AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,83

sur 1717 notes
J'étais à peu près passée à côté du fait divers au coeur de ce récit. 2008 : le meurtre par 28 coups de couteau d'une postière dans une petite ville de l'Ain. 2013 : l'acteur du Petit Criminel, césar du meilleur espoir 1991, Gérald Thomassin mis en examen pour cet homicide et incarcéré en détention provisoire puis libéré sous contrôle judiciaire. 2019 : il disparaît, sur le point d'être innocenté d'un non-lieu. Incroyable histoire, du César au cauchemar, nimbée de mystères.

Florence Aubenas est une formidable conteuse. Ce n'est pas nouveau, pour ceux qui ont lu le Quai de Ouistreham ou suivent son travail de journaliste au Monde. Disons que dans ce récit éminemment romanesque où tous les événements sont vrais, son talent est encore plus éclatant. L'Inconnu de la Poste se lit comme un thriller, fluide et aisé à suivre, saturé de mystères. La ligne narrative sait où elle veut conduire le lecteur tout en se remodelant en permanence au fil des rencontres et des éclairages choisis par l'auteure. Elle ouvre les tiroirs les uns après les autres tout en gardant son récit droit.

L'auteure a travaillé plus de six ans sur ce dossier. Pour autant, elle ne propose pas une contre-enquête à la « Faites entrer l'accusé ». de même, elle ne porte aucun jugement sur le déroulé de l'affaire, ne fait aucune extrapolation. Dans la lignée rigoureuse et sensible de de Sang froid ( Truman Capote ) et du Chant du bourreau ( Norman Mailer ), son True crime est une magnifique étude sociologique, celle d'une petite ville provinciale, Montréal-la-Cluse, au coeur de Plastics Valley en crise depuis les années 1990 puis carrefour de la drogue entre la Suisse et l'Italie. Comme une vue en coupe de la société française qui donne les clefs pour percevoir l'épaisseur du réel et sa complexité.

Florence Aubenas flaire dans les moindres recoins du réel et son acuité humaniste nourrit son récit de mille détails qui palpitent de vie en s'attachant à une galerie épatante de portraits. Bien sûr, Gérald Thomassin en est le point de convergence et on découvre un enfant de la DDASS que le cinéma n'a pas sauvé, dont le parcours chaotique de marginal entre drogue, alcool et RSA, en a fait un parfait gibier de potence. « Attachant et décourageant » comme le décrit le cinéaste Jacques Doillon.

Mais au-delà de la trajectoire cabossée de Thomassin, Florence Aubenas donne une voix à tous ces protagonistes qui n'ont pas l'habitude de se raconter ou d'être racontés : les habitants de Montréal-la-Cluse, la bande de copine de la postière assassinée, les copains marginaux qui traînaient avec Thomassin, les les derniers fermiers du village vivant comme des reclus avant de tout lâcher. Catherine, la postière a droit à un portrait complet qui résonne avec les failles de l'acteur. Et puis, il y a son père, notable du village. Acharné, ne tenant que par sa quête de vengeance, s'accrochant à ses croyances, obsédé par Thomassin en lequel il ne voit qu'un assassin avéré. On est chez Chabrol ou Simenon.

Tout est passionnant dans ce récit à l'humanité brute et nue qui ne verse jamais dans le sensationnalisme.



Commenter  J’apprécie          20031
j'ai dévoré ce livre avec d'autant plus d'avidité que je ne connaissais rien de cette affaire criminelle aux multiples suspects et coups de théâtre. Dans une enquête fouillée réalisée en immersion, Florence Aubenas, brillante journaliste, n'hésite pas à se mettre dans la peau de plusieurs protagonistes tout en restant factuelle. C'est à Montréal-la-Cluse qu'en ce jour de décembre 2008 est perpétré le meurtre barbare de Catherine Burgod une employée de « la petite poste ». Un suspect polarise l'attention de la police rapidement : l'acteur Gérald Thomassin Césarisé pour son rôle dans « le petit criminel ». Ce marginal aussi solitaire qu'évanescent, connu des services de police, sorti de nulle part et n'aspirant qu'à y retourner, vie dans la commune depuis peu. L'étranger ganté au chapeau de feutre et long manteau de cuir noir inspire méfiance. Entre deux tournages son parcours est chaotique et le prédestine à un destin pénal : familles d'accueil, Ddass, rue, larcins, addiction à la drogue et à l'alcool. Désormais sa vie se résume au triptyque RSA /bières/Subutex. Installé dans un appartement en sous-sol située en face du lieu du crime il est dans le collimateur de la justice et incarne le « coupable idéal ». de simples éléments troublants sont alors considérés comme «un faisceau d'indices graves et concordants ». La journaliste dresse un portrait précis, objectif et empreint d'humanité de Thomassin, de la victime et de leur entourage à qui elle donnera la parole tour à tour. Elle dépeint aussi magistralement la communauté rurale et livre une observation fine du monde social. Les preuves scientifiques finissent par mettre à mal l'intime conviction de départ et ouvre sur un autre scénario possible même si de nouvelles déclarations viennent contrarier l'espoir de connaître enfin la vérité…A l'enquête officielle se mêlent une enquête plus intime possédant tous les ingrédients des affaires criminelles les plus brûlantes : fausses pistes, rebondissements, vindicte populaire, mise en examen suivie de non-lieu, ténors du barreau, pression familiale, intime conviction aveugle et disparition mystérieuse de suspect. Glaçant et passionnant.
Commenter  J’apprécie          14518
En quelques phrases, Florence Aubenas sait nous faire comprendre ce qui sépare Gérald Thomassin du reste de la société. Cette société qui l'a adulé un temps, (allez jeter un oeil sur la page Wikipedia ou l'IMDB de Gérald Thomassin), à laquelle il n'a jamais su se conformer et qui l'a rejeté en le soupçonnant du pire, le meurtre de la postière de Montréal-La-Cluse en 2008.
N'a-t-il pas été le petit criminel dans le film de Jacques Doillon, vous diraient ceux qui au moyen-âge jetaient des pierres sur l'acteur qui jouait le rôle de Judas lorsque la Passion du Christ était mis en scène sur le parvis des cathédrales ?
Il a préféré disparaître en août 2019. Il obtiendra un non-lieu en octobre de la même année. Depuis personne ne sait où il se trouve. Une information judiciaire pour enlèvement et séquestration est ouverte.
« Montréal-La-Cluse est devenu un bourg ouvrier, mais le temps s'y écoule comme à la campagne, entre la maison et le jardin.
S'occuper du bois, savoir conduire très vite sur la neige ou éviter de nuit un sanglier garde ici tout son sens.
(…)
Personne n'a jamais vu Thomassin dans l'eau, ni même en maillot de bain. Les jours et les nuits, il les passe avec quelques gamins du camping, collé devant des jeux vidéo, à écluser des bières. »
En 2007, Thomassin s'installe dans cette région de Nantua où après le miracle économique de l'industrie du plastique, tout « a été compressé, délocalisé, précarisé, fermé. » où, « Bientôt il faudra du piston pour avoir sa chimio »
Par miracle, Montréal-La-Cluse a pu maintenir son agence postale. Autour de la postière, « Catherine Burgod, 47 ans, des faux airs de Sophie Marceau », les anciennes copines de lycée se retrouvent pour un café matinal tous les jours à 8h30.
Dans le village, Thomassin se lie avec Tintin et Rambouille « On était les Dalton » dit Tintin.
Au yeux des deux autres Thomassin brille, c'est la vedette !
Autour de ce fait divers, Florence Aubenas nous livre une véritable chronique de la France du XXIème et du fonctionnement de la justice. Ça se lit comme un polar, mais ça fait froid dans le dos.
Avec une grande précision et un vocabulaire sans détour, elle analyse le contexte des itinéraires respectifs de Catherine Burgod et Gérald Thomassin. Tout les oppose. Elle, la petite fille gâtée par son père qui ne lui refuse jamais rien, malheureuse malgré les apparences, court après un bonheur qui lui échappe. Lui , l'orphelin de la DASS qui ne s'est jamais remis de son abandon malgré ses récompenses cinématographiques vit dans une réalité qu'il est seul à percevoir. Deux personnalités opposées qui se retrouvent dans les blessures que la vie leur a infligées.
Le village prend fait et cause pour Catherine contre Thomassin.
« Peu à peu, dans cette paisible communauté villageoise, la méfiance entre voisins s'est installée, les anciens se sont remis à raconter la guerre, « le seul épisode comparable, dit l'un. »
Thomassin coche toutes les cases, il est étranger, habite juste en face de la poste, parle beaucoup sans que l'on sache si c'est l'auteur ou le personnage qui parle. Les mots n'ont pas le même sens pour Jacques Doillon ou pour un habitant Lambda de Montréal -La-Cluse !
Thomassin n'est jamais dans la réalité, il joue en permanence. « Il n'y a pas plus attachant, dit Doillon. Pas plus décourageant non plus. » Entre lui et la société c'est une question d'indifférence et d'attraction. « Ce monde lui paraît étranger et à la fois secrètement familier. »
Sur les témoignages de Tintin et Rambouille l'enquête concentre sur Thomassin. Son expérience d'acteur fait dire aux gendarmes« Il a pu tenir ce rôle du meurtrier puis s'en extraire en se persuadant ensuite que ce n'est pas lui qui a agi. » Manquent les preuves. Il donne du grain à moudre aux gendarmes car « (…) « simplement » n'existe pas dans le monde de Thomassin. »
Garde à vue le 26 juin 2013, il passera presque trois ans en prison.
Les traces d'ADN du véritable coupable retrouvées sur la scène de crime matchent avec celle d'un habitant de la vallée. Thomassin est disculpé, mais le doute demeure.
L'analyse des magistrats diverge sur le sujet.
A la fin de cette lecture, on hésite entre Entre colère et chagrin.
La presse n'a pas hésite à écrire « (…) l'acteur du Petit criminel, « un film dont le titre résonne tragiquement aujourd'hui »
Pendant des années la justice a considéré un coupable parce que son parcours en faisait un coupable crédible.
Un livre hallucinant sur une affaire qui ne l'est pas moins.
Du grand Florence Aubenas !
Commenter  J’apprécie          978
Je connais Florence Aubenas pour avoir lu , entre autres , son très intéressant " Quai de Ouistreham" dans lequel ses qualités journalistiques s'étalaient au grand jour pour notre plus grand plaisir . Par contre , je n'avais pas connaissance de la parution de son dernier roman " L'inconnu de la poste " que la " main providentielle " de ma fille a sorti des rayons de sa librairie préférée afin de me l'offrir . le titre déjà, me semble alléchant, porteur de sens , fleurant bon le mystère et la " province " . Oui , la province , vous savez , un de ces villages ou gros bourgs où l'on peut encore boire un demi au " bar de la poste " , cette poste qui sert ( ...ou servait ) de phare salvateur aux touristes égarés, comme l'église ou la mairie . Lieu de rendez- vous . Un bureau de poste qui , d'ailleurs , justifie bien ici sa fonction de lien social puisqu'une aimable " bande de femmes " s'y réunissent tous les jours autour de Catherine Burgod , la postiére, belle femme " complexe " , fille d'un notable local .Ce village de montagne , c'est Montréal la Cluse , près du lac de Nantua . Un décor splendide, attirant surtout les familles pour l'activité de ses usines de plastique et situé à mi- chemin entre Lyon et la Suisse sur la route des trafiquants de drogue . Tout un programme ....C' est là que Gérald Thomassin , un acteur reconnu et primé d'un César du jeune interprète , vient s'installer pour vivre sa " marginalisation " et oublier un passé et un présent peu attrayants car compliqués . Et bien entendu , l'attirance pour Tintin et Rambouille , eux - mêmes " marginaux du village " , va encore plus focaliser l'attention des autochtones sur sa personne . Ben , oui , comme partout .. Bienvenue dans la Grotte , juste en face ...de la poste .

Ça commence comme un roman , comme une intrigue de polar mais souvenons- nous que Florence Aubenas est journaliste et c'est dans la vie réelle , dans un quotidien banal , qu'elle puise les situations , qu'elle traduit l'ambiance , les sentiments et qu'elle crée un suspense qui nous tiendra en haleine jusqu'à la dernière ligne...Les phrases courtes , sèches , taillées au cordeau nous placent au coeur d'un fait divers qui , peu à peu , prend des airs de " vrai crime " . Et oui , un vrai crime que l'assassinat de la belle postière. Pas une fiction , non , du réel, du vécu, 28 coups de couteau pour la préposée , 6 à 7 ans de travail , d'enquête , de recherches pour Florence Aubenas . Tout ça pour ça ? Oui , mais ça , vraiment , c'est " du lourd , du très lourd " comme dirait Francis Lucchini . Il y a , dans cet ouvrage , la " patte et le sérieux " d'une vraie journaliste d'investigation , qui cherche , fouille , triture , remue , et relate tout en gardant sa distanciation ( mot bien dans l'air du temps ....) , ne nous entraîne pas là " où " elle veut mais là où il faut être ...Une vraie pro , quoi , pour un régal de livre ...Enfin , ce n'est que mon humble avis , hein , et vous n'êtes pas obligés de me croire ....Je l'ai déjà dit ? Ah, oui ? Alors je me tais , dommage pour vous , j'allais vous révéler...
Commenter  J’apprécie          943
En 2008, la postière d'un village de l'Ain est retrouvée assassinée de vingt-huit coups de couteau sur son lieu de travail. L'enquête piétine et finit par déboucher en 2013 sur la mise en examen de l'acteur Gérald Thomassin, césar du meilleur espoir 1991. L'homme est placé trois ans en détention provisoire avant d'être libéré sous contrôle judiciaire. Il disparaît en 2019, alors qu‘un non-lieu était sur le point de l'innocenter. Florence Aubenas a enquêté sept ans sur cette affaire, restée à ce jour irrésolue.


Exposée pas à pas avec une objectivité et une précision journalistiques qui n'ont d'égale que l'incontestable talent de conteuse de l'auteur, cette histoire en tout point véridique se lit comme un thriller où ne cesse de s'épaissir le mystère. Face à l'énigme, la narration se garde de développer toute théorie personnelle, et, plutôt qu'à une contre-enquête, c'est à une véritable étude sociologique qu'aboutit Florence Aubenas. Explorant la personnalité des protagonistes, leur environnement socio-économique et les ressorts de leur existence, elle nous immerge dans le vase clos provincial de cette vallée frontalière en crise, devenue carrefour de l'industrie du plastique, mais aussi de la drogue.


S'y dessine peu à peu une galerie de portraits plus vivants que nature, parmi lesquels la figure tourmentée d'un étranger aux lieux venu s'y établir, que ses failles psychologiques tout autant que sa vie marginale, entre RSA, drogue et alcool, ne pouvaient que désigner à la méfiance et aux soupçons. Enfant de la Ddass éternellement habité par une insondable béance intérieure, cet homme qu'on dirait dévoré par la combustion de son mal-être, semble aimanté par quelque force obscure qui l'enchaîne au malheur. Sa chute aux enfers est d'autant plus troublante et vertigineuse qu'elle s'inscrit en tragique contraste avec la chance que lui offrait le cinéma. Et il n'est pas jusqu'au point d'orgue de son inquiétante disparition qui ne contribue à hanter durablement le lecteur, bien après le point final de ce récit.


L'acuité du regard et des observations de Florence Aubenas fait de ce document un fascinant et troublant instantané des remous où se noie une partie habituellement invisible de notre société. Admirablement conté, il se lit comme un roman empli de suspense et de mystère, d'autant plus addictif et bouleversant qu'encore une fois, la réalité dépasse l'imagination.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
Commenter  J’apprécie          8810
À la manière de Truman Capote avec de sang-froid ou encore Norman Mailer et le chant du bourreauFlorence Aubenas avec L'inconnu de la poste entre de plein pied et avec brio dans la non-fiction littéraire. En effet comme ces prestigieux prédécesseurs, la journaliste qui a longuement enquêté sur l'assassinat d'une postière de village, dont a été soupçonné un jeune acteur de cinéma aussi doué que marginal, va par son écriture factuelle et sans affect donner à ce fait divers une dimension sociale, sociologique et tragique capable de transcender son sujet. de fait, on ne lache plus cette non-fiction non seulement pour sa qualité romanesque digne des meilleurs romans noirs mais également pour la mise en lumière d'une France bien réelle au mieux ignorée au pire méprisée.
Commenter  J’apprécie          780
Quand un essai se lit dès les premières pages comme un roman, c'est plutôt bon signe. L'inconnu de la poste de Florence Aubenas aurait fait un excellent roman s'il n'avait pas traité de la réalité. Celle du quotidien. du quotidien sordide. C'est arrivé près de chez vous, ou dans un de ces petits villages comme il y en a tant près de chez vous. C'est arrivé en France au XXIe siècle…

Souvenez-vous, Gérald Thomassin, le petit criminel de Doillon, César du meilleur espoir à la fin du siècle dernier avant de plonger dans la spirale infernale du marginalisme et du quasi-oubli. À Rochefort, puis dans le Bugey, à Montréal-la-Cluse, 3 000 habitants. Un petit studio en sous-sol, face à l'agence postale. Celle dans laquelle Catherine Burgod se fait assassiner un petit matin d'hiver. Plaçant Thomassin dans la posture du coupable idéal.

Un jour au mauvais endroit… Aubenas aurait pu emprunter son titre à Calo. Reprenant le concept rigoureux de son journalisme d'immersion, elle a depuis plusieurs années, noué des liens avec Thomassin et remonté le fil complet de ce fait divers dont le coupable demeure inconnu à ce jour. Entre temps, la pression psychologique, l'opprobre collective, les gardes à vue et la détention provisoire auront eu raison des éternels espoirs de rebond que cultivait Thomassin. Il est porté disparu depuis un an et demi.

Bien sûr, comme elle le fit pour Outreau, Florence Aubenas endosse sa veste de grand reporter et décortique méticuleusement les étapes de l'enquête, questionne les faits, réinterroge les témoins et démontre sans passion les faiblesses factuelles d'un dossier exacerbé par les passions locales.

Mais comme elle le fit à Ouistreham, elle s'installe sur place, s'imprègne des lieux, rattrape leur histoire, intègre à son raisonnement les mécanismes relationnels qui régissent ce microcosme de la vallée du plastique où il faut que tout bouge pour que rien ne bouge. Et conforme à son habitude, elle s'intéresse aux gens. Aux vrais gens.

Et c'est là que Florence Aubenas donne à son livre toute sa dimension. Loin de l'enquête, elle nous raconte l'histoire simple devenue compliquée de ces esquintés de la vie, hommes aux cerveaux et aux coeurs trop pleins : trop pleins d'envie, trop pleins d'essais, trop pleins d'échecs, trop pleins d'angoisses, trop pleins de lassitude.

Loin de toute approche moralisatrice ou culpabilisante, Florence Aubenas nous propose, avec distance et élégance, une énorme bouffée d'humanité qui affleure juste au-dessus d'un contexte bien sombre, pour qui choisit de la regarder. Un grand livre.
Commenter  J’apprécie          730
Ayant lu un de ses précédents livres "Le quai de Ouistreham" sur ces gens qu'on ne voit pas au grand jour et qu'on appelle "les invisibles", elle m'a fait prendre conscience que ces personnages existent réellement. Ce livre m'a beaucoup plu et naturellement j'ai eu envie de lire "L'inconnu de la poste". Lisant rarement des documentaires, j'ai lu ce livre comme un roman et me disant tout au long de ma lecture que c'est, malheureusement, une histoire vraie. Florence Aubenas, journaliste au Monde, est une véritable conteuse. Elle dissémine, peu à peu, les détails et les protagonistes d'une histoire macabre, comme un thriller.
En 2009, dans un bourg du Haut-Bugey dans l'Ain, une postière est assassinée de 28 coups de couteau. Elle s'appelait Catherine Burgod, fille de notable, sans histoire particulière. Tous les matins, elle venait travaillée à la petite poste du village "Montréal-la-Cluse". Les habitants l'a trouvait plutôt sympathique et arrangeante. Elle était mariée mais avec son conjoint, l'heure n'était plus à la fête, elle voulait divorcée. Elle avait un amant et était enceinte. Ses projets de déménagement ont été, malheureusement, annulés à cause de son décès. Au début le futur-ex mari est soupçonné mais très vite un trio d'hommes,vivant d'alcool et d'expédiants, sont à leur tour soupçonnés. Dans ce trio, un jeune acteur, Gérald Thomassin, est mis en examen. Il clame son innocence, mais rien n'y fait.
Je ne vous en dirait pas plus sur l'histoire.
J'ai beaucoup aimé la plume de cette journaliste. Chaque mot est choisi, pesé. Elle n'a à aucun moment pris parti et à voulu interviewé chaque habitant du village qui le voulait. Il a fallu 7 ans pour reconstituer ce fait divers sordide. Son récit est bien construit.
Un livre que je vous conseille.
Commenter  J’apprécie          632
Quelque chose en lui de Tennessee...

J'ai toujours eu un petit faible pour les rebelles au coeur tendre , les marginaux au regard farouche, les éclopés de la vie,  les refujniks de tout poil.  Même avec les animaux, si je dois choisir entre un chienchien à sa mémère bien tranquille et un chien perdu sans collier, je n'ai pas la moindre hésitation..

Mon compagnon à 4 pattes ayant  déclaré forfait et opté, à mon grand désespoir,  pour le paradis des chiens, je me suis précipitée dans un refuge voisin et en suis repartie, après une semaine à jouer les visiteuses de prison, avec un griffon fauve de Bretagne, ramassé par la fourrière et au refuge depuis un an. Il n'avait visiblement jamais monté d'escalier, jamais osé rentrer dans une maison, jamais reçu de douceurs ou de caresses. Un sauvageon qui n'en revient pas d'avoir atterri chez une dingue qui le promène, le nourrit et le dorlote..

Bref,  j'ai toujours eu un petit "bountje" comme on dit à  Bruxelles pour la bouille fermée et le regard buté et  triste de Gérald Thomassin, si sensationnel dans le film de Doillon, le Petit Criminel, qui l'a lancé et  poursuivi toute sa vie comme un destin.

Gérald Thomassin qui m'a toujours fait penser à un de mes fils, révolté et tendre. Toujours en dehors des sentiers battus. A poor lonesome cowboy...Quelque chose en lui de Tennessee...

Voilà pourquoi L'inconnu de la poste  avait tout pour me plaire.

Malgré mon admiration pour le jeune acteur, j'ignorais tout des tribulations de Thomassin, plongé  au coeur d'un fait divers terrible -le meurtre barbare, en 2013 , d'une jeune postière enceinte,  après le cambriolage dérisoire de sa caisse - et soumis aux aléas d'une enquête mal partie et mal menée qui a non seulement saccagé sa vie, en voyant en lui le suspect numéro un et l'envoyant en prison et en HP, malgré un manque de preuves accablant- mais l'a aussi probablement écourtée, puisque Thomassin, alors qu'il allait être innocenté par l'arrestation d'un nouveau suspect, six ans après les faits, a brusquement disparu des radars en 2019...

Comme toujours chez cette journaliste-écrivain  des laissés-pour-compte , Florence Aubenas se met à  hauteur d'homme, dans une empathie respectueuse et pleine d'humanité. 

La présomption d'innocence ne pèse pas bien lourd quand on est comme Thomassin une star déchue,  vouée aux rôles border line et toujours walking  on the bad side ...

Un peu dealer, un peu voleur, un peu drogué , un peu sdf, mais jamais bien méchant, marqué par une enfance cruelle, ballotté de foyer en famille d'accueil, hanté par ses succès cinematographiques et les rappelant à qui veut bien l'écouter, il doit à  l'amitié de Béatrice Dalle, (la reine des border liner elle aussi),  d'avoir été défendu , finalement, par Eric Dupont Moretti qui obtint un non-lieu, avant de s'évanouir dans la nature le jour de la confrontation avec un nouveau et troisième  présumé  coupable.

Fuite ou suicide ?  Gérald Thomassin n'a jamais été retrouvé. Et n'a pu bénéficier du non-lieu judiciaire , perdu lui même dans un autre non lieu...

Toujours bien écrit, attentif, touchant, le livre de Florence Aubenas ne m'a cependant pas emportée.

 Les va et vient temporels rendent peu claire  la lecture d'une enquête déjà brouillonne et confuse en elle même.  Les récits des trajectoires de ses compagnons de galère décentrent un peu la narration principale.

On perd le fil, on perd Thomassin, d'ailleurs il se perd lui même: sa vie et le roman qui l'aborde se terminent en queue de poisson...c'est sûrement l'effet recherché mais il est déroutant et laisse une impression d'inachevé.  J'avais préféré la rigueur et le constat implacable du Quai de Ouistreham.


Commenter  J’apprécie          557
Une affaire criminelle non résolue
*
Je n'ai vraiment pas l'habitude de lire des "true crime". Mais récemment, je me suis même surprise de visionner la mini-série de l'affaire Grégory. Alors, en ayant lu quelques avis positifs sur celui-ci, j'ai embrayé dans cette lecture.
*
Je ne dirais pas que c'est un coup de coeur mais au final, je l'ai quand même pratiquement lu d'une traite!
Ce compte-rendu journalistique est un véritable page-turner. Alors, oui, nous connaissons tous la fin : aujourd'hui, la police n'a toujours pas appréhendé le véritable coupable de ce meurtre sanglant. Mais là n'est pas la question. Ce que propose l'auteure, c'est une ambiance, une atmosphère dans laquelle le suspense se trouve dans les petits détails de tous ces villageois/protagonistes de cette affaire sordide.
Et en ce sens, le pari est réussi. On lit ce "polar" comme si on était le spectateur privilégié.
*
Une découverte à proposer à tous les curieux de "true crime", qui aiment les petits frissons.
Commenter  J’apprécie          530




Lecteurs (3164) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (6 - polars et thrillers )

Roger-Jon Ellory : " **** le silence"

seul
profond
terrible
intense

20 questions
2873 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , thriller , romans policiers et polarsCréer un quiz sur ce livre

{* *}