La ville de Lagos et plus largement le Nigeria, m'ont toujours paru être un enfer. Au vu des infos et des documentaires dont j'ai eu connaissance, c'est une image de criminalité, de grandes inégalités et de pauvreté qui me viennent en tête. J'ai récemment vu un film "Nollywood", c'est-à-dire issu de l'industrie des studios nigérians, qui m'a profondément démoralisé. Il s'agit sans surprise d'un groupe armé qui s'oppose à une police et une armée complètements corrompues, avec pour toile de fond la ville de Lagos. Pas une scène sans un personnage armé, de gangs, d'enlèvements... le tout dans une ville à l'aspect tentaculaire où à chaque embouteillage, on est rançonné, ou même abattu sans sommation.
En littérature, j'avais déjà lu "Le monde s'effondre/Tout s'effondre" de
Chinua Achebe et "
Notes sur le Chagrin" de
Chimamanda Ngozi Adichie. "
En attendant un ange" est donc mon troisième roman nigérian. Et pas le moindre.
Helon Habila nous plonge dans l'univers de Lagos sous la dictature impitoyable du général Abacha. Bien entendu, tout possible contre-pouvoir est annihilé, y compris, et surtout les médias. le narrateur nous fait suivre plusieurs personnages, tous reliés les uns aux autres, et tous en opposition avec le régime. Lombo est celui qui les relie tous. Lombo est un jeune journaliste qui rêve d'être écrivain. Mais on ne peut rien écrire et encore moins publier sous la dictature de Abacha. Donc, il travaille comme journaliste au journal "Dial", ce qui n'est pas non plus sans risques, puisque, il est embauché pour écrire des articles sur l'art, mais la politique et la dénonciation des exactions prennent vite le dessus. Chaque chapitre nous livre le point de vue d'un personnage et celui de Lombo ouvre et termine le roman. Je ne divulgâche pas l'intrigue, qui est savamment construite, de manière pas toujours linéaire. On perçoit parfois quelques traits d'humour et d'amour, histoire de faire passer les massacres. On ressent une terrible et lourde tension tout au long du récit. A chaque page, l'auteur nous restitue, avec brio, l'ambiance de terreur et de misère qui submerge les personnages et donc le lecteur.
Je n'ai pas pu m'empêcher d'aller voir un peu sur Internet ce que l'on dit de Lagos et du Nigeria. C'est peu réjouissant et ça ne donne pas envie du tout.
A savoir que les deux auteurs que j'ai préalablement cités, ainsi qu
Helon Habila ne résident pas dans leur pays d'origine, mais aux USA ou au Royaume-Uni. On le comprend aisément, sans quoi il ne pourraient tout simplement pas s'exprimer. La dictature de Abacha dans les années 90 fut une des plus sanglantes, mais les gouvernements suivants ne donnent pas non plus une vision bucolique de la vie dans ce pays.
C'est un roman, largement documenté et s'inspirant de faits bien réels qui tient en haleine le lecteur d'un bout à l'autre.
Helon Habila est un nom à retenir. Dans sa post-face, il cite un extrait du journal L'Economist de 1995 : "La bande actuelle, sous la houlette du général Abacha, est la pire de toute : répressive, sans aucune vision d'avenir et tellement corrompue que le parasite de la corruption a presque entièrement dévoré son hôte. Ces temps-ci, l'activité principale de l'État est le détournement de fonds. Si rien n'est fait pour l'empêcher, il est probable que le terme en sera la destruction du Nigeria".