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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Illusions perdues décrit l'histoire d'un jeune homme, Lucien de Rubempré, né Chardon, très naïf et très égoïste, doué et ambitieux qui s'enfuit de la ville d'Angoulême, pour tenter sa chance à Paris, comme écrivain. Sensé être soutenu par Madame de Bargeton, dont il est épris, il en est rejeté et se retrouve, en quelques semaines à peine, à errer, sans le sou dans la capitale. Après avoir contracté de nombreuses dettes, ruiné sa soeur et son beau-frère, il retourne à Angoulême sans avoir publié quelque roman que ce soit. Bref, ce roman, c'est l'histoire d'un jeune homme prétentieux qui pense réussir avec l'aide d'une conquête amoureuse de seconde zone dans le cercle très restreint de la littérature parisienne et qui rentre chez lui. Dit comme ça, je ne vous envoie pas du rêve. Et pourtant, de cette simple histoire, Balzac arrive à faire un chef-d'oeuvre.
Pour moi, ce roman est l'illustration magistrale de ce qu'est pour l'auteur la Comédie humaine. L'intrigue est construite sur des scènes courtes – presque des saynètes – qui s'enchaînent. le lecteur, la lectrice, sont placé.es comme devant un théâtre de Guignol. L'arrière-plan est fixe, seuls les personnages entrent et sortent. Il faut parfois avoir de la patience pour suivre tous les détails que Balzac nous donne mais ils sont nécessaires parce qu'ils sont des indices nécessaires pour déchiffrer le sens du texte.
Attention, c'est un portrait au vitriol que nous donne à lire l'auteur. On sent qu'il y a mis beaucoup de lui-même et que certaines situations sont bien trop réalistes pour ne pas avoir été vécues par l'auteur lui-même. Lorsque l'on aime la littérature et le travail de la langue, on ne peut être que fasciné par Illusions perdues. Toutefois, sur un plan purement émotionnel, il ne s'agit pas d'une lecture facile. Rubempré a de bonnes chances de vous faire bondir tant il est niais, fait toujours comme bon lui semble, n'écoute personne sinon lui-même, n'est tourné vers personne, sinon lui-même. Il reste puéril et n'évolue absolument pas du début à la fin du roman. Les autres personnages profitent de cette naïveté ou sont hypnotisés par sa beauté et cèdent à tous ses caprices. L'intrigue ralentit parfois et se perd dans des méandres financiers que nous pouvons avoir du mal à comprendre aujourd'hui – puisque le système monétaire n'est plus le même. Cependant ce chef d'oeuvre nous laisse interdits tant il dit des vérités sur le monde et sur l'homme qui, peut importe les époques, demeure vrai.
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Avant l'impitoyable Bel-Ami, qui dresse du journalisme le tableau que l'on sait, Illusions Perdues avait frayé la voie et annoncé une réalité qui est encore la nôtre aujourd'hui. Naturellement poète et se berçant d'illusions, "le grand jeune homme de province à Paris" perd tout en tombant dans le journalisme, qui est le commerce capitaliste et la loi du profit appliqués aux choses de l'esprit. Nul besoin d'être jeune d'ailleurs : Chateaubriand, à la fin de sa vie, dut monnayer ses mémoires comme des légumes en boîte. Dans ce régime où l'argent étend sa puissance à l'esprit, un salut est possible, mais réservé aux forts, à ceux qui passent l'épreuve. Tout le roman est dans ce combat entre la tentation de la facilité et le désir de s'accomplir. Un grand chef-d'oeuvre.
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Si je m'étais plongé dans Illusions perdues vers mars 2020, au moment où j'ai décidé de consacrer l'essentiel des cinq ou six années à venir à la littérature du 19e siècle, soit pour relire certains oeuvres (notamment De Maupassant et de Zola), soit pour combler de nombreuses et graves lacunes, j'en aurais peut-être abandonné la lecture. Ce qui ne surprendra probablement personne : Balzac est un des romanciers français du 19e parmi les plus « abandonnés » (j'ai moi-même laissé tomber Eugénie Grandet il y a quelques années, tant je finissais par trouver le texte indigeste et austère). Son réalisme l'entraîne parfois dans des descriptions longues et éminemment détaillées qui peuvent tout à fait rebuter ou ensuquer un lecteur insuffisamment déterminé à l'ascension (ce que j'étais). D'autre part, un roman De Balzac n'est jamais seulement un roman, un récit mêlant le réel et l'imaginaire. Ceux qui, comme Illusions perdues, appartiennent à La Comédie humaine (90 titres !) se veulent également étude des moeurs et de la société, historiographie et, puisqu'il y est souvent question de principes, ils ont aussi une dimension philosophique. Chaque roman de la Comédie humaine, bien qu'ils puissent tous se lire de manière indépendante, a été pensé non comme un objet distinct et fini qui pourrait éventuellement se permettre le luxe d'une relative superficialité mais comme un élément d'un vaste édifice qui dirait toute une époque et tout d'une époque.
Bref, Balzac (comme Stendhal) est un écrivain exigeant qui demande que le lecteur de l'an 2023, avant de s'acclimater enfin, s'astreigne à une certaine application, fasse preuve d'une certaine abnégation. On n'entre pas chez Honoré comme on entre dans une Despentes. le passage est nettement plus étroit (oui, je sais : c'est un coup bas.)

Pour me rapapilloter avec ce Balzac qui, au fil des tentatives, m'avait plus souvent mis en déroute que conquis, j'ai donc attendu d'être plus aguerri à la littérature du 19e mais j'ai également passé en revue tous les titres de la Comédie humaine et soigneusement sélectionné le pré où se tiendrait la nouvelle rencontre. Mon choix, pour plusieurs raisons, s'est très vite porté sur Illusions perdues : nombre de critiques et d'auteurs (dont Marcel Proust) le tiennent pour un des meilleurs romans De Balzac (à défaut d'être un des plus faciles), l'action se déroulant à la fois à Angoulême et à Paris, il constitue une introduction idéale à deux volets importants de la Comédie humaine (Scènes de la vie de province et Scènes de la vie parisienne), il traite du mal du siècle (les progrès et le matérialisme bourgeois, vecteurs de banquisme et d'impostures, entraînent compromissions, déliquescence, malaise, vide spirituel), il se penche sur le monde littéraire (auteurs et éditeurs) et les débuts du journalisme putassier, il nous fait pénétrer dans diverses sphères de la société (aristocratie, bourgeoisie, demi-monde, etc.), il parle de politique (et, donc, d'un pan de l'histoire de France, notamment la rivalité entre les libéraux et les royalistes aux temps de la Restauration), d'usure, de capitalisme (avant Marx), de justice et de droit, etc.

Et ce fut enfin un succès, un bonheur ! Une rencontre dont l'auteur et le lecteur sortent tous deux vainqueurs : l'un a conquis et l'autre est plus que probablement balzacisé de manière irrémédiable.
À moi maintenant La Comédie humaine !
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Le meilleur roman De Balzac où il évoque les impasses du monde médiatico-littéraire parisien et l'impossibilité de réussir grâce à son talent ou à son travail, ce qui entraîne les cruelles désillusions du jeune provincial ambitieux, Lucien Chardon, anobli de son propre en chef en de Rubempré, et la quasi ruine de son méritant beau-frère, l'imprimeur David Séchard. L'argent à gagner, à trouver, la réussite restent des thèmes obsessionnels mais la peinture féroce du monde journalistique, de l'abîme qui existe entre talent littéraire et réussite sociale ou financière, l'évocation des pièges de tout le circuit de l'édition, de l'imprimerie à la critique en passant par la création littéraire restent d'une percutante actualité. Lucien, trop jeune, trop crédule, trop vulnérable, tombera dans les redoutables mains de Vautrin qui en fera sa créature dans Splendeurs et misères des courtisanes. Mais n'anticipons pas... La création littéraire et la réussite parisienne, réalités anitinomiques et impitoyables, ne sont pas faites pour les âmes faibles ou indécises...
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Le vice et la vertu: chez Balzac tous les personnages sont bien définis, rangés en deux catégories dès le début du roman et ne varieront pas. Ce sont des personnages-type. Seul Lucien a un parcours chaotique, tiraillé entre le bien et le mal .
C'est un roman total étudiant en profondeur tous les aspects de la vie en France sous la Restauration avec deux domaines de prédilection chez Balzac L'Economie et la Psychologie. .
C'est un roman binaire . Il y a l'Angoulême du bas ( lHoumeau)et l'Angoulême du haut , le monde ouvrier et des petits entrepreneurs ( l'imprimerie) en bas ( très actif))et la noblesse en haut ( oisive).
la Province et Paris, la littérature, activité intellectuelle noble ( le Cénacle) car peu rémunératrice et les journalistes pervertis par l'argent..etc
Et puis il y Lucien seul personnage ambivalent du récit , splendide et misérable se laissant corrompre par faiblesse et par ambition mais bourré de remords ensuite
Les bons ( le couple David/ Ève) ne savent pas se défendre et le lecteur voudrait presque les aider.
C'est un roman pessimiste sur la nature humaine. Balzac plonge dans le tréfonds des consciences et en décrit tous les replis : l'être humain est mû essentiellement par l'appât du gain et la jalousie. le monde du journalisme parisien est particulièrement vilipendé par l'auteur qui décrit un univers sans scrupule pouvant faire et défaire des réputations entraînant parfois la mort. On pense á “ L'honneur perdu de Katharina Blum ” de Heinrich Böll ou au tableau de Courbet “ l'atelier du peintre” où l'on voit une tête de mort sur un journal, autrement dit la presse se repaissant de scandales.
La province n'est pas en reste et le père Séchard est un autre père Grandet , avare insensible de la Comédie Humaine.
Balzac crée un monde à lui tout seul mais ses romans laissent souvent un goût amer car il semble ne plus avoir aucune illusion sur la nature humaine.
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Un babelionaute s'agaçait des incessants effets d'annonce rendant l'issue du roman De Balzac prévisible. Mais cette prévision est annoncée dans le titre. Comme Lucien Chardon ou Lucien « de Rubempré », le lecteur ne doit pas se faire d'illusions. Honorons Honoré de Balzac de sa louable honnêteté. Il n'allait tout de même pas nous tromper par un douteux happy end ! (quoique ?) L'intérêt du roman est dans sa forme, son projet et les multiples destinées des personnages. Ce qui importe n'est donc pas le terme, mais le voyage (ou les voyages).
Car, au bout du compte, ce roman est avant tout moral. Il montre que faire le choix du vice mène à la chute, et que, à l'inverse, choisir la vertu est toujours récompensé par le bonheur. Car que deviennent David Séchard et Ève, la soeur angélique de Lucien ? Ne sont-ils pas récompensés de leur immuable bonté ?
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De ce roman, j'ai une nette préférence pour la deuxième partie des Illusions perdues, au titre d'Un grand homme de province à Paris, publiée séparément en 1839.

Comme Balzac s'occupait de mille projets d'écriture en même temps, obligé d'honorer différentes promesses pour une publication dans tel journal pour tel éditeur, ses plus grandes productions littéraires s'étalent souvent sur plusieurs années.
Il s'en excuse d'ailleurs dans la préface d'Un grand homme de province à Paris. Préface dans laquelle il s'emporte aussi contre la Belgique et les contrefaçons de ses oeuvres.

Et, honte à moi, je me suis procuré la contrefaçon d'Un grand homme de province à Paris, éditée chez Jamar à Bruxelles en 1839. de toute façon, les premières éditions parisiennes sont hors de prix.

Je préfère cette partie des Illusions perdues car c'est ici où nous assistons à la gloire et la chute de Lucien de Rubempré (ou Chardon, pour ceux et celles qui sont jaloux de son sex-appeal) dans Paris où tous les élans poétiques se meurent ; nous assistons à son initiation au monde corrompu de la presse et à la volupté sexuelle grâce à Coralie, comédienne qui s'offre toute entière au beau Lucien. Elle sera entraînée avec lui dans la chute impitoyable du poète d'Angoulême. Chute dont seul Lucien se relèvera, en tout cas dans ce livre-ci...
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Quel roman ! Il est d‘une très grande richesse dans sa thématique : l'opposition Paris/Province, l'ambition (il faudrait comparer Lucien et Rastignac) , les milieux de l'imprimerie et du journalisme (que Balzac connaissait , ô combien) , les personnages lumineux , (David , Laure, Coralie , le Cénacle) et les crapules. Au milieu Ce Lucien Chardon qui se veut de Rubempré , qui n'est pas très reluisant , et qui ne se sauve que parce qu'il rencontre un avatar diabolique qui lui propose un pacte faustien.
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Les Illusions perdues se présentent en trois parties : la première et la troisième prennent place à Angoulême, ville natale du héros, Lucien de Rubempré, et la deuxième partie prend place à Paris, ville de toutes les espérances. Cette itinéraire du héros (de la province vers la capitale puis retour à la province) est encore un schéma habituel dans certains classes sociales actuellement car la capitale concentre opportunités professionnelles mais aussi et surtout chance de gains en matière de réputation et de statut. Comme pour Lucien, toute ambition de se faire connaître pousse à prendre le chemin de la capitale. Mais bien souvent comme lui, à dix-huit ans, tout nous semble possible et on ne saisit pas bien à quel point nous sommes un point minuscule dans l'univers. Fort de nos rêves, on pense même que l'univers intercédera en notre faveur et que d'heureux hasard en heureux hasard adviendra la culmination de notre potentiel, l'épanouissement sur la place publique de notre brillante personne. On ne veut pas non plus briller pour rien, on pense que les autres seront sensibles à notre génie, peut-être bien inconnu à nous-même mais révélé par le regard d'un autre à l'affût de talents cachés comme le nôtre. le rêve à cet état embryonnaire, avant le grand départ, encore bien au chaud dans la maison familiale, est polymorphe, la gloire prend plusieurs formes et ce sera au destin de choisir pour nous quelle tête elle voudra bien prendre concrètement quand le moment sera venu. Bien sûr, notre milieu n'est pas là pour nous décourager, on nous envoie découvrir le monde, mais c'est surtout parce qu'ils ne perçoivent pas la démesure de nos espérances et nous souhaitent sans nous le dire une réussite banale et méritoire, celle « facile » du travail et de la chance pour arriver au contentement. Mais si nous partons, c'est parce que nous n'aspirons pas au contentement, sinon il suffirait de rester auprès des siens, là où nous connaissons et maîtrisons tout, où la voie vers le contentement est la plus rapide. Certains nous poussent à partir car selon eux nous pouvons aspirer à mieux, sans que ce mieux ne soit jamais défini ni par eux ni par nous, mais ces mots nourrissent nos ambitions et les légitiment puisque nous ne sommes pas le seul à le dire et à le croire à présent. le pire qui ait pu arriver à Lucien c'est d'être plus brillant que la moyenne à Angoulême. Brillant il a pu l'être parce que tous les astres étaient alignés : sa mère venant d'une noblesse désargente avait de l'ambition pour lui, il vient d'une bourgeoisie où la culture devient accessibles, il a un meilleur ami peut-être plus brillant que lui avec lequel il a pu aiguiser son esprit par les lectures partagées et la conversation, mais aussi la présence maternante de sa soeur lui a donné le confort nécessaire pour s'épanouir ; et puis pour finir, un milieu mondain à taille humaine où les talents ont peu de concurrents et où on peut avoir une place car l'espace n'est pas saturé et pourtant tout le monde se connaît. Lucien passe de cet univers propice à un univers ultra concurrentiel où tout le monde est plongé dans l'anonymat de la capitale avec des vedettes idolâtrées, surreprésentées dans la presse, avec cette impression que c'est le seul destin enviable, la célébrité. Balzac montre bien comment la presse crée une vision déformée du monde qui détourne le jeune Lucien de ses valeurs et de son rêve pur de devenir un écrivain, un artiste. Mais cette vision du monde acceptée par tous devient la réalité et effectivement ceux qui n'acceptent pas ce système sont marginalisés comme le cerce littéraire qu'il fréquent dans le quartier latin. Mais Lucien aime ce qui brille et surtout il veut briller à tout prix, trop habitué, beau et intelligent, l'un étant la mort de l'autre, à briller, à être le diamant central de la pièce que tout le monde admire et polit. Lucien est trop sensible à la blessure narcissique. Convaincu qu'un avenir brillant l'attend parce que depuis toujours on le lui dit, il se laisse facilement convaincre que le travail, l'effort, n'est pas la voix vers le succès. Et malheureusement il a raison. Mais la popularité, la célébrité du moment, n'est pas à confondre avec la gloire. La gloire des héros se crée non pas dans les honneurs mais dans la mémoire qui transcende la mort du héros. Il faut qu'on continue à chanter vos louanges par delà le contexte de votre vie. C'est le paradoxe de la vertu de ses amis : écrivains oubliés de leur temps, brillants mais laborieux, qui ne prostituent pas leur talent pour l'argent, miséreux, ils seront sûrement ceux qu'on redécouvrira plus tard, quand leurs obscurs ouvrages tomberont dans les mains d'un fin esthète qui sera y déceler la beauté et la pureté. Ce sont les vrais artistes qui ont fait de leur art la seule quête possible de leur vie, faisant de leur pratique artistique un rituel sacrée, créant un ordre autour de la quête du beau. Mais Lucien souffre encore une fois de son seul vice qui est la beauté : or c'est éphémère et inconsciemment il doit savoir que plus le temps passe, plus il perdra cet atout si bien qu'il est dans une frénésie pour profiter de son don de la nature si périssable. Mais alors il trahit ses idéaux de sa prime jeunesse et il dévoile à tous sauf à lui-même qu'il n'avait pas vraiment les valeurs qu'il croyait avoir. Ces valeurs correspondaient à un instant de sa vie où il était facile de les avoir et on peut imaginer qu'elles appartiennent plus à son meilleur ami, David. La trahison est rendue visible par l'abandon de ses mais écrivains du quartier latin, mais de manière paradoxale, ce qui montre sa trahision c'est cette lettre qu'il envoie à sa soeur pour obtenir de l'argent, argent qu'il promet de rendre bien vite mais dans la frénésie de ses succès et de ses déboires, il oublie. Lucien est totalement coupé de ses origines, c'est-à-dire de ses idéaux, de ce qui lui a permis d'être brillant en premier lieu. C'est un peu la même mécanique de la vanité que dans le Portrait de Dorian Gray où le don glorifié de la nature devient l'origine du vice. Chose paradoxale aussi c'est que la grande vertu de David et ve dégoûte, en tout cas elle m'a très vite dégoûtée. Bien vite on espère que David fera moins preuve d'intégrité à l'avenir. C'est que cette vertu hors du commun est bafouée de tout côté, elle se transforme bien vite en faiblesse. Elle dérange. David et Eve par la noblesse de leur âme pourraient s'élever au rang d'amants tragiques puisque David semble poussé par la nécessité, une force qui lui fait toujours voir le bon dans la vérité même quand il perçoit que cela peut lui nuire. Eve de même est poussée par la nécessité, ce don de soi aux gens qu'elle aime, son frère mais aussi David, l'accompagnatrice nourricière par excellence dans une confiance teintée d'inquiétude. Et effectivement, leur misère inspire la pitié parce qu'elle semble à la fois inévitable mais aussi injuste car l'auteur insiste sur le fait qu'aucun d'eux ne mérite un tel, image de l'innocence vertueuse bafouée. Mais bien vite leur acharnement et surtout leur indulgence pour ce frère qui leur nuit dégoûtent car on a envie de voir en eux se développer la colère et le ressentiment, probablement parce qu'à leur place c'est ce que nous aurions ressenti, et bien souvent il est intolérable pour l'égo de voir d'autres ne pas se laisse submerger par leur colère : il est douloureux de voir d'autres humains meilleurs que soi et donc pour éviter de ressentir ce dégoût pour soi on le projette bien vite sur les personnages eux-mêmes, comme pour s'en débarrasser. Mais bien vite c'est intenable, déjà parce que l'auteur s'attarde sur ces deux héros et bien vite on est obligé d'admettre qu'on ne peut leur reprocher d'être meilleurs (c'est peut-être aussi l'effet d'un trop fort contraste avec la partie précédente, à force d'être en contact avec la puanteur parisienne, on ne peut plus supporter leur pureté car on est soi-même contaminé c'est-à-dire habitué au vice comme réponse automatique au vice subi).
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Lucien Chardon, qui se nomme dans la belle société Lucien de Rubempré pour faire oublier ses origines modestes, est un poète aux ambitions démesurées. Soutenu inconditionnellement par sa mère, sa soeur et son ami (et futur beau frère) David Séchard, il veut révolutionner la littérature, vivre richement et aimer les plus jolies femmes. le monde réel se chargera de lui faire perdre ses belles illusions de jeunesse.

Je ne m'étonne pas de la notoriété de ce roman, qui est incontestablement un des meilleurs De Balzac. C'est vrai qu'il faut s'accrocher sur un gros millier de pages. C'est vrai aussi que les digressions techniques chères à l'auteur, ici centrées sur le milieu du journalisme, de l'édition et de l'imprimerie, sont toujours présentes et peuvent parfois lasser. C'est enfin vrai, Lucien mérite quelques baffes et l'indulgence de son entourage envers ses fautes peut frustrer.

Mais les immenses qualités du texte en font facilement oublier les quelques frustrations, au point même qu'il se rachète par là-même où il semble pêcher.

Si on s'intéresse par exemple à l'horripilant Lucien, difficile de ne pas admirer la complexité de ce personnage, qui a les meilleures intentions du monde mais que sa faiblesse morale empêche d'être une bonne personne. Il est à la fois orgueilleux et honteux de lui même, naïf et menteur, affectueux et traitre, sans que ces différents attributs ne paraissent incohérents. Tous les personnages du livre sont d'ailleurs très bien développés, les plus intéressants étant souvent les plus "méchants". L'angélisme de certaines figures (D'Arthez, la soeur de Lucien...) a pourtant parfois une couleur un peu terne, mais heureusement ce ne sont pas les seules figures du roman. Comme d'habitude, on a le plaisir de recroiser des figures connues de la Comédie Humaine dont certaines prennent une couche supplémentaire de vernis.

Dés le début du livre on sait que Lucien ne réussira pas (le livre s'appelle quand même "Illusions Perdues"). le plaisir de la lecture vient alors de l'observation dans le détail des évènements qui font l'ascension brillante et la chute non moins éclatante du héros. Balzac nous détaille le plan des ennemis de Lucien avant que ce dernier n'en prenne conscience, nous laissant en savourer l'ironie dramatique. Et il ne se prive cependant pas de nous laisser voir tout ce que la situation peut avoir de faux ou d'horrible pour les personnes impliquées, souvent innocemment, dans les "exploits" de Lucien. L'intrigue est variée et parvient à surprendre même en en connaissant plus ou moins la fin.

Enfin, c'est un vrai plaisir de découvrir le monde de la presse et de l'imprimerie qui sont dépeints avec beaucoup de détails. le dernier tiers du roman se concentre d'ailleurs sur David Séchard qui tente de produire du papier peu cher, ce qui donne la possibilité d'entrer dans les détails très techniques de la fabrication de papier.

En conclusion, n'ayez pas peur du pavé, ce n'est pas une pierre angulaire de la littérature pour rien !
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