Écrite en 1942, créée en 1944, pendant l'Occupation, rangée par son auteur dans Les nouvelles pièces noires,
Antigone est sans conteste l'oeuvre la plus célèbre de son auteur, elle demeure très jouée et encore plus étudiée, en particulier au lycée. Elle est inspirée par la pièce éponyme de
Sophocle, qu'
Anouilh, paraît-il admirait beaucoup.
L'oeuvre d'
Anouilh reprend d'assez près la trame des événements de la pièce des
Sophocle, même si elle en modernise le contexte et surtout transforme l'esprit et le sens. Un personnage appelé le prologue présente les personnages et résume les événements précédents l'action à proprement parlée de la pièce (en particulier la mort des fils d'Oedipe et l'interdiction d'ensevelir l'un des deux Polynice, traître à sa cité), l'action peut démarrer.
Antigone rentre la nuit après une escapade, que sa nourrice soupçonne amoureuse.
Antigone ne révèle rien, mais a une discussion avec sa soeur Ismène, cette dernière refusant de l'aider à d'ensevelir son frère Polynice, car Créon leur oncle et roi l'a interdit, et transgresser cet ordre est puni de mort. Elle tente de faire renoncer
Antigone à son projet. Après un dialogue avec son fiancé Hémon,
Antigone révèle à Ismène qu'elle est déjà passée à l'action pendant sa sortie nocturne. Les gardes viennent apprendre à Créon que son ordre a été transgressé, le roi leur recommande de redoubler de vigilance. Les gardes reviennent avec
Antigone, qui est retournée auprès du cadavre. Créon essaie de la persuader de ne pas divulguer son acte, préférant faire mourir les gardes témoins plutôt que sa nièce. S'engage un dialogue entre Créon et
Antigone, mais au final
Antigone entend revendiquer ce qu'elle a fait et réclame la mort. Créon ordonne cette mort, elle doit être enterrée vivante. Elle se pend dans le tombeau, et Hémon, qui n'a pas pu faire revenir son père sur sa sentence de mort, se suicide devant son cadavre.
Eurydice, la mère d'Hémon se suicide aussi. Ne reste plus que Créon, qui compte poursuivre jusqu'au bout sa besogne.
Les transformations par
Anouilh de la pièce de
Sophocle portent sur le contexte : la pièce est transposée à une époque moderne indéterminée : on parle de rouge à lèvres, de voitures de sport etc. Mais elles concernent avant tout le sens profond de la pièce antique. Il n'y a plus aucune considération religieuse. La religion apparaît uniquement comme un rituel vide de sens, dont aussi bien Créon qu'
Antigone se moquent. de même il est difficile de trouver un fondement politique à l'acte d'
Antigone. Elle ne conteste pas un pouvoir tyrannique, un ordre social injuste, ce qu'elle attaque finalement dans une sorte de geste adolescente nihiliste, c'est un « vieux » qui entend lui dicter ce qu'elle doit faire, et comment elle doit vivre. Elle est au final incapable de justifier ou d'argumenter son geste. Créon est un « pragmatique », il n'est le représentant d'aucune idéologie particulière, simplement un politicien désireux de garder le pouvoir, et faire d'Etéocle, le frère de Polynice, un héros positif, lui est utile pour mener le peuple. Il se doit donc de faire respecter ses ordres de mise à mort de celle qui a tenté d'ensevelir le frère maudit, même si au final il s'en fiche, si
Antigone cache son acte, la mort des gardes garantira le silence sur les faits et la famille pourra continuer à faire ses petites affaires sans histoires. Mais il se heurte eu refus buté d'
Antigone, qui demande la mort, sans vraiment savoir pourquoi, d'une certaine façon pour embêter son oncle, qui au final se doit d'accéder à sa demande suicidaire. Sans grand état d'âme d'ailleurs, même s'il essaie de la persuader (et y arrive presque) pour la sauver, car il sait que la mort d'
Antigone lui causera des problèmes, il ne donne pas la sensation de beaucoup regretter la « sale gamine ».
La pièce a donné lieu à beaucoup d'interprétations contradictoires (entre résistance et collaboration supposées), pour ma part j'ai surtout eu la sensation de quelque chose d'un peu étriqué, d'un cynisme un peu facile, une
Antigone puérile, et un Hémon gestionnaire, plutôt que deux visions du monde antagonistes ayant chacune une justification, une raison d'être, on est en face de deux vacuités, d'un monde qui tourne juste pour tourner et de l'autre côté un refus pour la simple jouissance du refus.
Mais je n'ai sans doute pas beaucoup d'affinités avec l'univers d'
Anouilh.