Il était là depuis plusieurs semaines. Coincé entre le dernier
Thomas H. Cook , le pavé de Don Meyer et le livre de
Laura Wilson. Un petit bouquin d'un jeune auteur qui commet avec «
Morceaux de choix » son tout premier roman.
Il n'est pas rare que j'intercale dans mes lectures d'auteurs connus et reconnus quelques écrivains qui n'ont pas encore eu la chance de percer. Mais l'exercice est parfois périlleux !
Bien souvent publiés chez de petits éditeurs qui ne déméritent pas à dénicher de nouveaux talents, mais qui n'ont pas toujours les moyens d'assurer un travail de conseil en relecture et réécriture avant d'éditer leurs publications, il m'arrive souvent de tomber sur de véritables catastrophes littéraires.
Mal construit, style quelconque, incohérence du scénario, ficelles tellement grosses que le livre vous en tombe des mains.
Et puis parfois, il y a des romans, qui non sans quelques imperfections propres à un premier roman, vous surprennent, agréablement, qui sans être le roman qui va vous marquer pour les dix prochaines années, vous laisse l'impression d'avoir passé un bon moment en leur compagnie.
«
Morceaux de choix » est de cela. Un roman de facture classique mais réussi, dans lequel l'auteur met en place une mécanique efficace qui parvient à intéresser le lecteur.
A Carcassonne, petite ville touristique du sud de la France, un jeune marginal disparait. On ne retrouvera de lui qu'un corps mutilé quelques temps plus tard.
Cette histoire n'est pas sans rappeler certains faits à Nicolas, un ancien flic reconverti en détective privé qui décide alors de prendre contact avec ses anciens collègues pour leur faire part d'éléments en sa possession. Sa route va croiser celle de Laura, une journaliste du quotidien local, qui couvre l'affaire.
Tout deux vont se lancer sur la piste d'un assassin hors du commun. Un tueur qui semble s'être d'abord fait la main sur un cadavre avant de passer à l'acte sur ses congénères. Cela ne laisse bien sûr guère de doute quant à sa détermination et aux probabilités que les cadavres s'accumulent avec le temps.
Avec «
Morceaux de choix » nous avons donc là un roman d'enquête construit selon les règles du genre. Mais l'intelligence de
Sébastien Arger est d'arriver à distiller au long de son roman une malice propre à bercer son lecteur d'une certitude qui s'avèrera au final trompeuse.
Car l'auteur manie l'esquisse avec un art consommé, parvenant à dessiner les contours d'un personnage qui reste flou, en filigrane de l'intrigue et dans l'ombre du tueur dont il porte les motivations de ses crimes. Un personnage dont le lecteur ne découvrira qu'à la fin du roman la vraie nature.
Sebastien Arger évite de tomber dans la facilité et les travers habituels dans lesquels se fourvoient souvent les jeunes auteurs. Ici pas de tueur en série d'une sempiternelle intelligence supérieure, qui chercherait à prouver qu'il est au dessus des autres en narguant la police. Pas de haine, de traumatisme enfoui pour expliquer ses actes. Juste une logique, froide, implacable, ancestrale et dépassionnée, qui donne une originalité singulière au scénario.
A cela s'ajoute que la lecture de ce roman revêtait pour moi un intérêt tout particulier. En effet l'action se situe pour partie dans la ville où j'ai grandi : Carcassonne. C'est une drôle de sensation que de suivre cette histoire dans des lieux que l'on a soit même fréquentés.
Pour autant, là aussi, la ville n'est qu'à peine esquissée, loin du cliché touristique ( la ville possède la plus grande enceinte fortifiée du Moyen Age et reçoit pas moins de 2 millions de visiteurs par an) .Mais l'auteur n'en profite pas moins pour décocher quelques flèches à l'encontre de ces commerçants avides, qui se gavent de la vente de souvenir made in Taiwan et galvaudent l'image de la vielle dame, où en direction des édiles municipaux en faisant référence à un scandale de listes électorales qui avait secoué a ville en son temps.
ARGER Un premier roman prometteur donc, qui aurait gagné peut être à un peu moins de linéarité, mais il n'en reste pas moins que le résultat est bon et qu'il augure pour ce jeune auteur la possibilité d'un parcours qui pourrait le conduire à rencontrer un public plus large. Encore faut il que
Sébastien Arger se convainc qu'il a des choses à dire dans ce genre littéraire qui n'est pas, à la base nous dit- il, son genre de prédilection. Pour ma part je ne peux que l'y encourager !
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