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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Une grande inspiration, un oeil décidé et c'est parti pour cette critique qui me tient tant à coeur. C'est que j'ai peine à vous dire tout l'amour que j'ai pour Balzac en général et pour les Illusions Perdues en particulier.

Il est tellement malmené au lycée ; on lui fait porter un tel chapeau à mon pauvre petit Honoré ; on nous donne souvent tellement peu envie de s'aller essayer à la Comédie Humaine que c'en est presque consternant. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir varié tant la taille que le type de ses écrits, mais tout tourne autour de 4 ou 5 titres qu'on se refile d'année scolaire en année scolaire, comme un vilain rhume.

Ici, vous êtes au centre de l'édifice, énorme, labyrinthique, monumental que constitue la Comédie Humaine, vous êtes au coeur du donjon, vous admirez le pilier médian, porteur essentiel, pour ne pas dire porteur DE l'essentiel. Quand bien même n'aurait-il écrit que cet unique roman, Balzac eût été, sans nul doute, l'un de nos plus grands écrivains de langue française.

En effet, l'auteur déploie dans ce livre sa quintessence, celle qui en fait un géant de la littérature française et mondiale. Pas UN Balzac, mais LE Balzac, le MAGIC-BALZAC comme on le rêve : riche, tonique, corrosif, lucide, drôle et tout, vraiment tout, ce qu'on peut attendre d'un roman du XIXème siècle.

Chapeau bas Monsieur Balzac ; on a beau dire, on a beau faire, ils ne sont pas si nombreux ceux qui vous arrivent à la cheville et, s'il fait moins vibrer les trémolos du pathos que ne le fait Victor Hugo, ne nous y trompons pas, cette oeuvre est du calibre des Misérables, aussi franche et savoureuse que le Comte de Monte-Cristo, les deux seuls romans francophones de ce siècle à pouvoir faire moindrement le poids face à ce monstre sublime que nous a légué Honoré de Balzac.

Si vous ne souhaitez pas savoir du tout de quoi parle ce roman, je vous conseille de vous arrêter ici dans la lecture de cet avis. En revanche, si vous voulez en connaître un peu les grandes lignes, je vous en taille à la serpe les pourtours dans ce qui suit :

La première partie intitulée Les Deux Poètes nous présente, vous l'imaginez, les deux amis : l'un, David Séchard, fils d'un imprimeur d'Angoulême, économe, la tête sur les épaules, qui a fait des études à Paris et qui a surtout compris qu'il ne pourrait jamais compter sur son père, aussi avare dans son genre que le père Grandet (voir Eugénie Grandet) ce qui n'est pas peu dire.

L'autre, Lucien Chardon, fils d'un apothicaire, issu d'une branche noble par sa mère, les " de Rubempré ", possède un talent littéraire indéniable et semble attiré par le grand monde et les lumières de la grande ville comme les papillons sur les lampes à incandescence.

La question étant de savoir s'il se brûlera les ailes auprès de Madame de Bargeton, une célébrité aristocratique locale. le titre du roman pourrait presque, à l'extrême limite, vous donner un tout petit indice, mais je n'en suis pas bien sûre...

La deuxième partie, Un Grand Homme de Province À Paris, comme son nom l'indique, déplace l'un des personnages principaux, Lucien Chardon (ou de Rubempré selon qu'on considère ou non son ascendance noble du côté maternel), d'Angoulême à Paris.

Lucien quitte tout pour les beaux yeux de cette aristocrate provinciale, Madame de Bargeton, qui s'est éprise de lui. Très vite, le grand monde va se charger d'exclure ce rejeton illégitime de la noblesse et donc, de faire cesser l'admiration de Mme de Bargeton pour son petit protégé de poète.

En moins de temps qu'il n'en faut pour l'écrire, seul et avec le coût exorbitant de la vie parisienne, Lucien se retrouve dans l'indigence la plus noire, avec pour seul espoir, sa jeunesse et son talent de plume. Il a le bonheur de faire la connaissance de Daniel d'Arthez, jeune écrivain incorruptible, initiateur du Cénacle, cercle d'amoureux des arts, prêts à tout pour aller jusqu'au bout de leur art sans tremper jamais dans aucune compromission, d'aucune sorte.

Lucien sera très vite fasciné par cet droiture morale, cet ascétisme de pensée et de travail, dont les résultats commencent à porter leurs fruits dans son esprit critique et dans son maniement de la plume.

Cependant, Lucien, pauvre comme les pierres, va lorgner abondamment vers les lumières du journalisme et ses succès faciles, richement rétribués. L'ascension de Lucien va être fulgurante, lui permettant au passage de tailler des costards à ses vieilles connaissances angoumoisines qui l'ont si lâchement laissé tomber à son arrivée dans la capitale.

Néanmoins, être talentueux n'est pas sans risque, comme vous le découvrirez à la lecture de cette partie. Balzac nous offre des pages sublimes et dresse un portrait corrosif et peu flatteur tant du journalisme que du monde de l'édition. Un portrait qui sent éminemment le vécu et qui ne semble pas avoir pris une ride.

Les requins et les fourbes d'aujourd'hui ne sont guère différents de ceux d'hier. C'est en cela que l'universalité et le talent de visionnaire De Balzac étaient (Baudelaire s'en émerveillait), sont et demeureront impressionnants.

Dans la troisième et dernière partie baptisée Les Souffrances de L'Inventeur, après ce long épisode parisien ayant Lucien pour protagoniste principal, Balzac poursuit en synchronique avec la destinée de sa soeur Ève et de David Séchard, restés à Angoulême dans le même temps.

L'auteur y développe, avec un luxe qui sent trop le vécu pour ne pas avoir son origine dans ses propres mésaventures personnelles, la savante machinerie de l'extorsion de l'invention d'un concurrent par le biais des lois, le concours des créanciers et l'entremise des hommes sensés être les garants de l'équité sociale. Ainsi, David Séchard, mis dans de cruels draps par les trois faux billets de mille francs signés à son insu par Lucien, se retrouve entre les griffes voraces des frères Cointet, imprimeurs, usuriers et banquiers d'Angoulême.

Malgré la défense héroïque du secret de fabrication de David par les deux infortunés époux Séchard, le destin s'acharne à leur vider les poches (enfin, le destin, c'est surtout les frères Cointet, Petit-Claud, l'avoué véreux, le fourbe Cérizet, l'avare père Séchard et Lucien involontairement par-dessus le marché).
Lucien, voyant dans quelle déroute il a mis sa soeur et son beau-frère est prêt au sacrifice suprême, mais il rencontre un bien singulier prêtre, qui ressemble comme deux gouttes d'eau à un ancien bagnard qu'on a bien connu dans le Père Goriot...

Balzac règle ses comptes avec les usuriers, banquiers, notaires, avocats et autres juges. Bref, une fin sublime pour ce roman qui ne l'est pas moins, et de bout en bout, mais tout ceci, vous l'aurez compris, n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand chose, le mieux, et de loin, que vous ayez à faire, c'est de le lire. Je vous rembourse la différence si vous n'y trouvez pas votre compte et n'êtes pas satisfaits.

P. S. : c'est dans ce roman que Balzac invente un néologisme qui fera long feu, notamment via Jacques Brel, à savoir la " soulographie ".
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Ce roman est d'une richesse incroyable, il nous brosse un tableau des plus précis de la vie aussi bien parisienne que provinciale au tout début du XIX ème siècle.
Balzac tire à boulets rouges sur la presse, le monde du spectacle, la banque, la justice et les tout débuts du système capitaliste. Et encore une fois, à travers des personnages magnifiquement bien campés, il expose aux yeux du lecteur toute l'étendue des bassesses dont l'homme est capable.
A travers le personnage de Lucien et ceux de sa famille, il illustre la question de l'ascension sociale à cette époque et nous en montre les redoutables obstacles.

Le roman se compose de 3 parties (selon mon découpage personnel). La première présente la famille de Lucien, son environnement provincial et relate son introduction dans la haute société angoumoisine. Dans la deuxième partie, Lucien vise plus haut encore et débarque dans ce Paris qui le fait tant rêver et lui semble si prometteur mais qui ne sera pour lui que désillusions. Dans la troisième partie, c'est le retour à Angoulême avec une plongée dans les affaires de la petite imprimerie familiale aux prises avec ses concurrents et l'espionnage industriel.

Ce qui rend ce roman extrêmement réaliste et vivant, c'est que Balzac s'est inspiré de sa propre expérience et qu'il y parle de ses propres désillusions. Comment ne pas faire le rapprochement entre l'auteur et Lucien qui souhaite à tout prix devenir un écrivain reconnu et qui se heurte à un milieu difficile, fermé et surtout soumis au bon-vouloir de la presse ? Même chose lorsque Lucien embrasse la profession de journaliste.
Bref on sent que Balzac maîtrise à fond son sujet nous offrant des pages incroyablement détaillées sur le monde de l'imprimerie, de la banque et de la justice ( il y est même allé un peu fort là, je n'ai rien compris du tout …)
Plus que ça encore, Balzac était quand même plutôt visionnaire. C'est incroyable de constater qu'au tout début du XIXème siècle, il a pu sentir la dimension que prendrait le pouvoir de la presse et ses propos sonnent de façon très actuelle :

« le Journal au lieu d'être un sacerdoce est devenu un moyen pour les partis ; de moyen, il s'est fait commerce ; et comme tous les commerces, il est sans foi ni loi. Tout journal est, comme le dit Blondet, une boutique où l'on vend au public des paroles de la couleur dont il les veut. S'il existait un journal des bossus, il prouverait soir et matin la beauté, la bonté, la nécessité des bossus. Un journal n'est plus fait pour éclairer, mais pour flatter les opinions. Ainsi, tous les journaux seront dans un temps donné lâches, hypocrites, infâmes, menteurs, assassins ; ils tueront les idées, les systèmes, les hommes, et fleuriront par cela même. »

L'intrigue est magistralement menée du début à la fin, on va de rebondissements en rebondissements, on s'apitoie sur le pauvre Lucien pour mieux pester contre lui quelques pages plus loin.
Les personnages De Balzac sont véritablement représentatifs de la nature humaine, aucun n'est tout blanc ou tout noir, on les voit changer, évoluer, se comporter différemment en fonction de leur situation.
On retrouve aussi de vieilles connaissances rencontrées dans le Père Goriot ou La Duchesse de Langeais et on réalise qu'on s'est probablement mépris sur certains d'entre eux ( n'est-ce pas Eugène ?). Une surprise attend le lecteur à la fin ( d'où l'intérêt de lire le Père Goriot avant) et qui me rend impatiente de savoir ce qu'il adviendra dans Splendeur et misère des courtisanes.

Beaucoup de thèmes sont donc abordés à travers ce roman qui constitue apparemment une sorte de concentré de ce que Balzac a pu écrire dans ses autres textes. Autant dire qu'on y trouve de tout et qu'on ne peut absolument pas s'ennuyer : amours déçus, trahisons, célébrité, déchéance, misère, jalousies en tout genre, égoïsme, amour familial, amitié, pardon, chantage, passion, fièvre et acharnement du chercheur et j'en oublie !
J'ai aussi adoré les descriptions de Paris ( celle de la Galerie des Bois ) où vraiment Balzac retranscrit l'atmosphère, l'ambiance du lieu à un point qu'on s'y croirait.

Voilà, je ne vois pas ce que je pourrais ajouter de plus sans trop en dévoiler. J'avais très peur de me lancer dans cette lecture, je m'imaginais un sujet plutôt austère et le nombre de pages m'intimidait aussi. Mais je suis ô combien heureuse d'avoir tenté l'aventure tout de même car Illusions perdues est, pour l'instant, le meilleur classique qu'il m'ait été donné de lire.

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Excellente observation du comportement humain. Les temps ont changé ? Oh, pas tellement ! Un écrivain devra de toute façon traverser ces expériences humiliantes et perdre peu à peu ses illusions. Plus que jamais, l'homme est avide d'argent et de pouvoir, l'art n'a pas de valeur en soi...
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Le repos forcé m'a donc permis de lire en toute quiétude le roman entamé fin décembre. Toutes les conditions étaient requises pour l'apprécier dans les meilleures conditions car ce n'est pas le genre d'oeuvre qu'on peut lire dans le métro. le roman De Balzac est découpé en trois parties et il n'y a pas de chapitres intermédiaires permettant des pauses impromptues. Il faut se lancer dans la lecture de longs passages sans craindre d'être stoppé dans son élan et ne reposer le livre que lorsque l'intrigue le permet. Ce roman est le condensé ou l'illustration parfaite de sa géniale Comédie Humaine. Comment un homme peut-il écrire autant, si bien, avec une telle cohérence globale ? Je ne vais pas me lancer dans une analyse poussée du roman encore moins de l'oeuvre titanesque De Balzac, d'autres plus calés que moi l'ont déjà fait et le referont encore. Néanmoins je constate une nouvelle fois que la lecture des grands classiques de la littérature permet de remettre les choses à leur place, de nombreux livres sont édités, beaucoup sont très agréables à lire mais entre un bon livre et un chef-d'oeuvre il y a une différence que même le béotien remarque. Aussi quand je parcours certaines critiques dithyrambiques sur des best-sellers à peine éclos des imprimeries Brodard et Taupin à La Flèche (Sarthe) -par exemple- je leur accole un bémol d'emblée. Pour en revenir aux Illusions perdues (et non pas Les illusions perdues) « l'absence d'article défini – cas unique chez Balzac- montre clairement le caractère absolu de la désillusion » vous en sortirez étourdi et sonné par le machiavélisme des personnages où l'intérêt et l'ambition priment sur tout autre sentiment, les alliances se font et se défont au gré des rebondissements. Lucien de Rubempré pauvre poète monté d'Angoulême à Paris nous permettra d'évoluer dans le monde de la littérature, de la presse, du théâtre, de la bourgeoisie et de l'aristocratie où tous ont partie liée selon le sens du vent. L'intrigue est puissante, atterrante quand Lucien trahira ses amis ou ruinera sa famille, éblouissante quand Balzac démonte sous nos yeux tous les mécanismes économiques et moraux qui enrichissent ou ruinent ses personnages. Paru vers 1840 le livre reste terriblement moderne et tout aussi extraordinaire. Chef-d'oeuvre s'il faut encore le répéter.
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Lu il y a une quinzaine d'années, j'ai pris un très grand plaisir à retrouver cette histoire certes classique (mais bon Balzac c'est classique non ?) mais au combien intemporelle des papillons de province attirés par les lumières de la capitale et s'y brûlant les ailes. le papillon ici c'est Lucien de Rubempré qui pour arriver à ses fins (l'amour, la gloire et la fortune pour faire court) mettra en péril financier et plongera dans la désespérance sa soeur, sa mère, son beau-frère et ami. La description de la bourgeoisie de province angoumoise est redoutable et saisissante, mais les artifices de la société parisienne en prennent également largement pour leur grade. On retrouve dans ce livre le portraitiste au vitriol qu'est Balzac (deux exemples parmi tant et tant au fil de ces pages : le portrait du père Séchard, et de son avarice, type « le père Goriot », et celui de Louise de Bargenton, muse de Lucien tour à tour délaissée et sans états d'âme). On appréciera aussi les descriptions fines et détaillées de divers corps de métier liés à l'écriture: les imprimeurs, les journalistes, les éditeurs.
Une fois l'histoire connue, la relecture de ce livre est un régal, et le titre de l'oeuvre De Balzac (La Comédie Humaine) prend tout son sens dans ce roman fleuve aux accents de modernité. le volume unique constituant « Illusions perdues » est dû au regroupement de trois romans séparés publiés sur une petite dizaine d'années entre 1837 et 1845. Je conseille vivement cette version du livre de poche de 2006, et l'imposant travail d'explication et de notification effectué par P. Berthier, spécialiste de littérature du XIXème siècle. Ces apports au fil du texte sont souvent très érudites mais diablement intéressantes, en particulier sur le passage entre les trois romans initiaux et le roman unique (liens entre les différentes parties, problèmes de chronologie dans l'histoire,…). le texte De Balzac s'agrémente ainsi de nombreuses notes de bas de page décrivant par le menu les différentes versions publiées dans la très renommée édition Furne, les tournures de style typiques du XIXème siècle et aujourd'hui désuètes, les fautes de style assez nombreuses commises par Balzac. La langue française utilisée dans ce roman est une véritable gourmandise.
La lecture est parfois difficile, le mode « feuilleton » dans lequel ce texte fut initialement publié explique les longueurs du texte (Le feuilletoniste du XIXème siècle était rémunéré au mot), les passages abordant les problèmes d'argent sont assez complexes et parfois rébarbatifs. Mais l'universalité des personnages et des thèmes sociétaux abordés, la complexité des personnages et le regard féroce De Balzac sur ces contemporains et sur la société font pour moi de ce roman, avec sa suite « Splendeurs et misères des courtisanes » un véritable chef d'oeuvre de la littérature.
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Je remercie Cannetille, qui m'a recommandé ce classique, et quelques autres !


On a tous quelque chose en nous de Tennessee ... Johnny aurait-il rencontré Balzac ? Tiens donc !

Et on a tous quelque chose en nous de Lucien. Ah, Lucien de Rubempré ! Qui n'a connu cette période, cette aube de la vie, où tous les rêves sont permis ? Ou le soleil, gardien bienveillant, illumine notre bonheur naissant ? le bien ne semble alors devoir céder le pas qu'au mieux, et l'horizon même recule pour mieux nous céder sa place, l'assurance de lendemains souriants, enfin, nous permet de jouir de l'instant qui s'éternisera, sans doute... Jours ensoleillés, cadeaux merveilleux, grâces même....

Justement. Pour Lucien, la grâce est un dû, le bonheur une évidence, l'amour un droit. Ce qui devrait s'effeuiller avec tendresse devient une chose à conquérir, à dominer, à épuiser. Un homme faible, pour qui l'amour n'est qu'émotion, et la littérature un vécu passionnel qui n'admet pas l'éffort. Un homme qui veut recevoir, mais qui ne sait donner que de ce qu'il recoit. Un enfant, qui veut voir en ses amantes, ses amis, ses collègues même autant de mères qui ne manqueront pas d'être attendries par son apparence d'éphèbe et son esprit pétillant. Quand la réalité s'annonce autre, il enrage, il se venge, il désespère . Quoi ! le pacte qu'il pensait avoir signé avec la vie ne tiendrait pas, les hommes, le monde joueraient d'un autre air ? Mais comment ose t-on !

Après quelques succès, dus au talent, certes, mais un talent affamé d'études qui ne se font pas et accablé d'alcool et d'orgies, après quelques triomphes, Lucien commence à faire les frais de ses immenses illusions. Les ennemis qu'il s'est fait, les dettes dont il s'est ri, les rivaux qui se disaient frères d'armes et qui maintenant se découvrent: le noeud se reserre, à lui couper le souffle.

On a tous un peu de Lucien – nous aimerions tous être aimés pour nous-mêmes, et, pensant ainsi recevoir, nous oublions, parfois, qu'il faut d'abord donner. Heureusement, rares sont ceux chez qui ce désir aboutit à la spirale déstructrice qui broyera Lucien. Tout au plus y aura-t-il, en écoutant un air, un moment de nostalgie, un souvenir d'anciens après-midis dorés qui semblaient ne jamais devoir finir … On a tous en nous quelque chose de Tennessee …
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Illusions perdues, le pan-roman De Balzac ? Je me le demande, tant ce roman en trois volets contient de richesses et de dimensions !
Au-delà du personnage de l'ambitieux mais naïf Lucien Chardon, anti Bel-ami qui, contrairement à ce dernier qui détenait dans son ADN les codes des univers surfaits, se brûlera les ailes aux lumières des palais parisiens, c'est toute la France du début du 19ème siècle que Balzac anime et met en perspective :
En province pour le premier livre (les deux poètes), les noblesses surannées, parfois désargentées mais portant toujours beau, enchâssées dans la haute ville et dans leurs conservatismes, pendant que dans la ville basse l'industrie naissante pose les bases d'un siècle nouveau.
A Paris pour la seconde partie (Un grand homme de province à Paris), les cercles de pouvoir aussi poreux à la corruption qu'impénétrables aux âmes simples, fortifiés par une classe journalistique servile à laquelle Balzac taille une redingote cintrée jusqu'à la fin des temps, maelstroms tourbillonnants dans lequel le jeune Lucien parviendra à prendre un temps l'ascendant pour retomber de plus haut dans la fange.
Retour à Angoulême avec le dernier opus (Eve et David), dans lequel entrent en scène la banque et la filouterie légale qui viendront arsouiller jusqu'à l'asphyxie l'inventif beau-frère de Lucien, David, qui au passage nous livre des trésors d'informations sur la pratique de la papeterie de l'époque.
De ce roman qui foisonne et rebondit, je retiens que Lucien, personnage que l'on adore détester tant il est antipathique et égoïste, s'en sort avec fort peu d'égratignures bien qu'ayant, par ses actions, précipité tous ses proches dans l'abîme. Cap donc sur Splendeurs et misères des courtisanes pour peut-être comprendre pourquoi !
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Je ne me sens pas de taille à porter un jugement sur ce monument classique et me contenterai de mon ressenti de lecteur ordinaire. La critique de la société de l'époque est mordante et particulièrement bien observée, et il ne fait aucun doute que ce que l'auteur décrit a ce quelque chose d'intemporel qui fait les grandes oeuvres. Quelle leçon sur les ravages de l'arrivisme, sur les compromissions et les lâchetés qu'il implique, sur les bassesse pour l'argent ou pour paraître. Pourtant, ce n'est pas un livre qui puisse se lire entre deux portes. Si certain passages se lisent facilement, d'autres nécessitent beaucoup d'attention notamment pour ne pas se perdre dans les explications détaillées ou les descriptions faisant appel à des expressions inusitées, à des références perdues sauf à lire toutes les notes, ou à des tournures que nous n'utilisons plus. Il y a en outre tellement de personnages, qu'il n'est pas toujours facile de distinguer ceux qu'il faut essayer de retenir de ceux qui n'apparaissent que furtivement et ne reviendront plus. Enfin, la partie parisienne m'a paru très longue, notamment en raison de mon désintérêt pour les nombreuses références aux petites polémiques de l'époque. Après le père Goriot, déjà lu, je vais laisser passer quelque temps avant d'aborder la suite « Splendeurs et misères des courtisanes » et un jour peut être quelques autres des nombreux volumes de cette « comédie humaine » qui me restent à découvrir.
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Il aura donc fallu un film, excellente adaptation de Xavier Giannoli pour me donner envie de me plonger dans ce roman qui, je m'en suis aperçue était fait pour moi. En sortant de la séance, le sourire aux lèvres et la poitrine gonflée d'énergie je me suis demandé comment j'avais fait pour ne jamais croiser la route de ce texte, ni pendant mes années de lycée ni par la suite. Je n'étais apparemment pas la seule puisque les librairies ont été prises d'assaut et quelque peu au dépourvu n'ayant aucunement anticipé cette ruée vers un classique de 800 pages écrit il y a deux siècles. Pour moi, il y avait une raison supplémentaire de m'y intéresser, ce métier de la presse et de l'édition qui me passionne depuis l'adolescence et qui a constitué le cadre de ma vie professionnelle pendant des années. le film m'avait ouvert l'appétit, je me suis immergée dans le livre avec un vrai bonheur.

Je suis à peu près certaine de ne pas avoir apprécié Balzac à sa juste valeur lorsque j'ai lu le père Goriot à 15 ou 16 ans ; alors qu'aujourd'hui, ses descriptions, la façon dont il décortique la petite société d'Angoulême et les moeurs parisiennes, sa fine analyse des relations humaines où se bousculent à peu près toutes les sortes de sentiments des plus purs aux plus pervers... tout est d'une richesse percutante et d'une modernité troublante. La dichotomie des trajectoires de Lucien Chardon et David Séchard est passionnante, servie par l'immersion dans un contexte qui restitue parfaitement les mécanismes des métiers de l'imprimerie, de la presse et de l'édition à une époque d'instabilité politique au cours de laquelle les libertés fluctuaient au gré des influences. le film s'attachait beaucoup plus au parcours de Lucien sur fond d'analyse critique des moeurs littéraires et journalistiques de l'époque, retrouver le roman permet d'élargir le spectre et d'englober les enjeux politiques autant que sociétaux ainsi que d'explorer plus avant la problématique des journaux, depuis le papier, objet des recherches de l'inventeur David Séchard, jusqu'au pouvoir qu'ils confèrent à ceux qui les possèdent. Toute la genèse de ce qui n'a cessé d'alimenter l'évolution de ce métier est là : la naissance des encarts publicitaires, la pression de l'argent, l'affrontement entre puristes en quête de liberté et cyniques épris de pouvoir. La vision de la critique littéraire est assez hallucinante et il est amusant d'apprendre que la vente des exemplaires de presse était alors considérée comme un complément de salaire pour les journalistes (tout comme des places de théâtre pour les spectacles sur lesquels ils écrivaient une critique)... Inutile, donc de s'effaroucher de nos jours sur des pratiques dont on comprend l'origine. Mais surtout, l'affrontement que met en scène Balzac entre deux approches de la littérature et de la poésie est d'une justesse qui trouve encore son écho au 21ème siècle au point qu'on ne ressent que peu la distance qui nous sépare de l'écriture de ce roman.

Cette expérience m'a donné envie de lire toute la Comédie humaine, j'espère en avoir le temps. Je vais déjà commencer par Splendeurs et misères des courtisanes, j'ai trop hâte de retrouver Lucien Chardon de Rubempré pour la suite de ses aventures. Titiou Lecoq avait raison dans son Honoré et moi, Balzac traverse les siècles et sa clairvoyance dans l'étude de la nature humaine permet aussi de décrypter le nôtre. Son aide ne sera pas de trop.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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On touche avec ce roman à l'essence même de la Comédie Humaine voulue par Balzac. Il me semble que c'est LE livre qui donne la vision la plus globale du projet monumental de l'écrivain, et donc peut être le plus indispensable de son oeuvre.
Plusieurs éléments pour justifier mon sentiment : d'abord, nous croisons dans ce roman de nombreux personnages clés de la Comédie Humaine : l'ambitieux Rastignac, Vautrin (sous une identité cachée), divers membres de la scène parisienne ...et bien évidemment Lucien, personnage principal d' Illusions Perdues et de sa suite directe, Splendeurs et misères des courtisanes.

Ensuite, le livre donne un aperçu général des milieux géographiques et sociaux rencontrés dans La Comédie Humaine : il prend pour cadre tant Paris que la province, et à Paris même nous avons accès à plusieurs milieux, par l'intermédiaire de Lucien qui fait le lien entre tous ces univers. Ainsi, on découvre le "Monde", que l'on rencontre dans les salons privés autant qu'au spectacle et à la promenade. Il y a aussi le cercle des journalistes, qui se mêle à l'univers des librairies, du théâtre et à celui de la sphère politique. Ainsi, Balzac nous peint tout le spectre de la création littéraire. Lucien est au coeur de ce monde littéraire, puisqu'il est à la fois poète, écrivain et journaliste, et qu'il a pour beau-frère David Séchard, un imprimeur. Les deux hommes nous offrent donc une image de la création à la fois intellectuelle et matérielle, puisqu'elle nécessite le support de la presse.
C'est tout un écosystème social que Balzac nous décrit de manière cynique. En plus de cela, Balzac prenant pour prétexte les déboires du pauvre David cherchant à révolutionner la papeterie et se faisant piéger par les dettes constituées par Lucien, prend visiblement plaisir à écorcher le monde de la créance et celui de la justice, qu'il connaît parfaitement puisqu'il a lui-même du affronter des difficultés financières.

Enfin, l'intrigue du roman elle même est représentative du regard critique De Balzac sur sa société : Lucien, jeune poète habitant Angoulême, se retrouve pris dans le mouvement du monde et abandonne peu à peu, par ambition et faiblesse face aux plaisirs promis, ses illusions et son innocence. Se faisant, il nuit gravement à sa famille en province, dont on suit en parallèle les tourments. Lucien finit par retourner à Angoulême à la suite d'infortunes sentimentales et d'échecs professionnels. Dans les derniers instants du livre, l'intervention miraculeuse d'un inconnu offre à Lucien de nouveaux espoirs ...
La maîtrise du sujet par l'auteur, la justesse de sa plume et la construction narrative équilibrée du roman en font un chef d'oeuvre de la Comédie Humaine.
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