Né à Paris, Charles Arnavourian est le fils d'émigrés arméniens aux lointaines origines turques. Ses parents galèrent au XIIIe et ouvrent un restaurant russe animé par le père. Femme et enfants participent à l'affaire. Clan uni : pauvre sans être miséreux. Charles a une soeur Aïda qui chante comme lui et épousera Georges Garvarentz, un autre Arménien et bon compositeur. A neuf ans, Charles est déjà engagé dans une petite troupe de théâtre. Il apprend vite, danse à la russe. Il va, obstiné, courir le minable cachet. C'est à la mode : il s'allie avec un intelligent pianiste nommé
Pierre Roche. Ils chantent en duo. Départ pour le Canada et succès reconnu. Roche tombe amoureux au Québec de la chanteuse Aglaé et Charles s'en retourne en France. La critique cruelle l'éreinte, se gausse de lui, moque sa voix rauque et son air coincé. En professionnel, il va soigner le timbre de sa voix, étudie l'anglais et perfectionne la gestuelle. Il sera reconnu à trente-six ans. « Je m'voyais déjà » le propulse au pinacle. Il offre des chansons à d'autres : Bécaud, Vartan, Johnny (l'idole des jeunes) et plus tard Ray Charles. Il manque périr dans un grave accident de voiture décapotable que la môme Piaf lui paya. Riche,
Aznavour s'offrira cinq Rolls-Royce.
Il quitte le music-hall pour le cinéma. Truffaut lui offre un rôle doré sur tranches : « Tirez sur le pianiste ! » Il étonne dans « Un taxi pour Tobrouk » et « le tambour ». Epatant quand il ne cligne pas de l'oeil droit sans cesse (tic). Il devient l'ami de la spitante baronne
Annie Cordy.
Charles se paie des implants capillaires, triomphe aux States et livre cinq ou six grands tubes que toutes et tous nous connaissons. A Paris au mois d'août, il chante que c'est triste Venise au temps des amours mortes quand on ne s'aime plus et bon anniversaire (bijou ciselé). Il lit, se cultive, chante la Mamma mourante et rencontre Giorgio, le fils maudit, et l'oncle venu du sud de l'Italie avec des présents pleins les bras.
Auparavant, il se complaira huit ans avec
Edith Piaf. Elle en fit son secrétaire, sa « petite main », son pianiste privé et son chauffeur. Elle lui paie l'avion pour New York : il subit une chirurgie esthétique nasale. Il piaffe d'impatience, chante la misère qui, paraît-il, est moins pénible au soleil et « Qui », une sublime perle de pluie.
Il défend la cause des homosexuels (« Ceux qui disent »), se marie trois fois, a six enfants, s'installe en Suisse, parcourt le vaste monde et Charles reçoit la nationalité arménienne. Il défend bec et ongles ses origines. Ambassadeur permanent de l'Arménie, il est statufié à Erevan. Il s'essaye à nouveau au jazz sans succès : il n'est ni
Claude Nougaro ni Guy marchand. L'incontournable Charles se donne à l'écriture et il cartonne, parution en
Livre de Poche.
Aznavour n'a plus d'âge, sa culture est immense. Il est Eternel avec huit cents quatre-vingts chansons. « Formi, formidable … »
Une chanson brillante, élégante, riche, méconnue : « Ce métier », enregistrée en public. Cet hymne sublime le théâtre et les comédiens : ils habillent la nuit de leurs voix et portent le masque ou se démasquent.