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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un monument littéraire de huit-cents pages (format poche) dédicacé à Victor Hugo !
C'est un roman d'apprentissage, qui met en scène un jeune provincial ambitieux, Lucien de Rubempré, qui a tous les atouts pour réussir à Paris : la beauté, l'intelligence, avec l'enchaînement des succès et des maladresses, dans ses options politiques en particulier, qui vont le conduire à sa perte.
Mais, sous cette peinture de la société qui l'entoure, où les femmes d'origine modeste semblent plus sincères que celles des classes supérieures, confites dans leurs privilèges, et sous cette trajectoire personnelle, se dessine peut-être le véritable sujet De Balzac : le monde littéraire avec l'influence de la presse, montante, qui pipe le jeu et pas qu'au théâtre. Les précisions, le ton du discours, la longueur des descriptions des mécanismes, l'importance du rôle des librairies dans l'économie du livre en disent long sur le ressenti de l'auteur.
Le film à la mise en scène et aux décors impressionnants, sorti en 2021, n'en restitue qu'un pâle éclairage que dans le regard faux jeton de G. Depardieu dans son rôle de libraire.
Est-ce que le monde du livre a changé ? Quand je vois la marée de livres à chaque rentrée qui inonde la scène littéraire et à la mort programmée de la plupart, faute de souteneurs et relais médiatiques bien placés.
Il faut se le gagner car sa lecture est exigeante, mais le jeu en vaut la chandelle (4 sous, précision à la « Balzac »).
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Ils sont plusieurs à perdre leurs illusions dans ce livre, mais le principal, le héros, le personnage au centre du récit est Lucien Chardon ou de Rubempré (nom de sa mère). C'est le fils d'un pauvre apothicaire (ou pharmacien) ruiné et d'une maman née dans une maison noble mais pauvre. Lucien est écrivain poète, joli garçon. Tellement joli garçon qu'il tourne la tête de Madame de Bargeton, la reine d'Angoulême, plus âgée que lui et mariée à un homme beaucoup plus vieux et terriblement ennuyeux. Ils finissent par partir tous les deux à Paris, en laissant le mari encombrant en province, mais là Madame de Bargeton abandonne rapidement Lucien, qui doit se débrouiller pour essayer de survivre et si possible faire reconnaître son talent. Il cède à l'attrait d'une vie trop facile, devient journaliste, amant d'une comédienne en vogue, prend le goût d'une vie luxueuse, et évidemment tout cela se terminera mal pour lui.
 
C'est un roman d'une richesse inouïe qu'il me semble tout à fait dérisoire de vouloir résumer. Balzac a l'art de brosser des portraits de personnages en quelques lignes ou quelques pages, d'une immense justesse, d'une très grande complexité. Ses personnages ne sont que très rarement vraiment sympathiques, ce n'est pas qu'il ne voudrait pas croire à la bonté, à la générosité, à toutes ces vertus qui encombrent si abondamment la littérature du XIXem siècle (que le nom de Jean-Jacques soit définitivement maudit pour cela). le problème, c'est que Balzac ne peut s'empêcher de voir les être humains tels qu'ils sont dans la vraie vie: mesquins, envieux, soucieux de leur intérêt avant tout et impitoyables pour ceux qui voudraient contrarier cet intérêt. Et quand il dépeint des gens simples et gentils, il ne peut se retenir de montrer qu'ils se font avoir par les précédents.
 
Et puis au-délà des histoires individuelles Balzac démonte d'une façon lumineuse et atroce à la fois tout les mécanismes sociaux, tous ces fonctionnements qui permettaient à son époque aux forts d'écraser les plus faibles, aux médiocres de triompher sur les talentueux, aux gens sans scrupules d'abuser les personnes honnêtes. le monde du journalisme, de l'édition, du théâtre sont passé au crible de son intelligence, de son ironie mordante, et de son impitoyable lucidité. Comment écraser quelqu'un de plus doué que soi même, en utilisant toutes les ressources d'une presse qui n'utilise son influence que pour servir les intérêts des gens aux mains desquelles elle se trouve. Les éditeurs qui ne considèrent les livres qu'en fonction de l'argent qu'ils peuvent rapporter. Comment démultiplier les dettes d'une personne en difficulté financière par des moyens parfaitement légaux et s'enrichir sur son dos.
 
Et le pire est que ce récit, qui par moment fait froid dans le dos, m'a fait pensé par bien des aspects à notre monde actuel. Les éditeurs actuels s'intéressent-ils vraiment plus à la littérature que ceux De Balzac ? La presse est-elle plus honnête et indépendante des pressions et des ambitions diverses ? Les banquiers ne s'enrichissent-ils pas en toute légalité sur la misère de leur clients en difficulté ?
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Balzac nous parle ici du monde l'édition, de la justice, de la finance, de la politique, de l'aristocratie, du journalisme... Il fait flamber ces idoles illusoires, ces idoles qui pourrissent, aliènent et dévorent des vies. Il les déboulonne, nous les livre à nu et qu'ils sont laids. Nous pouvons encore les contempler ces idoles intemporelles qui existent toujours. Après avoir lu ce livre, vous n'aurez plus d'illusions sur la société et les valeurs qui la gouverne.

Ambition frénétique, quête du succès et d'un nom gravé dans le marbre, du pouvoir qui fait tout frémir, d'un argent roi en cette pleine ascension d'un capitalisme naissant... Pour cela, tous les coups sont permis, trahison et hypocrisie, humiliation et mépris, être le meilleur ne suffit pas pour réussir, il faut surtout avoir de bon amis, un bon réseau, tout cela dans un monde régit par l'égoïsme et l'individualisme et surtout le paraître.

Lucien Chardon ou de Rubempré, personnage central, fils d'un pauvre pharmacien ruiné et d'une maman née dans une maison noble mais sans argent. Lucien est écrivain, poète, joli garçon. Il a du succès d'abord à Angoulême puis dans la seconde partie à Paris. Il rencontre cette province vieillotte, toujours en retard d'une dizaine d'années par rapport à ce Paris à la pointe de la mode. On observera, tout au long de cet ouvrage, cette guerre magnifique entre aristocrate et bourgeois, entre monde de l'édition, imprimeur et auteur, politique et journalisme, banquiers prédateurs et clients sans le sous.

Une galerie de personnages qui ne peut laisser indifférent, une chute magistrale écrite d'une main de maitre, cynique et mordant par moment, tragique et à gerber de l'autre. Un livre lu comme un possédé, dévoré jusqu'à la dernière page, mon meilleur Balzac pour le moment... La suite dans l'incontournable Splendeurs et misères des courtisanes à ce que j'en ai compris. En espérant que le miracle Balzac se répète.
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Rude leçon que ce roman De Balzac. Où l'on voit qu'il ne suffit pas d'être beau, talentueux et ambitieux pas plus que d'être honnête, travailleur et inventif pour faire son chemin sous la Restauration. Ces qualités sont notoirement insuffisantes. Que reproche Balzac à ses 2 jeunes héros, Lucien, poète pauvre monté d'Angoulême à Paris et son ami, David Suchard, imprimeur-inventeur ? Essentiellement l'absence de « qualités personnelles » qui leur permettraient de comprendre et d'adopter les codes de leur société. « Esprit mobile », vanité et égoïsme caractérisent Lucien, David est a contrario rêveur et naïf.
Force est de reconnaître que le monde, je dirais plutôt les mondes dans lesquels ils évoluent, sont féroces. Ils sont régis par trois grandes valeurs : argent, relations et hypocrisie. On s'introduit dans le monde des imprimeurs ou des juristes de province, dans les milieux littéraires, journalistiques, les milieux d'affaires, du théâtre, chez les éditeurs, les politiques, l'aristocratie parisienne... Balzac nous écrase de sa prodigieuse érudition technique et de sa connaissance fine et personnelle de ces microcosmes. Souvent les héros passent au second plan et ne semblent plus n'être que des acteurs passifs sans prise réelle sur les intrigues et les intérêts qui les dépassent.
Au-delà d'une vision sans concession je retiendrai l'ironie et le style jubilatoire qui fera oublier un monde proche de la caricature. La peinture de la société provinciale stupide et obtuse est particulièrement réjouissante. Je terminerai par cette délicieuse maxime qui contamine tout l'ouvrage et qui me ravit « Passez-moi la rhubarbe, je vous passerai le séné ».
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Si La comédie humaine est un des plus imposants et néanmoins somptueux édifices de notre patrimoine littéraire, et consacre Balzac comme l'un des plus brillants tailleurs de pierres, évidemment gravées, que la profession ait eu l'heur de compter, Illusions perdues, dans la cathédrale de ce géant est sans doute un de ses plus beaux vitraux. Il figure au-dessus du porche pour mieux mettre en valeur, de ses feux de lumières aux mille carnations, un chœur puissant cerclé de chapelles toutes plus rayonnantes les unes que les autres. Que d'intelligence, de culture et quel flamboiement constant, du cœur, de l'âme et de l'esprit, tour à tour emportés par les plus touchantes idylles, les plus grandioses sentiments de fraternités, les plus fines observations sur les ressorts de la lutte de chacun contre chacun dans une société d'individus dressés à se combattre plutôt qu'à s'entraider puisque « le succès est la raison suprême de toutes les actions quelles qu'elles soient. Le fait n'est donc plus rien en lui-même, il est tout entier dans l'idée que les autres s'en font ». Là est le fin mot de l'histoire, l'histoire véritable, quoique secrète dit le chanoine Herrera. Là réside la vérité, loin des fadaises de l'histoire officielle. « De-là (…) un second précepte : ayez de beaux dehors ! Cachez l'envers de votre vie et présentez un endroit très brillant » proclame encore le prêtre en guise thèse, expliquant que, à Paris ainsi qu'en province, chez les grands comme chez leurs poursuivants, avec pour premier horizon d'avoir et de le faire savoir, de paraître plutôt que d'être, les énergies se consacrent désormais à médire plus encore qu'à dire (le vrai, le beau, le juste), à défaire bien plus qu'à faire (le bien, l'utile), et à conspirer plus sûrement qu'à œuvrer. Illusions perdues l'illustre avec maestria.
Balzac éclaire son siècle et sa société comme nul autre pareil. Il avait, veut la légende, répondu à qui soulignait son don d'observation, « comment voulez-vous que j'aie le temps d'observer, j'ai à peine celui d'écrire ». Il y avait sans doute là une coquetterie, et peut-être même une farce, car il ne manquait pas d'humour, à laquelle bien des connaisseurs ou faisant profession de leur savoir en littérature se sont faits prendre, plus satisfaits d'être des historiens de l'anecdote que des tâcherons de l’œuvre.
Comment peut-on faire peser du même poids, si ce n'est pour prétendre avoir un avis qui se démarque des apparences, autre manière de paraître plus encore, que Balzac n'est pas réaliste quand, comme ici dans Illusions perdues, il fait la démonstration à longueur de pages maitrisées, de sa connaissance de l'univers de l'imprimerie, de l'édition, du commerce des ouvrages. Il n'en ignore aucun des usages, des valeurs, des mots, des pratiques, des sous-couches culturelles. Il connaît l'histoire des hommes, des idées autant que celle des techniques, des outils et même des matériaux. Et pour chaque classe sociale dont il tire des portraits, c'est avec le même pinceau fin qu'il s'y adonne, soulignant les traits les plus saillants, les expressions caractéristiques, les formules les plus significatives, les habitudes les plus ancrées, restituant les décors et les passés propres à chacune pour mieux donner encore à voir ce que l’œil ne peut pas pénétrer.
Balzac a tout connu, tout vu, tout lu. Il sait tout sur chacun et sur tous. C'est un ogre qui a absorbé le monde puis a eu besoin de se retrancher pour le digérer avant d'en recracher la substantifique moelle, d'en décrire la saveur tragique malgré la comédie que jouent ses contemporains. « Croyez-vous que ce n'est rien que de pénétrer ainsi dans les replis les plus cachés du cœur humain, questionne-t-il, que d'y pénétrer si profondément et de l'avoir ainsi devant soi dans sa nudité ? ». Qu'il ait, pour partager sa clairvoyance et démontrer son savoir, fait appel à une grandiose puissance d'imagination romanesque ne change rien à son réalisme. Qu'il s'attache à faire de ses personnages de idéaux-types ne relativise en rien la précision et la pertinence de son discours, de son intention : tout au contraire. « Penser c'est oublier des différences, c'est généraliser, abstraire » disait Borges. Pour autant, comme dira Taine, son œuvre constitue sans doute le plus grand magasin de documents humains qu'il y ait eu depuis Shakespeare. Et les illusions perdues sont, à soi seul, et plus encore avec Splendeur et misère des courtisanes qui en constitue la suite directe, la plus belle pièce.
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Un roman De Balzac c'est toujours quelque chose de particulier. Au fond c'est un auteur que je connais peu mais en même temps, j'ai l'impression d'en avoir tellement entendu parler qu'il me semble le connaître. Alors j'ai lu ce livre et je préviens que j'attendais beaucoup, vraiment beaucoup au vu des critiques très enjouées de ce roman, et je n'en suis pas déçu. Car tout est présent dans ce roman, en tout cas tous les éléments d'un bon roman De Balzac.
D'une part les personnages sont incroyablement réalistes, énergiques et variées. le personnage central, Lucien Chardon, se lance dans une carrière ambitieuse de journaliste à Paris. Mais il doit faire face à toute l'hypocrisie et le mépris à son égard. Les trahisons et les humiliations de plus en plus nombreuses le conduisent à une ruine morale et financière ce qui le fait rentrer à Angoulême. Ce personnage est vraiment très intéressant. Il se démène contre un sort impitoyable réservé aux ambitieux. Je ne pensais pas que je pourrai autant ressentir d'émotions pendant la lecture de quelques centaines de pages écrites pas Balzac. Et oui quand j'ai lu le délaissement du Cénacle, de tels esprits, par Lucien, quand j'ai lu les rédacteurs des journaux forçant les journalistes à faire des articles pour l'argent, quand j'ai lu la souffrance de Coralie, j'ai souffert.
Je ne vais pas faire un inventaire détaillé de chaque personnage mais pour tout ceux qui tenteraient la lecture de ce monument de la littérature française du XIXème siècle, je pense qu'il faut savourer comment l'auteur met en relations les personnages et développe leurs états d'âmes, leurs réflexions.
L'apparition de Carlos Herrera alias Vautrin m'a beaucoup surpris. En effet dès que je lis un passage avec Vautrin, tout d'un coup l'ambiance du roman change, on se plonge dans tout autre chose. Et je ne peux m'empêcher de pense au Comte de Monte-Cristo car Vautrin, avec son air de brigand et de protecteur, à tout l'air de ce comte que j'apprécie tant. Alors d'accord on le voit que vers la fin, durant une longue conversation avec Lucien, mais Carlos Herrera est mon personnage préféré du roman.
Balzac met en avant une réflexion incroyable sur le journalisme et l'ascension sociale avec Lucien. Il fait également une critique sévère de la Société et des bourgeois.
C'est très compliqué à lire avec des explications sur l'imprimerie et sur l'économie interminables mais qu'est-ce que c'est intéressant à lire.
A lire et à étudier !
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C'est un peu fâchée contre Balzac depuis « la femme de trente ans » que j'ai été intriguée par « Illusions perdues » et sa récente adaptation sur grand écran. 

N'ayant pas eu l'occasion de voir le film, j'ai donc décidé de me plonger dans le roman. 

Autant le dire dès à présent : voilà une bonne décision car ce roman me réconcilie avec Balzac.

Un court résumé s'impose : Lucien Chardon grandit avec l'âme d'un poète, choyé par une famille pauvre mais aimante, composée de sa mère et de sa soeur, Ève mais aussi d'un frère de coeur : David Séchard.

Notre jeune homme a réussi à séduire une des reines de la bonne société d'Angoulême : Louise de Bargeton. Celle-ci décide de faire reconnaître le talent de son champion auprès de la bonne société provinciale puis parisienne. 

Et c'est à la capitale que le destin de Lucien va se jouer. Paris, source de toutes les tentations et de tous les vices. C'est là que le jeune homme va sacrifier ce qui lui restait de vertu sur l'autel de son ambition.

Nous voilà plongés à la suite de notre personnage principal dans le monde de l'édition mais surtout du journalisme. L'analyse de l'essor de la presse, peuplée d'hommes prêts à prêcher tout et son contraire en fonction de leurs intérêts, est absolument fascinante. Tout comme l'étude des amitiés, purement intéressées, des scandales et des mensonges érigés en vérité à force de répétition. Si l'action se passe au dix-neuvième siècle, l'ensemble du roman frappe par sa persistante actualité. 

La recherche d'une gloire rapide, peu soucieuse des moyens employés, trouve un écho dans notre société connectée où tout est permis pour avoir plus d'abonnés ou de likes que le voisin. 

Les personnages dépeints par Balzac sont très réussis et, à l'exception d'un groupe d'hommes, tous sont tout autant victimes que coupables. En premier lieu, Lucien, coupable de sacrifier ses proches et ses convictions sur l'autel de sa vanité mais victime naïve aussi de machinations qu'il pensait deviner et éviter. 

Ce roman se dévore, l'action et l'analyse se succèdent sans temps morts, et malheureusement les personnages les plus honnêtes ne sont pas toujours récompensés. Pour autant, ce roman n'est pas la fin des aventures de notre héros, qui se retrouve dans « Splendeurs et misères des courtisanes » que je vais certainement lire cette année.

Lien : https://allylit.wordpress.co..
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« Illusions perdues » est peut-être le meilleur roman De Balzac. En tous cas c'est certainement un des plus « balzaciens ». A travers la destinée de Lucien de Rubempré, un « enfant du siècle », il dépeint, comme personne avant lui, la société de son temps, qu'elle soit provinciale ou parisienne, populaire ou mondaine.
« Illusion perdues » occupe dans la « Comédie humaine » une place centrale, et ce, à plus d'un titre : chronologiquement, le roman (1837-1843) se place 8 ans après « le dernier Chouan » (1829) (premier titre) et 12 ans avant « Les Paysans », (dernier titre). du point de vue littéraire, le roman brasse tous les grands thèmes qui jalonnent la « Comédie humaine » : la destinée d'un personnage, à la fois héros et antihéros, évoluant dans des milieux différents, mais qui chacun représente un microcosme, où se mettent à jour (de façon plus ou moins évidente) les qualités et les défauts, les réussites et les échecs, les ambitions (légitimes ou pas) et les… illusions perdues. Enfin Balzac écrit un roman encore romantique par certains côtés, et déjà réaliste par d'autres, le chaînon entre Musset et Flaubert
« Illusions perdues » se présente comme une trilogie : « Les deux poètes », « Un grand homme de province à Paris » et « Les souffrances de l'inventeur »
A Angoulême, David Séchard et Lucien Chardon rêvent de poésie. Eve, la soeur de Lucien, épouse David qui prend la succession de son père à l'imprimerie familiale. Lucien, à qui un début de succès a tourné la tête, se laisse séduire par Mme de Bargeton et part avec elle à Paris.
Dans la capitale, Lucien de Rubempré (il a pris le nom de sa mère), a du mal à démarrer une carrière littéraire. Il s'essaie au journalisme et apprend la compromission. Tiraillé entre une carrière littéraire pure mais ardue, et une carrière journalistique plus facile mais moins honnête, il se laisse tenter et finit par tout perdre, professionnellement et sentimentalement. Mme Barjeton, déçue l'a quitté. Coralie, une jeune actrice qui l'adore, tombe malade et meurt. Désespéré, ruiné, brouillé avec tout le monde, il rentre à Angoulême.
A Angoulême, David, inventeur d'un nouveau procédé pour faire du papier, se voit spolié par des concurrents. Mis en faillite par ceux-ci et aussi mis en cause par une indélicatesse de Lucien, il est arrêté. Désespéré, Lucien songe au suicide. C'est alors qu'un mystérieux abbé, Carlos Herrera (qui n'est autre que Vautrin), lui propose une forte somme contre sa soumission complète. Lucien accepte. David est sauvé, vend son invention et se consacre paisiblement à la poésie. Quant à Lucien, on le retrouvera dans « Splendeurs et misères des courtisanes »
Les « Illusions perdues » sont évidemment celles de Lucien : vis-à-vis du monde littéraire, du monde journalistique et de la vie mondaine, trois mondes où il pensait pouvoir accéder ; vis-à-vis de sa propre vie, déçu par ses faiblesses, ses manques, ses erreurs, déçu par la déception qu'il cause à ceux qu'il aime (sa soeur et son ami) … Lucien est donc un personnage complexe, héros et antihéros, qui finit, comme Faust, par vendre son âme à Méphistophélès/Vautrin. Autour de lui, la plupart des personnages sont des masques qui jouent des rôles dans une comédie où il est le seul, lui, Lucien, à ne pas connaître son texte. Seuls quelques personnages ressortent de façon positive : l'écrivain D'Arthez, qui symbolise « l'homme de lettres » intègre et génial que rêve d'être Balzac ; et bien sûr David et Eve, symboles d'amitié vraie, d'amour pur, de constance au-delà des difficultés et même des trahisons.
Avec « Illusions perdues », Balzac a sûrement écrit son chef-d'oeuvre (c'est mon avis, vous avez le droit de n'être pas d'accord, mais vous le mettrez quand même dans le peloton de tête, non ?) Par la richesse du thème, sa construction romanesque, les portraits fouillés des personnages, ce roman est un des tous premiers de notre littérature.
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La claque. L'uppercut! Et dire que ce Balzac-là ne me tentait pas plus que ça au début... Que je pensais lui préférer Eugénie, Pons, Chabert et Rastignac... Bon sang, ces "Illusions"...
Le roman a pour cadre le France de la Restauration et s'ouvre à Angoulême. David Séchard est un imprimeur besogneux, taiseux mais profondément bon. Autour de lui, son meilleur ami, Lucien Chardon et la soeur de ce dernier, la jolie Eve avec laquelle il se mariera. Lucien est un jeune homme beau, lettré, délicat... Aux amours simples de son ami et de sa soeur, il préfère les passions plus romanesques. Au travail manuel, il préfère l'écriture. C'est donc en toute logique qu'il tombe fou amoureux d'une femme de la petite noblesse, Madame de Bargeton, et qu'il écrit pour elle un recueil de sonnet. Elle ne peut que se pâmer et succomber au charme de ce Pétrarque, elle qui se voit comme la Laure de son Lucien. Dans les petites villes, cependant, les amours secrètes ne le restent pas longtemps et au terme d'un duel et du scandale, les amants partent pour Paris. Notre poète espère qu'il pourra y faire publier le grand roman qu'il est en train d'écrire. Mais Paris ne tient pas ses promesses pour le jeune homme, parangon de candeur. Lui qui était si élégant en Province est bien fade, bien négligé face aux parisiens si bien mis. Madame de Bargeton qui lui paraissait si belle, si fine, si reine n'est qu'une bergère (et pas de celles, si jolies, des pastorales d'antan) comparée aux divines parisiennes. Lucien va de désillusions en maladresses et se couvre de honte lors d'une soirée à l'opéra, tant et si bien que sa bergère l'abandonne. Il lui reste l'écriture: ses sonnets sont trop naïfs et son roman... son roman... L'écriture est un échec. Heureusement, il reste l'amitié en la personne de D'Arthez, écrivain, qui se lie avec Lucien et qui l'introduit au Cénacle, un petit groupe de jeunes hommes aspirant à l'art et à l'écriture, se vouant à la création littéraire et artistique, refusant les concessions mais partageant la table et l'amitié. Un temps, Lucien - qui de "Chardon" est devenu " de Rubempré", prenant le nom de sa mère qu'il juge plus indiqué pour réussir- fréquente ce cercle vertueux, mais la réussite tarde à venir pour l'impatient qui succombe à la tentation du journalisme, de l'argent facile donc, de l'ambition et du luxe. Tant qu'il y est, il s'éprend d'une jeune et jolie actrice Coralie qui lui rend son amour, avec laquelle il s'installe. Orgueilleux, ambitieux, Lucien veut toujours plus et passe d'un journal libéral à un journal royaliste, faisant fi de ses principes, de ses idées. La plume d'un bon journaliste fait fi du fond si la forme est belle et se vend au plus offrant. Ses amis du Cénacle, eux, ne digèrent pas cette absence de principes et attaque leur ancien membre qui ne trouve du soutien qu'auprès de sa Coralie. La ruine, le déshonneur, les humiliations... Lucien est en train de tout perdre quand le coup de grâce survient: Coralie tombe gravement malade. Ils n'ont pas d'argent pour un médecin, ni même pour les funérailles. La jeune femme meurt misérable auprès d'un amant éploré tout aussi misérable qui décide -puisque Paris l'a trahi- de retourner en Province auprès de David dont l'imprimerie menace de lui être retiré, à cause d'une signature de Lucien qui l'avait engagée en paiement d'une dette. le retour de notre héros n'est pas celui de l'enfant prodigue et ses dernières illusions se consument dans le feu de la réalité. Agité de remords, il pense à se suicider. C'est alors que survient un abbé aussi providentiel qu'inquiétant (et qui n'est pas celui qu'il prétend être!) qui lui propose un pacte: l'argent, le règlement des dettes des siens, une vie de luxe et de plaisirs en échange d'une obéissance à toute épreuve. Un pacte faustien qu'accepte Lucien... Quant à savoir ce qu'il vivra ensuite, c'est dans "Splendeurs et Misères des Courtisanes" que ça se passe.
Roman parisien, roman d'apprentissage, "Illusions Perdues" condense toutes les obsessions balzaciennes: l'art, la volonté de parvenir, la dénonciation des tares de la société et de la corruption du journalisme, l'amour aussi. C'est aussi une merveille d'écriture: le style s'y déploie ample sans masquer l'essentiel planté d'un trait de plume enrichi de pointes magnifiques.
A la peinture fine et sans concessions d'un monde dur, gangrené par l'argent, Balzac ajoute une galerie de personnages complexes, fouillés jusque dans leur moindre agissement. Encore une fois, il se montre comme l'un des grands observateurs du comportement humain.
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Tout simplement le plus grand roman De Balzac.
(Des deux que j'ai lu.)
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