Achevée la lecture du grand oeuvre de
Roberto Arlt qu'est l'ensemble constitué des Septs fous et des Lance-flammes on se rend compte que plutôt qu'un diptyque les deux romans constituent un continuum absolument indissociable : il serait vain et illusoire de saisir toute la qualité littéraire de l'univers qui nous est présenté en n'ayant lu que
les Sept fous; on en vient presque à regretter que l'auteur n'ai pas pris le parti d'une livraison unique sous un même titre et en deux tomes, l'auteur n'ayant que sa plume pour vivre contrairement à un
Jorge Luis Borges, des considérations économiques on peut être présidé à ce choix. de même, on peut s'étonner que seul
les Sept fous a bénéficié d'une nouvelle traduction, l'édition française du présent roman est l'objet du travail antérieur d'un autre traducteur. Cet indispensable et certes long propos liminaire posé,
les Lance-flammes, roman d'une facture plus consensuelle, composé en grande partie de soliloque des personnages rencontrés dans le premier volume du diptyque, infléchi radicalement et agréablement l'impression baroque et grandguignolesque que nous avait laissé le premier volet de ce chef-d'oeuvre. Ainsi Augusto Remo Erdosain n'est pas l'être falot, fétu de paille balloté sur les flots des courants contraires de la vie, c'est la représentation ultime de l'angoisse, une figure proprement dostoïevskienne, L'Héautontimorouménos des Fleurs du mal, le bourreau de lui-même, une incarnation assez inoubliable du délabrement nerveux de l'être. Par le biais d'une péroraison magistrale de l'Astrologue est fait un réquisitoire en règle contre le mécanisme bien huilé de l'impérialisme américain lui permettant d'inféoder ses voisins continentaux. Les travaux de recherche d'Erdosain sur les armes chimiques sont les supports à des visions hallucinées et apocalyptiques des champs de bataille de la Première Guerre Mondiale.
Votre serviteur abordait la lecture de ce second volume du dytique avec crainte et lassitude, la peur est mauvaise conseillère,
les Lance-flammes permet de reconsidérer dans son ensemble les deux romans à leur juste valeur, c'est ce qu'il a lu de plus marquant dans les lettres argentines, sans méconnaitre par ailleurs, le prestige de
Jorge Luis Borges.