C'est à l'initiative de 2 puissants éditeurs anglo‐américains, Faber and Faber de Londres et
Random House de New York, que Wyston Hugh Auden, 30 ans, poète, essayiste et dramaturge de talent, l'époux de 1935 à 1969 d'
Erika Mann ; ainsi que
Christopher Isherwood, 33 ans, que nous connaissons tous de ses nouvelles de Berlin, dont Bob Fosse a tiré un film merveilleux en 1972, "Cabaret" avec une inoubliable Liza Minnelli, furent invités à aller faire un tour en Chine en guerre et d'en faire un beau reportage.
Une demande étrange, car ni
Auden, ni Isherwood étaient tout sauf des journalistes de guerre professionnels, mais acceptèrent cette mission saugrenue avec des sentiments mitigés. Isherwood employait le terme "onirique irréel" pour leur expédition.
Afin de mieux apprécier les aléas du duo amateur, j'ai cru bon de faire un mot sur le contexte historique. Au moment de leur départ de Hong Kong, le 28 février 1938, la seconde guerre sino-japonaise, débutée le 7 juillet 1937 avec l'invasion japonaise de la partie orientale de la Chine, faisait rage. Cette guerre allait durer 8 ans, jusqu'au 9 septembre 1945 et la fin de la deuxième guerre mondiale. La première guerre sino-japonaise remontait à 6 ans, avec l'invasion par le Japon de la Mandchourie.
L'ouvrage est divisé en 2 parties : le journal de voyage de
Christopher Isherwood en 10 chapitres, allant donc du 28 février au 12 juin 1938 et une seconde partie par
Auden "Suite de sonnets avec un commentaire en vers" d'une bonne quarantaine de pages de très grande qualité littéraire, dans une traduction en langue française de haut niveau.
Ce qui m'a intrigué, ce sont les descriptions de la misère du peuple chinois dans les villages reculés et les quartiers populaires des villes : les problèmes de nourriture et l'insalubrité inimaginables.
Vu leur réputation
Auden et Isherwood, devenus Au Dung et Y Hsiao Wou, ont partout été reçus comme de nobles visiteurs par les consuls, chefs militaires, maires, etc.
Un moment passionnant a sans doute été leur rencontre avec Soong May-ling, mieux connue comme Madame Chiang Kaï-shek, la première dame d'abord de Chine et ensuite de Taiwan. Une dame au charme particulier et une forte nature, qui a vécu 105 ans (1898-2003).
Une carte géographique en fin de volume, permet au lecteur de suivre les pérégrinations de nos 2 héros de Macao et Hong Kong des milliers de kilomètres au nord vers Hankow et Chengchow, de temps en temps sous attaque aérienne nippone.
Pour terminer de façon pacifique et en beauté, je passe, la parole à
W.H. Auden :
"Mieux vaut être sain d'esprit que fou, être aimé que craint ;
Mieux vaut s'assoir devant de bons repas que de mauvais ;
Mieux vaut dormir à deux que tout seul ; mieux vaut être heureux." (page 310).