date de 1954. Il est incroyable que nous ayons dû attendre si longtemps avant de lire ce chef d'oeuvre. Poul Anderson, d'une manière générale, a longtemps été absent des rayonnages français. de nos jours les éditions le Bélial se sont attelées à la traduction de ce maître. Je les applaudis.
Du coup, vu l'ancienneté de ce livre on peut s'amuser à essayer de retrouver les oeuvres qui en ont été influencées. La première est évidente : c'est Michael Moorcock et son épée maudite Stormbringer. J'en vois une deuxième dans le Lyonesse de Jack Vance. Moorcock lui-même, qui signe la préface, voit des successeurs chez M. John Harrison, Philip Pullman et China Miéville. N'ayant pas lu ces auteurs je ne peux pas me prononcer. Je me demande cependant si des auteurs français comme Fetjaine ou Jaworski s'en sont aussi inspiré.

Le seul point négatif que je pourrais noter est sa fin un peu brusque. J'aurais bien aimé savoir ce qu'il advient de certains personnages.
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Quel souffle épique et impitoyable !

Ce roman magistral est un pur bijou de fantasy. Je ne suis pas experte en la matière mais il est inutile de l'être pour en faire le constat.
Je ressors de cette lecture avec plein d'images dans la tête. Tout un monde féerique et merveilleux s'est invité dans mon imaginaire. Avec des paysages nordiques, époustouflants, grandioses et inhospitaliers qui s'apparentent à La Terre du Milieu, des paysages mus par des ciels tourmentés et par des intempéries plus redoutables les unes que les autres. Eh oui, il ne s'agit pas ici d'un monde idyllique, aux couleurs pastels et aux saveurs enchanteresses.
Si l'univers décrit par Poul Anderson est régi par la magie, il n'en reste pas moins terrifiant ! Elfes, trolls, géants, nains, humains, créatures divines et mythologiques se partageant ces terres hostiles n'ont de cesse d'assouvir leurs vengeances.

Skafloc et Valgard, en héros maudits, se trouveront au coeur d'une de ces vengeances dès leur naissance et il leur sera alors difficile d'échapper au funeste destin qui les attend.

Cette histoire pourrait se lire comme un conte de fée qu'on raconterait le soir aux enfants qui rêvent d'un monde peuplé d'êtres fantastiques, de héros invincibles menant combats redoutables et vaillants contre de féroces ennemis, pour sauver ou venger leur père, leur mère, leur aimée...
Mais, ce n'est pas vraiment un conte de fée ; c'est une geste. C'est ainsi que Poul Anderson présente son roman dans l'Avant-propos : «  Pour parler franchement, ce livre est une geste, le récit d'événements impossibles se déroulant dans des lieux inexistants. » Pour autant, Poul Anderson précise que certains passages de son récit peuvent s'appuyer sur des éléments historiques avérés et situés aux prémisses du Haut Moyen-âge, tels le début de christianisation des civilisations scandinaves ou encore la culture s'exprimant sous forme de poèmes déclamés.
Tout cela forme un ensemble fort cohérent qui renvoie inévitablement le lecteur (en tout cas, ce fut le cas pour moi) à des questions d'ordre mystique quant à l'existence ou non du monde de la Faërie. Mais, si vous le voulez bien, -notez que je ne vous en donne pas le choix-, je garderai ces réflexions pour moi.

Certains lecteurs dont j'ai lu les critiques de ce livre trouvent la fin un peu abrupte. Ce n'est pas mon propre ressenti. Elle ouvre sur une autre histoire et là je vais encore citer Poul Anderson : «  Quant à ce qu'il est advenu des personnages de cette histoire, de l'épée, de la Faërie elle-même – qui, de toute évidence, n'est plus présente sur Terre-, ceci est une autre histoire, qui sera peut-être contée un jour. » et laissée librement à l'imagination du lecteur...


(Livre lu dans le cadre du Challenge SFFF 2017. Merci Relax!)
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Dernier fils d'une fratrie de cinq garçons, Orm décide d'aller conquérir lui-même son royaume. Equipé de trois navires, le puissant viking part pour les terres Britanniques où il pille et tue ceux qui s'opposent à lui, jusqu'à établir son territoire dans le Danelaw, massacrant la famille qui s'y trouvait. La mère, seule rescapée de la tuerie, lance alors une terrible malédiction à Orm et à ses descendants…

C'est ainsi que Skafloc, son premier-né, est enlevé par Imric, un seigneur elfe, et remplacé par un changelin démoniaque, ayant la même apparence, né de l'union magique de l'elfe avec une princesse troll. Les deux enfants vont grandir dans l'ignorance de leur véritable origine, jusqu'au jour où la vérité éclate, déclenchant une guerre sans merci entre les peuples et obligeant l'épée maudite de Loki, le dieu de la discorde, à être reforgée…


Considéré comme l'un des textes fondateurs de la fantasy, « L'épée brisée » a été publié en 1954 aux Etats-Unis, en même temps que le premier tome du « Seigneur des Anneaux » et ce n'est que maintenant, grâce aux éditions du Bélial', qu'il arrive en France ! Difficile de comprendre un tel retard, surtout que « L'épée brisée » a vraiment tout de la grande épopée !

Empruntant son univers à la mythologie nordique, Poul Anderson dresse un monde empli de magie et de créatures fantastiques, dans lequel les divinités, fidèles à elles-mêmes, se jouent de la faiblesse des mortels. Toutes les ficelles dignes des plus grandes tragédies antiques sont utilisées pour donner un écho dramatique à ces vies malmenées, brisées par le destin et la fatalité.

Les sentiments sont exaltés, l'amour contrarié et la violence omniprésente. Autant d'ingrédients certes déjà vus, mais toujours aussi efficaces pour nous plonger dans une aventure palpitante et rocambolesque ! Vengeance, trahisons, faux-semblants, mais aussi bravoure et amour véritable sont au rendez-vous dans cette geste d'un autre temps, qui n'est pas sans rappeler celles du Moyen-Age… Un étonnant mélange entre l'oeuvre de Chrétien de Troyes et Thorgal (et tant pis pour l'anachronisme !) ! Bref, si vous aimez l'aventure, la magie et les histoires d'amour tragiques alors ce roman est fait pour vous ! « L'épée brisée » est un excellent moment de lecture et de divertissement !


Je tiens à remercier vivement Libfly et les éditions du Bélial' pour cette superbe découverte !

Challenge Variétés : Un livre avec de la magie
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Ouah ! Encore une baffe pour cette année 2014, une année fertile en coups de coeur.
Et là, une question se pose : COMMENT se fait-il que ce soit la toute première édition française de ce bouquin, paru aux US en 1954 ???
Je m'interroge. Y a t-il eu un complot pour faire de Tolkien le "père" de la fantasy ? Non parce que c'est pas parce que ce livre ne fait pas 1000 pages qu'il n'est pas épique, et énorme. La différence, c'est qu'ici, il n'a pas inventé la mythologie, ni le monde ni les langues derrière. Mais à part cela, c'est de la grande Fantasy.
Y a t-il eu un complot genre "oulala ça c'est bien trop dark pour être publié en France" ?
Une interdiction tacite parce que l'auteur y met en scène de plein de choses réprouvées par la morale ? Sans doute, ça doit être ça...
Mais il s'avère pourtant que Poul Anderson est un auteur grandiose. Et je ne connais absolument rien de lui, ce que me navre d'autant plus que j'ai un énorme coup de coeur pour cette "épée brisée"...

Le style d'écriture sonne comme un roman du moyen-âge au ton moderne mais poétique, c'est curieux (et difficile à expliquer quand on n'est pas féru d'analyses de textes, arf !) pendant les premières pages, mais si magnifiquement exécuté qu'on s'habitue sans problème, et la traduction de J.D Brèque juste parfaite.
Les descriptions sont brèves mais intenses, poétiques et les envolées lyriques sont magnifiques. le livre n'est pourtant pas si "vieillot" dans sa forme car il y a de nombreux dialogues.
L'action est omniprésente, les batailles épiques, des traversées de tempêtes en Drakkars, de la magie, des trolls, des elfes et autres sidhes avec des hommes au milieu...
C'est un drame mythique, des destinées brisées par une malédiction et des dieux sournois, une épopée fabuleuse au temps des vikings, d'Odin, des Ases, des Nornes, des divinités celtiques et c'est juste énorme !
Les personnages ont des dimensions "divines" ou héroïques. Très franchement, je ne m'y suis pas vraiment attachée, et c'est curieux du coup que j'ai tant aimé ce livre. C'est la dimension épopée, ça me fait un peu penser à L'Iliade et l'Odyssée, on ne s'attache pas vraiment non plus aux personnages, mais ce sont leurs aventures qui sont grandioses. C'est pareil ici.


Le tout en à peine 300 pages d'une densité remarquable ! Et je pense même que je le relirai d'ici un an ou deux (Ce qui, vous le savez, est exceptionnel)...  
Un gros coup de coeur pour cette fin d'année, un beau cadeau de Noël avant Noël, merci à Babelio et aux éditions le Belial pour cette découverte.
Je vais de ce pas me pencher sur les autres romans de Poul Anderson...  
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En d'autres temps (1954), celui qui n'était pas doué de « l'oeil de sorcier » - pouvoir que tout le peuple de Faërie dispose dès la naissance - pouvait ne voir que les sinistres terres du Mordor et les verdoyantes collines de la Comté… pourtant derrière le monumental royaume de Faërie de JRR Tolkien, se trouvait celui de Poul Anderson… Six décennies plus tard, les éditions le Bélial se sont vues attribuer le pouvoir de « l'oeil du sorcier » pour nous traduire L'Epée Brisée et nous dévoiler un autre magistral roman de Fantasy.
Un roman que l'auteur qualifie de geste, des chants d'anciens « lais pleins de violence qui évoqu[ai]ent les voix de la mer, du vent et de la forêt » ; « des chants silencieux sur lesquels l'aurore boréale dansait les nuits d'hivers » ; « des chants capables d'aveugler, d'éblouir et d'enchanter ».
« Si les petits ruisseaux font les grandes rivières, on sait aussi que d'abjectes boucheries font de belles chansons de geste » [Olivier Boile – Les Feux de l'Armure, ma lecture en cours]. L'Epée Brisée est un récit bien plus noir que les terres désolées du Mordor, est un récit violent sur le sort de deux êtres qui sera scellé par une épée maléfique, une épée brisée qui sera à nouveau forgée…
… un scénario qui rappelle vaguement quelque chose - comme ce challenge SFFF 2017 « pour les rassembler tous » qui rime quelque peu avec un anneau pour les gouverner tous - pourtant Poul Anderson nous dévoile un univers qui n'est pas seulement inspiré par la mythologie nordique mais qui est fondé sur elle. Il dépeint un univers de « brumes, de pluies et d'hivers d'une froidure de fer, de mers grises et furieuses, où un pâle soleil perce péniblement entre les nuages pressés », dans lequel évoluent des personnages qui ne sont également que froid et noirceur, chichement éclairés d'une faible lumière glaciale. Et c'est là toute la force de ces personnages qui inspirent l'empathie. Poul Anderson met l'accent sur leurs caractères mauvais voire maléfiques, sur leurs déterminations insensées qui ne mènent qu'au désespoir. Un désespoir né de la folie divine qui est la force même de cette partie d'échec, de cette histoire passionnante et éblouissante. Un roman sinistre qui se révèle comme un enchantement sous la plume enchanteresse de son auteur.
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C'est l'histoire d'un bébé, échangé avec un changelin peu après sa naissance par un seigneur elfe. C'est l'histoire d'une vengeance orchestrée par une sorcière à l'encontre d'un homme et de sa descendance. C'est l'histoire d'une guerre entre les elfes et les trolls aux enjeux supérieurs. C'est l'histoire de jumeaux qui ne sont pas frères condamnés à s'affronter. C'est l'histoire d'une épée maudite qui apporte gloire et malheur à qui la brandit.

Dans la préface, Michael Moorcock nous apprend que l'Épée brisée a été écrit en 1954, la même année que le Seigneur des anneaux. Si ce dernier a eu le succès qu'on lui connait, le roman de Poul Anderson, en France tout du moins, est passé inaperçu. Il aura fallu soixante ans pour qu'une maison d'édition, le Bélial, le traduise dans la langue de Molière. Si Tolkien et Anderson puisent leur inspiration aux mêmes sources, les grandes sagas scandinaves, il en résulte deux oeuvres aux antipodes l'une de l'autre. Comparer les deux est intéressant, mais les opposer n'a pas de sens. Contrairement à Moorcock, qui semble utiliser cette préface pour régler ses comptes avec Tolkien, on peut aimer les deux. Et cela tombe bien, j'ai aimé les deux.

Poul Anderson plonge le lecteur dans une geste héroïque au souffle épique On retrouve dans le récit de grands motifs universels : le destin, écrit par les Nornes, duquel découle la guerre et la vengeance, l'amour, qui ne dure qu'un temps... le héros est destiné à chercher la gloire sur le champs de bataille, pas à terminer ses jours dans les bras de sa belle. Haine, amour, jalousie, mélancolie, ambition, les sentiments sont exacerbés. le texte est moderne, mais retranscrit parfaitement la pureté, l'aspect brut, primitif, des récits dont il s'inpire.

Franchement, j'ai adoré. J'ai dévoré ce roman, mon premier de cet auteur, que j'ai trouvé admirablement écrit. Il y a un vrai élan épique, des personnages non manichéens, de la magie, des combats... Je ressors de ce livre avec des images pleins la tête.
Lien : http://lenainloki2.canalblog..
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Un chef-d'oeuvre oublié et banni de la Fantasy

Pourquoi devriez vous, si vous êtes un adepte de Fantasy, lire ab-so-lu-ment ce roman ?

Parce qu'il y a des elfes naviguant sur des Drakkars, des nains, des Trolls, des Sidhe, les Tuatha de Danaan, Odin et Tyr, le petit peuple et toute la Faërie, des vampires, des démons du Baïkal et des démons chinois, une épée qui a beaucoup inspiré un certain Michael M., des héros dignes des sagas nordiques et des épopées grecques, une dimension tragique et shakespearienne, des berserkers, parce que c'est superbement bien écrit, magnifiquement traduit, d'une puissance évocatrice colossale, parce qu'il y a des batailles épiques et une romance puissante, parce qu'il y a des femmes elfes sournoises et pas avares du tout de leurs charmes (si vous aussi, vous aimez le Seigneur des Anneaux mais que ses elfes tout purs vous lassent…), parce qu'on ne s'ennuie pas un instant mais qu'en même temps ça ne fait pas 1500 pages, etc, etc, etc.

Quoi, vous n'avez pas encore acheté ce livre ? Et vous vous prétendez adeptes de Fantasy ?

Ah, vous voulez plus de détails ?

Un délai de traduction de… 60 ans !

Avant d'examiner le roman, il est nécessaire de faire un rappel historique. Bien que la première traduction date de 2014, L'épée brisée est parue (aux USA) en… 1954. Si ce roman est si bon, allez-vous me demander, par quelle espèce de maléfice a-t'il mis 60 ans pour être traduit ? La réponse est très simple : l'auteur, Poul Anderson, a été mis sur la liste noire des éditeurs de fantasy / SF français dans les années 70, fermement ancrés à gauche, à cause de ses prises de position en faveur de l'intervention US au Vietnam et parce qu'il était perçu comme un auteur réactionnaire. En conséquence, malgré sa vaste production littéraire, et la qualité de celle-ci (récompensée par de multiples prix Hugo), aussi bien en SF qu'en Fantasy, il a fallu attendre des décennies pour que ses romans et nouvelles (il faut rappeler que l'une d'elles à lourdement inspiré Avatar de James Cameron) soient peu-à-peu traduits en France. Et encore, cela n'est du qu'à la passion et au travail d'un seul homme, le célèbre et talentueux Jean-Daniel Brèque (traducteur également de nombre de Dan Simmons).

Conséquence : malgré sa parution il y a 60 ans et sa qualité, personne ou quasiment ne connaît ce livre de Fantasy remarquable. J'espère qu'après avoir lu cette critique, vous aurez envie de combler cette lacune.

Ça ressemble à autre chose, mais à quoi…

Eh, une minute, me direz-vous, 1954 ? Une histoire inspirée par la mythologie nordique et celtique ? Donc on peut faire un parallèle avec le Seigneur des Anneaux, dont le premier tome est sorti cette année là et qui a puisé dans les mêmes influences ? Michael Moorcock démontre à quel point un tel parallèle est peu pertinent dans la préface, et je suis d'accord avec lui. On ne peut pas comparer un livre de 300 pages à une trilogie qui en fait largement plus de mille, le rythme n'est pas le même, tout d'abord, et le livre de Poul Anderson est beaucoup plus violent, tragique, sexuel et rythmé que le Seigneur des anneaux. de plus, Anderson reste très proche des influences mythologiques et culturelles qui lui ont servi de base, alors que Tolkien les modifie et les développe pour créer un monde bien à lui. Enfin, dans les deux cas l'histoire tourne autour d'un objet de pouvoir, pouvant changer le sort du monde, mais ici il s'agit de le réparer alors que chez Tolkien, il s'agit de le détruire. Sans compter que le héros de l'Epée brisée est tout à fait heureux d'utiliser la puissance destructrice de l'arme à son profit.

Non, le vrai parallèle est à faire avec… Moorcock (ce qu'il se garde bien de faire dans la préface). Il y a des passages qui rappellent tellement la description de Stormbringer et de son comportement au combat qu'on ne peut qu'être troublé (rappelons que l'épée brisée est antérieure de plusieurs années au cycle d'Elric). de plus, l'écriture est compacte (la densité de l'histoire pour seulement 300 pages est assez stupéfiante), noire, poétique sans être pédante ou ennuyeuse, et surtout puissamment évocatrice. Bref, on ne peut penser qu'à Moorcock, voire Robert E. Howard à la lecture.

Autre parallèle, Poul Anderson lui-même : si vous avez lu Trois Coeurs, Trois Lions, vous aurez une large idée du traitement des elfes dans l'Epée brisée, sauf que cette fois-ci, c'est dix fois plus puissant et passionnant. Autant le dire carrément, ces elfes là sont aussi éloignés des elfes tolkieniens qu'il est possible de l'être : ils sont manipulateurs, fourbes, froids, sans scrupules, sournois et lascifs. Et personnellement, j'ai trouvé ça très intéressant.

Univers

Le monde est fascinant : en gros, c'est l'Europe du début du deuxième millénaire, avant la conquête normande de l'Angleterre, mais où, invisibles et cachés aux yeux des mortels (sauf ceux dotés de l'oeil-de-sorcier), existent, sur les mêmes terres que les royaumes humains, ceux des créatures de Faërie, aux noms tout droit issus des mythologies nordique et celte. L'histoire suit essentiellement la guerre longtemps différée entre le Trollheim et l'Alfheim, les pays des trolls et des elfes. Elle suit également l'histoire tragique d'une famille danoise d'Angleterre, descendante de… Ragnar Lodbrok (si, si), maudite par une sorcière Saxonne, manipulée par Odin et par les elfes.
Attention cependant, il ne s'agit pas d'une Fantasy Historique à la Guy Gavriel Kay : le surnaturel est en effet omniprésent dans le livre, que ce soit sous la forme de sortilèges, de créatures féeriques, de l'intervention des dieux ou de la présence d'artefacts de pouvoir.

Personnages et écriture

Si vous aimez les héros à la personnalité puissante, ceux dignes des légendes et pas juste d'une histoire, si romanesque soit-elle, vous allez en avoir carrément pour votre argent : le protagoniste principal combat trolls et Jötuns, aux côtés des plus grands héros elfes, sidhe, et jusqu'aux dieux à-demi déchus de l'Irlande. Bref, nous ne sommes pas dans la demi-mesure, c'est de l'épique, du vrai, et on tue par bataillons entiers. Ah, ce n'est pas subtil alors, ça risque de ne pas me plaire alors ? Que nenni, l'écriture est ma-gni-fi-que, poétique et puissamment évocatrice, douce-amère également, notamment sur les thèmes des amours tragiques et du monde merveilleux des temps anciens qui disparaît avec l'émergence du monothéisme chrétien. de plus, les protagonistes sont plus subtils qu'on pourrait le croire de prime abord, parfois psychologiquement inébranlables, parfois à la merci de leurs passions ou d'une infinie tristesse.

Je n'aurai que deux bémols sur ce roman puissant : le premier est que la fameuse épée ne commence à apparaître sérieusement dans l'histoire qu'au bout de quelque chose comme la page 170 sur 300. Ensuite, j'ai trouvé la fin un peu rapide. Mais bon, rien de bien rédhibitoire à vrai dire.

Un dernier mot sur la présentation : couverture parfaitement en accord avec l'histoire, très belles et très fines petites illustrations en noir et blanc à chaque fin de chapitre, marque-page reprenant l'illustration de couverture, rien ne manque et tout est de qualité. La grande classe.

En conclusion

Vous aimez la fantasy puissante, aux grands enjeux cosmiques ou qui changent le monde, évocatrice à la Moorcock, mythologique ou quasiment à la Tolkien ? Ce livre est pour vous. Dense, nerveux, extraordinairement bien écrit, remarquablement traduit, vous ne POUVEZ pas passer à côté de ce chef-d'oeuvre, qui séduira tous les publics adeptes de la Fantasy, de celui aimant les êtres féeriques et les belles descriptions pleines d'adjectifs à celui qui aime quand c'est bien BRÜTAL (comme aurait pu le dire le regretté Lemmy) et que les têtes volent sous les coups d'épées-démons. La seule erreur que vous pourriez faire serait… de ne pas le lire.
Lien : https://lecultedapophis.word..
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En Résumé : J'ai passé un excellent moment de lecture avec ce roman qui nous offre une Fantasy, certes classique, mais qui se révèle sombre, entraînante et passionnante avec son lot de manipulations, de trahisons, de vengeances et de souffrance le tout aussi porté par des sentiments forts et efficaces. L'univers développé au fil des pages se révèle ainsi dense, solide, captivant, mélange d'histoire et de mythologie, bien porté par des descriptions efficaces et soignées. le panel de personnages qu'on découvre au cours du récit s'avère fascinant, possédant leurs forces et leurs faiblesses, se montrant humain, entraîné plus souvent par leurs émotions que ce soit l'amour ou la haine. La plume de l'auteur est soignée, dense et nous plonge facilement dans ce monde à la fois féerique, sombre et pourtant haletant et intense. Ce roman répond en tout cas pleinement aux nombreuses éloges que j'avais entendues, certes vers la fin certaines longueurs se font ressentir et certains aspects se révèlent devinables, mais franchement rien de non plus gênant tant je me suis retrouve à lire ce livre quasiment d'une traite avec l'envie d'en apprendre plus à chaque page tournée. Je lirai sans soucis d'autres écrits de l'auteur qui m'attendent dans ma PAL.


Retrouvez ma chronique complète sur mon blog.
Lien : http://www.blog-o-livre.com/..
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J'avais jusqu'ici encensé Poul Anderson sur mon blog, cette fois je rajoute un cierge ; auteur aux multiples facettes, s'étant illustré dans la hard-SF, le space opera, le time opera, et, comme on va le voir maintenant, la swords and sorcery, il publie L'épée brisée en 1954, soit la même année que le Seigneur des Anneaux. Durant les invasions vikings, Imric le roi des elfes vole un bébé humain dans le désir d'avoir un fils ; l'enfant devient Skafloc, vaillant guerrier lors de la guerre contre les trolls. Pourtant, cette dernière tourne en eau de boudin, et il part faire forger à nouveau une épée que lui ont offert les dieux à sa naissance. Une épée que l'on dit redoutable, mais aussi maudite afin de ne pas rendre son possesseur surpuissant. Et qui finit, tôt ou tard, par se retourner contre lui. Sans compter que Skafloc a un ennemi dans l'ombre, presque un frère qui le haït pourtant, et les destinées des deux hommes sont irrémédiablement liées…
Difficile de ne pas tomber sous le charme dès les premières lignes du souffle de cette histoire sombre et mélancolique. le style est sobre et dépouillé, se rapprochant par moments des simples annales mais parvenant à glisser avec harmonie vers le registre épique ou celui psychologique quand ceux-ci sont de mise. Les archaïsmes, généralement discrets, ne polluent pas le texte comme certains auteurs auraient pu s'en servir pour le rendre incompréhensible. Dans un ensemble d'intrigues dense et riche mais très fluide, Poul Anderson dépeint l'ère viking sans l'idéaliser ni la condamner, les incursions violentes et barbares en terres ennemies, l'immensité des territoires austères et glacés, la foi tourmentée des chrétiens. Il est surprenant de voir le nombre d'éléments folkloriques venant de toute l'Europe voire au-delà réunis pourtant dans un tout homogène : les faunes, les changelins, le satanisme médiéval, les gnomes et les lutins…
On se souvient avant tout de L'épée brisée comme le fer de lance du mouvement anti-Tolkien : plus sombre, plus rude, dépourvue de manichéisme, l'histoire possède son lot d'elfes narquois et de magouilles de nobliaux. Pourtant, il faut souligner chez les deux auteurs le même sens de l'eucatastrophe, sans parler du fait que quiconque a lu les écrits posthumes de Tolkien savent que les elfes n'ont pas toujours été systématiquement glorieux… et même que l'histoire des Enfants de Hurín s'axe autour d'un inceste très semblable à un autre dans le récit d'Anderson.
En revanche, il est incontestable que les elfes d'Anderson sont nettement plus sournois et calculateurs (sans pour autant tomber dans le contre-cliché tout aussi agaçant qui ferait d'eux des personnages bêtes, méchants et sans âme). de manière générale, les personnages sont tous d'une grande humanité, autant dans leurs atouts que leurs défauts : on se prend de compassion même pour les pires raclures, on espère qu'une issue sera positive pour la plupart d'entre eux, et l'on finit par regretter cette époque sauvage en train de disparaître, car si la nature se faisait féroce et que les manigances étaient légion, il était possible de découvrir des merveilles derrière chaque sous-bois, de s'y aventurer sans fin en compagnie de celle auprès de qui vous éprouviez des amours intenses. L'épée brisée est donc une élégie aux temps anciens, un hommage aux légendes de l'Europe, et surtout un classique méconnu de la fantasy médiévale, à lire de toute urgence, surtout si vous vous en sentez blasé. Après, je dis ça, c'est pour votre culture…
Lien : https://cestpourmaculture.wo..
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