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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
James Baldwin, encore et toujours.
Qui s'interroge encore et toujours  sur ce qu'est être Noir dans les États Unis des sixties.

Cette fois, plus de truchement romanesque, sa voix nous parle, directement, dans deux lettres ouvertes qui sont aussi des essais. La première,  " Et mon cachot trembla", est  écrite à son neveu à l'occasion  du centenaire de l'Émancipation, la seconde, "Au pied De La Croix, Lettre d'une région de mon esprit " est écrite à  la suite  d'un double face à face religieux, avec les évangélistes de son enfance puis, à l'âge adulte, avec l'Islam.

Deux lettres, donc . Peut-être une forme sensible et vibrante de manifeste en faveur d'une réconciliation des deux communautés entre lesquelles Baldwin se sent écartelé et qu'il voit se monter l'une contre l'autre, dans une terrible violence.

Une façon en tout cas de nous apostropher car l'heure est grave.
Comme Dieu le disait à Noé,  après le déluge:

"L'eau ne tombera plus,
Il me reste le feu."

La prochaine fois, le feu est écrit dans l'urgence.

 Les émeutes raciales, les mouvements radicaux comme celui des Black Muslims ( Baldwin raconte en détail et avec la distance ironique qu'on lui connaît, sa rencontre avec un de leurs leaders religieux,  Elijah Muhammad) , répondent aux provocations, aux injustices, aux humiliations des Blancs qui refusent, dans la  pratique,  les nouvelles lois d'intégration.

La situation est tendue, explosive. Avoir Baldwin dans son camp est un atout politique de poids .

 Dégoûté par l'éducation chrétienne de l'église évangéliste prônée par son père qui lui a fait éprouver résignation, fatalisme et assujettissement à un Dieu décidément très Blanc,  Baldwin se tourne vers le Dieu noir. Il va interroger l'Islam.

Mais rien n'emporte son adhésion. 

Il retire de cet examen et de cet entretien deux certitudes: celle de n'appartenir à aucune chapelle d'aucune sorte, à aucune coterie, lui, le sceptique, l'incroyant. La seconde,  celle de demeurer inébranlablement  un écrivain, un solitaire, un humaniste inquiet qui entend garder son sens critique, son libre arbitre. 

Sa voix à lui .

Et c'est de là qu'il nous parle. Avec quelle force et quelle pressante conviction!
Dans la préface de mon édition, Christiane Taubira , une bien belle voix, elle auusi, lyrique et inspirée, fait chorus.

Pas une ride.

On est dans la même urgence, toujours.

 Sauf que les chances d'un rapprochement des deux communautés sous la pression de ceux , Noirs et Blancs, qui sont  "concients"qu'il faut " créer la conscience des autres ou peser sur elle" , semblent encore plus compromises dans la tension actuelle et sous une présidence aussi incompétente .....qu'inconsciente, justement. .
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Comme l'écrit Christiane Taubira dans la préface de cette réédition de 1963, "ce témoignage ne manquera pas d'attirer l'attention du lecteur qui en retiendra les qualités littéraires autant que l'importance politique."

Dans ce texte, James Baldwin ouvre une première partie par une lettre adressée à son neveu à l'occasion du centenaire de Emancipation. Il lui confie avec affection un avertissement sur la place qui est laissée aux Noirs dans ce pays, les Etats-Unis, - place qui est seulement celle où on vous permet d'être et d'aller - mais que, qu'importe le chemin à parcourir et les pierres qui pleuvront sur lui, sa place est celle de la liberté et de la dignité. Car ce pays est tout autant le sien.

Dans le second texte "lettre d'une région de mon esprit", James Baldwin jette un pavé dans la mare qui de sa vase boueuse sépare Américains noirs et Américains blancs.

Rappelons-le, James Baldwin n'était pas seulement un talentueux écrivain, mais aussi un activiste. Il a, avec un brillant sens oratoire, débattu de la question raciale - terme qui enfin de compte est impropre souligne-t-il, de par ce qu'il sous-tend de l'idée de races et de ce qu'il traite véritablement de questions sociétales - .
Bien que tout : la violence, les humiliations - et quand on parle de cela, il faut avoir en tête quatre siècles de servage, il faut avoir à l'esprit l'injustice, le droit de vie et de mort, les brimades, les coups, les injures, les lynchages, il faut avoir tant d'images barbares qui nous traversent pour savoir de quoi on parle - bref, bien que tout dans L Histoire des Noirs Américains les porte légitimement à haïr Le Blanc, James Baldwin exhorte à s'élever au-dessus de la haine et de la vengeance.
Il refuse la radicalité de ceux qui, déçus par ce Dieu blanc qui les a abandonnés, se sont réfugiés dans l'idée d'une suprématie noire (telle que portée par la Nation of Islam) qui contient les mêmes détestables théories que Le Blanc a pu baser sur le Noir.
Il fait à plus d'un titre référence au nazisme et met en garde la ligne commune des pros/néos-nazis avec ceux qui jurent par un Dieu noir : la séparation des races; l'ennemi étant pour chacun des clans dans l'Autre.
James Baldwin prône au contraire l'amour, ni naïf, ni infantile. Mais celui qui transcende les peuples par l'intelligence du vivre ensemble, côte à côte.

Voilà ce qu'en tout cas j'ai pu, en substance, recueillir comme message dans ce livre écrit parfois avec une force acerbe, qui tente de bousculer les consciences.
Je salue à ce propos la qualité de la préface, car le texte est tellement riche, tellement fort, et malheureusement encore terriblement actuel, qu'en faire émerger les principes les plus brûlants s'avère particulièrement ardu et délicat.

La prochaine fois, le feu sonne comme un avertissement mais a surtout pour vocation à secouer l'ignorance, à ébranler le socle des archétypes, et à bousculer l'ordre établi pour en appeler à la fraternité.

Je suis décidément admirative de ce grand Monsieur qu'était James Baldwin et je termine cette longue critique en soulignant que le fond est servi comme toujours par une merveilleuse plume riche et inspirée.
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C'est par l'intermédiaire de lettres que James Baldwin partage, dans cet ouvrage, son point de vue sur la place des Afro-Américains dans la société américaine, alors que les points de tension sont extrêmement nombreux en ces années 1960.

Et ce point de vue est extrêmement novateur, à cette époque, en ce qu'il pointe du doigt, avec une grande clairvoyance, bien que parfois d'une ironie foncièrement mordante, les déterminismes raciaux, ou comment l'Afro-Américain est construit, depuis des siècles, par les Blancs, dans son inconsciente postulation à se considérer, et à être considéré, toujours, comme inférieur à lui.

Point de vue qui s'appuie sur l'expérience même de l'auteur, expérience qui tente d'ailleurs de montrer que ce n'est pas dans la confrontation violente que chacun parviendra à se trouver une nouvelle place dans la société, mais au contraire en parvenant à se débarrasser, par une éducation, pour tous, allant dans ce sens, des déterminismes profondément ancrés.

Une dénonciation certes forte de la condition des Noirs aux Etats-Unis, mais aussi, et plus encore, des propositions profondément convaincantes, pour sortir de cette condition. Une lecture marquante, percutante, pertinente, qui me donne envie de continuer ma découverte des oeuvres de James Baldwin.
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LA PROCHAINE FOIS LE FEU de JAMES BALDWIN
Écrit en 1963, bien des choses ont certes changé depuis mais c'est un texte qui reste toujours d'actualité. Une excellente préface d' Albert Memmi, une introduction en forme de lettre et un exposé, un essai qui reprend la problématique noire aux États Unis et bien au delà, le racisme sous toutes ses formes. le colonialisme évidemment mais aussi tout ce qui tend à diviser, à mépriser pour se sentir différent. Passionnant récit de son passage par l'église, où il fût Frère Baldwin, de ses relations avec d'autres exclus, les juifs. Narration de sa rencontre avec Elijah Muhamed, leader de la Nation de l'Islam, à laquelle adhérait MALCOM X. Certaines propheties des années soixante se sont réalisées comme un président noir ( Robert Kennedy l'avait prédit) mais la violente montée démographique des latinos et des asiatiques et la relative stagnation de la population noire vont complexifier la donne.
Une lecture, un pamphlet écrit avec les tripes.
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L'homme, quelles que soient sa couleur, sa religion, ses opinions politiques, est-il plus vertueux parce qu'il est opprimé ? Certes pas. Mais tant qu'il est opprimé, l'espèce humaine étant ce qu'elle est, cet homme dispose de ce supplément de légitimité à revendiquer les mêmes défauts que ceux de son oppresseur… justiciables des mêmes châtiments.

Et s'il y parvient, sa supériorité sera alors de ne pas faire usage de ce nouveau droit.
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Enfant de Harlem et prédicateur précoce, Baldwin a connu la peur, l'humiliation, et bien plus tard le succès en Europe puis aux États-Unis. Il a fréquenté des personnalités aussi diverses que Malcom X, Martin Luther King, Robert Kennedy, Marguerite Yourcenar ou Yves Montand. Il fait ici une autobiographie morale centrée sur le problème noir.

Inutile d'insister sur la réalité d'une ségrégation publique et privée qui a persisté un siècle après la proclamation d'émancipation. Après la souffrance subie, le point d'inflexion du livre est la rencontre d'Elijah Muhammad, fondateur de la Nation of Islam et tenant d'un séparatisme noir aussi violent dans les termes que celui des blancs. Baldwin présente le Maître avec respect, énonce les arguments qui nourrissent son suprématisme avant d'en dénoncer l'absurdité historique et la naïveté perverse : « Mais pour modifier une situation, il faut d'abord en avoir une vision claire : dans le cas particulier, admettre le fait, quelque usage qu'on en fasse ultérieurement, que le Noir américain est issu de ce pays, qu'il faille ou non s'en féliciter, et n'appartient à aucun autre — pas à l'Afrique et certainement pas à l'Islam ».

Sa volonté de justice est empreinte de spiritualité et d'angoisse ontologique. Face à l'arbitraire, Baldwin est partagé comme Albert Camus dans certaines pages sur l'Algérie : « Je savais comment luttent en moi la tendresse et l'ambition, la douleur et la colère et l'horrible écartèlement que je subis entre ces extrêmes — mes constants efforts pour choisir le mieux plutôt que le pire ». Son livre s'achève sur un doute existentiel : « Peut-être l'origine de toutes les difficultés humaines se trouve-t-elle dans notre propension à sacrifier toute la beauté de nos vies, à nous emprisonner au milieu des totems, tabous, croix, sacrifices du sang, clochers, mosquées, races, armées, drapeaux, nations, afin de dénier que la mort existe, ce qui est précisément notre unique certitude ». Revenant à son passé de prêcheur, Baldwin fait de sa dernière phrase une menace d'apocalypse greffée sur la Genèse, mais qui n'existe pas dans le texte biblique :
Et Dieu dit à Noé
Vois l'arc en le ciel bleu
L'eau ne tombera plus
Il me reste le feu…

Le corps du texte, cent pages environ au titre mystique — Au pied De La Croix —, est précédé d'une belle lettre à son neveu : « Et mon cachot trembla », qui reprend affectueusement le texte principal, avec moins de sévérité et d'hésitation.
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Un livre, divisé entre deux lettres, qui entre vraiment en résonance avec les récents événements aux Etats-Unis et la révolte de la communauté noire américaine.

Dans ce livre, James Baldwin nous interroge très intelligemment sur la (minuscule) place laissée à la communauté noire aux Etats-Unis, sur la place de la religion dans la communauté noire, sur le "bien-fondé" de la suprématie blanche et sur les dérives sectaires de certains groupes qui considèrent les Blancs comme des "démons" et appellent à une vengeance apocalyptique, pensée dans laquelle il ne se sent vraiment pas à sa place et qu'il cherche à tempérer à tout prix.

Un livre vraiment à lire, qui nous permet d'alimenter notre propre réflexion sur la place accordée à la communauté noire aux Etats-Unis (et dans le monde, en général), sur l'attitude de certains extrémistes (quelle que soit leur "race") et l'attitude à adopter face à ces groupes.
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Un essai qui prend la forme de deux lettres personnelles d'un écrivain noir américain emblématique de la Harlem Renaissance. Ça parle de la condition des personnes noires dans les années 60, et reste toujours actuel ; le message est toujours actuel, teinté de compassion face à la violence sociale : il nous faut travailler une forme d'amour dans notre société, un amour exigeant, le même que celui qui nous a permis de survivre jusqu'ici et nous développer. Il faut que tout le monde face le job (ici les noirs et les blancs) pour reconstruire une société où tout le monde soit libre, des déterminismes et de la culpabilité. Je n'ai pas compris tous les passages, notamment sur l'Islam où sont convoquées des références que je n'ai pas, mais le reste est très fort et toujours pleinement actuel - et valable pour toutes les luttes minoritaires.
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J'ai été immédiatement happée par la lecture de la première partie de ce livre : la lettre de James Baldwin à son neveu. La prose, le ton. le discours qu'il tient y est très inspirant, en substance : Tu viens d'une lignée d'hommes et de femmes courageux, ne doute jamais de ta valeur et les Etats-Unis sont ton pays, tu es chez toi, n'en doute jamais.
J'ai eu un peu plus de mal avec la deuxième partie. Les considérations théologiques ne sont pas ma tasse de thé. Aussi me suis-je ennuyée lors des passages pendant lesquels James Baldwin détaille son expérience de la chrétienté ainsi que son passé de prêcheur à l'adolescence.
Cela dit, le côté politique d'un courant religieux m'intéresse davantage. J'ai donc de nouveau pris pleinement plaisir à lire James Baldwin lorsqu'il s'est intéressé au groupe séparatiste : Nation of Islam, que je connaissais déjà mais la lecture de The Fire Next Time m'a permise d'approfondir mes connaissances concernant cette organisation politico-religieuse.
Par ce biais-là, James Baldwin dresse le portrait des divergences et forces qui s'opposaient/s'opposent. Dans la société des Etats-Unis des années 60, polarisée à l'extrême, on mesure l'importance du souffle de modération que James Baldwin a pu apporter avec cet essai.
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James Baldwin couche sur le papier tout ce qu'il a sur le coeur. Il décrit d'une manière puissante le manque de futur pour les noirs américains.
Un texte puissant qui se lit d'une traîte.
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