AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,08

sur 227 notes
5
11 avis
4
9 avis
3
3 avis
2
1 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Tout est déjà dans le titre.

Une « vieille maîtresse », c'est-à-dire à la fois une ancienne maîtresse et une femme qui n'est plus de la première fraîcheur. Toute la Vellini est dans cette contradiction : elle est celle dont on ne peut se défaire alors qu'objectivement rien en elle ne justifie l'attachement qu'elle suscite. Elle est petite, olivâtre, maigre, serpentine, d'un exotisme de mauvais aloi - n'est-elle pas un peu gitane?...

Jusqu'au choix de l'article indéfini qui, à rebours de son usage habituel, souligne le caractère exceptionnel, proprement unique de cette Vellini que Ryno de Marigny n'arrive pas à quitter.
Ce n'est pas un archétype : c'est un monotype. On a cassé le moule….

On est délibérément dans l'exception, dans le paradoxe, dans l'irrationnel.

Dans la passion.

Et pour corser le goût de l'antithèse, Barbey fait brûler cette passion-là dans une Normandie maritime- son cher Cotentin- battue par les vents et humide à souhait, qui a presque des airs de Bretagne sauvage…

Ryno c'est un peu Barbey lui-même : monarchiste mais rétif à toute autorité, catholique mais impie, réactionnaire mais scandaleusement marginal- un vrai dandy, un homme à femmes, un viveur, un mondain.

Las de toutes ses tribulations passées, Ryno est décidé à « faire une fin » en se mariant, à rentrer dans le troupeau docile des bons maris bénis par la sainte Église et encensés par la famille de hobereaux dont il est issu. Il s'est épris d' Hermengarde, une oie blanche, blonde, sage, belle, jeune, de bonne famille : la conversion ne devrait pas être trop douloureuse…

Quand soudain lui revient en plein coeur une ancienne maîtresse avec qui il s'était lié par le sang : l'Espagnole Vellini…Les deux amants se retrouvent dans la lande traversée de tempêtes et d'orages tandis que la jeune Hermengarde dépérit…

C'est follement romantique, totalement immoral, excessif et échevelé, mais on en redemande !
Commenter  J’apprécie          480
Ryno de Marigny , séducteur et libertin, est sur le point d'épouser la belle Hermangarde de Polastron. Mise en garde par sa meilleure amie, la grand-mère et tutrice de cette dernière, la marquise de Flers sonde l'âme du beau Ryno. Qui lui avoue une passion ancienne pour une sombre espagnole, Vellini, passion qui a duré dix ans mais qui est selon lui terminée. Car il est sincèrement épris d'Hermangarde qui personnifie la beauté, la grâce, la pureté, mais également une certaine rigidité d'une classe malmenée par la Révolution…

Vellini, qui n'est pas belle mais d'une sensualité brûlante est à la fois diabolique et profondément humaine. Libre mais possessive, possédée par l'unique loi de la passion amoureuse, elle mène à la mort ses rivales, liée par le sang avec son amant qu'elle n'aime plus. Rien ne peut dompter l'amour, surtout pas le mariage…

Pour échapper à la tentation de son ancienne maitresse, Ryno accepte d'emmener sa jeune femme en Normandie. Ils y passeront six mois de bonheur, sous le regard bienveillant de la marquise, avant l'arrivée de l'hiver…La vieille dame partie, ils se retrouvent seuls jusqu'au jour où Ryno va croiser le regard de braise de Vellini dans un sentier désert…Là où rodent les fantômes des âmes perdues. Et il n'y résistera pas.

Barbey nous peint alors une de ces scènes terribles dont il a le secret qui détruira définitivement la vie amoureuse des jeunes mariés…

La jeune Hermangarde trouvera dans la religion le courage de continuer et la force de renoncer à tout lien charnel avec son mari, tout pardon étant impossible. Ce dernier n'en sera que plus encouragé à reprendre sa fatale liaison…De retour à Paris, les langues vont bon train et les paris perdus ou gagnés. Est-ce Dieu ou le Diable le vainqueur ?

L'amour, la mort, la force du désir, l'impitoyable loi de la passion inscrite au plus profond des corps, on se plonge avec délices dans la violence de ces relations qui débordent les chemins étroits de la société à l'image d'une mer déchainée. Et ce qui nous frappe c'est l'étonnante modernité de ce roman qui touche le coeur de l'homme. Et qui n'a pas pris une ride. A redécouvrir.
Commenter  J’apprécie          372
Cette "Vieille Maîtresse" n'est pas, nous le savons, le premier roman de Barbey d'Aurevilly mais assurément, c'est le premier qui arbore sa marque sans complexe aucun. Sur la route éreintante de l'écriture, l'auteur a peiné, trébuché, il est tombé aussi et il a, bien entendu, remis maintes et maintes fois, sur le métier avide et jamais satisfait, le style qu'il sentait vibrer en lui depuis toujours. Et le miracle s'est accompli : ce style, il a réussi non pas à le domestiquer - ses soudains emportements à bride abattue, sa causticité larvée, ses éclats de préciosité hautaine, il les conservera jusqu'à la fin, pour le meilleur comme pour le pire - mais à l'empêcher de fuir sous sa plume, de se dérober à sa vision cynique et furieuse de l'âme humaine. C'est ce style sans pareil, si aisément reconnaissable pour tout amateur de littérature que peut l'être, dans un tout autre genre, celui d'un Céline ou d'un Simenon, qui, malgré les longues et minutieuses descriptions, malgré les états-civils plus échevelés les uns que les autres, malgré le mélodrame indécrottable dans lequel l'oeuvre plonge ses racines têtues, malgré même les idées religieuses, fortement teintées de jansénisme, de l'auteur, et malgré un parisianisme parfois outré, charme et captive le lecteur. Il nous donne foi dans les paysages dépeints, dans les passions exprimées et dans les chutes élégantes et sans espoir : veut-on s'éloigner de Barbey, qu'il nous ramène à lui - on peut en faire l'expérience avec "Ce Qui Ne Meurt Pas", roman languissant, dans la veine de "L'Amour Impossible" mais en plus mûri et fort de toute la science accumulée par l'auteur en matière d'écriture, dont on cherche frénétiquement à se détacher au plus vite mais que, toujours sous l'enchantement, on lit jusqu'au bout.

"Une Vieille Maîtresse" reprend le classique triangle amoureux déjà étudié et réétudié par Barbey sous tous les angles mais les personnages ont cette fois dépassé le stade de la silhouette ou de la marionnette creuse que l'on fait volter et virevolter avec plus ou moins de conviction dans un décor esquissé. Il y a d'abord Vellini, la "femme fatale", celle par qui le scandale arrive et demeure, Vellini, petite, olivâtre, maigrelette et sans réelle beauté, Vellini, la brune Espagnole pimentée d'Andalousie qui a uni son sang à celui de son amant, Vellini qui, selon ses propres certitudes et superstitions, a ainsi créé entre eux un lien qui ne se peut rompre. Même quand elle n'est pas physiquement présente, Vellini s'impose à chaque page. A travers elle, c'est le Destin qui s'exprime ici, mais un Destin qui ne peut lui-même échapper à sa propre et implacable loi. Vellini, tout à la fois séduisante et redoutable, faite semble-t-il d'un seul bloc mais d'un bloc aux mille nuances, souvent incompréhensible, y compris pour elle-même - Vellini qui fait subir mais qui subit aussi. D'ailleurs, longtemps, le texte porta tout simplement son nom : "Vellini."

Cette femme forte, qui ne se laisse jamais détourner de son but, a pour amant un dandy libertin, Ryno de Marigny, qui, en bon dandy abonné à la pose de l'ennui, a déjà essayé de rompre avec elle. "Plus rien de physique, surtout !" a-t-il dit et répété. Mais en vain. Comme le lecteur s'en revient à Barbey, Marigny s'en revient toujours à Vellini - et la fin du roman, impitoyable dans sa constatation cynique, nous le prouvera largement. Pourtant, quand il tombe amoureux de Hermangarde de Polastron, blonde, jeune et superbe créature qu'il a croisée dans les salons qu'il fréquente, Marigny se dit que cette fois, c'est la bonne. Il déclare à une Vellini infiniment plus sceptique que tout est réellement fini entre eux et il court se marier.

Hermangarde est, comme il se doit, l'antithèse parfaite de Vellini, en tous cas physiquement et sur le plan de l'éducation reçue. (Sur le plan de la naissance, par contre, Vellini n'a pas beaucoup à lui envier mais je vous laisse découvrir pourquoi.) Mais les deux femmes ont en commun une passion sans limites pour Marigny, une passion qui, pour l'une comme pour l'autre, ne s'éteindra jamais.

Il ne faudrait pas oublier d'évoquer les "seconds rôles", plantés de façon magnifique par un Barbey qui n'est pas loin de les laisser "casser la baraque" - pour peu que ce trio d'aristocrates bon teint, rescapés d'une XVIIIème siècle finissant, nous permette cette expression un peu triviale. La marquise de Flers tout d'abord : elle a connu les bals de Marie-Antoinette aussi bien que l'ombre luisante de sang de la guillotine, elle n'ignore rien de ce que peut dissimuler le mot "libertinage" et elle a, comme nombre de personnes de son siècle, une grande ouverture d'esprit. Marigny la prend par la franchise en lui racontant l'étrange histoire de sa relation avec Vellini et Mme de Flers, se laissant prendre elle aussi à la sincérité du dandy (quand il assure avoir rompu, Marigny ne ment pas : il y croit aussi fort qu'il croit en sa nouvelle paire de bottes), lui accorde la main d'une petite-fille qu'elle voudrait pourtant tenir à jamais éloignée du malheur. Puis Mme de Mendoze : amie intime de la marquise, elle est née au même siècle, elle a traversé les affres de son agonie et la curieuse comédie des deux Restaurations mais, en tous cas au début, elle se montre plus réservée envers M. de Marigny avant de se laisser elle aussi séduire par la sincérité apparente de son amour. Enfin, le dernier en piste mais non le moindre, l'étonnant, l'excellent vicomte de Prosny, ancien galant de Mme de Flers et qui tient, durant tout le roman, le rôle de la Gazette vivante ou du Concierge A Qui Rien N'Echappe. C'est que, lorsqu'ils s'y mettent, les hommes font, en matière de commérages et de curiosité indiscrète, bien mieux que les femmes les plus avisées.


En toile de fond, bien plus réelle que les salons parisiens fréquentés par nos héros, la côte normande, essentiellement vue de l'automne et de l'hiver, une côte spectrale, hantée par les vents, la pluie et les légendes locales, où Vellini, puis Hermangarde s'en vont errer tour à tour, luttant contre les éléments déchaînés et la nuit qui n'en finit pas, dans leur quête effrénée, incontrôlable de leur boussole commune : Marigny.

"Une Vieille Maîtresse", à bien y regarder, c'est du mélo à l'état pur. Mais Barbey est comme Balzac : il nous attire, nous accroche, nous séduit aussi sûrement que sa Vellini. Et on lit, on lit, on ne peut pas plus renoncer à tourner les pages qu'on ne renoncerait à respirer. On passe bien sur quelques maladresses et quelques exagérations - elles aussi font partie de Barbey, on ne va pas le trahir en les lui reprochant. Sous nos yeux fascinés, l'écrivain normand assemble, mêle et démêle fils et récits. Ces derniers s'emboîtent l'un dans l'autre avec une précision de boîtes gigognes, un narrateur suit l'autre sans que le lecteur en soit déstabilisé un seul instant : c'est du grand art, la libération d'un homme qui, pour la première fois, maîtrise la force qui l'habite et le pousse à écrire. ;o)
Commenter  J’apprécie          272
Etrange, étrange Berbey d'Aurevilly, tantôt pieu dévot, tantôt dandy fêtard ! Un dualisme que l'on retrouve au coeur de cette oeuvre au croisement de multiples influences. le héros, Ryno de Marigny, est un jeune aristocrate romantique qui semble tout droit tiré d'un poème d'Ossian : haute stature, vaste poitrine et oeil fière… Mais aussi libertin aux innombrables conquêtes. Et voici ce vaillant pris entre deux femmes.

D'un côté, la pure et blonde Hermangarde, qui du haut de ses dix-huit ans, incarne la dernière lueur de noblesse et de beauté jetée par le feu agonisant qu'est la noblesse française. de l'autre, la Vellini, une bâtarde d'hidalgo ayant roulé sa bosse d'un bout à l'autre de l'Europe et connu cents amants ; laide et terne quand son brasier intérieur s'éteint. Mais quand il se rallume, nulle ne peut lutter avec le pouvoir d'attraction qu'elle exerce. Et il le sait bien, puisqu'il en subit l'emprise depuis dix ans !

Et ce dantesque combat du bien contre le vice, de l'ange contre Lilith… Fait l'objet d'un pari général parmi ses amis. Pour corser le tout, et rompre la linéarité de l'histoire, certains passages-clés sont racontés par le biais d'un truchement : le vicomte de Prosny, antique aristocrate décavé passé par tous les régimes et toutes les époques avec la même indifférence et le même appétit, a courant de tous les ragots, et courtisan la même belle depuis soixante ans. Et celle-ci n'aime rien tant que connaître les derniers développements de l'affaire.

Un esprit fantasque ne manquerait pas de comparer ces protagonistes à la personnalité de Barbey d'Aurevilly lui-même. Hermangarde, c'est sa foi, son idéal et son désir de pureté fait chair. La Vellini, c'est le « Sardanapale d'Aurevilly » qui sommeille en lui, comme le surnommaient ses amis, jeté dans toutes les débauches et enchainant les passades. Et ces deux aspects antagonistes se combattent dans le coeur du beau, du mirifique et héroïque don Juan qu'est Ryno de Marigny dans lequel il s'idéalise… Même si son véritable portrait est plus proche du vicomte de Prosny.

En somme, on pourrait l'accuser d'hypocrisie et de bigoterie, s'il n'y avait deux choses. Premièrement, cette ironie féroce qui transforme la lutte entre le bien et le mal en pari sportif. Deuxièmement, son amour de la côte normande et de ceux qui y vivent. le naturel et la tendresse avec lesquels il en parle laisse peu de place au doute : il a fréquenté les pêcheurs et les mendiants, bu le cidre dans les bouges. Et là se révèle peut-être le vrai Barbey d'Aurevilly : rejeton d'une famille de coqs de villages ayant fait l'emplette d'une particule, prédestiné à vivre une vie paisible ente une famille et la gestion de ses terres… S'il n'était monté à Paris.
Commenter  J’apprécie          262
La terrible Vellini triomphera-t-elle du mariage entre Hermangarde de Polastron et Ryno de Marigny? L'ancienne amante, au pouvoir de séduction ensorcelant pourra-t-elle balayer la nouvelle amour, pleine de fraîcheur du beau garçon? N'y a-t-il pas un aspect presque magique dans l'amour et le désir?
Commenter  J’apprécie          40
C'est une histoire d'amour plutôt simple, mais racontée par Barbey d'Aurevilly, elle devient un chef d'oeuvre de style, à tel point que je ne crois pas avoir jamais lu un autre texte si bien écrit.
La belle Hermangarde, petite fille de l'exquise Marquise de Flers, aime Ryno de Marigny et ce dernier le lui rend bien. Mais il a eu avant de se marier une liaison sulfureuse avec La Vellini, une espagnole "Malagaise", laison à laquelle il met un terme, mais que le temps ne parviendra pas à effacer. La Vellini, au contraire d'Hermangarde, n'est pas belle, mais elle a des attraits pour Ryno qu'il ne parvient pas à expliquer. C'est magnifique !
Commenter  J’apprécie          40
J'ai adoré ce bouquin. Portrait de femmes, personnage de Rino, fresque historique et écriture irréprochable.
Commenter  J’apprécie          41
Tout est génial et donc excessif dans cette oeuvre, les caractères, les situations, les passions et le style. Tout y est flamboyant, inégal, jouissif, bref Barbey comme on l'aime, à qui l'on pardonne les "tunnels", les coups de cravache et les outrances. Catherine Breillat a été inspirée par cette vielle maîtresse et en a fait un film à la hauteur de l'oeuvre : superbe, d'une troublante gourmandise.
Commenter  J’apprécie          20
Belle évocation d'un dandy las de ses excès qui va se convertir....
Commenter  J’apprécie          20
Peu connaisse cet auteur. C'est un des écrivains qui écrivent le mieux de par le sens de la phrase, les descriptions, le dialogue de ses personnages. le vocabulaire employé est d'une richesse telle que parfois on relit juste pour le plaisir.
J'ai beaucoup appris par cet auteur qui se compare au talent d'un Baudelaire par exemple ou encore à un Benjamin Constant.
Commenter  J’apprécie          00




Lecteurs (897) Voir plus



Quiz Voir plus

Les titres des œuvres de Jules Barbey d'Aurevilly

Quel est le titre correct ?

Les Ensorcelés
Les Diaboliques
Les Maléfiques
Les Démoniaques

10 questions
46 lecteurs ont répondu
Thème : Jules Barbey d'AurevillyCréer un quiz sur ce livre

{* *}