Les Sept Fous n'est pas un livre facile à lire, ce n'est pas le genre de livre qu'on prend au bord de la plage, ni dans le train. Il m'a fallu près de quatre mois pour le lire.
Le personnage principal est Erdosain, un inventeur dont on se demande ce qu'il invente, si ce n'est peut-être sa propre vie. le début se lit de manière assez aisée. Après avoir détourné de l'argent de la caisse de l'entreprise qui l'employait, Erdosain est sommé de rembourser rapidement ces six cents pesos.
C'est à ce moment du récit que l'histoire bascule. En cherchant une solution à ses problèmes d'argent, il commence à s'en ouvrir auprès de l'Astrologue qui l'amène à envisager un nouveau tournant à sa vie. Personnage Messianique, l'Astrologue lui dévoile un plan pour construire une nouvelle société humaine dont le base économique reposerait dans un premier temps sur les revenus tirés de bordels et ensuite des inventions de ce diable d'Erdosain.
Entretemps, sa femme le quitte et il se fait humilier par un homme, Barsut, épris de cette dernière.
Le surhomme serait-il un sous-homme?
Avec l'Astrologue, ils décident de kidnapper ce Barsut et de lui faire cracher l'oseille leur permettant d'amorcer la pompe à bordels du Ruffiant, dont les revenus apporteront les capitaux nécessaires pour l'essor d'une nouvelle colonie.
Ecrit comme cela, on nage en plein surréalisme, un trip en Absurdie. Et pourtant, ce roman est un pied-nez fou à tous les messianismes et en même temps un crachat à la face de ceux qui ironisent sur les utopies. Qui suis-je si je ne songe pas à un monde meilleur? mais que serais-je si candide, je crois à tous les bonimenteurs?
Les multiples parallèles avec
Lénine et Mussolini nous renvoient à la fin des années 20 et à une période où nombreux furent ceux et celles qui ne savaient plus à quels "saints" se vouer.
Les sept fous renvoient à différents personnages entrevus dans le roman mais peut-être et surtout aux tourments qui étreignent Erdosain. Mais on se demande également s'il n'est pas tous ces personnages à la fois y compris lui-même l'inventeur suprême. Un chapitre consacré à un personnage incarcéré dans une maison de fou est peut-être une des clés de l'énigme.
Le style est agréablement perturbant même si certains passages sont un peu alambiqués pour moi. à titre d'exemple: "Quand Erdosain sortit, le Boiteuse l'enveloppa d'un regard singulier, de ces regards en éventail qui coupent obliquement le corps d'un homme des pieds à la tête, et recueillent par la tangente toute la géométrie intérieure de sa vie".
La phrase est belle et fait écho sur la difficulté à appréhender qui est Erdosain que seule la Boiteuse aurait démasqué.
Qui est le plus misérable? Celui qui se morfond sur son existence misérable ou celui qui constatant sa vie misérable s'évade dans un délire messianique aussi extravagant soit-il.
Bref, une lecture âpre mais qui nourrit l'âme.